VIDEOOUSMANE SOW, LE SCULPTEUR DES HOMMES DEBOUT
Paris, 1 déc 2016 (AFP) - Ses sculptures monumentales de guerriers ont fait le tour du monde : figure majeure de l'art contemporain africain, le Sénégalais Ousmane Sow, décédé jeudi à l'âge de 81 ans à Dakar, a magnifié les grands peuples du continent.
"Jamais un gamin ne m'a demandé ce que mes sculptures voulaient dire. Je sculpte des hommes. J'ai tellement peur qu'on ne me comprenne pas, ou qu'on interprète mal ce que je dis, que je parle très directement. C'est la même chose en art", disait Ousmane Sow, du haut de son 1,93 m.
En France, le grand public l'a découvert en 1999 lors d'une rétrospective sur le Pont des Arts à Paris. Ses guerriers Masaï du Kenya, ses lutteurs de l'ethnie Nouba de l'ancien sud-Soudan, ses Indiens d'Amérique, colosses figés dans le mouvement, au regard intense, attirent alors plus de trois millions de personnes.
Né le 10 octobre 1935 à Dakar, le sculpteur n'a "jamais rêvé d'être un artiste", confiait-il en 2009 à l'AFP. "Peut-être cela a été une chance. J'ai fait ça par plaisir".
A l'école, ce fils de comptable se plaisait à tailler de petites figurines dans des blocs de calcaire. Puis il s'est intéressé au fil de fer. Quand il part à 22 ans pour la France, il ne pense pas un instant à en faire un métier.
A Paris, Ousmane Sow a parfois faim et froid. Il fait tous les métiers, puis devient infirmier et finalement kinésithérapeute. Une formation qui lui confère une parfaite connaissance des muscles et de l'anatomie dont il ne cessera de se servir plus tard pour ses créations.
- 'Saut dans l'inconnu' -
Après l'indépendance du Sénégal en 1960, Ousmane Sow revient s'installer dans son pays, avant de monter un cabinet à Montreuil, en banlieue parisienne.
Il sculpte toujours pour son plaisir mais jusqu'à l'âge de 50 ans, détruit ses oeuvres, par manque de place notamment.
Un jour, un ami attire l'attention du Centre culturel français de Dakar sur ces sculptures et celui-ci lui consacre une exposition en 1987. Un succès, et le début d'une carrière fulgurante pour cet homme libre, qui n'a "jamais eu de patron".
Ce "saut dans l'inconnu", il le représenta sur son épée lorsqu'il fut en 2013 le premier Africain à rejoindre l'Académie des Beaux-arts en France en tant que membre associé étranger.
La série des Nouba, inspirée par les photos de Leni Riefenstahl, est présentée à la Documenta de Kassel (Allemagne) en 1992, marquant l'entrée d'Ousmane Sow dans la cour des grands artistes contemporains.
Trois ans plus tard, il expose au Palazzo Grassi, à l'occasion du centenaire de la Biennale de Venise.
Il poursuit son exploration des peuples africains avec "Les Masaï", "Les Zoulous", puis "Les Peuls", avant de s'intéresser aux Indiens d'Amérique à travers la mythique bataille de "Little Big Horn".
Ses sculptures monumentales aux tons bruns-ocres, cet homme massif les crée à partir d'une mixture secrète, macérée pendant plusieurs années et appliquée sur des ossatures de fer, de paille et de jute. Toujours sans modèle.
"La kiné m'a libéré du corps parfait. Je peux me bander les yeux et faire un corps humain de la tête aux pieds", confiait le sculpteur, qui réalisait aussi des bronzes de ses oeuvres.
Ousmane Sow a également exploré la sculpture de grandes figures ayant marqué sa vie - Victor Hugo, de Gaulle, Mandela - et rêvait d'un "Musée des grands hommes".
Au côté de ces personnalités, il voulait voir figurer son père, Moctar Sow, décédé en 1956. "Il m'a appris à avoir une énorme confiance en moi", disait-il.
Sa dernière oeuvre est une tête monumentale de 2 m de diamètre, commande de la République du Sénégal.
Ousmane Sow "emporte avec lui rêves et projets que son organisme trop fatigué n'a pas voulu suivre", a souligné sa famille, précisant qu'il avait fait ces derniers mois plusieurs séjours à l'hôpital à Paris et à Dakar.