ATTENTION, DANGER !
Ça ne se passe pas très bien dans les transports au Sénégal. Le Premier ministre Amadou Ba prend les choses en mains. Mansour Faye, ministre des Transports, se met en retrait. Un signe ? Un signal ?
Ça ne se passe pas très bien dans les transports au Sénégal. Le Premier ministre Amadou Ba prend les choses en mains. Mansour Faye, ministre des Transports, se met en retrait. Un signe ? Un signal ?
Chaque jour apporte son lot d’accidents stupides, de malheur, de blessés graves et de morts atroces sur les routes. Les constats détectent des défaillances humaines : fatigue des conducteurs, défaut de permis de conduire, excès de vitesse ou surcharges des véhicules.
Aucune enquête menée, au double plan technique ou judiciaire, n’a abouti à des carences ou à des manquements imputables aux marques, aux propriétaires ou aux gestionnaires devant pousser le gouvernement à retirer ou à suspendre des licences d’exploitation. L’essor des infrastructures et leur probable interconnexion dans le futur devraient hisser la mobilité à une nouvelle échelle de complexité.
D’ordinaire, la fréquence des accidents incite les autorités à retirer de la circulation les marques et les types de véhicules impliqués, le temps de déceler les causes et d’interpeller les constructeurs. Voit-on le Gouvernement du Sénégal convoquer à Dakar les responsables de Général Motors, Fiat, Renault, Nissan, Peugeot ou Hyundai qui se targuent de détenir d’avantageux indices de fiabilité ? Circulez…
Les acteurs actuels, mal préparés à ces nécessaires transformations structurelles, récusent toute idée de changement qui serait pour eux et selon eux, synonyme de mort programmée. Et pourtant sur les routes, ces refus ont pour conséquence des tragédies humaines avec des éclopés pour la vie, des handicapés qui, hier seulement, étaient des actifs en pleine possession de leur intégrité physique.
Des propriétaires à courte vue, des syndicalistes agités et des souteneurs de mauvaise foi prennent en otage des millions d’usagers dont l’exaspération n’a d’égale que leur impuissance. Rien qu’à voir la litanie des mesures et le socle revendicatif des transporteurs, l’on mesure le fossé qui nous sépare de l’impérative adaptation de notre système routier.
Certes, il se modernise et s’étend. Mais le parc de véhicules ne suit pas la tendance lourde. Au contraire, il s’enlise dans la vétusté, la médiocrité malgré l’existence d’opportunités incitatives. Pourquoi jusqu’à ce jour, les conclusions des enquêtes n’ont pas été portées à la connaissance du grand public ?
Le ridicule de notre situation, ajouté aux agissements puérils qui s’observent, entremêle l’irresponsabilité et l’indifférence au sein de sempiternelles discussions. Quand un pays fait face à une série ininterrompue d’accidents aussi spectaculaires que mortels, il y a lieu d’examiner et les fréquences et les effets répétitifs de même que les marques de fabriques en interpellant à haute et intelligible voix les maisons concessionnaires.
Mais là pointe une difficulté majeure : nombre des bus en circulation sont « hors normes » et « hors sols ». Une fois débarqués sur terre sénégalaise, cette terre d’exception, ils subissent d’ahurissantes modifications qui laissent pantois les ingénieurs de conception.
Nos mécaniciens sont de braves gens, il est vrai. Souvent, ils sortent de leur zone de « confort » pour entrer dans une filandreuse zone « d’incompétence » plus risquée parce qu’aléatoire et, de mésaventures en déboires, ils finissent par nous « sortir de leur usine » des monstres roulant à l‘origine des hécatombes recensées.
Autre curiosité : qui certifie que de tels bus modifiés sont « aptes » à la circulation ? Pire, qui atteste que ces mêmes bus ont souscrit des polices d’assurances auprès de professionnels aguerris et assermentés ? Pour peu, on pointerait une irresponsabilité collective de services de contrôle dédiés à ces tâches routinières. Ces faits irréfutables pullulent dans le secteur mal assaini des transports où tout et son contraire se côtoient dans un indescriptible désordre.
Ainsi la bataille de l’ordre doit être engagé sans faiblesse aucune. Car le secteur est en berne. Sa richesse se réduit, de même que sa grandeur. Le pays vit dans un bruit de fond qui le vide de toute cohérence de projet collectif, à savoir une nation. La cupidité colonise les esprits, désormais.
Les transports sont à l’économie ce que sont les vaisseaux sanguins dans un corps. Ils irriguent les métiers et les échanges par la mobilité et entretiennent un flux intensif de marchandises et de produits bruts, finis ou semi finis. Ils sont porteurs de croissance saine par les plus-values engrangées, pourvu simplement que l’assainissement et la stabilité soient au rendez-vous. Les vies et les modes de vie changent en même temps que les services, les achats, les consommations et les déplacements. La mobilité s’érige en art. Presque…
En écho à ces ajustements, les pouvoirs publics doivent cesser de piloter les allocations budgétaires à coups de rabot. Les transports vivent ces restrictions de dépenses en reportant les charges afférentes sur les transporteurs qui, sans se faire prier, esquivent en les répercutant à leur tour sur les tarifs.
Le gouvernement, qui brandissait le social comme son « trophée de conquête », s’agace des hausses annoncées. Pour l’heure, il ne trouve pas de parade à ce défi des transporteurs de déserter les routes, quitte à amplifier le malaise ambiant né des traumatismes causés par les nombreux cas d’accidents enregistrés. La tourmente dure et perdure.
De ce fait, le pays reste suspendu à des négociations sérieuses qui doivent s’articuler autour de la sécurité et de la sureté avant toute recherche de gains. La sauvegarde des vies humaines est une priorité absolue devant laquelle toute autre prétention doit s’estomper. Une fois ce principe intangible avancé, tout le reste peut faire l’objet de concession ou de consensus sur fond d’un réalisme partagé par les acteurs et les opérationnels.
La route, faut-il le rappeler, est une composante des transports qui englobent le rail, la mer, les fleuves et l’aérien. L’efficience a pour finalité de rendre effective la jonction des lignes et des réseaux (ferroviaires, maritimes et aériens) sans rupture de mobilité (et de charge) pour les voyageurs et les biens. Cette perspective fait appel à une élévation du niveau de conscience pour comprendre que les enjeux de demain ne s’encombrent pas des « petits intérêts » d’épicier.
Le corporatisme a asséché la créativité et le dynamisme dans ce secteur stratégique et névralgique à la fois. Les gros porteurs qui nous arrivent de la Mauritanie, du Mali et du Burkina achèvent de faire comprendre que ces pays de l’hinterland ouest-africain ont réalisé un saut qualitatif dans l’acquisition de moyens roulant de qualité.
Pour avoir subi dans le passé beaucoup de tracas routiers, ils ont alerté les régulateurs de l’intégration qui ont fini part imposer à Dakar des injonctions assorties de pénalités. Un lien noue notre économie à cet ensemble régional d’intégration. La faible visibilité de notre économie des transports traduit un manque de compétitivité de la logistique sénégalaise.
Celle-ci a encore de gros progrès à accomplir pour être à hauteur des concurrents sous régionaux dont certains affichent déjà des ambitions de champions. Ces accidents à répétition trahissent le projet d’émergence dont se vantent les autorités qui s’aperçoivent qu’une telle faiblesse abîme des volontés.