DE DAKAR À PARIS, LA RÉVOLTE DES JEUNES CONTRE LES INÉGALITES SOCIALES, L’INJUSTICE ET LA VIOLENCE INSTITUTIONNELLE D’ÉTAT
Les régimes néocoloniaux d’Afrique ne sont compétents que pour copier, non pas les quelques aspects positifs de gouvernance, mais plutôt ce qu’il y a de pire dans les pratiques politiques de leurs maitres impérialistes
Des nuits successives de révoltes et d’émeutes dans les banlieues de la région Paris Île-de-France, s’étendant à plusieurs quartiers populaires défavorisés d’autres régions et grandes villes de France ! Les plus de 50 000 policiers et gendarmes mobilisés peinent à venir à bout de la colère légitime causée par le meurtre, perpétré de sang- froid à Nanterre, sur un jeune adolescent de 17 ans, Nahel, accusé de « refus d’obtempérer » à l’occasion d’un contrôle routier !
Marches blanches et surtout plusieurs nuits de manifestations marquées par des affrontements avec les forces de répression, ayant entrainé des attaques et des dégradations de bâtiments administratifs, d’écoles, de pharmacies, de prisons, de commissariats, de banques, de commerces divers avec denrées et produits emportés, etc. Mutatis mutandis, on se croirait à Dakar lors des soulèvements de mars 2021 ou de juin 2023 ! Peut-être même qu’entre temps, les fameuses « forces occultes » et autres « terroristes salafistes » pointés du doigt par le ministre sénégalais de l’Intérieur, introuvables dans notre pays on dirait depuis mars 2021, ont dû quelque part être prêtés aux jeunes manifestants des banlieues et autres quartiers défavorisés de France !
Quel est donc le fil d’Ariane qui relie Dakar à Paris ? Face aux vagues déferlantes de jeunes, le président de la République du Sénégal en 1988, avait fustigé « la jeunesse malsaine » avide de changement et debout contre les fraudes électorales. Nicolas Sarkozy quant à lui, alors ministre de l’intérieur français en 2005 et futur président, traitait en 2005 la jeunesse des banlieues de « racaille, vendeurs de drogue et voleurs de voitures » !
Le 8 mars 2021, suite aux émeutes déclenchées par le complot d’Etat ourdi contre le leader de Pastef, Ousmane Sonko, le président Sall s’adressait ainsi, les yeux dans les yeux, d’une part à la jeunesse du Sénégal: « je vous ai compris », à toute la Nation d’autre part : « de tels évènements ne se reproduiront plus » ! Nous venons de voir en direct, plus douloureusement encore, ce qu’il en est advenu ! Macron et son gouvernement ont eu au moins une réaction rapide consistant à arrêter et à inculper pour « homicide volontaire » le policier ayant tiré sur le jeune.
Nahel. Comme on le constate, les régimes néocoloniaux d’Afrique ne sont compétents que pour copier, non pas les quelques aspects positifs de gouvernance, mais plutôt ce qu’il y a de pire dans les pratiques politiques de leurs maitres impérialistes ! Le fil d’Ariane, le dénominateur commun des crises en cours au Sénégal et en France, ne sont en réalité rien d’autre que les tonneaux sans fond des inégalités sociales, du chômage, de la précarité, des injustices flagrantes et de la violence institutionnelle d’État. Autant de fléaux sociaux devenus insupportables, surtout face aux profits prodigieux accumulés par les multinationales du Nord comme en France, et aux milliards des richesses insolentes des prédateurs du Sud, comme au Sénégal. L’élimination de tels fléaux passera, il faut s’en convaincre, non par quelques saupoudrages, réformettes, faux dialogues, artifices constitutionnels du type Article 49-3, mais plutôt par de vraies solutions courageuses, structurelles et durables au service de l’intérêt général, l’intérêt premier des peuples, une véritable alternative de rupture en d’autres termes.
Le temps est venu, pour chacun et chacune, d’assumer clairement ses responsabilités. Passons sur l’utilisation des couleurs du drapeau national ou du Palais de la République, à des fins de politique politicienne partisan ; si un responsable de Pastef, de Yewwi ou F24, s’était permis d’appeler des maires et présidents de départements à prendre d’ores et déjà « toutes dispositions fermes et appropriées pour faire face à des fauteurs de troubles venant s’attaquer aux biens publics et privés du ressort de leurs collectivités territoriales », que de cris d’orfraie aurions-nous alors entendus de prétendus démocrates, républicains et autres défenseurs de l’État de droit … contre des ‘’appels irresponsables à la guerre civile’’?!
Alors encore une fois, que chacun-e prenne ses responsabilités, avec vigilance, détermination et clairvoyance. Outre nos juridictions nationales propres, en vertu des dispositions de la Cour pénale internationale ainsi que du principe de la Compétence universelle, les violences contre les populations civiles de même que les crimes contre l'humanité, qu’ils aient été commis au Sénégal, en France ou ailleurs, ne pourront jamais être passés en simples pertes et profits.
Attention donc car, comme le prédit l’adage, rira bien qui rira le dernier !
Madieye Mbodj est vice-président de Pastef, chargé de la vie politique nationale