HABEMUS STADIUM
Macky a dû s’endormir satisfait d’avoir offert du rêve à des milliers de Sénégalais, en attendant que les enseignants en colère ne viennent nous rappeler à la réalité de vie compliquée d'une partie de notre jeunesse
« Je n’ai pas l’ambition d’être un monument ou un stade… J’ai l’ambition d’être dans le cœur des gens ». Fidel Castro
Rares sont les moments durant lesquels les Sénégalais partagent ferveur, unité et émotions, et il convient d’apprécier ce qui s’est passé ce mardi 22 février à Dakar, à l’aune d’un mois de février particulièrement disposé dans un parfait alignement des planètes porteuses de bonheurs. D’ailleurs, l’inauguration du stade du Sénégal, avait des parfums et des allures « d’Aftercan », et il aurait été étonnant, voire naïf, que l’on ne cherche pas à surfer sur cette vague porteuse de…popularité. Montrer à Paul Kagamé qu’il n'est pas le seul chef d’État africain à pouvoir se balader devant son peuple sans crainte des broncas et des huées, fut pour Macky Sall un plaisir de fin gourmet politique, qu’il ne s’est pas privé d’apprécier.
L’objet qui doit devenir l’écrin de nos nouvelles ambitions sportives nationales et qui doit y préserver tous leurs éclats comme autant d’exploits, a été dignement et fastueusement inauguré et dévoilé avec maestria au monde entier. Ne boudons pas notre plaisir, la fête fut belle. Elle fut populaire, participative et généreuse.
Malgré une organisation hésitante, et une animation parfois brouillonne à son entame, l’inauguration de ce joyau, ce mot n’est pas galvaudé, prit très vite de la hauteur et se mit à niveau de la présidentialité qu’exige un tel évènement offert au monde par notre pays, le Sénégal. Depuis l’OCI, le sommet de la Francophonie, et autres grandes rencontres, nous avons montré que nous savions faire et dérouler notre art du protocole. Et c’est un fort symbole que cette cérémonie ait été protocolairement dirigée et pour la dernière fois, par Cheikh Tidiane Sall, qui n’aura eu en 62 ans que 4 prédécesseurs à cette honorable et délicate fonction de chef du protocole. Les qualités d’hommes comme André Coulbary, Cissé Diarmeo, Cheikh Lèye et Bruno Diatta ont pu s’exprimer à travers les règles et coutumes d’un État stable politiquement, aux mœurs apaisées, gages de continuité institutionnelle, rareté sous nos latitudes africaines.
Le ballet des chefs d’États réglé comme sur du papier à musique, menant ceux-ci vers leur hôte, qui les a accueillis avec sourires et simplicité, avait une image positivement panafricaine. Georges Weah, du Libéria, le président de la République d’Allemagne Frank-Walter Steinmeier, de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, du Rwanda, Paul Kagamé, de la Gambie, Adama Barrow, de la Guinée-Bissau Umaro Sissoco Embaló, mais aussi des dirigeants sportifs dont Gianni Infantino, président de la FIFA et Patrice Motsepe, président de la CAF, ont su par la satisfaction qui se lisait sur leurs visages, donner à cette inauguration un côté définitivement festif, en communion avec ces milliers de jeunes qui avaient répondu à l’invitation à en faire une fête et rempli le stade jusqu’à la gueule.
Ce n’est pas un hasard, s’il est revenu au président du Comité National Olympique et Sportif, Mamadou Diagna Ndiaye, de faire prendre à cette cérémonie la hauteur requise, délivrant avec éloquence et élégance, une allocution qui remit sport et valeurs olympiques au cœur de cette réalisation qui n’a rien de « pharaonique éléphant blanc ». Devant une affluence attentive, Diagna, comme son humilité permet de le nommer, déclara que : « l’excellence et l’exemplarité, voilà les deux boussoles qui sont au fondement de l’idéal du sport et de l’olympisme. C’est la raison pour laquelle je suis d’avis qu’en vérité ces valeurs de référence sont les véritables juges de paix, et en quelque sorte, les arbitres de nos élégances sportives ». Redonnant au sport toute sa mission, il dit aussi : « Lorsque j’entends dire que c’est l’ascenseur économique qui nourrit le social… je réponds que vous avez raison… mais je rajoute toujours que l’ascenseur sportif à l’avantage de permettre les deux », félicitant dans un sourire complice le président Macky Sall, en ces termes : « Assurément, si la mise en œuvre de réalisations sportives était une discipline, vous seriez médaillé olympique, monsieur le président de la République ».
Vint alors le tour des dirigeants sportifs, Gianni Infantino, président de la FIFA et Patrice Motsepe, président de la CAF de dire leurs joies et à l’instar du premier de faire monter les décibels, en vrai chauffeurs de salles, comme pour tester avec les Sénégalais, ce que devra être dans cette nouvelle enceinte, le niveau sonore nécessaire pour déstabiliser les Égyptiens le 29 mars prochain et envoyer nos Lions au Mondial du Qatar.
Le président de la République, Macky Sall, pouvait alors venir, presque en douzième Gaïndé, recueillir son plein de gloire et de satisfaction populaire en dévoilant son stade. Il remercia, bien entendu le pays maître d’œuvre, la Turquie et son président Erdogan, auquel il aurait pu suggérer quelques notions de RSE, pour que l’école élémentaire de Diamniadio 4 à Nguinth, à 3 kms du stade ne soit pas faite de paille, et perdue dans un insalubre terrain vague, ce que savent faire, politiquement incorrect de le signaler, des entités comme Orange, Total, Eiffage, ou la CSS à Richard Toll. Pour ce prix-là, on aurait pu le demander non ?
Puis vint le moment où il fut officiellement dévoilé le nom que portera ce bijou architectural : stade Abdoulaye Wade. De voir tout l’entourage du président applaudir le nom de celui qu’ils avaient copieusement traité de tous les noms d’oiseaux il y a juste 10 ans, rappelait aussi que nous aimons célébrer ceux que nous avons brûlés auparavant, comme donner à notre aéroport international, le nom de Blaise Diagne qui a toujours sa sépulture sur un trottoir de la corniche, à côté de laquelle des jeunes jouent au football, sous prétexte qu’il aurait pu être…franc-maçon.
Mais on ne va pas chipoter pour cela, comme on ne va pas se désoler du fait d’avoir nommé son épouse Marième Sall juste après avoir remercié ses hôtes présidents, et avant d’autres dirigeants institutionnels. Quel beau geste d’amour vraiment, qui témoignait juste de son bonheur d’être là en communion avec son peuple, peuple qui put savourer d’anciennes gloires du football, qui livrèrent un spectacle qui a même permis à Kalidou Fadiga de faire oublier ses acerbes critiques sur le travail d’Aliou Cissé, en étant le premier à secouer les filets du stade Abdoulaye Wade. Décidemment, tout faisait sens. Et le superbe spectacle de sons et lumières, de haute facture, qui vint couronner cette belle soirée démontre que, comme l’écrit le Docteur Oumar Diallo, « Le Sénégal n’est jamais aussi grand que lorsqu’il se donne en exemple au monde. Ce fut le cas le 22 février 2022 au stade Me Abdoulaye Wade ».
Habemus Stadium… Macky Sall a dû s’endormir en état de douce félicité, satisfait d’avoir offert du rêve à des milliers de Sénégalais, en attendant que les enseignants en colère, et les mauvais coucheurs ne viennent nous rappeler aux principes de réalité, et de vie compliquée pour une bonne partie de notre jeunesse, qu’on ne pourra pas toujours demander à Sadio Mané et à sa bande, de nous masquer. Le sevrage d’opium du peuple est par nature toujours difficile et par essence imprévisible.