LE COUP DE MAÎTRE DE « BIYA L’ENTRAINEUR »
Éliminé dès le premier tour, le Cameroun ratait sa Coupe d’Afrique des nations de 1990. Son attaque jugée inefficace. Il fallait une solution en vue de la Coupe de monde en Italie.
« Les tits-pe sont déchaînés/Tous en place sur le corner/Roger Milla/Danse comme Roger Milla… », chante Mohammed Sylla alias MHD dans un tube sorti en 2016. Ce rappeur est né en 1994. L’année où Roger Milla disputait sa dernière Coupe du monde à l’âge de 42 ans et devenait le joueur le plus âgé à inscrire un but dans l’histoire de cette compétition. C’était contre la Russie. Un record honoré par la Fifa jeudi dernier au Qatar. Ainsi, le football apporte des souvenirs inoubliables. Milla dansait le Mokassa sur les points de corner des terrains de football. En 1990, il était Soulier de bronze de la Coupe du monde. Grâce à lui, auteur de deux doublés contre la Roumanie (2-1) en phase de poules et contre la Colombie (2-1) en huitièmes, le Cameroun signait la première qualification d’un pays africain pour des quarts de finale du Mondial. Un coup de maître du président Paul Biya. Il avait réussi à le tirer de sa retraite. Roger avait mis fin à sa carrière internationale et organisé son jubilé en 1988.
Éliminé dès le premier tour, le Cameroun ratait sa Coupe d’Afrique des nations de 1990. Son attaque jugée inefficace. Il fallait une solution en vue de la Coupe de monde en Italie. Des assises convoquées en mars et présidées par le secrétaire général de la présidence. La sélection de Roger Milla imposée. Une difficile intégration sur laquelle l’intéressé s’était expliqué : « Je suis arrivé le dernier avec Nkono (…). Un complot avait été mis en place. C’était très dur à vivre. Le ministre des Sports avait tenu une réunion avec les autres joueurs pour me fracasser ! Le sélectionneur ne me parlait pas. Je ne parlais à personne (…), mais j’étais respectueux. J’ai continué à travailler, avec cette méchanceté qui m’entourait. Tout a changé lors des matches amicaux. Dans les moments sérieux, on voit les gens sérieux et j’ai marqué presque tous les buts. Le sélectionneur m’a alors tout dit. Il avait des consignes et il était très fier de mon travail car je lui avais prouvé que j’étais le meilleur. Le ministre qui voulait me virer est venu me voir pour dire qu’il me donnerait une prime de 200 000 francs CFA à chacun de mes buts… Il n’en était pas question. Je jouais pour mon pays. On dit souvent que quand vous êtes un génie, vous le restez. (…) Et j’ai vu que les gens qui étaient contre moi au départ, dans l’équipe, étaient les premiers à me féliciter. Après la Colombie, des jeunes sont venus me voir dans ma chambre et s’excuser (…). »
Quelles déesses ont soufflé sur leur vie
La dernière Coupe du monde de Roger Milla était celle de l’exclusion du « gamin en or » de la compétition. Diego Maradona, de retour de grâce en sélection, était contrôlé positif à l’éphédrine. Empêtré dans des affaires de stupéfiants « El pibe de oro » n’était plus ce dieu dont la main punissait l’Angleterre en quarts de finale de la Coupe du monde de 1986. Le ballon rebondissait « gauchement sur le pied du coéquipier du pibe, le défenseur anglais Steve Hodge, dépassé par la vitesse de l’échange, renvoie en cloche la balle à son gardien. C’est alors que surgit le petit Maradona à hauteur des gants du géant Peter Shilton pour effleurer, en tendant son bras gauche, le ballon de la main et l’amener au fond des filets britanniques. (…) L’arbitre tunisien Ali Bennaceur, n’ayant pas vu la main de l’Argentin, valide ce premier but. (…) Trois minutes plus tard (…), Maradona démarre en trombe une folle chevauchée depuis le milieu du terrain et dribble avec fulgurance une demi-douzaine de joueurs anglais aussi débordés qu’affolés pour inscrire un magnifique second but synonyme de qualification de l’Argentine en demi-finale… ».
Maradona naissait quand Milla signait sa première licence. Leur destin en a fait des légendes. Leur aura chantée. Comme avec le roi Pelé qui étalait ses merveilles quand Roger s’essayait au ballon. Les mêmes déesses n’ont pas soufflé sur leur vie. Edson Arantes do Nascimento, « fils d’un ancien joueur qui a dû abandonner sa carrière suite à diverses blessures, il aurait juré en voyant pleurer son père le jour du Maracanaço de remporter une Coupe du monde en son honneur ». Chez lui, le football n’est pas un simple jeu. Mais « une profession à part entière, un statut pour s’échapper du déterminisme social et racial de la société brésilienne. Il passe alors l’ensemble de ses heures libres à s’entraîner afin de devenir un athlète complet ». Lors de sa première Coupe du monde, le psychologue de l’équipe nationale, João Carvalhaes, le jugeait « incontestablement infantile. (…) Il lui manque l’esprit de combat nécessaire et il ne possède pas le sens des responsabilités indispensable à tout jeu d’équipe ». Il survolait cette compétition qu’il débutait comme remplaçant.