LE PRIX DE LA RECONQUÊTE DE L'AFRIQUE
À Paris, l’on a du mal à admettre que le passif à assumer est un tout, lourd. Et qu’il serait peut-être plus utile, dans l’immédiat, de faire profil bas, pour repenser sérieusement une relation saine avec ce continent
Il a eu beau multiplier les concessions et les bonnes intentions, le chef de l'État français peine à enrayer la dégradation de l'image de son pays en Afrique. Comme si la politique africaine de la France était tellement dépréciée qu'elle ne peut plus être réformée. Pour espérer reconquérir une opinion ouvertement hostile, il va falloir changer, radicalement, pour une politique lisible, à Paris. Avec des principes immuables, quels que soient les latitudes et les interlocuteurs.
« Ce n’est pas le discours d’Emmanuel Macron qui va changer notre destin. » Ainsi réagissait un leader du Balai Citoyen (la société civile burkinabè), à la suite des nouvelles orientations de la politique africaine, annoncées par l’Élysée, en prélude à la tournée qui s’achève ce samedi 4 mars. Les réactions contrastées à ce discours signifieraient-elles que l’exercice n’est pas réussi ?
L’on pourrait aussi bien se demander s’il était seulement indispensable. Certes, l’image la France est quelque peu malmenée dans l’opinion, ces derniers temps, en Afrique. Mais, en septembre dernier, Emmanuel Macron faisait déjà du désamour affiché par les opinions africaines à l’égard de son pays une lecture suggérant que ces attaques pouvaient résulter de manipulations orchestrées par un « narratif, russe, chinois ou turc », sur les réseaux sociaux. Ce discours, à peine six mois plus tard, donne l’impression que la France, en Afrique, est sur la défensive, sinon acculée, en panne de diagnostic.
Dans les manifestations hostiles à la France, on aperçoit régulièrement quelques drapeaux russes, en effet, et l’on entend certains esprits suggérer que la Russie et les mercenaires de Wagner pourraient constituer une réponse à ce que les populations n’acceptaient plus de la France. Il suffit pourtant d’écouter la partie la plus éclairée de l’opinion, pour comprendre que le rejet dont la France peut être l’objet n’a rien à voir avec une Russie qui, du temps de l’Union soviétique, a largement fait la preuve de son incapacité à sortir quelque pays africain que ce soit du gouffre. Éthiopiens, Guinéens, Béninois et autres Maliens pourraient en témoigner.
Les Russes, les Chinois, et même les Turcs disparaitraient du paysage, que les pays africains ne fondraient pas pour autant dans les bras de la France. À Paris, l’on a du mal à admettre que le passif à assumer est un tout, lourd. Et qu’il serait peut-être plus utile, dans l’immédiat, de faire profil bas, pour repenser sérieusement une relation saine avec ce continent, en évitant de nouvelles erreurs, qui mettraient en doute la sincérité des bonnes intentions proclamées.