LE TROISIÈME MANDAT POURRAIT BRÛLER DES DÉCENNIES DE DÉMOCRATIE
Dans la crispation autour du 3e mandat, il faut certes y voir l’appât du pouvoir mais il faut aussi y voir la peur rationnelle qu’a Macky Sall de finir devant les tribunaux pour ses propres turpitudes, celles de ses ministres ou de sa belle-famille
Le Sénégal célèbre ce mardi 4 avril le 63e anniversaire de son indépendance. Mais la fête nationale n’a jamais autant cristallisé les tensions politiques, à leur paroxysme dans un pays réputé pour sa stabilité et son modèle démocratique vieux de plusieurs décennies. La coalition de l’opposition a coupé les ponts avec le pouvoir en qui elle ne voit que dérives autocratiques, pratiques liberticides, répressions, brimades et violations des droits humains. Les opposants ont donc pris la décision de boycotter les festivités de ce 4 avril alors que le président Macky Sall les a conviés. On n’a pas vu une telle fièvre depuis 2011, quand le président Abdoulaye Wade voulait tripatouiller la Constitution pour y greffer la vice-présidence, changer l’ordre de succession et mettre sur orbite son fils. Les mêmes causes – ou presque – reproduisent les mêmes effets…
Il s’est mis la corde au cou
La Constitution, encore elle et les élections de 2024… Dans un pays très politisé où les jeunes se mobilisent fortement, militent, manifestent à tour de bras et votent massivement tout le monde ne parle que du troisième mandat qu’on prête à Macky Sall. Théoriquement la Constitution le lui interdit formellement, ce même texte qu’il a lui-même modifié dès son arrivée au pouvoir en 2012, conformément à sa promesse de campagne.
Pourtant le président a dernièrement argué de son droit à briguer un deuxième mandat en vertu du principe universel de non-rétroactivité. En gros puisque la Constitution a été modifiée durant le premier mandat ce dernier n’est pas comptabilité. Sauf que cette disposition n’a pas été explicitement mentionnée, par ailleurs Sall s’est mis la corde au cou en déclarant publiquement qu’il ne fera que deux mandats…
L’actuel président n’a pas fait que ça, il a aussi ramené le mandat de 7 ans à 5 pour, disait-il à l’époque, tarir la source des dérives monarchiques que l’opposition reprochait au président sortant battu dans les urnes. Ces changements majeurs étaient censés clore définitivement les remous sanglants qui ont émaillé la fin de règne du “bâtisseur” Abdoulaye Wade, à qui le Sénégal doit son sursaut économique et des infrastructures de premier plan.