MADAME LE PEN, VOUS N’ÊTES PAS LA BIENVENUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Vous incarnez des idées qui vont à l’encontre de nos valeurs cardinales, et nous ne sommes pas dupes de votre jeu politique. Vous êtes dans la ligne politique foccardienne de maintien des liens néocoloniaux
Le Sénégal est un pays d’hospitalité. Nous disons en wolof « rew teranga ». Nous sommes une nation respectueuse des différences, enracinée dans notre culture tout en étant ouverte sur le monde. Nous espérons l’avènement de la civilisation de l’universel que le premier président de notre République, Léopold Sédar Senghor, a nommée le « rendez-vous du donner et du recevoir ». Cela étant réaffirmé avec force, nous sommes au regret de vous dire que vous n’êtes pas la bienvenue chez nous. Nous le disons parce que vous incarnez des idées qui vont à l’encontre de nos valeurs cardinales, et que nous ne sommes pas dupes de votre jeu politique.
Vous et votre parti, depuis plusieurs décennies, n’avez cessé de stigmatiser les immigrants et les musulmans. Vos discours xénophobes rendent la vie de nos concitoyens établis dans votre pays difficile. Vous avez fait d’eux les responsables de toutes les difficultés que connaît votre pays. Vous avez suscité chez nombre de vos concitoyens les instincts les plus vils contre tous ceux qui semblent différents d’eux par la couleur de la peau, la pratique cultuelle ou l’accent… Vous êtes la vitrine de tous ceux qui appellent au boycott du film « Tirailleurs » d’Omar Sy. Le portefeuille des immigrants est une de vos marottes. Vous proposez régulièrement de bloquer leurs transferts d’argent à leurs familles pour punir les États qui refusent de rapatrier les clandestins. Vous divisez les citoyens entre eux, semez la confusion avec discours biaisés. Vous incarnez la caution idéologique de toutes les régressions sociales. Vous personnifiez un incroyable piège dans lequel les Sénégalais et les Africains ne tomberont pas !
Votre voyage au Sénégal, si l’on en croit les mots du quotidien français l’Opinion du lundi 16 janvier 2023, est une étape dans votre préparation à « l’exercice du pouvoir ». Dans ce même journal, vous dégagez dans une tribune les objectifs de votre visite, les thèmes à aborder et les endroits où vous irez. Vous promettez de changer la nature de la relation avec notre continent en général et notre pays en particulier. Nous ne croyons pas un traître mot de votre discours. Ce n’est qu’un écran de fumée pour cacher le fond de votre idée de relation franco-africaine : vous êtes dans la ligne politique foccardienne de maintien des liens néocoloniaux. Vous vivez dans la nostalgie de temps qui ne reviendront pas car tout a changé : le monde, l’Afrique, le Sénégal, les Africains et les Sénégalais eux-mêmes. Votre visite aux Forces françaises au Sénégal et les arguties sur les opérations extérieures montrent à souhait que vous êtes pour la perpétuation du militarisme franco-africain[1], instrument de domination et de répression des aspirations démocratiques des peuples africains.
Dans votre tribune, à l’instar de l’essayiste Loup Viallet, auteur d’un livre à la gloire du franc CFA et connu pour ses saillies racistes, vous estimez que la zone CFA assure la « stabilité et l’intégration régionale », ce qui est absolument faux. L’utilisation du franc CFA n’a pas permis d’amorcer la transformation sur place de matières premières et encore moins favorisé les échanges entre économies de la zone franc. Son utilité est d’offrir la possibilité aux multinationales et aux bourgeoisies compradores africaines de rapatrier facilement des capitaux en Europe. Avec cette monnaie, le rôle de « garant » de la France lui donne un rôle de « gendarme » qui permet sa mainmise sur les économies de ses anciennes colonies[2]. Voilà ce que vous ne voulez pas changer puisque pendant le débat sur la pseudo réforme du franc CFA à l’Assemblée nationale française, vous et les députés de votre parti ne vous êtes jamais fait entendre.
Le 2 février 2022, lors de la malheureuse dégradation des relations diplomatiques entre la France et le Mali et l’expulsion du Mali de l’ambassadeur français vous avez été sur une ligne extrêmement brutale exigeant des mesures de rétorsion contre le Mali, pénalisant directement la population. Vous avez alimenté la surenchère. Aujourd’hui, 70 projets de développement, en cours ou programmés par les ONG au Mali, sont arrêtés au détriment des Maliennes et Maliens les plus fragilisés
Madame Marine Le Pen, vous n’avez pas nos salutations.
Dr Mohamed Ly est membre du Comité central du Parti de l’indépendance et du travail (PIT-Sénégal) ;
Dr Félix Atchadé est à la coordination de France du Parti de l’indépendance et du travail (PIT-Sénégal).
[1] Atchadé, F (2021) Sahel : Le militarisme franco-africain en échec. Fondation Rosa Luxemburg
https://rosalux.sn/sahel-le-militarisme-franco-africain-en-echec/
[2] Pigeaud, F., & Sylla, N. S. (2018). L’arme invisible de la Françafrique : Une histoire du franc CFA. La Découverte.