MARINE LE PEN AU SÉNÉGAL, COMME LE TITRE D’UN MAUVAIS ROMAN
On est en droit de se demander quelle leçon de géopolitique, Le Pen, en fine stratège, entend dispenser ici. La discrétion et le secret qui ont entouré l’organisation de ce déplacement de trois jours à Dakar, démontre son caractère périlleux et incongru
La cheffe de l’opposition française, connue pour ses positions radicales sur la question de l’accueil des étrangers en France, est donc en Afrique ! Nous avons tous encore à l’esprit les mots, en novembre dernier du député du Rassemblement National, insensible aux drames de l’immigration clandestine, qui a lancé en plein Hémicycle : « qu’ils retournent en Afrique ». Difficile aujourd’hui d’arguer d’une volonté de dialogue et de coopération renouvelée !
La lutte contre l’immigration est ancrée dans l’ADN de la famille Le Pen, de père en fille en passant par la nièce, tous en ont fait leur fonds de commerce politique. La candidate malheureuse des dernières élections présidentielles françaises, qui a habilement enrobé son discours dans une forme de lutte pour le pouvoir d’achat, ne trompe personne. Dépourvu d’humanité, son programme en 2022, proposait, notamment : de réserver les aides sociales aux Français, de conditionner les prestations de solidarité à 5 ans de travail, d’instaurer la priorité nationale pour l'accès au logement social et à l'emploi et de mettre fin au regroupement familial. Alors même que les immigrés contribuent à l’économie française.
Bon nombre de Sénégalais seraient ravis de lui rendre la pareille. De prendre un vol pour Paris, exposer également leur vision de cette relation franco-sénégalaise ou plus largement parler de ce que devrait être ce new deal entre l’Afrique et l’Europe. Hélas, la politique française en matière de visas, largement durcie ces dernières années par la montée des extrêmes droites, fait que ce ne sera pas possible. Qu’il est loin le temps des Tirailleurs, Mme Le Pen !
Si aujourd’hui, Marine fait les yeux doux au Sénégal, elle n’en est pas à son coup d’essai. Déjà en avril 2017, la candidate déclarait en marge d’un meeting : « si je suis élue présidente, j’influerai pour qu’un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies soit attribué au Sénégal, pays sage et respecté de la grande Afrique ». Quelle finesse d’analyse, il y a donc les pays « sages » et les autres !
La discrétion et le secret qui ont entouré l’organisation de ce déplacement, de trois jours à Dakar, démontre le caractère périlleux et incongru d’une telle démarche. Cette visite dans le pays qui porte encore, quelques semaines, la présidence de l’Union Africaine, est en vérité, embarrassante et sera bien évidemment totalement improductive.
Alors que le coût des discriminations pour la société française est de 150 milliards d’euros par an (Rapport France Stratégie – 2016), le RN continue, contre toute logique, de plaider pour la préférence nationale ! On est en droit de se demander quelle leçon de géopolitique, Mme Le Pen, en fine stratège, entend dispenser ici.
J’invite Mme Le Pen à plus de cohérence et surtout à ouvrir les yeux sur la belle diversité de la société française. Les diasporas africaines de France et les français de l’étranger résidant en Afrique sont les meilleurs ambassadeurs de ces relations historiques. Nous travaillons tous les jours dans les territoires à enrichir, avec sérieux, notre histoire commune. Et nous restons imperturbables face à ce genre de coup médiatique.
Fatou Sagna Sow est ancienne candidate aux législatives, 9ème circonscription FDE, Coordinatrice du Think Tank New Deal.