POURQUOI UN HOMMAGE A PAPE FALL ?
Voici 12 ans que notre ami Pape Fall nous a quittés à l’âge de 58 ans !
Voici 12 ans que notre ami Pape Fall nous a quittés à l’âge de 58 ans !
Né le 24 Septembre 1953, Pape Abdoulaye FALL, de son vrai patronyme, est l’ainé d’une grande famille de six enfants (4 garçons et 2 filles). Son père Bassirou Fall, normalien, était un grand éducateur. Plusieurs fois directeur d’école à Wassadou (région de kolda), Taïba Ndiaye, Biscuterie, Ecole Médina, il est devenu, au début des indépendances, directeur du CFP (Centre de Formation Pédagogique) l’école qui formait les instituteurs dont le Sénégal avait besoin pour face à l’afflux et au besoin d’éducation des enfants, dans un Sénégal nouvellement indépendant.
C’est ainsi que M. Bassirou Fall a été affecté comme directeur du CFP à Sébi Ponti, tout près de Diamniadio. C’est là-bas que Pape Fall a fait sa classe de CM2
L’année suivante, le CFP a été transféré à Rufisque au Camp Xavier Lelong, un camp militaire colonial, récupéré par l’Etat du Sénégal, pour y installer 3 écoles primaires à côté du Centre de Formation Pédagogique. Il s’agit des écoles primaires Application, Cité Radio et une annexe de l’école Fass.
M. Fall, fût un grand directeur du CFP à Rufisque
Malheureusement parti trop jeune à l’âge de 38 ans, M. Bassirou Fall laissa dernière lui une femme formidable et courageuse, Adja Dieumbe Ndiaye, et six enfants à bas âge qu’il fallait encadrer.
C’est suite au décès du père que la famille Fall, a déménagé en 1967 à la Sicao Baobab, dans la maison que les parents, tous les deux fonctionnaires, venaient d’acquérir.
Au Lycée Abdoulaye Sadji de Rufisque où Pape Fall a fait son entrée en 6ème et sa 5ème , et où sa maman était l’assistante du Proviseur, on se souvient du brillant élève qu’était Pape Fall.
La fin des classes de6ème et5ème , Pape Fall a raflé tous les 1er prix de français, de lettres modernes, de lettres classiques, d’histoire et de géographie
Lorsque la famille a déménagé à Dakar en 1967, Pape Fall, comme beaucoup de gamins à l’époque, a été confié à un ami de son père Ismaïla Mbaye qui était proviseur du lycée Gaston Berger à Kaolack.
C’est ainsi que Pape Fall, s’est retrouvé à l’Internat du Lycée Gaston Berger pour entamer la classe de 4ème secondaire.
Kaolack est une étape importante dans la vie de Pape Fall !
On peut dire que c’est à Kaolack que s’est forgé en Pape Fall, un esprit rebelle.
A l’Internat, Pape Fall ne supportait pas l’attitude des surveillants qui, pour lui, se comportaient comme de véritables roitelets.
Notamment les sieurs M. Diokhané et H. Fall qui lui ont mené la vie dure.
Un régime quasiment militaire, diner à 18h00, coucher et extinction des lumières à 19h00, réveil à 5h30, autant dire que pour l’enfant Pape Fall, épris de liberté, ça ne pouvait pas passer.
Régulièrement, Pape Fall faisait alors le mur et se retrouvait « collé » le week-end.
Sa relation avec les surveillants était tellement tendue qu’au milieu de l’année scolaire, son oncle maternel, Mandikou Sall, est venu le sortir de l’Internat pour l’installer chez lui au quartier Casenac.
Après la 3eme, l’ami de son père, le proviseur Ismaïla Mbaye est affecté au Lycée Blaise Diagne, à Dakar. C’est donc tout naturellement qu’il ramenât avec lui, Pape Fall, qui pouvait alors retrouver le cocon familial à la Sicap Baobab, avec sa maman et ses frères et sœurs qui commençaient à grandir et qui étaient tous heureux d’avoir avec eux, leur grand frère. Enfin !
En classe de seconde, au Lycée Blaise Diagne, Pape Fall fît la rencontre d’autres élèves déjà très politisés. A cette époque le Lycée Blaise Diagne était un réservoir de talents où la gauche maoïste, recrutait beaucoup.
Pour Pape Fall, jeune contestataire venant du Lycée Gaston Berger de Kaolack, le terreau était déjà favorable. C’est donc, naturellement qu’il s’est lié d’amitié avec une bande de lycéens, tous maoïstes.
Rapidement, avec la traque du régime socialiste de Senghor, Pape Fall est entré dans la clandestinité et militait à AJMRDN. Leur maison à Baobab était alors, un lieu de repli avec des camarades de la même obédience. Sa chambre, que la famille avait surnommée « POUKOUS BI » ne désemplissait pas.
Cette bande de jeunes révolutionnaires, en quête de liberté et grand changement politique au Sénégal, en Afrique et dans le Monde où les masses prolétaires auraient toute leur place sinon seraient à la tête, avait quasiment élu domicile à Baobab chez Pape Fall.
Bien entendu le régime réactionnaire de Senghor veillait au grain et Pape Fall s’est ainsi retrouvé plusieurs fois en prison, du fait de son implication dans les piquets de grève au Lycée et plus tard à l’UCAD, à la faculté d’histoire et géographie.
En terminal, Pape Fall s’est retrouvé en prison au Camp pénal et n’a pas pu passer son Bac, en juin. C’est à la session d’octobre en 1974, qu’il a pu passer et obtenir son Baccalauréat.
Les années à la faculté d’histoire et de géographie à l’UCAD n’étaient pas de tout repos non plus. Co-leader de la contestation étudiante dans cette faculté, le doyen Ndaw s’est finalement résolu à les dénoncer et Pape Fall a été de nouveau arrêté mais cette fois-ci l’Etat du Sénégal a voulu frapper fort.
Son procès fût expéditif. Il s’est tenu dans un Tribunal spécial où officiait Christian Valentin et Samba Ndiaye qui siégeait au nom du gouvernement de Senghor.
La sentence fût très sévère !
Pape Fall a été condamné à être enrôlé, sans délai, dans l’armée nationale et transféré à la frontière bissau-guinéenne où la guerre d’indépendance faisait rage entre le PAIGC de Cabral et les Portugais.
Ce fût alors la stupeur dans la famille Fall et dans tout le quartier à Baobab
Mais, 48 heures après le jugement, une clameur s’est emparée du quartier, lorsque les gens ont vu Pape Fall ramené à la maison par les Forces de Défense et de Sécurité. Il venait alors d’être réformé car Pape Fall était sourd d’une oreille, à cause d’otites à répétition lorsqu’était enfant.
Quel soulagement pour la famille et surtout pour la maman qui prît aussitôt la décision de l’exfiltrer et de l’envoyer à Lyon ou vivait un de ses oncles.
A Lyon, l’exilé Pape Fall, comme il se considérait, s’est inscrit à la faculté d’histoire où il fait de brillantes études. Mais Pape est resté avec ses convictions et son idéal de vie. Il adhéra alors à l’AESF (Association des Etudiants Sénégalais decFrance) / section Lyon, dont il devient assez rapidement un des piliers dans cette ville universitaire
Les étudiants sénégalais passés par Lyon à la fin des années 70 et début 80, peuvent en témoigner
Pape a été de tous les combats pour les défenses des intérêts des étudiants étrangers et des travailleurs immigrés en France.
Les foyers Sonacotra n’avaient pas de secrets pour lui. Pape a été en premier dans le combat pour l’alphabétisation des immigrés adultes qui étaient paumés face à une administration française sans concession.
Sa vocation d’éducateur et ses qualités de pédagogue, Pape Fall les tient certainement de son père Bassirou Fall, normalien, et grand éducateur.
Son jeune frère Zacaria, le benjamin de la famille, vit à Londres et a emprunté le même chemin, celui d’enseignant.
La générosité de cette famille, s’est irriguée jusqu’à ce dernier de la fratrie, Zac, qui n’a pas connu son père, arraché à l’affection de la famille, l’année de sa naissance, en 1967. Cette générosité a conduit Zac, durant la période du COVID 19, à s’inscrire à Londres parmi les enseignants volontaires, chargés de donner des cours particuliers aux enfants des parents travaillant à l’hôpital. C’est ainsi aussi qu’il a chopé 4 fois le Covid, mais a toujours réussi à s’en débarrasser. Respect Zac !
L’affection de la famille de Lyon, en région parisienne, Pape Fall au Lycée d’Aubervilliers en Seine Saint-Denis (93) et son épouse Martine Fall à l’INSSEP à Vincennes, coïncide avec la création du Forum Res Publica Disso, à Paris.
Une Association de la Société Civile sénégalaise en France, créée 3 ans après la première alternance démocratique en 2000, au Sénégal.
C’est donc naturellement que Pape Fall a intégré cette association dont il fût le trésorier jusqu’à la fin de ses jours.
En fin2007, au moment des discussions à Dakar entre les partis d’opposition (PS, AFP, LD, PIT, RTA/S, TEKKI, MDRS, RND etc… ) et la Société Civile, pour élaborer les Termes de Références des Assises Nationales du Sénégal, feu Mohamed Mbodji, alors Président du Forum Civil s’est rapproché du Forum Res Publica-Disso.Sa démarche avait pour but, d’associer la Diaspora sénégalais à la rédaction des TDR des AN et plus tard à ses travaux
C’est ainsi que le Forum Res Publica-Disso fût la première organisation de la Diaspora à être partie prenante des ANS, ayant elle-même participé à la rédaction des TDR et à toutes les étapes du processus.
Pape Fall, a été le Trésorier du Comité France des Assises Nationales avec une rigueur absolue dans la gestion des fonds collectés et un engagement total.
Malgré sa maladie que très peu d’entre nous savait, Pape a été un artisan important du Comité France des Assises Nationales du Sénégal et un pilier indispensable.
Entre juin 2008 en Décembre 2008, date de production et de remise du rapport du comité France des Assises Nationales, Pape Fall a été présent à toutes nos réunions et consultations citoyennes.
Depuis Paris, en passant par les différentes villes de banlieue comme Saint-Denis, Mantes-LaJolie, Cergy Pontoise etc, Pape a sillonné la France avec nous, du Nord au Sud, d’Est en Ouest.
A Lille, Rouen, Bordeau et Marseille avec souvent un ou deux membres du Bureau National des Assises au premier desquels le Doyen Amadou Mahtar Mbow, Général Mansour Seck, Général Keita, feu Mansour Kama ou Mohamed Mbodji etc, Pape a toujours été là, discret, espiègle, mais oh combien pertinent dans ses prises de parole.
Régulateur des débats lorsqu’il sentait que ça pouvait partir en vrille, Pape avait cette expérience de la gestion des dynamiques de groupe.
En 2012, après avoir pris connaissance des résultats du 1er tour de l’élection présidentielle de février 2012 qui a qualifié Abdoulaye Wade et Macky Sall pour le 2eme tour, Pape Fall nous confiait, le 3 mars 2012, à l’hôpital Saint Antoine à Paris : “Les gars, ils nous ont eus.”. Il s’est ensuite retourné avec son drap le visage face au mur.
Sa maladie avait alors pris le dessus et malgré qu’il gérait tout ça avec courage, beaucoup de pudeur et de dignité, Pape Fall savait certainement qu’il nous voyait pour la dernière fois.
Trois jours après, le 6 mars 2012, Pape Fall s’est éteint laissant dernière lui une famille aimante avec Martine, son épouse, Nguiraan son fls ainé et Rémy, le benjamin.
Puisse la Terre de Yoff, lui soit légère et qu’Allah SWT l’accueille au Paradis Firdawsi. Amine
A travers, les témoignages qui suivent, vous pourrez juger de la dimension de l’Homme, Pape Fall. Vous verrez combien il était aimé et respecté.
Tout cela méritait, que nous lui rendions un vibrant hommage, en ce 6 mars 2024, 12ème anniversaire de son décès et où le Sénégal vit des moments incertains, comme en 2012.
A dieu, l’ami !