TRACES TENACES
Les hommes politiques et les chefs d’entreprise n’appartiennent pas au même monde. Ils ne parlent pas non plus le même langage. A peine se côtoient-ils dans la vie sans toutefois entretenir de relations suivies, fécondes et fructueuses.
Les hommes politiques et les chefs d’entreprise n’appartiennent pas au même monde. Ils ne parlent pas non plus le même langage. A peine se côtoient-ils dans la vie sans toutefois entretenir de relations suivies, fécondes et fructueuses.
Certes leurs milieux diffèrent. Mais en leur qualité d’acteurs, ils se projettent face à des défis à relever à tout prix. Devant des obstacles ou des difficultés à surmonter, les uns et les autres ont des approches qui découlent de leurs vécus respectifs.
La politique tolère les coups d’éclats que l’entreprise rejette, préférant s’entourer de discrétion pour mieux opérer. L’une aime le bruit tant qu’il est facteur de mobilisation. L’autre peut s’en passer. Puisque l’entreprise souffre de mille maux, il va de soi que les curiosités malsaines la desservent surtout quand elles sont amplifiées par des échos nocifs.
Malgré l’existence des deux univers, le politique et l’entrepreneur agissent sur des réalités et non en dehors de celles-ci. En plus de ce dénominateur commun, ils partagent le souci de l’organisation en se fixant des objectifs et en se donnant les moyens de les atteindre. Ils visent tous à faire forte impression, pas peut-être pour les mêmes buts. Le maître-mot : convaincre. Et puis, rassurer.
Au Sénégal, les acteurs de ces deux univers ne se fréquentent pas assidument. Autant dire qu’ils s’ignorent. Et plus grave, ils se méconnaissent. Alors que tout devrait concourir à des rencontres périodiques pour peser et soupeser l’état du pays. Par des analyses croisées, ils parviendraient à faire « tomber les masques » si jamais il y en avait pour privilégier des échanges dictés non pas par des calculs de circonstance mais plutôt par des considérations conjoncturelles.
La classe politique pourrait découvrir le pragmatisme de l’entreprenariat. Si bien que le marché et ses nécessaires flexibilité (emploi, salaires, charges sociales, performances) cesseraient d’être perçus comme une chimère chez des politiques plus prompts à dire qu’à faire. A tout le moins au Sénégal, les hommes politiques s’enthousiasment peu pour l’entreprise.
Une méprise ou une méconnaissance ? Enigme. En revanche, ils ont tort de négliger ce potentiel vivier de création à la fois de richesse et d’emplois. Les hommes politiques brandissent souvent des solutions « clé-en-mains » sans réelle consistance au demeurant pour juste calmer des impatiences.
Comment ignorer ceux qui se destinent à l’investissement ? Très souvent, ils constituent le baromètre de l’économie d’un pays. Ils portent en eux l’effort et le travail. Leur succès dans un environnement d’équilibre oriente les projets d’investissement et accroît incidemment l’attractivité du Sénégal à l’étranger.
Les leaders politiques snobent souvent les chefs d’entreprises. Ces derniers, à leur tour, évitent de trop fréquenter certains d’entre eux au risque de compromettre leur business. Une prudence qui, en se muant en méfiance, freine bien des audaces ! Néanmoins, d’autres parviennent à tirer leur épingle du jeu en étant « bons copains » avec tout le monde…
Les deux parties gagneraient à mieux se connaître pour ajuster leurs vues respectives, toucher du doigt les réalités et, avantage suprême, abattre le mur de méfiance. De leur coexistence apaisée, naîtrait un climat de sérénité pour une économie placée sous le signe de l’efficacité.
Aucun candidat sérieux ne peut élaborer un programme pertinent s’il n’intègre l’économie comme un axe prioritaire de son offre politique. Les observateurs scrutent et dissèquent les évolutions des opinions des dirigeants politiques au gré des situations. Ils rédigent des notes et attribuent des points consultés par les grands dirigeants du monde pour déterminer leur stratégie d’alliance ou de mésalliance.
La réussite tant vantée de certains pays « sortis de l’ornière » procède d’une conjugaison des talents au service d’un dessein collectif partagé avec enthousiasme. Seulement voilà : au Sénégal les difficultés que traverse l’entreprise sont multiformes. Elle ne s’affranchit pas des contraintes qui l’inhibent, hélas !
Le virage à amorcer n’est pas encore atteint à cause de facteurs plombant son expansion et sa croissance. Néanmoins la situation pourrait changer quand les conquêtes de parts de marché s’obtiendraient sur des bases de stricte transparence.
Comment dès lors séduire et accueillir des investisseurs étrangers quand ceux de l’intérieur sont moins considérés. Toutes les mesures prises pour taxer le capital, notamment les questions de fiscalité, découragent et n’incitent pas à venir au Sénégal en dépit de ses atouts et de ses avantages compétitifs.
Notre pays s’achemine vers un rendez-vous majeur, à savoir l’élection présidentielle de février 2024. Les candidats sont appelés à concocter des programmes circonstanciés. Quelle sera la place de l’économie dans les ambitions qu’ils nourrissent ? Iront-ils à la rencontre des acteurs pour tester la validité de leurs visions économiques ? Seront-ils à l’écoute du monde de l’entreprise, de l’industrie, de la finance ?
Ces secteurs, et d’autres à explorer, constituent les gisements d’emplois pour résorber le lancinant chômage des jeunes, qualifiés ou pas. En d’autres termes, l’emploi ne se décrète pas, pas plus qu’il ne se règle par des incantations. Il s’agit ici de combiner réflexion et action, avec un accent particulier sur le sens de la mesure.
Au contact des chefs d’entreprise, les politiques peuvent davantage gagner en réalisme en retenant les leçons apprises et à les associer aux solutions à envisager. Un bon état d’esprit peut en découler qui changerait la perception, les rapports et les attitudes. Une addition de compétences réduit les incertitudes et évite les errements.
La recherche d’opportunités d’affaires préoccupe les grandes entreprises en quête de relais de croissance dans les grandes régions du monde. Les pays alignent leur charme et vantent leur position stratégique tout en soulignant les facilités comparatives qu’ils accordent aux multinationales qui veulent s’implanter. L’instabilité et l’absence de prévision, voire les violences résiduelles sont un chiffon rouge pour les investisseurs étrangers soucieux de sécurité et de sûreté.
L’homme politique qui occulte cette dimension d’attractivité pour ne privilégier que les gains immédiats ruine l’image de son pays et abîme tout gage censé redonner confiance aux détenteurs de capitaux nationaux ou étrangers.
Après tout, l’effort rend plus humain…