UN BRUISSEMENT DE TAM-TAM MAUDIT
Au-delà des indignations, des chants partisans, des logiques binaires et leurs lots d’assignations… essayons d’écouter et de comprendre la clameur, l’écho des voix qu’elle porte. Ce messager infidèle qui perd des politiciens et fait trembler des pays.
Au-delà des indignations, des chants partisans, des logiques binaires et leurs lots d’assignations… essayons d’écouter et de comprendre la clameur, l’écho des voix qu’elle porte. Ce messager infidèle qui perd des politiciens et fait trembler des pays. Il est l’allié du temps qui passe emportant des sincérités saoulent qu’elles ne sont plus convergentes. Le monde en a tant vu. Des enseignements des luttes politiques et sociales témoignent. Si d’aucuns pensent refaire l’histoire, que d’autres retrouvent ou projettent des fantasmes de jeunesse sur des évènements d’un moment, l’idéalisme débordant, un fait est irréfutable. Toutes les révolutions ont fini en désastre, horreur et désolation, dévorant leurs propres enfants. Les promesses des fleurs des printemps toujours attendues.
Ils ne seraient pas présomptueux bien que portés par leurs émotions. Oublieux de la supercherie électoraliste qu’ils assimilent à tort ou à dessein à une condition fondamentale d’une transformation radicale. Nourrissant un destin de tromper des populations dont beaucoup ne se laissent point duper. Ils parlent et elles les écoutent comme avec des conteurs qui « doivent charmer, par-delà les oreilles, le cœur et l’esprit ». Le temps qui passe les ayant instruites que « la promesse est une couverture bien épaisse mais qui s’en couvre grelottera aux grands froids » (dixit Birago Diop). Aucune désespérance n’habite donc ces populations et c’est le sens de leur courage de vivre.
Le messager infidèle, gavé de la misère des masses populaires, repu de leurs déceptions, reste une hantise. Il murmure aux oreilles de certains à travers les insomnies de leurs désirs fougueux. Il continue à virevolter comme un tueur à gages au service de la supercherie de politiciens jacassant des idées folles, une parole démente. Des preux qui, malgré le courage dont ils se targuent ou font montre, sont, dans la mêlée, rendus à leurs limites, leurs faiblesses, voire leur simple condition humaine. Une situation appelant à savoir raison garder. « Une communication devient un poison quand elle débouche sur l’illusion que le verbe suffit », disait le journaliste, philosophe, Jean-François Revel.
S’affranchir de la supercherie
Que d’échecs dénoncés, que d’espoirs trahis, rarement la supercherie combattue. Autant il est nécessaire de libérer des populations d’une crainte injustifiée du pouvoir, de les sortir de leurs précarités, il est impérieux que ces populations s’affranchissent de la supercherie des politiciens. « Si vous voulez une République, vous devez vous occuper de tirer le peuple d’un état d’incertitude et de misère qui le corrompt », disait Saint-Just dans son Discours sur les subsistances prononcé à la convention du 29 novembre 1792. Il ajoutait : « On n’a point de vertus politiques sans orgueil ; on n’a point d’orgueil dans la détresse. » Cette détresse sur laquelle surfe la supercherie pour s’outiller d’une lame de fond, un combustible qui emporterait tout sans substituer la grandeur de l’homme à la petitesse des politiciens.
La situation du pays n’oblige-t-elle pas à chercher d’autres chemins que ceux empruntés malgré la galère ? Pourquoi malheur à qui ne prendrait pas partie et ne se reconnaîtrait pas dans une quelconque surenchère ? Il croit déjà à un dieu qui lui laisse la liberté de ne pas croire et il est conscient que : « Abreuvés au mêmes rivages/Et nourris aux mêmes festins,/Victimes des mêmes breuvages/Nous eûmes les mêmes destins… », comme l’écrivait Birago Diop dans son poème Sympathie (recueil Leurres et lueurs). Des certitudes et des emballements, parfois revanchards, étant aussi répugnants que la vanité de mots qui cachent mal des agendas autres dans une nébuleuse d’orfèvres de la schizophrénie et de l’égocentrisme, semblables et divers en même temps qu’il est difficile de démêler leur confort de la démesure.
Dans Le courage de la nuance, Jean Birndaum, traitant de Rolland Barthes, écrit : « En finir avec l’arrogance (…) telle est bien l’obsession de Barthes, ce qui rend son héritage encore si subversif aujourd’hui, dans le vacarme des certitudes assénées, des ennemis jurés : rêver un discours qu’on pourrait tenir sans l’imposer, inventer une parole qui viendrait miner les dominations routinières, les jugements tout faits. Cette utopie, (…) il s’en inspire pour forger une catégorie qu’il nomme le « Neutre ». Par-là, il désigne ce lieu où l’on refuse de choisir un terme contre un autre, où l’arrogance se trouve suspendue. « Je réunis sous le nom d’arrogance tous les “gestes” (de parole) qui constituent des discours d’intimidation, de sujétion, de domination, d’assertion, de superbe : qui se placent sous l’autorité, la garantie d’une vérité dogmatique… » Tout dogme étant bête et rend bête, selon des philosophes. Et quand plus personne pour dissuader des politiciens de battre un tam-tam maudit, un pathétique advient. Des populations n’ayant plus de réconfort, rien que des peines.