VOUS AVEZ DIT DIALOGUE ?
A vrai dire, le rituel, quelque soit son format a perdu de sa superbe a force d’être répétitif, depuis que le chef de l’Etat a fait ses adieux au peuple dans son dernier message du 31 décembre 2023.
Le Président Macky Sall a pris la parole ce jeudi 22 Février pour s’adresser aux sénégalais et cette fois (fait rare pour être signalé) à travers la presse nationale. C’est bien, même si les plus sceptiques pensent qu’il ne s’adressait pas en vérité à nos compatriotes.
A vrai dire, le rituel, quelque soit son format a perdu de sa superbe a force d’être répétitif, depuis que le chef de l’Etat a fait ses adieux au peuple dans son dernier message du 31 décembre 2023.
Le Prétexte aussi me semble mal choisi , car l’opportunité lui avait été donnée de se prononcer sur la suite qu’il comptait donner à la décision du Conseil Constitutionnel. Celle-ci l’invitait à organiser le scrutin présidentiel « dans les meilleurs délais », donc à proposer une nouvelle date avant le terme de son mandat s’entend, après avoir mis le processus électoral sens dessus -dessous, avec le report de fait, de la date du scrutin.
Que lui restait -il à faire, sinon de concert avec les protagonistes du processus électoral, au sens du Conseil Constitutionnel, à savoir les candidats et les structures en charge des élections, de fixer la date du scrutin avant la fin de son mandat.
En lieu et place, M. Macky Sall propose un dialogue national, et en fait l’annonce lors de son entretien avec la presse. En vérité Macky Sall ne s’adressait pas aux sénégalais. Il cherchait vaille que vaille à desserrer l’étau.
L’analyse de son discours qui surfait sur des non-dits, des annonces et des esquives en est la parfaite illustration. La réaction quasi automatique de l’ambassade des Etats Unis pour saluer sa décision de quitter le pouvoir le 02 avril en est la preuve éclatante, alors qu’elle était d’une évidente banalité. Pouvait-il faire autrement ?
Bref, ce dialogue souffre d’une anomalie congénitale. Outre le fait que le concept est aujourd’hui tellement galvaudé qu’il ne fait plus sens, le dialogue fait face à un problème de timing, pour régler une question terrible : Comment faire pour écarter la responsabilité de Macky Sall dans ce qui est arrivé ?
Aussi, instituer un dialogue après la décision du Conseil Constitutionnel pour remettre en cause celle-ci, notamment la liste des candidats déjà publiée, est manifestement inenvisageable. Le président lui-même le sait et il l’a dit. Ce serait renier sa parole, et plus grave de la part du Président de la république, une violation de son serment, passible de poursuite pour haute trahison. C’est ce qu’il envisage de faire en ouvrant le dialogue, dont il réduit déjà les contours à une mosaïque d’acteurs qui n’y ont pas leur place au sens de l’invite du Conseil Constitutionnel. Il ya fort à parier que le consensus qu’il en attend ne sera pas au rendez-vous.
Ensuite, organiser un dialogue dans ces conditions en indiquant que s’il n’y a pas de consensus, on renvoie le dossier au même Conseil Constitutionnel, est une contradiction flagrante, qui masque une volonté de prolonger, de fait, son mandat.
Il faut le rappeler, c’est le Conseil Constitutionnel avec la même composition, dont le président de la République , s’est servi comme prétexte en raison, selon lui d’un soupçons de corruption qui pèse sur deux de ses membres des pour justifier son décret du 03 février qui abroge le décret de convocation du corps électoral et de l’initiative de la commission d’enquête parlementaire,
Si on suit la logique de Macky Sall, une institution soupçonnée de corruption peu encore, à ses yeux, arbitrer en toute légitimité, entre les acteurs du dialogue qui la contestent dans le but de le faire revenir sur sa propre décision, elle-même insusceptible de recours. On croit rêver face à une telle incohérence.
Un tel Conseil s’exposerait à son propre désaveu, il commettrait un déni qui serait une première dans l’histoire de la justice, pis il renforcerait les soupçons qui pèsent à tort ou à raison sur lui.
Quel juge accepterait d’aller dans le sens des désidérata de Macky Sall, président sortant qui risquent de plonger le pays dans une totale impasse ?
Mamadou Ndao
Juriste
Consultant expert en communication
Diplômé des Universités de Paris 1 Panthéon Sorbonne et Montpellier 1
Liberté 6 Dakar