«JE SUIS COMPLEXE SUR LE PLAN DE MA NAISSANCE, DE MON METISSAGE CULTUREL, ETHNIQUE…»
HUGUES DIAZ, DIRECTEUR DE LA CINEMATOGRAPHIE
Son nom de famille, un peu rare au Sénégal renseigne qu’il est le fruit d’un métissage culturel. Hugues Diaz, directeur de la cinématographie au ministère de la Culture depuis 2011, a levé pour nous un coin de voile sur sa vie de famille, ses origines, sa passion pour le cinéma… Se définissant comme un homme «vraiment complexe», il est «catholique pratiquant», mais «adore les deux religions musulmane et chrétienne». `
Hugues Diaz est un amoureux du cinéma depuis sa tendre enfance. Mais un Hugues Diaz peut en cacher un autre. Puisque, bien qu’étant le directeur de la cinématographie depuis 2011, il a une vie bien remplie. Aussi, à la question de savoir qui est Hugues Diaz, il déclare : «Déjà, Hugues Diaz est vraiment complexe, sur le plan de ma naissance, de mon métissage culturel, ethnique. Donc Hugues est le fruit d’un métissage culturel à la fois portugais, joola de par ma mère, peulh aussi, ma mère est une petite fille de Moussa Molo Baldé. Il y a également du wolof dans Hugues, de par ma grande mère paternelle qui est Dieng et mes oncles sont Diobène».
Des origines et une famille mixte
Cet homme d’une identité complexe se définit comme un Sénégalais et un Africain. «Que ce soit en Guinée-Bissau, au Cap-Vert et même en Gambie, nous avons des ancrages et des racines à ce niveau. Sur le plan européen, nous sommes des descendants de Portugais par nos arrières grands pères», confie-t-il.
Ce qui, pour lui, «est une grande richesse. Parce que partout où je vais dans le monde, cela m’est profitable. Parce que, je me réclame de ces espaces à la fois linguistiques et culturels. Et je ne suis outre mesure complexé par cette diversité d’appartenance ethnique, source de repères».
«Si je vous dis que l’ensemble des mes oncles paternels sont tous musulmans, du côté de ma maman aussi. Mais elle a épousé la religion chrétienne. Mon papa maîtrisait la foi musulmane, car son deuxième nom, c’est Ibrahima. Cela nous a permis de comprendre nos racines. Et la preuve, vous voyez les vendredis, je me mets en boubou. Parce qu’on nous a appris que la meilleure des religions, c’est d’avoir d’abord un bon cœur, aimer son prochain, respecter son prochain. Et surtout, aller à la rencontre des pauvres, c'est-à-dire servir et non se servir», relate-t-il.
Et que dire que sa vie professionnelle, comme de sa vie familiale ? «Il faut voir, je pense la meilleure religion que nous vivons, c’est l’accueil d’autrui. Car, les religions, que ça soit celle chrétienne ou musulmane, sont des religions qui imposent des valeurs humaines très fortes. C’est là où je vois la beauté de ce qu’à le Sénégal dans cette communion. L’union des religions, ce dialogue religieux, ce qui est important pour la race humaine. Les fêtes comme la Tabaski, la Korité, nous sommes tous impliqués. Et, c’est heureux que nous vivons cette symbiose, cette harmonie sociale et religieuse dans nos familles respectives, mais surtout pour le Sénégal».
Vie de famille
«Je suis marié et père de trois enfants. Ma femme est une petite Joola, fruit d’un métissage Joola- Mankagne. On vit bien heureux, c’est ça la famille. Parce que nos petites croyances et nos petites pratiques culturelles traditionnelles, je la taquine (sa femme), souvent. Et là où je regrette la religion catholique, c’est qu’elle ne nous permet pas d’avoir d’autres femmes. Parce que moi, j’aime beaucoup la concurrence dans le foyer», déclare Hugues.
«Comme le dit un célèbre passage de la parole de Dieu dans la Bible : ‘Aimez-vous les uns et les autres’. Mais vous savez, nous les hommes surtout en Afrique, vu la trajectoire de nos grands parents qui étaient des polygames, surtout nos amis portugais, lorsqu’il y a eu ce métissage, on le doit en tout cas. C’est une valeur. Malheureusement, on a une religion qui fixe des barrières à nos dérives. Parfois, je reviens à la raison pour me dire que c’est bien qu’on nous ait donné à être monogame», explique-t-il.
Les Diaz, des chauds bouillants ?
«La famille Diaz, on est peu. Mais les Diaz comme on le dit sont des percutants. Dans le sang, nous sommes des gens chauds, très chauds. C’est pourquoi, qui s’appelle Diaz doit être un scelle de la terre, quelqu’un qui ne reste pas dans l’anonymat. Il faut qu’on soit chaud pour marquer un tant soit peu notre passage éphémère sur cette terre. Nos parents étaient des gens percutants, si je prends l’exemple de mon papa qui fut un ancien militaire à la marine nationale, les meilleurs témoignages qu’on a aujourd’hui, c’est qu’il était bon, ouvert, il savait écouter…».
«C’est pourquoi, nous aimons perpétuer cela, en sachant bien travailler, bien prendre position, à savoir nous taire lorsqu’il faut se taire. Car, parfois, le silence est bon. Il est thérapeutique. C’est pourquoi nous prenons du recul, après nous être engagé, avoir foncé», estime Hugues.
Par rapport à son parcours, il renseigne que ce métier qu’il exerce, il le doit à l’école. Il a en effet eu à faire le cycle normal en ayant fréquenté l’école publique et l'école privée catholique. «Mes premières années, c’est à l’école de la Libération (cité Marine). Après l’école privée catholique c’était bien de passer. D’abord une école publique, ensuite l’école privée. Car, notre papa voulait que nous puissions vivre les rigueurs de la société. Il aimait que nous sachions nous abaisser. Et aujourd’hui, cela nous a été d’une grande utilité», se réjouit-il.
Ces éléments qui ont forgé la personnalité d’Hugues
«Après l’obtention du Bfem au Cem ex-Kléber, j’ai fait mon 2e cycle secondaire au Lycée Blaise Diagne qui était aussi un lycée qui nous a beaucoup forgés dans la responsabilité. Je me rappelle avoir été responsable du foyer, du comité de lutte, les grèves, l’année 88 qui est toujours ancré où on devait passer le Bac. Et avec le recul, on s’est dit qu’on a perdu une année alors qu’on était de brillants élèves, mais on a eu notre Bac facilement au premier tour. D’ailleurs, c’est notre promotion qui a clôturé les premières parties du bac», se souvient-il.
Ainsi, une fois le Bac en poche, il a été orienté au Département d’histoire et géographie en 89, 90, 91. Entre temps, il a eu à passer un concours d’animation culturelle au Conservatoire national de danse et d’art dramatique actuel Ena (Ecole nationale de arts).
«Car, j’aimais beaucoup la culture. En 1991, après une formation de trois ans, j’ai obtenu le Certificat supérieur en animation culturelle, en étant major de ma promotion. J’ai fait pas mal de stages en Belgique pour me former à la documentation en 93. J’ai aussi fait des stages dans le domaine du spectacle, de la régie et même de la maintenance, parce que la musique était mon dada. Mais aussi de lecture, puisque je dirigeais une bibliothèque de lecture publique régionale à Saint-Louis. Ce sont autant d’éléments qui m’ont permis de forger ma personnalité dans ce domaine » liste-t-il.
Il a aussi passé le concours du Centre régional d’action culturelle (Crac) de Lomé qui forme les hauts cadres de la culture en Afrique. «Nous sommes sortis avec un Des (maîtrise +2) dans le domaine du développement culturel. Ce qui nous a permis d’être des conseillers aux affaires culturelles. Parce que, dans ma vie, je me suis dit, il ne faut pas stagner à être animateur», renseigne-t-il.
Sa passion pour le cinéma
Par rapport à son amour pour le cinéma, il raconte comment il a choppé le virus. «J’ai été surpris de diriger cette Direction de la cinématographie, je ne m’y attendais pas. En 2011, le ministre de la Culture d’alors, Mme Awa Ndiaye, un samedi, pendant que j’allais à Douta Seck, elle est venue m’apprendre la nouvelle. Je lui ai dit vous me nommez dans un secteur trop difficile, le cinéma sénégalais qui est aujourd’hui dans un état moribond. Alors que je venais tout fatigué de Louga, car c’était une région où nous devons relever la pente, on a eu à faire trop de sacrifices pour booster la culture dans les régions. Je pensais que j’allais être dans un coin beaucoup plus paisible le temps de récupérer. Mais on m’a amené dans un secteur où le ministre m’avait fixé des objectifs bien précis : le repositionnement du cinéma sénégalais en Afrique, dans la sous-région…», conte-t-il.
«Je vous assure, ça m’a donné des tournis, des cauchemars. Parce que c’était un secteur difficile. Et par respect au cinéma sénégalais, à Ousmane Sembène, Félix Ndiaye, Babacar Samb, entre autres, ces gens qui ont tout donné au cinéma, il fallait relever le défi. Prendre un secteur qui était dans le dénuement le plus total, je me suis dit, c’était un nouveau challenge. Et on a foncé pour tenir le pari», souligne le patron du cinéma sénégalais depuis 5 ans maintenant.
Sa passion du cinéma, Hugues Diaz la nourrit depuis tout jeune. «On habitait à la cité Marine du temps où il y avait les coopérants français. Et chaque mercredi et samedi, obligatoirement, s’il y a un nouveau film, on avait des séances de cinéclub à la Marine. Et la Marine nationale d’alors avait une salle avec un grand cinéma, le centre culturel français d’alors aussi. Je suis allé au-delà. Car on nous a appris à manipuler le matériel d’alors, 16 mm, 35 mm avec tonton Michel Ngom qui était le responsable technique de la médiathèque de ce centre culturels français dans l’année 80. J’étais jeune, entre 17 ans et 18 ans…», se remémore-t-il.
«On regardait de grands classiques du cinéma. J’ai côtoyé aussi les cinéastes comme Djibril Diop Mame Béti, Ben Diogoye, des critiques également. Nous avons fait beaucoup de sacrifices, mais là où en est encore le cinéma, je ne suis pas du tout satisfait. Parce que j’aime la perfection, l’excellence. Mais on traîne les pas dans l’organisation», se désole-t-il.