MOTION DE CENSURE, ÉTERNEL SERPENT DE MER DE LA POLITIQUE SÉNÉGALAISE
Alors que le nouveau président Diomaye Faye ne détient pas la majorité, son Premier ministre Sonko pourrait être la cible d'une nouvelle motion de censure. Que réserve cette énième tentative face à l'histoire tourmentée de cet instrument au Sénégal ?
La trajectoire du jeune Etat qu’est le Sénégal, est jalonnée par une histoire de motions de censure. De l’indépendance à nos jours, seule une des 5 motions de censure soumises au vote de la Représentation nationale a abouti : celle de 1962, avec la crise mémorable qu’elle entraîna. Le Président Macky Sall est le seul des quatre présidents concernés à voir ses gouvernements convoqués, à deux reprises, sans succès. Qu’adviendra-t-il de la prochaine initiative, alors que le Président Bassirou Diomaye Faye ne détient pas la majorité au sein de l’Hémicycle ? C’est la question qui taraude bien des esprits.
Motion de censure. L’expression est très usitée ces derniers jours. Instrument politique, au sens positif ou vertueux du terme. Arme politique, au sens négatif ou vicieux du mot. Tout dépend, politiquement parlant, du camp auquel on appartient. Mais toujours est-il que quatre des cinq chefs d’Etat qui ont dirigé le Sénégal, ont eu à se voir opposer la motion de censure. De Léopold Sédar Senghor à Macky Sall. Seule la première des cinq motions de censure a abouti. Et elle remonte au 17 décembre 1962. Ce qui entraîna la fameuse crise de 1962. Sauf qu’à l’époque, il y avait le règne du parti unique : l’Union progressiste sénégalaise (Ups). Donc, des députés d’une même famille politique avaient décidé de déposer le gouvernement du président du Conseil d’alors, Mamadou Dia.
Il faut attendre vers la fin du règne de Abdou Diouf, 2ème président de la République, pour entendre le landerneau politique, l’Hémicycle surtout, bruire de motion de censure encore. Cela se produit en 1998. Cette fois-ci, cette initiative parlementaire provient de l’opposition. Elle est l’œuvre du groupe parlementaire dirigé par un ancien du Parti socialiste, le ministre d’Etat Djibo Leyti Ka, en alliance électorale avec l’Alliance Jëf-jël de Talla Sylla, lors des Législatives de la même année. L’enfant de Thiargny voulait renverser, au mois de juillet 1998, le gouvernement du Premier ministre Mamadou Lamine Loum. Cette démarche parlementaire de l’ancien ministre socialiste -qui avait dit, en passant, au chef du gouvernement Loum qu’il n’était «pas le Pm que le pays attendait», le qualifiant même de «Premier ministre délégué», devant la puissance d’alors au cœur de l’Etat socialiste du ministre d’Etat Ousmane Tanor Diengne produira pas l’effet qu’il espérait
La marche continue du pays, riche de son or, qui demeure la démocratie, vers le progrès et le développement, est toujours rythmée par un débat à fort accent politique. Entre-temps, le système démocratique national enfante sa première alternance politique. Mais, c’est le deuxième Pm du Président Abdoulaye Wade qui va faire l’objet de convocation par la Représentation nationale, le jeudi 18 avril 2002. Du fait de l’initiative parlementaire de l’honorable député Moussa Tine, responsable du parti Alliance Jëf-jël, Mme Madior Boye et ses ministres ne verront pas les députés acter le renversement de l’attelage gouvernemental. La majorité parlementaire, incarnée par la Coalition Sopi, a mis en échec la volonté de Tine.
Macky face à 2 motions de censure
Quatrième président de la République, quatrième et cinquième motions de censure. Le 25 mars 2012, à la suite du deuxième tour de la Présidentielle de la même année, Macky Sall arrive au pouvoir. Ainsi, le Sénégal enregistre sa deuxième alternance. Le Président Sall porte son choix sur la personne du banquier Abdoul Mbaye. Ce dernier voit les représentants du Peuple formant le Groupe parlementaire Démocratie et liberté, présidé par Modou Diagne Fada et devenus la nouvelle opposition, l’inviter à se présenter devant la plénière, le mercredi 26 décembre 2012, pour un vote de défiance. Ainsi, à la Place Soweto, les troupes libérales sont déterminées à faire un bébé dans le dos de leur ancien frère de parti, Macky Sall. La motion de censure est rejetée. La majorité parlementaire, Benno bokk yaakaar (Bby), a dicté sa loi au camp d’en face.
Le troisième successeur de Abdoul Mbaye à la Primature, Amadou Ba, sera, à son tour, convoqué devant le Parlement, quelques jours après sa Dpg, au mois de décembre 2022. Le Groupe parlementaire Yewwi askan wi (Yaw, opposition), sous la houlette de Birame Soulèye Diop et des députés du parti Pastef, s’estimant non convaincu par les réponses servies à eux par le Pm Ba, dépose une motion de censure contre lui. Ce sera la seconde initiative parlementaire sans succès visant à faire tomber le gouvernement sous la Présidence Sall.
En attendant la première motion de censure sous l’ère Diomaye
Aujourd’hui, trois semaines après la troisième alternance du 24 mars 2024, l’une des expressions les plus prisées au sein de l’Hémicycle refait surface. Son retour intervient à la suite d’une sortie du ministre de la Formation professionnelle, porte-parole du gouvernement, Moustapha Sarré, contre la nouvelle opposition, Bby, qui l’a jugée maladroite. Celle-ci attend de pied ferme le Premier ministre Ousmane Sonko, à l’occasion de sa Déclaration de politique générale, prévue, d’après la Constitution, trois mois après sa nomination. Jusqu’ici, l’intéressé n’a pipé mot sur sa future sortie devant les élus du Peuple. Mais, la Dpg du Pm Sonko, apparemment, n’aura pas lieu de sitôt. Le gouvernement a prévu de faire voter le projet de Loi de finances au mois d’octobre prochain. (Voir par ailleurs).