AIDA SOPI NIANG, L'ANARCHISTE GAUCHISTE DE LA VILLE DE DAKAR
’EnQuête’’ est parti à la rencontre de cette jeune dame, membre de Bés Dou Niakk et qui candidate pour le poste de première femme adjointe du maire de la ville de Dakar
Derrière des lunettes correctrices, se cachent un visage aux traits tirés et des yeux qui dissimulent mal des nuits d’insomnie. Bientôt deux semaines après les Locales, ce n’est toujours pas le repos pour Aida Sopi Niang, une des ‘’femmes de l’ombre’’ qui ont organisé la campagne de l’actuel maire de la ville de Dakar. ‘’EnQuête’’ est parti à la rencontre de cette jeune dame, membre de Bés Dou Niakk et qui candidate pour le poste de première femme adjointe du maire de la ville de Dakar. Elle serait ainsi la troisième personnalité à la mairie de Dakar et viendrait après le militant du Pastef et directeur de campagne de Barthélemy Dias, Abass Fall.
Son prénom peut immédiatement renvoyer à une formation politique bien connue des Sénégalais. Et ce sera suffisant pour l’identifier au Parti démocratique sénégalais (PDS). Que nenni ! Aida Sopi Niang est membre de Bés Dou Niak de Serigne Mansour Sy Djamil. Mieux, elle indique, avec le sourire, n’avoir jamais milité au parti de Me Wade, qu’elle a même combattu dans le mouvement M23. Alors, d’où vient le sobriquet ‘’Sopi’’ du prénom de cette étudiante en Master en développement territorial ? Elle rétorque : ‘’À ma naissance, mon père m’a appelé Aida Sopi et plus tard, ma maman l’a enlevé de mon extrait de naissance. Malgré cela, les gens de mon entourage qui m’ont vu grandir continuent de m’appeler Aida Sopi.’’
Conseillère municipale à la commune des Sicap-Liberté depuis 2009, Aida Niang à l’état civil fait partie de l’équipe de campagne de l’actuel maire de Dakar. Ce qui fait d’ailleurs que des voix se lèvent pour la placer au poste de première adjointe de la ville, juste après Barthélemy Dias. La jeune dame garde néanmoins la tête sur les épaules et reste réaliste devant les réalités de la politique sénégalaise.
La militante de la cause des femmes rappelle d’emblée que pour les Locales, le suffrage n’est direct que pour le maire et non pour les autres postes d’adjoint. ‘’Nous avons interprété au niveau du bureau municipal comment devrait se passer la composition. Et après concertation, le poste de premier adjoint revient à Abbas Fall, qui était le directeur de campagne et qui représente le parti Pastef. Je postule pour être la première femme adjointe, c’est-à-dire deuxième adjointe du maire de la ville de Dakar. La politique a ses réalités qu’on ne maitrise pas, mais moi, j’ai confiance en la coalition et je pense qu’avec la dynamique qui a été impulsée, ils comprendront qu’en tant que jeunes femmes, il est important que nous puissions être des forces de propositions et faire en sorte que les choses se passent bien’’, dit-elle sur un ton optimiste.
À moins de 35 ans (elle ne veut pas donner son âge exact), cette militante de la cause des femmes a commencé son engagement politique au Parti de l’indépendance et du travail (PIT). On est en 2006 et elle est désignée responsable des jeunes de la formation politique de feu Amath Dansokho. Avec ce parti, elle intègre la coalition politique de l’opposition Benno Siggil Senegaal où Aida Niang fera la rencontre de jeunes comme Barthélemy Dias, Thierno Bocoum… ‘’Nous avons beaucoup milité ensemble et le Bés du Niak a été à l’époque un cadre mis en place où on pouvait être dans son parti politique et y militer. J’ai rencontré Serigne Mansour en 2010, dans le cadre de la réflexion sur la mise en place de Bés Dou Niak qui s’appelait Mouvement pour la refondation nationale. Depuis lors, nous avons continué à travailler ensemble. C’est le Bés Dou niak qui m’a porté aujourd’hui au niveau départemental’’, explique Aida Niang. Par la suite, le temps a fait son œuvre et le Bés Dou Niak s’est mu en parti politique et elle a fait le choix d’y militer au détriment du patrimoine ‘’familial’’, le PIT.
‘’Yewwi Askan Wi a encore beaucoup de choses à proposer au peuple sénégalais’’
Aida Sopi Niang est née et a grandi dans une famille où père et mère militaient au PIT. Elle juge d’ailleurs ce nouveau choix assez compliqué, mais facilité par les idéologies de gauche incarnées par les deux camps. ‘’Sous cet angle, je n’ai jamais eu de divergences avec les camarades du PIT. Je pense que le mot transition n’est pas trop approprié, mais c’est plutôt une transition dans la lutte et chacun s’affirme dans le cadre où il pense que son apport serait le plus bénéfique à la population sénégalaise. À un moment donné de la vie, il faut faire un choix et le mien a été le fait de militer dans le Bés Dou Niak’’.
Cependant, il faut relever que son parti n’a gagné aucune collectivité locale pour ces échéances. Une situation qui s’explique, d’après Aida Niang, par leur entrée tardive dans cette coalition de l’opposition. Elle trouve néanmoins que leur apport a été très important dans la victoire de certains leaders.
En effet souligne-t-elle avec fierté, le Yewwi Askan Wi est un groupe de personnes qui, au-delà des partis politiques, se sont battues ensemble et ont gagné dans beaucoup de collectivités locales.
La coordonnatrice du mouvement des jeunes du M23 fonde aujourd’hui beaucoup d’espoir sur cette entité politique qui a gagné devant la coalition Benno Bokk Yaakaar dans la capitale sénégalaise, même si elle avait beaucoup d’appréhensions au départ. Aida Niang en retient finalement une belle expérience, car l’entité privilégie les dynamiques de groupe au détriment des intérêts partisans. ‘’Il y a la convivialité, les gens sont ensemble et discutent, la campagne a été menée avec le sacrifice de tout un chacun, parce que ce n’était pas un parti au pouvoir. Je pense que si nous continuons sur cette lancée, le Yewwi Askan Wi a encore beaucoup de choses à proposer au peuple sénégalais’’.
La conseillère municipale à la ville de Dakar a foi en ce vent du changement impulsé par les jeunes qui seront, à ses yeux, capables de mener les ruptures attendues. Ce, avec des hommes et des femmes qui mettront en avant la parole donnée et seront au-dessus de ces batailles de positionnement. ‘’C’est vrai qu’il peut y avoir des combines politiques, mais nous, en tant que jeunes, nous devons d’être aux aguets et les dénoncer, en cas de dérive. Il ne peut y avoir une unanimité dans la vision des choses et même dans les perspectives, mais ce qui est important, c’est le fait de pouvoir mettre le nous en avant. Et pour ce faire, il y a des préalables dans le sens du respect de la dignité de chacun, de la prise en compte de chacun et que personne ne puisse penser être plus intelligent et plus fort que l’autre. De ce que j’ai vu jusqu’à présent, j’ai un a priori favorable et je pense que le Yewwi a pu apprendre des autres coalitions et que nous ne ferons pas les mêmes erreurs’’.
La militante de la gauche n’est pas indifférente à la percée des jeunes durant ces Locales. Elle rappelle, à ce propos, que c’est la jeunesse qui avait mené la révolution dans les années 1968. Ces jeunes constituent pour elle, aujourd’hui, cette force de proposition qui manquait au Sénégal. ‘Il est important qu’on puisse continuer cela pour impulser une nouvelle dynamique. Nous allons vers d’autres échéances et aujourd’hui, c’est dans le positionnement que nous ferons de ces jeunes dans les bureaux municipaux les leaders qui pourront convaincre les Sénégalais’’.
La révolution de 2011
En dehors de son militantisme à Bés Dou Niak et à Yewwi Askan Wi, Aida Sopi Niang est l’une des actrices de la ‘’révolution’’ de juin 2011. Elle garde d’ailleurs en souvenir ces moments où avec sa bande, ils pouvaient à la fin de la journée, soit rentrer tranquillement, soit être menottés pour finir à Rebeuss. Cela reste ainsi pour la jeune dame un véritable moment de don de soi où des fils et filles de ce pays se sont levés pour lutter contre l’injustice. ‘’J’ai connu le maire de la ville de Dakar et d’autres sur ce terrain-là. À un moment donné, nous ne pensions plus parti politique, mais peuple sénégalais. La lutte a été âpre, mais nous a permis de savoir que quand le peuple vit une injustice, il faut savoir tout donner et essayer à force d’engagement et de convictions le sortir du trou dans lequel les gens voulaient le mettre’’.
La vie d’Aida Niang n’est cependant pas faite que de politiques. Elle est également au-devant de la scène, quand il s’agit de défendre les femmes. Dans ses combats, la jeune dame a, en 2014, amené la mairie de Sicap–Liberté devant le tribunal, parce que le bureau n’était pas paritaire. Aida précise d’ailleurs qu’elle n’hésitera pas à faire autant pour la mairie de Dakar, s’il y avait un soupçon de non-respect de la loi.
‘’Je pense qu’au-delà de notre appartenance politique, la priorité, c’est la bataille que nous menons pour l’égalité des sexes, pour l’autonomisation des femmes, afin qu’elles puissent être au-devant et qu’on sache que la population sénégalaise est composée des deux sexes. Les jeunes femmes sont les plus lésées, dans le sens où elles sont femmes et jeunes, et c’est les deux catégories les plus vulnérables. Nous avons une association, La Pépinière. Nous nous sommes toujours battues pour faire en sorte que les jeunes femmes soient responsabilisées, qu’elles ne soient pas des suivistes’’.
Après les Locales, la militante de Bés Dou Niak cible les prochaines Législatives, fixées fin juillet 2022 pour, dit-elle, continuer à servir le peuple et faire en sorte que les revendications populaires puissent être entendues.
Pour Aida Sopi Niang, les choses peuvent être difficiles, mais pas impossibles, puisqu’elle ambitionne un jour d’être la locataire du palais de la République et être à la tête de ce pays.
En attendant, il faut prier pour que les Sénégalais se départissent de certaines ‘’visions archaïques qui n’envisagent pas d’élire une présidente de la République’’…