BIRAM SENGHOR, LA VOIX DU DEVOIR DE MÉMOIRE
La France ne peut plus ignorer son passé colonial. Le témoignage de Biram Senghor, dont le père a été exécuté à Thiaroye en 1944, résonne comme un appel à la reconnaissance des responsabilités et à la publication des archives
(SenePlus) - À 86 ans, Biram Senghor n'a jamais renoncé à obtenir justice pour son père, M'Bap Senghor, l'un des six tirailleurs sénégalais exécutés à Thiaroye le 1er décembre 1944 par des officiers de l'armée française. Un combat de plusieurs décennies qui vient de connaître une avancée significative, comme le rapporte RFI.
Le 28 juillet 2024, le gouvernement français a reconnu que ces six tirailleurs, dont quatre Sénégalais, étaient "Morts pour la France". Une décision saluée par Biram Senghor comme "une victoire", mais qui n'efface en rien les blessures encore vives laissées par ce drame sanglant de l'époque coloniale.
"En novembre 1944, il restait seulement à leur reverser leur pécule. Ils l'ont réclamé à l'autorité coloniale et le gouverneur général a donné l'ordre de les abattre. C'est comme ça qu'il est mort assassiné par la France parce que les autorités françaises ont donné l'ordre de les tuer", témoigne M. Senghor à RFI avec une émotion palpable.
Depuis le jour tragique où son père, alors âgé de 42 ans, a perdu la vie sous les balles des troupes coloniales, Biram Senghor n'a eu de cesse de réclamer la vérité et la reconnaissance des responsabilités. "Vous savez, la France n'a jamais été tendre avec moi. Depuis cette date de 1944, j'ai suivi cette affaire", confie-t-il à la radio internationale française.
Dès 1948, les autorités coloniales ont tenté de clore le dossier en le convoquant, ainsi que sa mère. Mais Biram Senghor a opposé un refus catégorique à tout classement précipité de cette affaire. "En 1953, ils ont voulu classer et j'ai dit non", affirme-t-il avec fermeté à RFI.
Au fil des décennies, l'obstination de cet homme a fini par payer. Aujourd'hui, il attend désormais que la France aille plus loin en réparant le préjudice subi par sa famille. Mais son combat dépasse son cas personnel.
"La France, dans ses documents, elle sait combien d'individus elle a tué ici à Thiaroye en 1944. Les Français ne peuvent pas ne pas connaître. Je trouve que ça, ce n'est pas sérieux", dénonce-t-il avec force à RFI.
Biram Senghor appelle ainsi à la publication intégrale des archives de l'époque, persuadé que les autorités françaises détiennent des informations cruciales sur l'ampleur réelle du massacre. Une quête de vérité qu'il poursuit inlassablement, porté par la mémoire tenace d'un fils qui n'a jamais pu faire son deuil.
"Leurs corps ont été jetés dans une fosse commune sans la moindre sépulture décente. C'est une insulte suprême à leur mémoire et à leur sacrifice", déplore-t-il avec amertume à RFI, citant les mots d'un survivant de cette tragédie.
À l'instar de nombreuses voix qui s'élèvent aujourd'hui pour demander des comptes à l'ancien pouvoir colonial, Biram Senghor incarne la détermination inflexible à faire reconnaître les souffrances trop longtemps tues. Son témoignage, relayé par RFI, est un puissant rappel des blessures encore à panser et du devoir de mémoire qui incombe à la France.