DAKAR-PARIS, LE DÉFI DU RÉÉQUILIBRAGE
Longtemps critiquée pour son influence prépondérante, la France se retrouve sous pression au Sénégal avec l'arrivée au pouvoir d'un nouveau dirigeant déterminé à faire entendre davantage la voix du pays
Avec l'arrivée du nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, la France fait face à un défi de taille : rééquilibrer sa relation avec le Sénégal pour se prémunir d'une rupture déjà consacrée dans d'autres pays d'Afrique de l'Ouest, selon une analyse de l'AFP.
Lors de sa première prise de parole après sa victoire, Bassirou Diomaye Faye s'est dit "prêt à entretenir une relation de coopération vertueuse, respectueuse et mutuellement productive" avec tous les partenaires de son pays. Une déclaration jugée "encourageante" à Paris, où le président Emmanuel Macron ne cesse de répéter sa volonté de "refonder" les relations avec l'Afrique en étant à l'écoute de ses demandes. Dans un message de félicitations, ce dernier s'est réjoui de "travailler avec le nouveau chef d'Etat sénégalais".
Pourtant, le défi sera de taille pour la France, estime Sidy Cissokho, chercheur au CNRS. "Jusqu'à présent, la France n'a pas été à la hauteur des enjeux", souligne-t-il. Ces dernières années, les critiques se sont multipliées contre l'ancienne puissance coloniale au Sénégal, portées notamment par l'opposant Ousmane Sonko, qui avait désigné Bassirou Diomaye Faye comme candidat suppléant. En 2022, plusieurs rues de Ziguinchor avaient même été rebaptisées, signe d'une volonté de prendre ses distances avec la France.
"Nous défendons avant tout les intérêts sénégalais", affirme aujourd'hui Alioune Sall, membre du parti du nouveau président, le Pastef. Par priorité, le nouveau gouvernement devra renégocier les contrats miniers et gaziers afin d'obtenir une meilleure redistribution des richesses. Pour autant, Bassirou Diomaye Faye l'assure : "Rééquilibrer ne veut pas dire rompre". La France reste le "premier investisseur et partenaire commercial" du pays avec lequel les liens sont "séculaires", souligne Alioune Sall.
Mais des actes symboliques devront illustrer la volonté de changement aux yeux des électeurs, prévient Sidy Cissokho. Tous les yeux se tournent ainsi vers l'avenir de la base militaire française de Dakar et la décision concernant le Franc CFA. Sur ces dossiers sensibles, la France assure être ouverte à toutes les propositions. Bassirou Diomaye Faye avait lui-même évoqué une sortie du Franc CFA dans le cadre des organisations régionales ouest-africaines.
Le défi qui attend désormais les deux pays est de taille : réussir à rééquilibrer leur relation en tenant compte des aspirations sénégalaises, sans pour autant rompre des liens historiques.