INCERTITUDES SUR LES CANDIDATURES DES OPPOSANTS POUVANT BENEFICIER DU PARRAINAGE DES DEPUTES
Malgré la floraison des candidats à l’élection présidentielle de février prochain, seuls Amadou Ba de BBY, Khalifa Sall de Taxawu Sénégal, Karim Wade du PDS et Ousmane Sonko du Pastef pourraient bénéficier des parrainages des élus
Malgré la floraison des candidats à l’élection présidentielle de février prochain, seuls quatre d’entre eux pourraient bénéficier des parrainages des élus, plus précisément des députés. Il s’agit d’Amadou Ba de BBY, de Khalifa Sall de Taxawu Sénégal, de Karim Wade du PDS et de Ousmane Sonko du Pastef.
Toutefois, à part le candidat de la mouvance présidentielle, les trois autres nommés ne sont pas sûrs, malgré cet avantage de pouvoir se faire parrainer par des élus, de voir leurs candidatures validées par le Conseil constitutionnel en janvier prochain. En effet, si pour Karim Wade l’épée de Damoclès de l’amende de 138 milliards qu’il doit au Trésor public pèse toujours sur sa tête — encore que, selon la Direction générale des Elections cela ne pourrait constituer un obstacle à la validité de sa candidature — , Khalifa Sall, lui, pourrait ne pas avoir le nombre de députés requis en cas de condamnation définitive de Barthélémy Dias synonyme de perte de son mandat de député. Ce qui ferait qu’une voix pourrait manquer à l’appel si cette prédiction pessimiste du maire de Dakar devait se réaliser.
Quant à Ousmane Sonko son sort reste toujours suspendu entre les désidérata de la DGE, de la CENA version « Mackyllée » et de la Cour suprême.
Karim Wade: les 138 milliards comme possible facteur de blocage
Pour l’élection présidentielle de février prochain, le PDS a renouvelé son choix sur Karim Wade pour porter sa candidature. Le fils de l’ancien président de la République Abdoulaye Wade, après un emprisonnement de quinze mois, avait bénéficié d’une grâce présidentielle avant d’être exilé dans des conditions toujours non élucidées au Qatar. Pays où il séjourne depuis. En revanche, ce que l’on sait, c’est qu’il avait été condamné pour « enrichissement illicite » à une peine de six ans de prison ferme et frappé d’une amende de 138 milliards de francs. Son retour, longtemps annoncé par ses militants, n’a toujours pas eu lieu alors que l’échéance électorale approche à grands pas. Bénéficiant des décisions issues du Dialogue national puisque la réforme du code électoral rendue possible par ce conclave lui ont permis de nouveau d’être électeur et donc éligible, il bute toujours sur l’équation du paiement de l’amende qui lui a été infligée par la défunte Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Une amende qui, selon certains juristes, pourrait être un facteur de blocage pour la validation de sa candidature par le Conseil constitutionnel. Est-ce la raison qui expliquerait qu’il ne soit toujours pas revenu au pays ? Toujours est-il que ses partisans, qui croient dur comme fer au retour de leur candidat, se préparent à l’accueillir en grande pompe et poursuivent le travail de massification de leur parti. Mais à moins de trois mois de la mère des batailles électorales, Karim se trouve toujours au Qatar tout en se murant derrière un silence énigmatique. Pourtant l’ex-tout puissant «ministre du Ciel et de la Terre» est bien réinscrit sur les listes électorales et est devenu éligible. Mieux, son parti ayant le nombre de députés requis pour lui accorder le parrainage des élus, il n’est pas exposé non plus aux risques de doublons, piège redoutable dans les filets duquel tous les candidats n’ayant pas la chance d’avoir un nombre important d’élus craignent de se laisser prendre. En tout cas, le retour au pays de Karim Wade tarde à se matérialiser. Viendra, viendra pas ? Encore une fois, certains juristes continuent de soutenir que la validation de sa candidature pourrait être remise en cause par cette amende de 138 milliards qu’il a l’obligation de payer. Faute de quoi, il court le risque de voir sa candidature rejetée par le Conseil constitutionnel. De toutes les façons, telles que les choses évoluent, il y a lieu de croire que sa participation à la prochaine élection présidentielle est loin d’être acquise du moins jusqu’à ce que la liste définitive des participants soit publiée par le Conseil constitutionnel.
Ousmane Sonko : la forclusion, probable motif de rejet de sa candidature
Après avoir statué sur la réintégration de Ousmane Sonko dans les listes électorales, la Cour Suprême avait cassé la décision du tribunal d’instance de Ziguinchor ordonnant cette réintégration et renvoyé le dossier au tribunal d’instance de Dakar. Lequel a tranché, ce 14 décembre, en faveur de l’opposant en prison. Dès lors, vu que cette décision est exécutoire, selon l’article L45 du code électoral, Ousmane Sonko devait être automatiquement remis dans ses droits. Mais la décision des avocats de l’Etat-Apr de faire un recours contre cette décision du juge Ousmane Racine Thione du tribunal d’instance de Dakar risque de prolonger le suspense concernant sa réintégration dans le fichier électoral. En attendant que ce dossier soit complètement vidé, le leader de Pastef se trouve dans l’incertitude quant à la possibilité pour lui d’être sur la ligne de départ pour l’élection présidentielle du 25 février prochain. Pour cause, le délai de dix jours dont disposent les avocats de l’Etat Apr pour se pourvoir en cassation peut jouer en sa défaveur.
En effet, la date limite de dépôt du recours est le 24 décembre, le lendemain 25 est jour férié et le 26 est le dernier jour pour le dépôt des candidatures au niveau du Conseil constitutionnel. Dans ce cas, même si, par extraordinaire, la Cour suprême rendait une décision le réhabilitant dans ses droits d’être réinscrit sur les listes électorales, il courrait le risque d’être forclos. D’autre part s’il advenait que la DGE accepte de lui remettre ses fiches de parrainage, Ousmane Sonko choisirait à coup sûr le parrainage des élus pour sécuriser ses chances. En définitive, il semblerait que l’on assiste à un jeu d’échecs entre le pouvoir et l’opposant en prison. Le premier cherchant à pousser son adversaire à mal utiliser ses deux cartouches de parrainage des élus — l’autre devant en principe profiter à Bassirou Diomaye Faye, le « Plan B » de Pastef — et le second essayant de contourner ce piège. D’où l’interrogation : comment Ousmane Sonko va-t-il pouvoir s’y prendre pour que, au cas où il ne serait pas sur la ligne de départ, il puisse faire bénéficier à la personne de son choix le parrainage des élus de Pastef à l’Assemblée nationale ? Celui des citoyens n’ayant pas suffisamment de garanties pour passer.
Khalifa Sall : le procès de Barth fait naître des doutes
Tout comme Karim Wade, le leader de Taxawu Sénégal, Khalifa Ababacar Sall, doit son retour dans le jeu électoral à la modification du code électoral en ses articles L29, L31 et L51 afin de lui permettre d’être de nouveau éligible. En effet, dans l’affaire de la caisse d’avance de la mairie de Dakar, il a été condamné à une peine de cinq ans de prison ferme, qu’il a purgée en partie, et au paiement d’une amende de cinq millions de francs. Une condamnation qui lui avait fait perdre son mandat de député ainsi que celui de maire et l’avait empêché d’être candidat à l’élection présidentielle de 2019. Après avoir recouvré la liberté par une grâce présidentielle, il met en place la grande coalition Yewwi Askan Wi pour s’opposer à l’actuel régime incarné par le président Macky Sall. Mais malgré sa bonne dynamique et les bons résultats obtenus lors des législatives et des locales, cette entité avait fini par éclater. Les chemins de Khalifa Sall et d’Ousmane Sonko se sont séparés lorsque le leader de Taxawu Sénégal a décidé de prendre part au Dialogue national convoqué par le président de la République et qu’Ousmane Sonko a perçu comme une manœuvre pour l’isoler afin de mieux l’emprisonner. Ce qui n’était pas tout à fait faux. Toujours est-il qu’à l’issue de ce dialogue, Khalifa Sall a été réhabilité et est devenu éligible. Lui aussi peut compter sur la signature de treize parlementaires sur les quatorze dont dispose Taxawu Sénégal. Mais depuis que la Cour suprême a fixé la date du 22 décembre pour statuer sur le dossier du meurtre du nervi Ndiaga Diouf, pour lequel Barthélémy Dias a été condamné aussi bien en première instance qu’en appel pour coups mortels, des menaces pèsent sur le parrainage des élus de Khalifa Sall. C’est du moins ce que le principal concerné, en l’occurrence Barthélémy Dias, député et actuel maire de Dakar, a déclaré.
A l’en croire, le fait de ressortir ce dossier vieux de 12 ans à deux mois de la présidentielle cacherait une volonté du pouvoir en place de le faire condamner afin de lui faire perdre son mandat de député. Ce qui, selon lui, aurait pour effet Khalifa Sall, son candidat en 2024, de son parrainage en même temps, peut-être que ceux d’autres de ses collègues de Taxawou Sénégal que le régime APR/Benno pourrait débaucher. En effet, a expliqué Dias, s’il est condamné, il perd de facto son mandat de député. Il restera alors à leur mouvement treize députés exactement. Et à partir de ce moment, le pouvoir va chercher à leur prendre un ou deux députés supplémentaires pour faire perdre à Khalifa Sall la possibilité de miser sur le parrainage des élus. C’est pourquoi, il a avisé de ne pas être surpris si demain des députés de Taxawu Sénégal décident de ne pas parrainer Khalifa Sall. Autant dire que l’ex-maire de Dakar devra aussi, si tel était le cas, recourir au parrainage des citoyens avec tous les risques qu’un tel choix suppose pour la validation de sa candidature par le Conseil constitutionnel.