LA COALITION DIOMAYE-PRESIDENT S’INVITE À LA SORBONNE
L'élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence du Sénégal suscite l'intérêt des universitaires français. À l'Université Sorbonne Paris-Nord, professeurs et étudiants ont analysé ce coup de tonnerre politique survenu dans le pays
L’accession en mode éclair du candidat de la coalition « Diomaye-Président » à la magistrature suprême de notre pays constitue un véritable cas d’école en Afrique et dans le reste du monde. A la Faculté de Droit, Sciences politiques et Sociales de l’Université Sorbonne Paris-Nord, professeurs et étudiants ont brièvement évoqué la dernière élection présidentielle sénégalaise dans leurs diverses discussions.
La coalition « Diomaye-Président » — ou, plutôt, la façon fulgurante dont elle a pris le pouvoir — devient un cas d’école dans le monde des sciences juridiques et politiques. A deux mois d’un scrutin indécis, et alors qu’il croupissait en prison, Bassirou Diomaye Faye est désigné au pied levé candidat à la présidence de la République par une coalition de partis politiques et de mouvements ayant pour locomotive Pastef, une formation dont il est le secrétaire général. Ce, pour remplacer son mentor Ousmane Sonko, lui aussi embastillé et déclaré inéligible. En milieu carcéral, les deux prisonniers politiques Diomaye et Sonko ont formé un « gang » électoral qui a réussi la prouesse de braquer le régime du président sortant Macky Sall et sa toute puissante coalition-Etat — et non pas seulement parti-Etat ! — (Bby). D’où l’action d’éclat jamais réalisée auparavant dans le monde par un prisonnier politique. Car, au soir du 25 mars 2024, Bassirou Diomaye Faye, libéré de prison en pleine campagne électorale, a remporté la présidentielle dès le premier tour avec 54,28% suite à une campagne post-carcérale express.
La leçon politique de Dakar !
Comment un « petit » parti politique — dissous qui plus est ! — a-t-il réussi l’exploit de faire abdiquer un tout puissant parti-Etat, que disons-nous, une coalition-Etat avec tous ses moyens financiers, économiques, humains mais aussi son redoutable appareil de répression policière et judiciaire ? Comment un « Pastef » de rue a-t-il pu pousser le tout puissant Etat « Benno » à céder une partie de sa « souveraineté » politique et juridique jusqu’à faire libérer ses plus redoutables adversaires et bourreaux à quelques jours d’un scrutin crucial ? La volonté populaire s’est-elle substituée à l’intime conviction des juges du Conseil constitutionnel ? Ce sont autant de questions que professeurs et étudiants de la Faculté de Droit, Sciences politiques et Sociales de l’Université Sorbonne Paris-Nord ont brièvement évoquées dans leurs diverses discussions. Et auxquelles ils ont tenté d’apporter des réponses « scientifiques ». Selon Donovan Lakio, étudiant congolais en droit à l’Université Sorbonne Paris Nord, la présidentielle sénégalaise 2024 a suscité de nombreux débats passionnants dans les facultés des sciences politiques et juridiques en France. Et en Afrique. « Et surtout chez la communauté des étudiants africains qui aspirent à une gouvernance plus démocratique et plus responsable. Cela ne pouvait se faire sans une jeunesse consciente et révolutionnaire. Cette leçon qui nous vient de Dakar doit faire des émules dans tous les pays africains comme la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Mali, le Togo, la Guinée, le Tchad etc. Parce que la transition politique au Sénégal illustre une grande force démocratique grâce à la volonté de son peuple, qui a courageusement protégé les institutions du pays. Un peuple actif qui a interdit toute manœuvre au président de la République Macky Sall et au Conseil constitutionnel. Le patriotisme a été renforcé et ces événements historiques ont été des illustrations pour le Congo-Kinshasa, ainsi que pour toute l’Afrique. Tousles peuples réclament plus que jamais et de la même manière le respect de leurs droits fondamentaux » explique l’étudiant congolais rencontré à l’Université Sorbonne Paris Nord par votre serviteur lors de son récent séjour à Paris.
Ousmane Sonko, le visionnaire…
Pour des étudiants et professeurs en droit de cette université, l’élection du président Bassirou Diomaye Faye à la magistrature suprême est la rançon de la vision d’un leader comme Ousmane Sonko qui a fait preuve de sa générosité politique. « En Afrique, force est de reconnaitre qu’un jeune visionnaire nommé Ousmane Sonko, un homme de bon sens est né ! De par son courage, il a étalé tout son talent politique pour porter son parti Pastef au pouvoir, quitte à sacrifier sa personne. Ce, malgré toutes les manœuvres déloyales de l’Etat incarné par Macky Sall » ajoute Diaby Konan, étudiant ivoirien vivant à Paris.
Les mille et une décisions du Conseil constitutionnel se sont également invitées dans les débats juridiques, nous rapporte-ton. Il est vrai qu’au lendemain de la victoire de la coalition « Diomaye-Président », la plupart des observateurs et politologues se disaient convaincus que l’ultime décision des « Sept sages » du Conseil constitutionnel avait été déterminante pour avoir contraint le président sortant Macky Sall à organiser le scrutin dans les délais. « Non ! Le Conseil constitutionnel du Sénégal ne pouvait pas faire autrement au risque de brûler le pays » estime un professeur en Droit à l’Université Sorbonne joint par « Le Témoin ». Et d’expliquer que l’intime conviction est analysée comme une certitude morale qui devrait être incompatible avec tout doute dans l’esprit. A cet effet, le juge prend en compte l’acte à juger d’abord, mais surtout l’environnement quand il s’agit de politique, sans oublier l’opinion publique et l’ébullition de la communauté électorale dans leur subjectivité etc. Tout cela venant s’ajouter aux suspicions de corruption, à la radicalisation des organisations de la société civile sénégalaise, à la campagne d’alerte des médias, aux pressions de la communauté internationale etc. Face à cette levée de boucliers à l’échelle nationale et internationale, le Conseil constitutionnel ne pouvait pas faire autrement que de céder à la volonté populaire. Comme quoi, la volonté populaire s’est substituée à l’intime conviction des juges. Et quelle que fût la conviction des juges électoraux, la meilleure décision qu’ils pouvaient prendre c’était de sommer le président Macky Sall d’organiser le scrutin dans les délais exigés par la Constitution » estiment nos interlocuteurs.
Pour la petite histoire, le pouvoir législatif qu’est l’Assemblée nationale avait saisi la balle de l’exécutif au rebond pour adopter, sans débat, le projet de loi repoussant l’élection présidentielle au 15 décembre prochain. Un vote qui avait « déchiré » de fait la liste définitive de vingt candidats autorisés à participer à l’élection présidentielle par le Conseil constitutionnel.
Une jeunesse révolutionnaire
Malheureusement ces deux pouvoirs (Exécutif et Législatif) avaient dû oublier que l’ultime mot revient au Judiciaire qui demeurait le dernier rempart de l’Etat de droit. Et surtout quand il s’agissait de contrôler ou se prononcer sur la constitutionnalité des lois, des règlements intérieurs des assemblées, des lois organiques et des engagements internationaux. Mais ici, il était question à l’ère Macky d’un projet de loi voté à l’Assemblée nationale pour reporter l’élection présidentielle. Au finish, les « Sept » sages du Conseil constitutionnel avaient annulé le report du scrutin du 24 février décrété in extremis par le président Macky Sall. En annulant l’abrogation du décret portant convocation du corps électoral et la loi « parlementaire » repoussant l’élection présidentiel à l’époque, le pouvoir judiciaire avait arrêté et « menotté » les deux pouvoirs (Exécutif et Législatif) pour montrer sa suprématie. Mais c’était compter sans la volonté populaire incarnée par une jeunesse sénégalaise révolutionnaire et prête à tout pour protéger le « Projet ». Et le porter au pouvoir…