LE GOUVERNEMENT ATTENDU SUR SES CHANTIERS
Pour la première fois depuis des années, le pays aborde décembre sans avoir entamé le moindre débat budgétaire. Les nouveaux élus devront jongler entre l'urgence économique et leur promesse de transparence dans la gestion des finances publiques
L’installation rapide de l’Assemblée nationale, outre de voter rapidement un budget pour l’Etat, donnera plus de visibilité aux ambitions politiques et économiques des nouveaux dirigeants.
Les résultats des Législatives du dimanche 17 novembre connus, il ne reste maintenant aux nouvelles autorités qu’à se mettre au travail. Et l’Assemblée est partie pleinement prenante des orientations politiques que la nouvelle majorité va impulser pour le pays. Ce qui rend les choses faciles, dans un certain sens, c’est que le pays est en attente d’un budget. D’habitude, une législature s’installe sur les restes d’un budget hérité de la législature sortante, avec ses passifs. Ici, l’antagonisme du Premier ministre Ousmane Sonko avec les députés de l’ancienne majorité de Benno bokk yaakaar (BBy) a permis aux nouveaux élus d’éviter cette pierre d’achoppement. La nouvelle majorité parlementaire pourra plus facilement aider l’Exécutif à mettre en œuvre ses plans.
Et dans ce domaine, il y a urgence. Pour la première fois depuis bien longtemps, le Sénégal arrive au mois de décembre sans que l’Assemblée nationale n’ait entamé le débat sur l’orientation budgétaire. Et si les élus n’accélèrent pas la cadence, ce n’est pas avant janvier 2025 que les Sénégalais connaîtront les priorités économiques et politiques du nouveau pouvoir. Or, le pays fonctionne au rythme des urgences.
Le marché financier régional est mis à contribution quasiment chaque mois, pour des emprunts obligataires de l’Etat. La régularité de ces opérations laisse à penser que c’est par ce biais que les salaires des fonctionnaires sont encore payés, en attendant. Mais, même pour continuer à prêter des fonds, ou à apporter leur appui budgétaire, les partenaires du pays ont besoin d’avoir une visibilité sur les objectifs du pouvoir et l’utilisation des ressources mises à sa disposition. D’où l’importance de voter rapidement un budget.
Ce sera aussi l’occasion de remettre en cause le legs de Macky Sall, lui qui avait porté le budget du pays à plus de 7000 milliards avant son départ. Puisque l’antienne est qu’il avait, avec le concours de ses services financiers -qui sont aujourd’hui au service du trio du Jub-Jubal-Jubanti-, systématiquement falsifié les comptes publics pour faire croire à bonne santé économique loin des réalités, le gouvernement pourra corriger les errements dont il aura hérité. Et il pourra enfin faire jouer les leviers de la mise en œuvre de la fameuse Vision 2050, et démontrer les différences d’avec le Pse de Macky Sall.
Les choses qui se décideront à l’Assemblée auront un impact réel sur la vie de tous les Sénégalais. Même au-delà des orientations économiques, l’Etat fait face à plusieurs sollicitations, aussi bien de sa base politique et sociale que des citoyens ordinaires. Tout le monde attend de savoir si, à l’instar de Macky Sall et Abdoulaye Wade, les nouveaux dirigeants vont chercher à faire rendre gorge à ceux qu’ils accusent d’avoir contribué à piller les ressources du pays. Y’aurat-il des procès pour «enrichissement illicite» ou autres biens mal acquis ? Lancera-t-on des audits pour débusquer les sources de certaines ressources ou, puisque Ousmane Sonko déclare depuis longtemps qu’il sait où se trouve l’argent planqué et connaît noms de certains détourneurs, les choses iraientelles plus vite et on passera directement aux procès ? Des actions de ce genre pourraient fatalement influer sur le regard de l’opinion extérieur sur la gouvernance au Sénégal. Une Assemblée aussi monocolore permet d’aller très vite sur certains dossiers, et de surmonter plus vite certains obstacles juridiques. C’est un très grand atout pour des dirigeants qui se savent scrutés par le monde entier.