AMADOU BA ÉTRANGEMENT AUX ABONNÉS ABSENTS
Malgré des émeutes sanglantes ayant fait plus de 15 morts le Premier ministre Amadou Ba, pourtant censé être un fusible du président de la République est aux abonnés absents
Le Sénégal traverse depuis quelques jours une secousse ”sismique” engendrée par le verdict pour le moins controversé rendu le 01 er juin 2023 par la chambre criminelle du tribunal de grande instance hors classe de Dakar, relativement à l’affaire dite “Sweet Beauty”, ayant opposé la sulfureuse masseuse Adji Raby Sarr au chef de file de l’opposition et principal challenger du président de la République en place, Ousmane Sonko. Pendant les 48 heures qui ont suivi l’énoncé de la sentence condamnant le leader des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef-Les Patriotes) à 2 ans de prison ferme et 600 000 F CFA d’amende pour...”corruption de la jeunesse”, le pays a été à feu et à sang. Plus de 15 personnes ont déjà perdu la vie au cours des échauffourées sanglantes qui ont éclaté pour protester contre ce verdict. De Ziguinchor à Dakar, en particulier dans les départements de Pikine, Guédiawaye et Keur Massar, en passant par Bignona, les populations, le cœur meurtri, pleurent leurs fils morts. Naturellement, l’économie quasi paralysée durant ces deux journées d’émeutes et nos compatriotes de la diaspora dépités ont investi certains consulats du pays à l’étranger pour déverser leur colère. Pendant ce temps, le Premier ministre Amadou Ba, pourtant censé être un fusible du président de la République est aux abonnés absents, laissant le soin de monter au créneau à d’autres seconds couteaux comme Félix Antoine Diome, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, ou Ismaïla Madior Fall, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, ou encore Mame Mbaye Niang, le ministre du Tourisme, d’aller au charbon. Sans compter le ministre transhumant de l’Urbanisme et de l’Habitat, Abdoulaye Seydou Sow, qui se signale par son activisme débordant dans les médias. Des voix qui ne portent plus tant une importante frange de la société s’est détournée d’elles.
Supprimé pour la troisième fois dans l’histoire politique de notre pays par un projet de loi adopté par une large majorité le 04 mai 2019, le poste de Premier ministre a été restauré le 10 décembre 2020 en plénière de l’Assemblée nationale après un passage en commissions des lois le vendredi 03 décembre de la même année. Durant huit mois, le pays fut géré en mode fast-track censé accélérer le traitement des dossiers mais qui, dans la réalité, s’est plutôt traduit par un ralentissement total de ce même traitement, les dossiers s’accumulant à la présidence de la République devenue du coup un véritable goulot d’étranglement. Finalement, constatant l’échec de cette suppression du poste de Premier ministre, et prenant prétexte de la présidence de l’Union africaine qu’il allait prendre, le chef de l’Etat, Macky Sall, a décidé de rétablir la fonction et de nommer l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, Amadou Ba, pour l’occuper. C’était le 17 septembre 2021. Le chef de l’Etat avait prétexté le poids des charges de cette nouvelle mission à la tête du continent avec notamment la résolution des multiples conflits déchirant le continent pour restaurer la fonction. Mais certaines mauvaises langues n’avaient pu s’empêcher de rappeler l’isolement dont le chef de l’Exécutif avait fait l’objet lors des émeutes sanglantes de mars 2021 après la première arrestation par la Section de recherches de la gendarmerie nationale du patron de Pastef, Ousmane Sonko, justement dans le cadre de cette même affaire « Sweet Beauty ». Le pays avait enregistré 14 morts avant que Macky Sall, sous la pression populaire, ne monte au créneau en faisant une déclaration à la nation dans laquelle il appelait au calme et à la retenue tout en soutenant avoir “compris” sa jeunesse. Avant lui, le même Antoine Félix Abdoulaye Diome avait encore épuisé toutes ses cartouches. L’absence d’un Premier ministre à l’époque avait notoirement manqué au premier magistrat du pays.
Aujourd’hui que le chef de l’Etat a fortement armé ses troupes et s’est entouré d’un Premier ministre, voilà que notre pays replonge dans un autre cycle de violences encore plus meurtrier que celui de mars 2021. Le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, l’omniprésent Antoine Diome, comme à l’accoutumée est monté au front le jour du déclenchement des violences meurtrières entouré de ses collègues du Commerce (également porte-parole du Gouvernement), Abdou Karim Fofana, et de la Communication et de l’Economie numérique, Moussa Bocar Thiam sans que les choses ne se calment. A la surprise générale, alors que les populations attendaient une sortie au plus haut niveau de l’Etat, c’est le ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Abdoulaye Diome, qui peine à convaincre son monde et qui avait jeté de l’huile sur le feu lors des manifestations de 2021 en parlant de « forces occultes » et de « grand banditisme » qui est donc monté nuitamment au créneau. Certes, cette fois-ci, il n’a pas tenu un discours menaçant mais ses paroles n’ont eu aucun effet apaisant sur les jeunes qui occupaient la rue. Le surlendemain, constatant sans doute que sa sortie nocturne du jeudi avait eu l’effet d’un coup d’épée dans l’eau, le premier flic du pays a cédé la place... au directeur de la Sécurité publique — un de ses subordonnés, donc ! — dont le service est l’auteur d’une communication pour le moins laborieuse qui a été même épinglée par le journal en ligne panafricain, Jeune Afrique. “La police nationale a accusé des “civils armés” de se battre aux côtés des manifestants lors des heurts qui ont suivi la condamnation d’Ousmane Sonko. Des images prouvent pourtant que certains d’entre eux évoluent aux côtés des forces de l’ordre”, écrit le site panafricain, photo à l’appui dans un article intitulé “Au Sénégal, des nervis armés aux côtés des forces de sécurité ? “
Plus que Jamais, le Premier ministre Amadou Ba qui a hérité en plus de ses fonctions de chef du Gouvernement, des portefeuilles du Sport et de l’Elevage, après la démission des ministres de Rewmi du gouvernement, est attendu au front pour s’adresser aux Sénégalaises et Sénégalais afin d’apaiser la situation et soulager son patron acculé jusque dans ses derniers retranchements. C’est l’une des raisons de sa nomination à la tête d’un gouvernement dit de “combat”. Et les Sénégalais ont besoin, en plus, d’être rassurés à quelques semaines de la Tabaski. Sauf si, bien sûr, c’est Antoine Félix Diome le véritable Premier ministre de ce pays…