LE POUVOIR ÉBRANLÉ DE MACKY SALL
Le chef de l'Etat tente désespérément de « s'assurer une sortie par la grande porte », mais semble « otage de son entourage » composé de proches s'étant « illégalement enrichi » sous sa présidence et craignant des poursuites
Ministre, Premier ministre puis président durant 12 ans, Macky Sall a régné sans partage sur la scène politique sénégalaise, réussissant l'exploit de se hisser progressivement au sommet de l'État et d'écarter tous ses rivaux potentiels, à en croire le ministre ouest-africain cité par Le Monde du 22 février 2024. Consacré comme un "grand tacticien" selon ce dernier, l'aura de celui qui négociait encore récemment au nom de l'Afrique avec Poutine et Zelensky dépassait largement les frontières de son pays.
Cependant, alors qu'il s'apprêtait à quitter le pouvoir après l'élection présidentielle du 25 février, Macky Sall semble avoir "tout à coup perdu la main", plongeant le Sénégal dans une crise politique majeure. En annonçant brusquement le report du scrutin le 3 février, le chef de l'État pensait verrouiller le processus électoral. Mais sa décision sans précédent a été contrée par le Conseil constitutionnel qui l'a contraint à passer la main le 2 avril. Depuis, il tente désespérément de "s'assurer une sortie par la grande porte", selon le quotidien.
Pour certains observateurs, cités par Le Monde, ce revirement s'expliquerait par la crainte de Macky Sall de voir son dauphin désigné, le Premier ministre Amadou Ba, perdre face à l'opposant Ousmane Sonko. Figurant majeure de la scène politique ces dernières années, le quadragénaire était devenu selon le journal le "meilleur ennemi" du chef de l'État. Arrêté et privé de ce duel annoncé dans les urnes après sa condamnation pour diffamation, Sonko et ses partisans n'ont cessé de défier Macky Sall, entretenant une forte tension dans le pays.
Dans ce climat délétère, Macky Sall se retrouve "otage de son entourage" s'atant "illégalement enrichi" sous sa présidence, selon une source citée. Ses anciens collaborateurs comme Aminata Touré l'accusent d'ailleurs d'avoir "voulu casser des opposants" pour se maintenir au pouvoir, au prix de graves atteintes à la démocratie. Face à ce tableau accablant, le président tente désespérément un rapprochement avec Sonko, conviant chez lui dans la nuit du 8 février l'architecte Pierre Goudiaby Atepa, proche de ce dernier.
Mais sa stratégie jusqu'alors payante semble avoir échoué. Fragilisé, Macky Sall doit désormais libérer des détenus politiques et négocier une sortie de crise alors qu'il rêvait à de hautes responsabilités diplomatiques. A 62 ans, cet "hyprésident" dont le bilan économique est salué laisse pourtant derrière lui selon des analystes "beaucoup de mal fait à la démocratie". Reste à savoir s'il parviendra à quitter le pouvoir "par le haut" après avoir dangereusement fait tanguer son pays.