UNE CAMPAGNE ELECTORALE DE DENONCIATIONS, DE PROGRAMMES ET DE REGLEMENTS DE COMPTES
C’est le clap de fin ! La campagne a été longue. Très longue même ! Du Sénégal des profondeurs à Dakar, la capitale des enjeux, la campagne a tenu toutes ses promesses.
La campagne électorale pour les Législatives anticipées s’achève ce vendredi à minuit. Elle a été marquée par des affrontements et des stratégies opposées entre les principaux partis. Alors que Pastel a rassemblé des foules et multiplié les critiques contre le bilan du régime précédent, Sàmm Sa Kàddu a opté pour une « campagne de tension » en réponse. Pendant ce temps, Jàmm Ak Njarin, Tàkku Wàllu Sénégal et Senegal Kese se sont démarqués par une approche plus modérée, centrée sur le débat d’idées. Retour sur une campagne mouvementée sur fond de rivalités sanglantes, d’échanges de civilités et d’ambitions politiques.
C’est le clap de fin ! La campagne a été longue. Très longue même ! Du Sénégal des profondeurs à Dakar, la capitale des enjeux, la campagne a tenu toutes ses promesses. Ce qui devait être un moment solennel pour décliner un programme s’est parfois transformé en règlement de comptes. Si la plupart des candidats, comme ceux des coalitions Jàmm Ak Njarin et Tàkku Wàllu, ont mené une campagne globalement paisible, la bataille verbale et parfois physique entre Pastef et Sàmm sa Kàddu a jeté une ombre sur cette période électorale.
Pastef, l’affluence des foules
L’aura du Pastef est loin de s’estomper. Depuis la dernière présidentielle 2024, le parti des patriotes a confirmé sa dynamique populaire. Après six mois au pouvoir, le capital de sympathie pour le chef «insubmersible» du Pastef demeure intact, même si le quotidien des Sénégalais reste difficile. De Ziguinchor à Mbacké, en passant par la banlieue dakaroise, le Pastef attire des foules. Ousmane Sonko, fidèle à son tempérament de «showman», enflamme les masses humaines avec un objectif clair : les convaincre à soutenir son projet.
Durant la première phase de la campagne, les patriotes ont axé leur discours sur le bilan économique négatif laissé par le régime de Macky Sall, cherchant à discréditer son rival Amadou Bâ, leader de la coalition Jàmm Ak Njarin, et la coalition Tàkku Wàllu Sénégal. Dans sa démarche de dénonciation, Ousmane Sonko est allé jusqu’à annoncer la découverte de 1000 milliards dans un compte bancaire, sans toutefois fournir de détails. Simple déclaration de campagne ou vérité ? Cette déclaration a suscité un tollé et des experts ont exprimé leur scepticisme. En politique, tous les moyens semblent bons pour déstabiliser ses adversaires ! Sur cette lancée, Sonko a même appelé Amadou Bâ à un débat télévisé. Une initiative vite stoppée par le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (Cnra) dirigé par le Président Mamadou Oumar Ndiaye. Pourtant, certains y voient un progrès pour la démocratie sénégalaise, tandis que d’autres estiment que cela vise à éclipser les autres candidats.
Sàmm Sa Kàddu : Une campagne de tension !
Dirigée par Barthélémy Dias, la coalition Sàmm Sa Kàddu s’est distinguée par une «campagne de tension» pour tenter de freiner l’élan électoral du Pastef. Cette stratégie, qui avait déjà porté ses fruits pour Ousmane Sonko face à Macky Sall, a été reprise par Dias pour surpasser les patriotes sur leur propre terrain. A chaque caravane constat-et-on, les leaders de la coalition incarnée par Barthelémy Dias, Bougane Gueye Dany et Anta Babacar Ngom n’ont pas hésité à critiquer sévèrement la gouvernance de Sonko-Diomaye. Des piques qui ont provoqué des réactions vives de l’aile dure du Pastef qui a même accusé des militants de Sàmm Sa Kàddu d’avoir incendié leur propre siège à Dakar.
Cette méthode d’attaque directe contre le Pastef a permis à Sàmm Sa Kàddu de gagner la sympathie…médiatique. La rivalité avec le Pastef a cependant failli dégénérer, notamment lors de l’arrestation de Bougane Guéye Dany à Tambacounda. Les invectives entre les deux camps se sont intensifiées, et les affrontements sont devenus fréquents, malgré les mises en garde du président de la République Bassirou Diomaye Faye.
Le mano à mano évité de justesse !
Alors que Ousmane Sonko avait fait sa première phase de campagne une dénonciation des malversations du régime de Macky Sall. La coalition Sàmm sa Kàddu est entrée dans la danse pour s’illustrer. Tout a commencé à Tambacounda lors de l’arrestation de Bougane Guèye Dany. Les menaces et les invectives proférées face aux militants de Pastef sont un tournant dans la campagne électorale. C’est le début de la bataille des mots. Les déclarations incendiaires fusent de toutes parts. Les attaques de caravanes se multiplient. De Dakar à Koungheul, les affrontements sont monnaie courante. La tension a atteint un nouveau sommet avec l’agression des commerçants de Saint-Louis par l’inter-coalition Tàkku Wàllu et Sàmm Sa Kàddu. En réponse, Sonko a encouragé ses partisans à «se venger», ravivant le slogan «Gatsa-gatsa» (la loi du Talion).
Dans un communiqué diffusé lundi, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique dit avoir « été informé qu’en dépit de toutes les dispositions prises pour permettre une campagne électorale apaisée, certains acteurs nourrissent des projets d’actes de violence et de sabotage contre des caravanes et d’autres activités organisées par des listes concurrentes». Le cortège de Sàmm Sa Kàddu est arrêté à Thiès le mardi par des éléments de la police. Ils ont passé au peigne fin tous les véhicules et procédé à quelques arrestations. Ce qu’a d’ailleurs dénoncé Abdou Mbow de la coalition Takku Wallu. « Je voudrais condamner cette tentative d’intimation orchestrée par le pouvoir en place et son chef Ousmane Sonko à l’endroit des opposants politiques. C’est une injustice, une intimidation, mais aussi une violation grave des libertés garanties par notre Constitution. Tous les candidats ont le droit de battre campagne librement. Les problèmes dans l’arène politique ne se règlent pas par procuration. Ousmane Sonko, aujourd’hui, a peur et n’a rien d’autre à faire qu’à se réfugier derrière la police pour régler des comptes politiques », a-t-il fulminé. Plusieurs responsables de Pastef montent alors au créneau pour rivaliser d’ardeur dans la surenchère verbale. Fadilou Keita, directeur de campagne de Pastef, s’est fendu d’un post : «Barthélémy Dias ne battra plus campagne dans ce pays », écrit-il. Amadou Ba, député Pastef selon qui, « l’Etat est fort et va mettre fin aux dérives des nervis ». Selon lui, « l’opposition abat sa dernière arme : la violence ». Des militants patriotes se regroupent alors devant la mairie de Sacré-Cœur Mermoz. La tension monte... Les appels au calme se multiplient. Mardi dernier, l’hécatombe a failli se produire. Fort heureusement, le chef du parti Pastef a appelé ses militants à la retenue. La hache du « Gatsa-Gatsa » est ainsi enterrée. Un état de fait qui n’a pas empêché des milliers de patriotes de se défouler sur l’avenue Bourguiba à quelques mètres du domicile du maire de Dakar Barthélemy Dias barricadé par les forces de l’ordre. Dans une émission télévisée, Dias a souligné que des malintentionnés voulaient « mettre le feu à son domicile ».
Jàmm ak Njarin et Senegaal Kesé : la voix de la modération !
Malgré le climat tendu, Amadou Bâ, leader de Jàmm Ak Njarin, a mené une campagne paisible, centrée sur les idées et les préoccupations économiques, notamment le chômage et l’emploi des jeunes. Bien qu’allié à Sàmm Sa Kàddu dans certains départements, il a évité de s’engager dans les invectives, préférant dénoncer la violence. Cette posture lui permet de se présenter comme une alternative modérée. Aux côtés d’Amadou Bâ, la coalition Senegaal Kesé a également mis en avant les débats d’idées, se démarquant par son appel au calme et à la responsabilité. La liste des Nationalistes, dirigée par Tahirou Sarr, a mené une campagne très suivie sur les réseaux sociaux. Surfant sur le nationalisme et le souverainisme, son discours est apprécié par certains Sénégalais. Les résultats de cette formation politique seront à suivre avec attention.
Alors que les tensions ont marqué la fin de la campagne, l’issue de cette élection pourrait redéfinir durablement l’échiquier politique sénégalais. Le choix des électeurs, entre ferveur populaire, stratégies d’opposition musclées et appels au calme, déterminera non seulement les résultats, mais aussi l’avenir du dialogue politique au Sénégal.
Dimanche prochain, le Pastef va-t-il rempiler ?