LA JUSTICE ABDIQUE DEVANT MARIE KHEMESS NGOM ET LES SYNDICALISTES DE LA SANTÉ
Léonce Faye (gynécologue) et son équipe (anesthésiste et aide-infirmier) impliqués dans l’affaire de la femme en couche décédée au centre de santé de Kédougou ont bénéficié hier d’une liberté provisoire.
Le juge d’instruction en charge de l’affaire de la mort en couche de la parturiente Doura Diallo et de son bébé au centre de santé de Kédougou a placé sous contrôle judiciaire les trois agents de santé mis en cause. Le gynécologue Dr Léonce Faye, l’anesthésiste et l’aide-infirmer ont bénéficié d’une liberté provisoire. Mais leurs collègues protestent contre les lourdes charges d’homicide volontaire sur un bébé et involontaire sur une parturiente.
Dr Léonce Faye (gynécologue) et son équipe (anesthésiste et aide-infirmier) impliqués dans l’affaire de la femme en couche décédée au centre de santé de Kédougou ont bénéficié hier d’une liberté provisoire. Les professionnels de la santé qui étaient en garde-à-vue depuis le 31 août dernier sont placés sous contrôle judiciaire.
D’après les explications de l’un de leurs avocats, Me Mouhamadou Malal Barry, les mis en cause ont été entendus hier par le juge d’instruction avant d’avoir bénéficié de ce contrôle judiciaire. «Ils sont libres pour le moment mais en charge de se présenter tous les 21 jours devant le cabinet d’instruction pour émarger». C’est un placement en liberté, mais pour le moment provisoire en attendant les conclusions d’une information judiciaire. «Maintenant l’enquête va commencer», a fait savoir Me Barry qui se réjouit d’avoir obtenu la «compréhension» du magistrat en charge du dossier. Le dossier a été étudié. Les trois accusés ont été inculpés d’homicide volontaire contre un bébé et d’homicide involontaire contre la dame feue Doura Diallo, et ont été placés sous contrôle judiciaire.
Le travail sérieux commence pour les avocats et pour la magistrature. L’enquête va commencer et peut être ils feront appel à tous les experts, à toutes les personnes ressources, a-t-il dit. Donc par compréhension, le magistrat en charge du dossier a choisi de mettre en liberté provisoire, -le temps de l’enquête judiciaire-, les trois prestataires accusés d’homicides volontaire et involontaire.
La justice abdique devant le ministre et les syndicats de santé
Ces arrestations font suite à la mort de Doura Diallo et son bébé au niveau du bloc opératoire de ladite structure sanitaire dans la nuit du 29 au 30 août dernier. En conférence de presse, le médecin-chef du district sanitaire de Kédougou, Fodé Danfakha a expliqué que la victime est arrivée avec un mort-né et que l’équipe en place avait tenté de sauver la mère de 15 heures à 19 heures. Qui malheureusement a succombé lors d’une intervention chirurgicale. Il a aussi précisé que, «un seul décès» a été enregistré sur «plus de 300 femmes accouchées par césarienne».
Le procureur de Kédougou, avait en effet pris des mesures conservatoires en arrêtant les trois agents impliqués dans cette affaire. Ce qui n’est pas du goût des professionnels de la santé qui se sont érigés en bouclier pour protester contre l’acte posé par le procureur qui a déclenché une procédure plaçant l’équipe médicale en garde-à-vue tout en diffusant un communiqué de presse dont voici quelques extraits. «… Les manœuvres du gynécologue (...) ont causé le décès». «A l’analyse des faits, une forte négligence médicale, une incompétence notoire ainsi qu’un manquement manifeste aux règles élémentaires de la médecine» auraient conduit à ces deux décès. Le procureur qui aurait abusé de «gros mots» digne d’un film d’horreur médical parle «d’homicide, de complicité et de forte négligence». «Il reçoit un coup de fil le 30 aout vers 22 heures pour une affaire aussi sensible et, dès le lendemain, sans attendre l’expertise d’une spécialiste, il nous sort une horrible note qui décrit carrément une scène de crime rocambolesque. Alors que même dans les vraies scènes de crime, c’est le médecin-légiste qui oriente la lecture du droit», s’est indigné un médecin sous l’anonymat.
Pour sa part, l’urgentiste Boubacar Signaté considère qu’il aurait juste fallu que le procureur se renseigne auprès de deux à trois médecins, qu’il demande l’avis du conseil de l’Ordre des médecins pour que la gestion soit autre que d’arrêter des agents de santé. L’Association des médecins du Sénégal qui, sans gant, avoue qu’ «il n’y a aucune faute médicale» dans cet acte posé par le gynécologue Dr Faye et son équipe. Les médecins ont ainsi tous remis en cause «l’erreur matériel» du procureur de Kédougou dans une partie de son communiqué sur laquelle reposent les charges à savoir homicide volontaire qu’il a remplacé par homicide involontaire. Ils sont formels. C’est un «communiqué à charge»! Or, le procureur, disent-ils, aurait juste dû entendre le médecin incriminé et demander l’avis d’un autre expert pour leur éviter une garde-à-vue. Le procureur se serait juste basé sur du déclaratif sans prendre la peine de recourir à une expertise médicale. Seulement l’on est surpris par la décision du juge d’instruction pour des faits qualifiés de graves et de négligence qui ont conduit à la mort de deux personnes selon le Procureur de Kédougou.
Le rapport du ministère de la Santé, l’action des syndicalistes, le rôle des avocats des trois mis en cause auraient-ils permis à ces agents de bénéficier d’une liberté... provisoire ? En tout cas, la justice de Kédougou a rapidement abdiqué après avoir jeté en prison les trois mis en cause avec des charges très graves.
LA TUTELLE ET LES SYNDICATS DESAVOUENT LA JUSTICE : Le Procureur de Kédougou accusé d’ «amateurisme» et d’ «impartialité»
De «l’amateurisme et de l’impartialité», s’indignent les gynécologues qui ont fait face à la presse pour d’abord donner des éclaircissements sur les gestes adoptés par leurs collègues. Lesquels actes posés seraient en parfaite symbiose avec la pratique médicale en gynécologie. Le chirurgien aurait fait exactement tout ce qu’il fallait et dans les règles de l’art. D’où leur protestation contre l’acharnement dont aurait victimes l’équipe du service gynécologique du centre de santé de Kédougou dans l’exercice de leur métier. Surtout les charges d’homicide «qui ne devaient aucunement peser» sur leurs braves collègues. D’autant que «Tout a été fait dans les règles de l’art», dixit le secrétaire général du Sames de la région de Kédougou qui dit penser que «la justice est une balance qui va toujours se pencher du côté de la vérité». Il trouve «normal, ce contrôle judiciaire». Pour lui, «la lumière a été faite sur ce dossier». Un dossier sur lequel la tutelle a communiqué en donnant les circonstances du décès de la parturiente Doura Diallo.
Dans un communiqué, la tutelle considère que tout le protocole concernant la dame en couche a été respecté. Ce qui laisse entendre que la responsabilité des personnes qui étaient retenues n’est en rien engagée. Dans le rapport, il n’y a nulle part un mot qui fait remarquer une faille dans l’exécution de leurs tâches. En tout cas, le rapport tel que libellé blanchit les incriminés. Le Secrétaire général du Sames affirme que « le ministère de la Santé est équidistant. Il a fait une enquête de manière impartiale et une enquête a révélé que tout a été respecté». Dr Yéri Camara trouve plutôt que c’est le procureur qui, dans une démarche précipitée, «a fauté». «Un geste incompréhensible. Toutes ses affirmations dans son communiqué sont fausses. Le procureur nous a montré son manque de clairvoyance, de connaissance, en prenant à la légère des choses aussi importantes que la vie, que la progression médicale de la gynécologie obstétrique», s’est-il indigné. Tout comme les femmes médecins du Sénégal qui pensent que «cette dérive d’arrestations systématiques du personnel de santé dès qu’il y a un drame dans une structure doit cesser».
Les syndicalistes ont mutualisé leurs forces pour dire non à «un abus de pouvoir», à «l’acharnement» et «aux arrestations» constatés ces derniers jours dans leur secteur. Depuis deux jours, seules les urgences et le service minimum sont assurés dans les structures sanitaires au niveau national, particulièrement à Kédougou. Deux jours d’arrêt de consultation médicale. «Le procureur de Kédougou aura sur ses épaules la responsabilité de tous ces décès maternels et néonatal qui surviendront dans cette région pendant cette période», a dit Dr Yéri Camara qui confie que le Sames n’écarte pas d’autres actions d’envergures. Une grève de 48 heures qui n’est donc que la première partie du plan d’action des médecins grévistes. «Le plan va continuer, et aller crescendo. Nous pensons que le président de la République, le ministre de la Justice prendrons en compte les conclusions de cet audit pour démontrer que toutes les règles édictées en la matière ont été respectées. Et surtout se demander combien de femmes ont été sauvées?».
Les deux jours de mouvement d’humeur seront suivis d’une Assemblée générale pour déterminer la suite du mouvement des professionnels de la santé qui dénoncent une dérive et les arrestations systématique de personnels de santé dans des cas similaires. «Au vu de la gravité du préjudice subi», les femmes médecins, elles, exigent des «excuses publiques» et une «réparation du préjudice aux concernées (Dr Léonce Faye, Abdou Aziz Dioum et Bacary Diabakhaté».