«NOUS MERITONS D’ETRE TRAITES AVEC RESPECT ET CONSIDERATION»
Selon Mouhamadou Bachirou DIENG, il y a «7 orthophonistes pour la prise en charge de 160.000 bègues».
«7 orthophonistes pour la prise en charge de 160.000 bègues». C’est le tableau présenté par l’association pour la prise en charge du bégaiement au Sénégal. En prélude à leur journée mondiale qui sera célébrée dimanche prochain, l’ambassadeur des personnes handicapées vocales du Sénégal, lance un appel à l’endroit du gouvernement pour une meilleure prise en charge du bégaiement. Pour Mouhamadou Bachirou Dieng, des solutions potentielles incluant la formation accrue d’orthophonistes, la création de centres de formation spécialisés, doivent être engagés.
Parlez-nous de votre association ?
L’association pour la prise en charge du bégaiement au Sénégal est créé être connue officiellement par le ministère de l’intérieur le 21 janvier 2015. Il a pour but de promouvoir, développer et soutenir des projets matériels, intellectuels ou scientifiques ayant pour objet l’aide au personnel bègue. De resserrer les liens de solidarité entre les membres et favoriser des échanges par le biais de témoignage et de partage d’expériences au sein du groupe d’entraide (self help), d’entreprendre des démarches visant une prise en charge précoce du bégaiement. De susciter une prise de conscience nationale sur ce handicap par la sensibilisation et l’information des pouvoirs publics et de la population, mais aussi de mener des actions de sensibilisation, de plaidoyer et de lobbying en faveur des personnes bègues, auprès des parents, des jeunes enfants auprès des professionnels de la santé et de l’éducation et surtout auprès des pouvoirs publics.
Quid du regard de la société ?
Le bégaiement, affectant 1% de la population être présente une facette de notre société qui nécessite une compréhension et une sensibilisation accrues. Le regard porté sur les personnes vivant avec un handicap vocal peut varier. Malheureusement au Sénégal, certains individus peuvent réagir avec moquerie par manque de compréhension ou manque de considération. Ces réactions découlent souvent d’un manque d’éducation et d’une méconnaissance du bégaiement. Il est essentiel de sensibiliser le public sur le bégaiement, de promouvoir l’empathie et de lutter contre les préjugés car, nous sommes des individus talentueux et compétents, capables de contribuer de manière significative à la société. Nous méritons d’être traités avec respect et considération, tout comme n’importe quelle personne, en favorisant une compréhension plus profonde et en encourageant l’inclusion. Nous pouvons progressivement changer ces perceptions erronées et promouvoir un environnement bienveillant et respectueux.
En tant que président, comment avez-vous surmonté votre handicap, vu que bon nombre de vos pairs s’isolent ?
En tant que président, j’ai choisi de transformer mon handicap en un moteur de détermination et de persévérance. Dès le début, j’ai travaillé activement avec le soutien précieux de mes parents et de mes enseignants pour déconstruire les stigmates liés au bégaiement, malgré les railleries subies au sein de notre établissement. J’ai décidé de braver les moqueries en me positionnant devant mes camarades. J’ai toujours été convaincu que le bégaiement ne devait pas définir ma réussite. Chaque jour, je ne cesse d’encourager les personnes vivant avec un handicap vocal de sortir de leur zone de confort et à croire à leur compétence, indépendamment des obstacles. Je m’efforce d’être un modèle positif et inspirant, montrant que la persévérance et la détermination peuvent conduire à des accompagnements significatifs, peu importe les défis que la vie nous présente.
Comment se passe l’insertion dans le monde de l’emploi ?
L’insertion dans le monde de l’emploi pour les personnes vivant avec un handicap vocal est souvent parsemée de défis. Malheureusement, nous faisons face à des obstacles et à des préjugés lors des entretiens d’embauche, malgré nos compétences et qualifications. Cette situation est inacceptable, car le bégaiement ne devrait en aucun cas être un critère de jugement sur la compétence. La loi d’orientation sociale est claire à cet égard, stipulant que «le handicap ne doit pas être une base de discrimination pour l’accès à l’emploi». Il est impératif que les employeurs comprennent et appliquent cette loi, en favorisant une culture d’inclusion et en évaluant les candidats en fonction de leurs compétences professionnelles, indépendamment de tout handicap. C’est un combat collectif pour éradiquer la discrimination et permettre aux personnes vivant avec un handicap vocal de contribuer pleinement et efficacement à la société.
Comment jugez-vous la politique de prise en charge sanitaire du bégaiement ?
La prise en charge sanitaire est clairement insuffisante. L’accessibilité à des services d’orthophonie doit être améliorée et démocratisée car, actuellement de nombreux parents ne peuvent pas offrir ces séances à leurs enfants en raison de contraintes financières. Il est impératif de développer des programmes accessibles et abordables pour garantir une meilleure qualité de vie et d’expression.
Des spécialistes manquent pour la prise en charge du bégaiement, quelles sont les solutions existantes ou proposées pour améliorer vos conditions ?
Au Sénégal, nous ne comptons que 7 orthophonistes, face au nombre important de personnes bègues dont 160.000 qui sont indéniables. Pour pallier cette lacune, des solutions potentielles incluent la formation accrue d’orthophonistes, la création de centre de formation spécialisée, le recours à des thérapies en ligne et la collaboration des professionnels internationaux. De plus, je propose une sensibilisation nationale pour éduquer sur le bégaiement, encourageant ainsi une compréhension et un soutien accrus de la part de la société, afin de garantir des conditions améliorées pour nos frères et sœurs affectés par ce défi. Chaque fin du mois, nous organisons des séances d’entraide avec un orthophoniste pour donner plus d’espoir, en privilégiant la prise de parole en public.
Quels sont les moyens pour stopper le bégaiement ou de l’amoindrir ?
Pour améliorer ou réduire le bégaiement, des approches telles que la thérapie d’orthophonie, la gestion du stress, la pratique de technique de parole contrôlée demeurent des solutions. Le soutien social et l’utilisation de technologies d’assistance sont essentiels. L’intervention précoce, l’engagement familial et l’accès à des groupes de soutien jouent également un rôle crucial dans l’amélioration de la fluidité verbale.
Quels sont les facteurs de risque de ce handicap ?
Les facteurs de risque du bégaiement incluent des influences génétiques, l’apparition à un jeune âge, le stress et l’anxiété. Les troubles de développement du langage, des pressions sociales élevées, des déséquilibres neuromusculaires, ces éléments peuvent contribuer à la manipulation du bégaiement mais chaque individu peut être affecté différemment. Une évaluation professionnelle est essentielle pour comprendre et gérer ce trouble de manière appropriée.
A quelques jours de la célébration de votre journée. Quel le message que vous souhaitez partager ?
En cette période importante où nous célébrons la journée internationale de sensibilisation au bégaiement sous le thème “Tous différents, chacun son chemin” rappelons-nous que la véritable richesse de notre société réside dans cette diversité. Les personnes bègues vous montrent la force de la persévérance et de la résilience, malgré les défis auxquels nous sommes confrontés. Chaque année, nous mobilisons nos modestes ressources par le biais des cotisations de nos membres pour soutenir notre cause. Cependant, nous appelons fermement notre gouvernement et notre ministre de tutelle à étendre leur main, accorder une plus grande considération aux handicapés vocaux. Pas seulement un acte de compassion, mais un investissement dans un avenir inclusif et égalitaire pour tous. Unissons nos voix et nos actions pour briser de l’incompréhension, de l’indifférence et de l’exclusion.