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24 avril 2025
Développement
par Souleymane Jules Diop
ÉPÎTRE À MON AMI ABDOURAHMANE SARR
EXCLUSIF SENEPLUS - Il n’existe pas de pays pauvres très endettés pour la bonne raison que ce sont les riches qui prêtent et ils ne prêtent pas aux pauvres. Quand ils le peuvent, ils les rançonnent
Tu sais jusqu’à quel point je te tiens en estime. Tu es, à n’en pas douter, un homme d’une grande stature intellectuelle et il m’est arrivé souventes fois, de faire appel à ton jugement en des matières relevant de ton domaine, l’Economie. Je pense que tu as été, de nous tous - n’en déplaise à tes contempteurs - celui qui a le plus influencé et donné de la crédibilité à notre marche vers une souveraineté monétaire, dont les premiers jalons viennent d’être posés.
Nous avons eu de longs échanges sur ces points qui longent ton curriculum. Je me suis rendu en ta résidence pour te les voir évoquer et j’en suis toujours revenu comblé, comme une abeille savourant son nectar.
En revanche, je te trouve, sur la question de la dette, d’un absolutisme qui frise l’arrogance et qui trahit ce que tu es vraiment : un homme à qui il a parfois manqué de la nuance, mais un homme ouvert quand même. Or, de la nuance, c’est ce que tu devrais apporter au jugement sévère que tu portes sur le texte de l’ancien Premier ministre Mohamed Dionne.
Que dit-il finalement ? Que nous sommes dans une crise (une guerre pour d’autres) et qu’il nous faudrait trouver le moyen de relancer nos économies par l’investissement public, après avoir financé cette sale guerre qui nous prend nos vies. En somme, nous devons faire du keynesianisme en 2020, dans un contexte de décapitalisation (les investisseurs ont retiré 90 milliards de dollars des marchés émergents). Nous ne pouvons le faire jusqu’ici (ou avons pensé pouvoir le faire) qu’en empruntant aux autres ou en taxant nos propres concitoyens. Leur reprendre par une main ce que nous leur avons donné par l’autre, au risque de soulèvements populaires, de licenciements massifs et de crises sociales. Cette dernière hypothèse nous semble inacceptable, parce qu’elle est injuste. Or donc, si les conditions de l’emprunt (que les citoyens paieront en dernier ressort par des impôts futurs) n’ont jamais été aussi favorables, nous ne pouvons y recourir sans remettre en cause nos grands équilibres et dégrader notre notation.
Au demeurant, les pays de notre espace économique et monétaire ne pourront plus respecter les critères de convergence hérités arbitrairement, tu le sais bien, de Maastricht. Y aurait-il une troisième voie ? C’est ce que Mohamed Dionne appelle « un troisième moyen terme ». Son inférence est donc nouvelle, tout comme la conclusion à laquelle il parvient. Il nous faut, dans un premier temps, accorder un moratoire aux pays africains pour que les ressources allouées traditionnellement au service de la dette servent à des besoins urgents dans les secteurs de la Santé, en soutien aux entreprises et aux ménages.
Ensuite, requalifier cette dette pour qu’elle ne devienne pas un frein à la relance de notre Economie. Il est devenu évident, pas seulement pour le Sénégal, mais pour le monde entier, mon cher Abdourahmane, qu’une réponse définitive doit être apportée à la question de la dette. En 2008, beaucoup de pays se sont endettés pour renflouer les banques et les grandes entreprises. Ce sont les contribuables qui ont finalement payé à la place des financiers, économistes qui ont promu et théorisé le laissez-faire dévastateur. En France, des acteurs politiques de premier plan posent avec pertinence la problématique d'une dette, de toutes les façons, impossible à payer par les Etats !
Les dettes des pays vont à nouveau exploser parce qu’il faut financer la « guerre » et financer la reprise. Bien avant la pandémie, le monde avait déjà un niveau d’endettement qui dépassait largement le PIB mondial. De nombreux pays ont dépassé les 100% de leur dette rapportée à leur PIB. Le Japon a dépassé les 200% suivi de pays comme l’Italie (150%), la France (115), les Etats-Unis dans les mêmes proportions.
Le débat sur la dette, mon cher Abdourahmane, devrait être abordé autrement. C’est une réflexion qui m’est venue quand Idrissa Seck, dont j’étais le conseiller, s’est félicité fièrement il y a bientôt 20 ans, du « point d’achèvement de l’initiative Pays pauvres très endetté. Il n’existe pas de pays pauvres très endettés pour la bonne raison que ce sont les riches qui prêtent et ils ne prêtent pas aux pauvres. Quand ils le peuvent, ils les rançonnent. Tous les pays très endettés sont des pays riches, figure-toi. Ensuite, aucun pays riche, en dehors de ceux qui vivent de rente pétrolière comme la Norvège, les pays du Golfe, qui sont créditeurs, ne s’est développé sans avoir eu recours à la dette.
A ce sujet, ton jugement selon lequel notre pays a accumulé un stock de dette sans résultats n’est pas juste : malgré les critiques bien justifiées sur nos choix en matière d’orientation, d’investissement, nous sommes plus riches que nous l’étions en 1960. Alors que nous n’étions qu’un million et que nous en faisons maintenant 15, nous sommes devenus plus riches en routes, en autoroutes, en infrastructure, en outils de production, en écoles, en universités, centres de formation, en entreprises, en entrepreneurs prospères et bientôt en rente gazière et pétrolière. En 1960, le goudron était une rareté et la voiture, un luxe réservé à de riches hommes.
Pour en revenir au sujet qui nous occupe, il va de soi que les Etats ne pourront jamais payer leurs dettes. Que faudrait-il faire ? Entrer dans un cycle de son remboursement par l’émission de nouveaux titres de dette ? Ou préconiser une solution durable comme celle qu’expose fort éloquemment Mohamed Dionne ?
Le vrai débat, celui qui doit nous occuper a été bien posé dans le cadre du PSE. Il nous faut créer les conditions d’une transformation structurelle de notre Economie, générer assez de valeur ajoutée dans nos secteurs les plus productifs, pour produire plus de richesse, taxer cette richesse pour faire face à nos besoins en développement et payer nos dettes.
Ce que la proposition de Mohamed Dionne a de pertinent, et il me semble que tu le restitues de manière injustement biaisée, c’est qu’elle apporte une réponse à une situation de pure aporie : les besoins urgents sont là, il faut les financer ; les intérêts de la dette sont échus, il faut les payer.
En ce qui me concerne, mon point de vue sur la question n’est pas d’ordre économique, il est moral. La dette des pays africains s’est constituée à partir du début des années 70, avec ce que Senghor a appelé « la détérioration des termes de l’échange ». Les règles imposées par les grandes puissances ont appauvri nos paysans et réduit au quart nos capacités budgétaires. Nous étions peu industrialisés, peu monétarisés pour faire face à une situation qui nous était imposée après trois siècles d’esclavage et un siècle de colonisation. Ensuite, les plus grandes victimes ont été les populations, pendant une longue période dite d’ajustement, qui a été une longue période de crises politiques et syndicales successives, parce que les populations ont légitimement refusé de se voir imposer le dictat du Club de Paris. Pourquoi les populations devraient-elles payer une dette à laquelle elles n’ont pas consenti et qui compromet tous leurs moyens de vivre ? Et en quoi demander son annulation peut-elle à ce point irriter ?
Mon cher Abdourahmane, il ne s’agit donc pas se ré-endetter comme tu sembles l’indiquer (ce sur quoi je suis d’accord avec toi). Il s’agit de se ré-endetter dans des conditions plus équitables pour des investissements dans des secteurs porteurs de notre économie, et rompre ainsi la chaîne de la dépendance aux facteurs exogènes qui nous inhibent.
Des économistes de votre trempe devraient justement faire preuve de courage en imaginant le monde d’après Covid, qui ne peut plus être celui d’avant, en rompant avec les paradigmes anciens. C’était le génie de Keynes de créer les conditions de la mise en place de l’Etat providence après la seconde guerre.
Le monde que nous imaginons doit être plus juste. Le PSE nouveau doit garder pour principale ligne directrice la réduction du gap entre riches et pauvres, villes et campagnes, réinventer les modalités de son financement, avec un rôle plus assumé de l’Etat dans ce domaine. C’est ce que nous avons voulu faire avec ce que j’ai appelé les 5P : Pse, Pudc, Promoville, Pumaf, Ppdc.
Et si le philosophe que je suis se mêle à ce débat d’initiés, c’est que vous êtes, Mohamed et toi, adeptes d’une discipline dont je conteste la dignité scientifique. Plus qu’une science qui a élaboré ses mécanismes de validation et de transmission, l’Economie est une pensée. Il existe chez vous comme chez les philosophes, des débats d’écoles et de pensée toujours remises en question.
Il s’y ajoute que les deux contemporains qui ont le plus marqué et infléchi vos méthodes d’analyse et vos moyens d’intervention n’ont rien à voir avec l’Economie. L’un est chimiste de formation, c’est Margaret Tatcher ; l’autre acteur de cinéma, c’est Ronald Reagan. Ils sont les deux parents de la « New Public Governement », que tu as dû approfondir lors de ton passage remarqué à Harvard. Nous sommes, Mohamed Dionne et moi, disciples d’un homme qui y a enseigné la philosophie politique jusqu’à sa mort en 2002. Il s’appelait John Rawls, auteur de « Justice as equity ».
DÉCÈS DE MORY KANTÉ
Le chanteur et musicien guinéen, connu pour le tube planétaire «Yéké yéké» dans les années 1980, est décédé d'une longue maladie vendredi à l'âge de 70 ans
Le chanteur et musicien guinéen Mory Kanté est décédé d'une longue maladie ce vendredi 22 mai à l'âge de 70 ans, dans un hôpital de Conakry. C'est ce qu'a annoncé son fils, Balla Kanté, à un correspondant de l'Agence France-Presse ce vendredi. La musique africaine et plus précisément, guinéenne, perd un monument, avec la disparition de l'interprète du titre "Yéké Yéké".
Mory Kanté s'est éteint "vers 9H45 ce matin à l’hôpital sino-guinéen", a dit son fils. "Il souffrait de maladies chroniques et voyageait souvent en France pour des soins, mais avec le coronavirus ce n’était plus possible", a-t-il ajouté. "On a vu son état se dégrader rapidement, mais j’étais surpris quand même car il avait déjà traversé des moments bien pires", a-t-il dit.
Mory Kanté, surnommé le "griot électrique", a contribué à populariser la musique africaine et guinéenne à travers le monde.
Après avoir quitté le Super Rail Band de Bamako, Mory Kanté a révolutionné dans les années 80 la musique ouest-africaine, en électrifiant son instrument et en ouvrant les musiques traditionnelles mandingues villageoises aux beats électroniques et aux "grooves" plus urbains.
"Yéké Yéké", sorti en 1987, s'est vendu à des millions d'exemplaires et a atteint les sommets des hit-parades dans de nombreux pays. Avec "Yeke Yeke", il a décroché en 1987 un tube planétaire et amené la musique mandingue sur les pistes de danse. Et l'album "Akwaba Beach" où figure cette chanson demeure l'une des plus grosses ventes mondiales dans le domaine des musiques d'Afrique noire.
Le grand public s'est ensuite lassé à partir de la décennie suivante d'un musicien employant toujours la même recette et ayant eu du mal à se renouveler. Malgré tout, Mory Kanté n'a jamais cessé de tourner. Il était une personnalité incontournable de la musique mandingue moderne.
Dans les années 2000, il s'était un temps orienté vers une musique plus acoustique, au sein d'un orchestre où prédominaient les cordes.
Dans "La Guinéenne" (Discograph), enregistré au pays, ce musicien a choisi la formule du grand orchestre, celle de l'âge d'or de la musique ouest-africaine moderne dans les années post-indépendances.
Ce disque, qui se veut un hommage aux femmes du monde, est une suite de mélodies mandingues entonnées sur des grooves occidentaux, aux accents funk, reggae, zouk, et un appel à "bouger".
Les notes cristallines de sa kora (instrument à cordes pincées emblématique du Mandé) y sont soutenues par une rythmique basse-batterie endiablée, les salves d'une section de cuivres répondent au balafon, et le synthétiseur se marie avec la flûte peule.
Mory Kanté, maître de la kora et chanteur-griot à la puissante voix de tête, renouait dans "La Guinéenne" avec la formule du grand orchestre, chère à la Guinée des années 60-70.
par la chroniqueuse de seneplus, Rama Salla Dieng
FÉMINISME, RELIGION ET CULTURE AU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS - L’Islam est interprété pour asseoir la position dominante des hommes - Cette suprématie masculine est la cause de toutes nos revendications - ENTRETIEN AVEC MAIMOUNA E. THIOR ET ADAMA POUYE
Elles sont jeunes et pleines d’énergie. Débarrassées du complexe de la femme chosifiée auquel la gent feminine est souvent en butte dans la société sénégalaise, elles ont décidé d’épouser l’idéal féministe pour un changement de comportement à l'endroit de leurs paires. Entretien croisé avec Maimouna Eliane Thior, vivant en France et Adama Pouye, à Dakar.
Bonjour Maimouna et Adama, c’est un plaisir d’avoir récemment échangé avec vous au sujet de l’actualité sénégalaise. Pouvez-vous vous présenter s’il vous plait ?
Maimouna: Bonjour Rama, merci de nous offrir cette tribune pour pouvoir nous exprimer sur ces questions. Je m’appelle Maimouna Eliane Thior, j’ai vingt-six (26) ans. Je suis en deuxième année de doctorat en sociologie et je travaille sur l’histoire politique et socio religieuse des sénégalaises et leur rapport à la globalisation: entre féminisme occidental et féminisme islamique. Je m’intéresse à l’évolution et/ou au changement de l’identité des sénégalaises partagées entre la religion majoritaire du Sénégal qu’est l’Islam et le legs de la culture occidentale accentué par la mondialisation et la modernité à travers les médias sociaux.
Adama: Bonjour Rama, le plaisir est partagé. Je suis Adama Pouye et j’ai vingt-trois (23) ans. Je suis étudiante en master 2 communication, bibliothécaire de profession. J’ai commencé à réellement m’engager sur les questions féministes depuis peu. Je travaille actuellement, dans le cadre de mon mémoire de master, sur la place du corps féminin dans la publicité ces dernières années.
Quelle est votre définition du féminisme ? Et quelles sont vos influences et inspirations feministes ?
Maimouna: Ma définition du féminisme est très simple, j’emprunterai la réponse de Mariama Bâ dans Une si Longue Lettre: « Si défendre l’intérêt des femmes c’est être féministe, oui je suis féministe ». Je m’inspire des noires américaines, qui à elles seules peuvent subir toutes formes de discriminations qui puissent exister. Au-delà des discriminations dues aux rapports sociaux que chaque femme subit dans le monde, les américaines peuvent être confrontées aux discriminations liées à la race, à la religion, au capitalisme…Je vois les africaines en situation d’immigration subir ces mêmes injustices, et cela qu’elles veuillent conserver leur culture d’origine ou pas. Je convoque très souvent l’outil “intersectionnalité”, qui est en sociologie une notion de réflexion politique développée par une universitaire américaine (Kimberlé Crenshaw) pour évoquer la situation des personnes subissant simultanément plusieurs formes de stratification. Ce concept me permet donc, d’analyser les différentes oppressions des sénégalaises à un niveau local mais aussi les situer dans la hiérarchisation mondiale en terme de race.
Adama: Pour moi, le féminisme est une revendication des droits de la femme, une aspiration vers l’équité. Equité au lieu d’égalité pour être plus juste. L’équité fera que dans tous les domains, on verra la femme au-delà de son genre, rien ne sera plus basé sur le sexe. Le féminisme est une dénonciation pour tendre vers une société plus juste et plus humaniste. Une de mes grandes influences est Chimamanda Ngozi Adichie avec son “happy feminism” qu’elle a mentionné dans “nous sommes tous féministes”
Chaque mois, nous remarquons des scandales sexistes sur les plateaux d’émission télé. Nous nous rappelons toutes avec émoi l’affaire Songué, et il y a eu cette semaine l’émission de Sen TV qui a aussi été le théâtre de propos misogynes intolérables, quelle lecture faites-vous de ces événements?
Maimouna: Je trouve que ces émissions reflètent la réalité de nos sociétés actuelles. La plupart des « expressions choquantes » est ce que pense vraiment la majorité. Cela nous choque parce c’est à la télé et qu’on met des visages sur ces mots. Il faut regarder ces émissions pour savoir comment les gens pensent pour trouver des solutions de sensibilisation afin de changer certaines visions. La dernière émission sur le féminisme sur la SenTV a fait voir qu’il y avait différentes catégories de femmes, celles qui défendent la polygamie, celles qui veulent un époux possessif et rigoureux, celles qui ne travaillent pas pour être au service exclusif de l’époux, les plus diplomates, les féministes radicales… Sans oublier les deux hommes qui s’accrochent à leur pouvoir. Cela devrait nous rappeler qu’il y a encore du travail à faire en occupant l’espace public, les médias et même impacter l’éducation nationale. Nous n’avons plus le droit de baisser les bras et écourter les travaux entamés par nos aînées qui nous ont permis d’aller massivement à l’école. Maintenant qu’on a toutes massivement été l’école jusqu’à un certain niveau, le défi serait de rendre la prochaine génération plus autonome et plus libérée dans leurs choix de vie.
Adama: Ces nombreuses sorties scandaleuses peuvent être vues comme encouragées par le peuple sénégalais lui-même. Plus les émissions choquent plus elles attirent le grand public. Les offenses faites aux femmes ne se limitent pas à la presse audiovisuelle. En décembre passé, le quotidien L’observateur, l’un des journaux les plus lus au Sénégal avait à sa une “Objet de tous les désirs: IPhone fait perdre la tête aux sénégalaises. Elles sont capables de vendre leur corps pour un IPhone”, quelques jeunes ont dénoncé par-ci par-là à travers Twitter, entre autres média social, mais sans résultat. Les auteurs s’en sortent pratiquement toujours indemnes. Pour revenir sur le plateau de cette semaine sur la SenTV, il y avait des femmes qui étaient sur le plateau qui semblaient même encourager ces dires. Une des femmes a d’ailleurs dit ouvertement “dama bëgg goor bu tang”, comme quoi certains sévices dont sont victimes nombre de femmes sont normalisés et mêmes appréciés. Un plateau où il y avait plus de cinq femmes n’a guère découragé le monsieur qui a comparé les femmes à des chiennes.
J’ai personnellement partagé les passages en question sur mon compte Twitter et sur mon statut Whatsapp pour m’en indigner. La majeure partie des réactions étaient du genre: “ils n’ont rien dit de grave, c’est à prendre au sens figuré”. Notre société elle-même a associé aux femmes l’acceptation, le silence et ces dernières l’ont accepté de la manière la plus naturelle.
Ces propos ne sont-ils que le reflet de la société sénégalaise? Pensez vous qu’ils sont dus à l’ambivalence de notre société à califourchon entre culture islamique et occidentale? Doit-on parler d’un patriarcat ou de plusieurs patriarcats?
Maimouna: Comme je l’ai dit plus haut, ces propos ne sont pas des révélations exclusives. Les personnes invitées dans ces émissions donnent leurs avis sincères sur les sujets liés aux rapports sociaux. En effet, le Sénégal est partagé entre héritage islamique et occidental. Ces propos choquent très souvent parce que dès lors qu’on évoque des questions féminines, nous sommes souvent renvoyé.es à des références religieuses pour essayer de bloquer un débat. Une bonne partie des sénégalais.es ont grandi donc avec ces rhétoriques et ont fini par croire qu’il n’y avait d’autres versions en dehors de celles rattachées à la religion. Or, j’estime que les sources religieuses font l’objet d’interprétations diverses dépendant de la culture, de l’époque, de la position géographique, etc. Il y a aussi ces sénégalais.es foncièrement coutumiers (ères) qui peuvent faire des amalgames entre des traditions et les préceptes de l’Islam. Ils/Elles ne croient pas à une quelconque évolution de la culture au nom de la modernité ou de la mondialisation. De la même façon, ils conservent le traitement d’un verset concocté pour un contexte ou une situation précise. Dans ces cas-là, le cocktail des us et de la religion peut être explosif.
Pour ce qui est des influences occidentales, bon nombre de sénégalais sont allergiques à des concepts modernes comme le féminisme. Il est vu comme un outil péjoratif qui cherche à détruire l’écosystème sénégalais. Dakar peut vivre au rythme de Paris en termes de mode, d’actualité, de façon de parler, de manger dans une famille nucléaire, mais se rétracte dès qu’il s’agit d’émanciper les femmes ou leur donner du pouvoir. Encore que le pouvoir des femmes dans des sphères professionnelles peut-être bien vu, mais la phobie réside principalement dans les répercussions au niveau des ménages ou la répartition des rôles.
Adama: Effectivement, comme l’a dit Maimouna, ces sorties reflètent la réalité sénégalaise. La condition de la majorité des femmes reste précaire malgré que les femmes ells-mêmes pensent le contraire. Beaucoup d’anti-féministes se fondent sur la religion pour rejeter la place que la femme doit occuper dans la vie sociale, professionnelle, religieuse. L’Islam est interprété pour asseoir la position dominante des hommes, assouvir les envies d’un mari irresponsable qui ne se base sur la religion que quand il a tort, conserver des privilèges qui ne reposent sur aucun mérite. La religion musulmane peut être vue comme l’une des plus féministes qui soit, la femme y occupe une grande place. D’aucun.es diront que la femme ne doit pas occuper de hautes responsabilités ou diriger un homme ; pourtant le prophète Mouhamed PSL travaillait pour celle qui devint son épouse (Khadija). Cette dernière était une très grande commerçante à l’époque et donc une entrepreneure ou businesswoman à la nôtre, pourtant elle était la femme modèle en Islam. Voyez la contradiction avec ce que veulent nous faire croire les prêcheurs et prêcheuses. Certaines sources notamment du côté du sociologue britannique et australien Bryan Turner en matière de sociologie des religions nous révèlent qu’avant l’arrivée de l’Islam, dans certaines tribus arabes, existaient des pratiques d’infanticides de filles et que le statut de la femme y était médiocre. Cela a été d’ailleurs rapporté que Ibn Abbas, un des compagnons du Prophète (PSL) en avait parlé « Si vous voulez découvrir l’ignorance des Arabes (avant l’Islam), lisez le verset de la sourate « El An’am» : « Ils sont perdus ceux qui ont tué leurs enfants par sottise et par ignorance et qui déclarent illicites les choses que Dieu leur a dispensées. Ils sont égarés et ne suivent point la bonne direction. » (Coran 6.140). L’Islam a permis d’abolir ce genre de pratiques, de valoriser la femme. La culture islamique ne peut donc être la raison d’une si grande méprise des relations de genre dans le discours de certains Sénégalais.
Nous devons dès lors chercher les raisons de cet acharnement du côté de la tradition sénégalaise et du côté des valeurs qu’elle inculque. Kocc Barma, cité comme une référence en matière de sagesse disait “Jigeen sopal te bul woolu”(Oumar Sall, a récemment montré qu’il pourrait s’agir d’une déformation, et plutôt: “Jigeen soppal, du la woolu”). D’autres expressions comme celles-ci sont répétées à longueur de journée aux hommes et aux femmes le fameux “jigeen moytul” ou encore “jigeen day mugn ngir am njabott bu baax” ou encore lorsque l’enfant commet des maladresses “doom ja, ndey ja”. Tous ces messages misogynes véhiculés dans l’apprentissage de comment devenir un(e) adulte, durant la circoncision (neegu goor), les discussions avant mariage pour la femme (yebb) et notamment dans l’affectation des tâches ménagères instaurent un subconscient arrêté qui ne peut concevoir une certaine égalité en droit, en dignité entre sexe féminin et masculin. C’est un message implicite, subtil, que les Sénégalais(es) se passent de génération en génération sans forcément s’en rendre compte.
Au Sénégal, quels sont les stéréotypes les plus établis qui sont associés aux féministes (colériques, mal-baisées, anti-hommes)? Qu’est-ce qui les explique? Pensez-vous qu’ils soient dus à la pseudo incompatibilité entre culture africaine ou sénégalaise et féminisme?
Maimouna: Je pense qu’on cherche à nous rabâcher un cliché qui vient d’ailleurs. Les premières féministes européennes étaient traitées d’hystériques, aujourd’hui on leur reproche de trop réfléchir parce que le féminisme est devenu un outil intellectuel admis à l’université. Dans une société où le mariage détermine la valeur de la femme, je ne vois pas comment les Sénégalaises peuvent être anti-hommes. Dans une société où l’éducation sexuelle (même sous l’angle religieux) est taboue, où l’aspect érotique du couple est réservé qu’aux femmes, je ne pense pas qu’elles se connaissent assez pour savoir si elles sont bien ou mal baisées. Les sénégalais.es ont besoin d’une définition spécifique du féminisme pour pouvoir l’adopter. Ce qui est très normal parce qu’il y a autant de féminisme(s) que de pays, il s’adapte selon les besoins et les urgences de chaque société. Si les sénégalais.es ont besoin qu’on leur explique que les féministes sénégalaises ne cherchent pas à copier le modèle occidental, nous devons recommencer à zéro. Il est très souvent dit que les africaines ont toujours été féministes dans la pratique, là où les européennes ont eu une liberté d’expression. Nous avons alors une base sur laquelle il faut ajouter des notions modernes à l’image des réalités de notre époque.
Adama: Il faut savoir que la mentalité populaire sénégalaise place toute l’essence de la femme chez l’homme. Pour elle, femme épanouie est surtout une femme mariée avec des enfants. Toujours si l’on s’y base, lorsqu’une femme est heureuse elle n’a pas besoin de se plaindre et donc de se soucier de questions féministes “importées”. Le travail des féministes sénégalaises contemporaines devra s'intéresser à un processus de déconstruction de toutes ces idées faites. Le féminisme est large et mène plusieurs combats. A nous de contextualiser chacune des revendications, que les problèmes féministes soulevés soient les nôtres, conformes à notre société et exprimés dans un langage qui parle au Sénégalais. Ainsi, je pense qu’au fur et à mesure le large public s’y retrouvera et ces clichés disparaîtront peu à peu. Persévérance !
Un mot sur les violences basées sur le genre?
Maimouna: Les violences basées sur le genre sont de plus en plus dénoncées, la parole se libère avec l’arrivée des médias sociaux et des dispositifs mis en place par des hommes et des femmes pour éradiquer ce fléau. Cependant, il s’agit d’informer et d’éduquer les femmes afin qu’elles connaissent leurs droits juridiques pour leur propre bien-être mais aussi pour leur progéniture. Beaucoup de femmes hésitent à quitter leurs foyers, si oppressées, par faute de moyens. Elles ne savent pas si elles doivent bénéficier de pension ou non. Je suis contente de constater qu’il y a une sensibilisation progressive sur ce domaine parce que les violences physiques et sexuelles des femmes sont une atteinte à leur dignité, leur sécurité et leur autonomie.
Adama: Injustes ! Elles sont récurrentes, que ce soit dans la presse ou à travers les histoires rapportées dans les quartiers. Le travail à faire consiste à faire comprendre les limites du “muugn” et du”sutura” qui retiennent certaines femmes dans les ménages où elles en sont victimes. Les violences ne sont pas que physiques, elles peuvent être orales et tout aussi destructrices. Il faut que chaque femme soit consciente que c’est une offense à sa dignité qui doit être dénoncée, que la peur du “xawi sa sutura” ou du “je n’ai pas les moyens” ne soit pas une entrave à la traduction en justice. Les associations de femmes doivent réfléchir à un appui pour leurs paires, que ce soit en logement, en apprentissage de métier, ou sous forme de soutien social, moral et psychologique.
A votre avis, comment changer le discours, les normes et valeurs, et les réalités patriarcales?
Maimouna: Sensibiliser, communiquer, débattre. Ce sont les mots-clés pour un changement de paradigme social. Une culture n’est pas figée, mais un changement brusque pourrait heurter. Nous avons beaucoup de bonnes valeurs à conserver et à partager avec le reste du monde, ce qui ne devrait pas nous empêcher de nous ouvrir aux autres pour nous enrichir et évoluer dans le temps et l’espace.
Adama: Je dirai aussi qu’il faudra remonter jusqu’aux racines, changer l’éducation. Il est important, avant de dénoncer qu’on puisse comprendre et faire comprendre ce qu’est le patriarcat, ce qu’est le féminisme. Dans les foyers, il faudrait équilibrer les droits des uns et des autres et apprendre les tâches ménagères aux femmes comme aux hommes. Il est aussi important d’omettre ou de reformuler tous les proverbes sexistes du dictionnaire Wolof et d’avoir des interprétations du Coran faites par des femmes averties. Dans les écoles aussi, Il faut avoir des cours via lesquels faire passer des messages d’égalité homme/femme.
Quel est le rôle et la place de l’hégémonie masculine, acceptée et magnifiée par les femmes, et du capitalisme dans cette critique sociale de la société sénégalaise ?
Maimouna: Je dis très souvent que le patriarcat est une machine nourrie par des hommes et des femmes contre toutes les femmes. Ce sont les femmes qui entretiennent le patriarcat de façon consciente et/ou inconsciente pour véhiculer depuis plusieurs générations des pratiques qui portent atteinte à l’intégrité morale et physique des femmes. Même les hommes sénégalais sont victimes de ce système parce qu’ils sont élevés par les mères comme des rois, ne devant participer à aucune tâche domestique, entre autres. Les rares hommes qui participent aux tâches domestiques sont vus comme des peureux ou des « toubabs », d’autres pensent qu’ils « aident » ou font une « faveur » à leur épouse alors que c’est leur foyer à eux deux, leurs enfants à eux deux si progéniture il y a. Cette suprématie masculine est la cause de toutes nos revendications, mais je pense que les hommes sont tout autant prêts à en découdre avec nous pour préserver leurs privilèges.
Adama: Je suis d’accord avec Maimouna. C’est justement ce sur quoi toute cette critique est basée.
Pourquoi, à votre avis, y a t-il un tel tabou à parler de sexe et de plaisir féminin, entre femmes sénégalaises plus jeunes ?
Maimouna: Euuuh, personnellement je ne vois pas qu’il y’a un tabou à parler sexe. J’ai l’impression d’ailleurs qu’on ne parle que de sexualité dans les réseaux sociaux. Les jeunes filles en âge de se marier ont des bons plans pour attiser leur intimité. Si jadis, on préparait sérieusement les filles à affronter le mariage selon les règles de leur ethnie ou de leur famille, aujourd’hui on les outille de « feem » ou astuces pour retenir leur homme. C’est mon impression.
Adama: Tout ce qu’a dit Maimouna, en plus de la peur d’être taxée de “tiaga”, de dévergondée. La peur que les propos tenus soient rapportés aux parents (qui témoignerait d’une vie sexuelle active), le focus sur la chasteté de la femme. Le débat est pensé comme réservé aux femmes mariées.
Comment, à votre avis, la pandémie du coronavirus a-t-elle renforcé les inégalités de genre au Sénégal où vous vivez Adama? Et en France où vous vivez Maimouna?
Maimouna: En France, j’ai remarqué que les secteurs qui n’étaient pas concernés par les arrêts d’activité étaient souvent des lieux où travaillent des femmes. Parmi ces femmes-là, il y a beaucoup de noires ou racisées. Je les ai remarquées dans les grandes surfaces, les deux femmes de charge de mon immeuble n’ont pas été concernées par le confinement et une jeune étudiante d’origine sénégalaise à la station d’essence. Il y a aussi le taux de violence conjugale qui a accru à cause de la promiscuité. Des numéros secours ont été mis à disposition pour dénoncer son conjoint ou même sa voisine en situation de danger. Je n’aurai pas hésité à appeler au besoin parce que rien ne justifie une forme de violence basée sur le genre.
Adama: Déjà les femmes sont très exposées par rapport à cette maladie. Le corps sanitaire est majoritairement composé de femmes (53% de l’effectif global, selon l’audit genre du ministère de la Santé, 2015), elles sont donc au chevet des malades et fragilisées. Dans les ménages, c’est aussi les femmes qui font les courses au marché, s’occupent des tâches domestiques et sont encore fragilisées face à la menace. Un passage d’un article intéressant du Dr Selly Ba nous ramène aux effets de la «féminisation de la pauvreté ". En effet, dans ce récent article, elle analyse le fait que “ Covid-19 peut davantage renforcer la féminisation de la pauvreté qui à son tour peut limiter la participation des femmes au marché du travail et l’inégalité devant l’accès aux ressources et la jouissance de celles-ci”.
A celà s’ajoute les violences domestiques accentuées par la promiscuité de certains ménages où les humeurs ne tiennent plus avec la cohabitation familiale imposée par le couvre-feu.
Quelle est votre routine de bien-être?
Maimouna: Ma première source de bien-être, est de beaucoup communiquer avec mes proches au Sénégal. Le fait d’échanger avec mes parents me fait beaucoup de bien, ils supportent tous mes projets, connaissent toutes mes activités au détail près. Le simple fait de savoir que je peux compter sur eux à mon grand âge me fait beaucoup de bien.
Je suis passionnée d’images et de videos « vintage », j’aime tout ce qui est images, films, musiques rétro ayant trait au Sénégal. Je passe du temps à collecter ces belles archives.
La lecture et l’écriture sont aussi des thérapies pour l’apprenante que je suis. J’essuie mes larmes avec l’écriture, parce que je pleure très souvent quand je suis déprimée par la solitude, la morosité, la routine de la France.
J’aime aussi la mode, je tiens beaucoup à mon style vestimentaire parce que c’est une partie de mon identité. Dès que la météo me le permet, j’enfile mes tenues cousues au Sénégal et qui renvoie à l’Afrique de façon générale. Savoir que je fais des choses pour le Sénégal, au Sénégal, savoir que je m’habille Sénégal, que mes turbans renvoient au Sénégal… Tout cela me procure beaucoup de bien. Je suis une Sénégalaise dans l’âme, après plusieurs années en France, j’ai toujours l’impression de laisser mon âme à Dakar, et qu’elle ne se reconnecte à mon physique que quand je foule le sol dakarois. En gros, ma vie n’a de sens qu’au Sénégal.
Adama: Je n’en ai pas vraiment, je suis une grande “viveuse au jour le jour”. Ma routine du lundi peut différer de celle du mardi et de tous les autres jours de la semaine. Je suis mes envies au réveil, quand bien même je peux dire qu’un bon sommeil réparateur, une bonne douche chaude, une mise impeccable me font me sentir la plus heureuse !
Mes petits plaisirs tournent autour de la lecture, des photos, de la mode, des conversations avec mes proches.
Dr. Rama Salla Dieng est écrivaine, universitaire et activiste sénégalaise, actuellement maîtresse de conférence au Centre d'études africaines de l'Université d'Édimbourg, Ecosse.
Cette interview fait partie de la série d’entretiens sur les féminismes en Afrique: Talking Back, éditée par Rama Salla Dieng sur Africa Is A Country. Il sera publié en anglais sous peu. Rama est aussi la co-éditrice de Feminist Parenting: Perspectives from Africa and beyond avec Andrea-O’Reilly, ouvrage collectif qui a reçu les contributions de parents feministes du monde entier.
par Moustapha Boye
L’ECO, LA FAUSSE SORTIE DE LA FRANCE
La fin du Franc CFA annoncée par la France n’est qu’un faux affranchissement puisque l’ancienne puissance coloniale continuera en réalité à entretenir de très fortes relations monétaires avec les quinze pays de la CEDEAO
Ce mercredi 20 mai 2020 devait rester dans l’Histoire comme la date de la vraie indépendance économique des pays africains d’expression française utilisant le franc CFA. Ces pays se trouvent en Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale en plus des Comores. Hélas, la fin du Franc CFA annoncée par la France n’est qu’un faux affranchissement puisque l’ancienne puissance coloniale continuera en réalité à entretenir de très fortes relations monétaires avec les quinze pays de la CEDEAO qui ont décidé de lancer en juillet 2020 une monnaie unique dénommée ECO.
La décision du gouvernement français qui va être soumise à son Parlement s’inscrit dans un calendrier global mis en œuvre par les 15 chefs d’Etat de la CEDEAO lors du sommet d’Abuja du 29 juin dernier. A cette occasion, les dirigeants de la zone étaient tombés d’accord pour mettre sur pied une monnaie unique, l’ECO, en juillet 2020.
Les discussions entre la France et ses « partenaires » africains de l’Umoa ont abouti à une proposition commune de réforme des instances et du fonctionnement de la coopération suivant quatre axes :
(i) le changement de nom de la devise, les autorités de l’Umoa indiquant leur souhait de passer du « franc CFA » à l’« ECO7 » ;
(ii) la suppression de l’obligation de centralisation des réserves de change sur le compte d’opérations au Trésor ;
(iii) le retrait de la France des instances de gouvernance de la Zone et
(iv) la mise en place concomitante de mécanismes ad hoc de dialogue et de suivi des risques (notamment reporting, échanges et rencontres techniques).
La signature le 21 décembre 2019 de l’accord de coopération entre les états membres de l’Umoa et la France, est la concrétisation de cette proposition. Cet accord viendra remplacer l’accord existant de 1973. Cet accord doit être complété courant 2020 par une convention de garantie, texte technique d’application, conclue avec la Banque centrale des états de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
Deux mois restant à la France pour prononcer la mort du FCFA, il fallait arranger les deux agendas du FCFA et de l’ECO qui n’avaient pas les mêmes paramètres monétaires. Le facteur handicapant, le Franc CFA est imprimé en France (Chamalières et Pessac), 50% des réserves de l’Uemoa étaient gardées par la France, la politique monétaire de nos pays était aussi décidée depuis Paris. Or dans le schéma d’Abuja, dans un premier temps, les 8 pays membres de l’Uemoa doivent commencer en juillet à utiliser l’ECO du fait qu’ils sont proches des critères de convergence (déficit inférieur à 3%, inflation inférieure à 3%, endettement inférieur à 70 %).
Ensuite, les deux grandes puissances de la zone Cedeao, notamment le Nigéria et le Ghana, deux pays anglophones il est bon de le préciser, ont conditionné leur adhésion à la monnaie unique à la coupure par la France du cordon ombilical la liant à ses anciennes colonies. Ce de manière à ce puisse être mise en place une banque centrale fédérale. La dernière étape devait consister en la mise en place d’une politique économique et commerciale, la signature des traités et du statut de la Banque centrale.
Seulement à deux mois de la date de juillet 2020, les dirigeants de la CEDEAO n’ont pas encore défini la politique monétaire à mener, encore moins le statut de la Banque centrale de la CEDEAO. A deux mois de l’échéance de juillet 2020, il ne sera pas possible d’opérer toutes ces ruptures qui devraient accompagner l’avènement de l’Eco. La servitude monétaire avec la France va alors continuer puisque le seul changement opéré sera celui du nom de la monnaie.
Divorce officiel d’un mariage de 47 ans
La coopération monétaire actuelle entre la France et l’Umoa repose sur un accord de coopération monétaire signé le 4 décembre 1973 par les ministres des Finances de l’Umoa et de la France, qui posait le cadre général de la coopération. Cet accord est complété par une convention de compte d’opérations, signée en décembre 1973 et modifiée par deux avenants de 2005 et 2014.
Sous ce régime (accord de coopération, complété par la convention de compte d’opérations et ses deux avenants), la France est représentée dans des instances techniques de gouvernance de la zone (Conseil d’Administration et Comité de politique monétaire de la Banque centrale des états de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Commission bancaire de l’Umoa). La BCEAO est l’institut d’émission commun aux états membres de l’Umoa et jouit du privilège exclusif de l’émission monétaire sur l’ensemble de ces états membres.
La Commission bancaire de l’Umoa, présidée par le Gouverneur de la BCEAO, est l’autorité de supervision bancaire de l’Union. Les représentants de la France y disposent d’un droit de vote sans voix prépondérante. Il est à noter que la France ne participe pas aux instances politiques (Conférence des chefs d’état, Conseil des ministres). « Le positionnement de la France évolue pour devenir celui d’un strict garant financier de la Zone. Les paramètres fondamentaux de la coopération ne sont toutefois pas modifiés : le régime de change demeure inchangé, avec un maintien de la parité fixe entre l’euro et la devise de l’Union tout comme la garantie illimitée et inconditionnelle de convertibilité assurée par la France » souligne « le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements des Etats membres de l’Union monétaire ouest-africaine » déposé à l’Assemblée nationale française par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et le ministère de l’Economie et des finances. « La transformation du rôle de la France en celui d’un strict garant financier se traduit ainsi par la fin de sa représentation dans les instances techniques de gouvernance de la Zone où elle ne disposera plus, hors cas de crise, de droit de vote.
La réforme maintient inchangés les paramètres essentiels à la stabilité macroéconomique et monétaire de l’UMOA : maintien de la parité fixe de la monnaie commune de l’UMOA avec l’euro et de la garantie illimitée et inconditionnelle de convertibilité assurée par la France. La garantie apportée par la France fonctionnera sur le même principe qu’aujourd’hui : si la BCEAO fait face à un manque de disponibilités pour couvrir ses engagements en devises, elle pourra se procurer les euros nécessaires auprès de la France.
La crédibilité de l’ancrage de la monnaie de l’Union sur l’euro est donc préservée. La fin de l’obligation de dépôt des réserves de change de la BCEAO permettra à la Banque centrale de disposer de la totalité de ses réserves et de décider de leur allocation et de leur placement, avec, dans l’environnement de taux actuel, un impact probable sur la rémunération de ces avoirs » indiquent les auteurs du projet de loi.
Par Serigne Saliou Guèye
LES ENSEIGNANTS NE SONT PAS DES FLEMMARDS !
C'est dans l'air du temps de cracher ou de taper sur les enseignants. Quoi qu’ils fassent, même s’ils se préoccupent de conditions sanitaires optimales pour mener à bien cette reprise tant annoncée, c’est toujours la même caractérisation péjorative.
C'est dans l'air du temps de cracher ou de taper sur les enseignants. Quoi qu’ils fassent, même s’ils se préoccupent de conditions sanitaires optimales pour mener à bien cette reprise tant annoncée, c’est toujours la même caractérisation péjorative. Ils sont considérés comme des feignasses, des cupides voulant jouir des voluptés des vacances procurées par la pandémie du Covid-19. Aussi, ils sont toujours en proie à un déchaînement injustifié de médisance et de diatribes acerbes.
Dans un éditorial corrosif, mon directeur Mamadou Oumar Ndiaye (MON) s’est attaqué sans aménités aux enseignants les traitant de flemmards qui multiplie tous les prétextes pour ne plus reprendre le chemin des classes tant que sévit la pandémie du Covid-19 et qui parallèlement veulent être payés aux frais de la Reine.
Une telle accusation désinvolte manque de profondeur et de méconnaissance de la vraie réalité de la situation. Il suffit de voir l’embrasement inextinguible que cette sortie malheureuse de MON a suscitée dans les réseaux sociaux pour mesurer le degré du choc et d’indignation des enseignants meurtris et blessés au plus profond de leur chair et de leur conscience. Face à une reprise des cours impensée et précipitée, sans l’aval du Comité national de gestion des épidémies (CNGE), sans consensus avec les véritables acteurs (je ne parle pas de ces vieillards cacochymes se prélassant et se sucrant de subsides corruptifs de l’Etat dans de soi-disant structures, appendices de l’Etat, et appelé pompeusement associations des parents d’élèves), sans un protocole sanitaire clair, n’est-il pas légitime et humain que les enseignants exigent des gages de sécurité sanitaire pour eux et pour leurs apprenants ?
L’Oms nous dit que les écoles sont un endroit propice à la contagion, que les plus jeunes, même quand ils sont asymptomatiques, peuvent diffuser le virus. Alors n’est-il pas risqué devant des mesures sanitaires encore floues de favoriser une explosion des contaminations en rouvrant précipitamment les écoles ? C’est un mensonge si les autorités serinent que toutes les dispositions sanitaires sont mises en place pour assurer une bonne reprise des cours le 2 juin. Rien qu’à Fatick, ville du président Macky sall, 67 écoles qui doivent recevoir les apprenants et enseignants ne disposent même pas de toilettes. Certainement qu’on va mettre à leur disposition des toilettes mobiles et démontables. De qui se moque-t-on ?
Les enseignants sénégalais ont bon dos mais ils ne sont pas les seuls à exiger des garanties de sécurité sanitaire pour être d’attaque sur le champ des enseignements le 2 juin. Des parents d’élèves inquiets de même des apprenants ont décliné la proposition irréfléchie et fantasque du Président. MON fait erreur en parlant de reprise des cours quasi-généralisée un peu partout. Au Cameroun et au Niger, en RDC les cours n’ont pas repris. Le Togo et la Guinée n’ont pas encore fixé de date pour la réouverture des classes. Au Gabon et au Ghana, écoles et universités sont encore fermées. Le mali rouvre ses écoles à partir du 2 juin prochain. En Côte d’Ivoire, la reprise des cours prévue le lundi 18 mai est ajournée. L’Algérie opte pour la reprise en septembre. En Tunisie, tous les élèves inscrits dans les différentes classes ne reprendront pas les cours cette année.
Seuls les élèves inscrits en 6e et 9e passeront directement les examens, les 2 et 3 juillet 2020, sur le contenu étudié durant les premier et second trimestres. Le mardi 12 mai, le ministre tunisien de l’Education nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Said Amzazi, a annoncé que les élèves ne rejoindront les écoles qu’à la rentrée prochaine de septembre, afin de préserver leur santé. Tout en assurant que le baccalauréat aura lieu en juillet dans le strict respect des mesures sanitaires. Le ministre a assuré que, puisque 75 % du programme de l’année a été dispensé avant la suspension des cours, il n’y aura pas d’année blanche. L’Afrique du sud qui prévoit le retour à l’école le 1er juin se heurte au niet catégorique du syndicat démocratique des enseignants d’Afrique du sud (SADTU).
Et la liste est loin d’être exhaustive. L'Italie, l'Espagne et la province du Brunswick au Canada et l'Etat de New York ont acté leur fermeture jusqu'en septembre. Le Japon a rétropédalé dans l’ouverture partielle des classes pour avoir subi une seconde vague de contamination. Au Royaume-Uni, le gouvernement, qui a fermé les écoles depuis mi-mars, a annoncé que les examens de fin d’année sont supprimés. Les épreuves du General Certificate of secondary Education (GCsE) sanctionnant la fin du collège (autour de 16 ans) et celles du A Level, validant la fin des études secondaires, n’auront pas lieu.
Au Danemark, les cours ont repris chez les tout-petits seulement avec des mesures sanitaires précautionneuses très strictes. En classe, chaque enfant doit être assis à deux mètres de ses camarades. Les élèves et les enseignants sont invités à passer le plus de temps possible en extérieur, dans la cour de récréation. Chaque enfant doit se laver les mains au moins une fois toutes les deux heures. De leur côté, les professeurs sont tenus de désinfecter régulièrement les poignées de porte, les interrupteurs, mais aussi les tables, les souris et les claviers d'ordinateur. La Biélorussie, le Tadjikistan, le Turkménistan, ainsi que le Nicaragua ont opté depuis le début pour un non confinement, laissant leurs écoles ouvertes depuis le début de la pandémie. La suède a fermé lycées et universités, mais a maintenu ouverts crèches, écoles et collèges.
La vraie question que MON doit se poser est celle relative aux autres 4 millions d’apprenants qui ne sont pas concernés par cette reprise et pour qui aucun plan de reprise n’est conçu. La seule réponse péremptoire du Président est celle du télé-enseignement. si le téléenseignement était opératoire, pourquoi ne pas laisser les élèves de Cm2, 3e et terminales acquérir intra-muros ce qu’ils vont chercher à l’école le 2 juin à leurs risques et périls ?
Macky Sall, élève qui a appris avec des lampes-tempête, des bougies ou même sous des poteaux électriques, ignore-t-il, aujourd’hui qu’il est président de la République, que plusieurs sénégalais n’ont pas encore accès à l’électricité ? Sait-il que la télévision et l’ordinateur sont des luxes dans ce pays qui se nimbe d’une émergence fantasmagorique ? Il ne faut pas se voiler la face ! Il appert que la volonté de ce gouvernement, qui ne se soucie pas de ses apprenants et de ses enseignants, n’est pas de sauver l’année scolaire mais de sauver les milliards dépensés en termes de salaires, de fonctionnement et primes dans le département de l’Education. Et il faut que le ministre de l’Education et ses caudataires panurgistes cessent de colporter que reprendre les cours au mois de septembre équivaut à une année blanche. Une année blanche ne dépend que d’un seing de l’autorité présidentielle.
En 1997, le bac a été organisé en septembre à cause d’une longue crise scolaire et l’année n’avait pas été déclarée blanche. Le seul but de ce gouvernement, c’est de distribuer, après l’organisation de simulacre d’examens, des « coronadiplômes », c’est-à-dire des diplômes au rabais. Pour mieux vitrifier le corps enseignant, MON met en parallèle la frousse des enseignants au courage du personnel soignant et des forces de défense et de sécurité (FDs). Pourtant on a entendu le coup de gueule des médecins du sames qui ont demandé en quantité et en qualité des équipements de protection individuelle (EPI).
A l’hôpital Idrissa Pouye de Grand-Yoff, un médecin chef a menacé de fermer son département si les mesures de protection sanitaire n’étaient pas garanties à son personnel. sa menace mise en exécution pour 24h et voilà subséquemment ses doléances satisfaites par les autorités de la santé. Les enseignants, loin d’être des pétochards, affichent de la prudence et font preuve de responsabilité. Les magistrats refusent de reprendre les audiences si le maximum sanitaire ne leur est pas garanti. Beaucoup de chefs religieux chrétiens comme musulmans ont décidé de ne pas rouvrir les lieux de culte placés sous leurs responsabilités.
Alors MON, pourquoi refuser aux enseignants ce que l’on admet pour les autres ? Certes le Covid-19 est une maladie bénigne mais impitoyable chez tous les patients qui présentent des comorbidités. Et c’est une erreur que de soutenir dans l’absolu que le taux de létalité est de 1 %. Le Covid-19 n'est pas meurtrier partout avec la même intensité. Il n’a pas la même gravité et la même létalité partout où existent des foyers et des chaînes de transmission. Au jour du 21 mai, avec 329.799 morts et 5.049.390 cas d’infection officiellement diagnostiqués dans le monde, le taux de létalité est de 6,53 %.
Au Sénégal, la létalité qui est encore faible pourrait du jour au lendemain exploser si les clusters se multiplient. Et l’analyse de la courbe épidémique, dans sa phase ascensionnelle actuellement, indique qu’il n’est pas à écarter un nombre plus important de décès dans les jours à venir. Et c’est aussi une erreur de dire que le palu est plus mortel que le Covid. Il est avéré aujourd’hui (bilan total du 9 février au 13 mai) que le Covid-19 est devenu la 3e maladie infectieuse la plus mortelle du monde derrière l’hépatite et la tuberculose. Suivent le sida et la malaria. En cinq mois, le Covid a fait plus de 300 mille morts au plan mondial. Le palu en douze mois (année 2019) a tué près de 450 mille personnes dans le monde. Il est temps de conclure cette réaction qui n’est point une apologie. Les enseignants sont loin d’être des pantouflards ou des froussards.
Quand certains fonctionnaires de l’Etat, valorisés ostensiblement aujourd’hui, désertaient les zones de guerre lors de la crise casamançaise, seuls les enseignants, par devoir et par conscience professionnelle, restaient à leurs lieux de travail. Après les FDs, le corps enseignant a payé le plus lourd tribut parmi les autres catégories socio-professionnelles. Pendant des années, les enseignants ont eu à faire les frais de cette guerre dévastatrice du sud. Certains d’entre eux ont été sauvagement trucidés, d’autres devenus éclopés et invalides à cause des mines antipersonnel, et les plus chanceux étaient dépouillés de leurs biens. A ceux-là s’ajoutent les traumatisés psychologiques. Ils sont nombreux ces soldats de la craie qui ont payé de leur vie en voulant façonner des vies dans des zones où les irrédentistes faisaient la loi. Et in fine, aucun hommage posthume n’a été rendu aux enseignants qui ont été victimes de cette guerre sénégalo-sénégalaise. Et Mariama Ba a vu juste quand elle dit dans son best-seller Une si longue lettre que « les enseignants forment une armée noble aux exploits quotidiens, jamais chantés, jamais décorés ». Les régimes successifs ont tout fait pour dévaloriser la fonction enseignante en confinant les enseignants dans le registre des sempiternelles revendications. Et malheureusement, c’est cette image caricaturale de l’enseignant grognon, paresseux, rouspéteur en toute occurrence distillée par l’Etat dans la société que MON retient de ces soldats du savoir qui se donnent quotidiennement pour la grandeur de leur patrie sans attendre des passe-droits particuliers en contrepartie.
Par Séraphin PRAO
LA FRANCE MAINTIENT L'UEMOA DANS LA SERVITUDE
Sous l’ère Macron, la France est décidée à maintenir ses positions sans toutefois apparaître impérialiste. L’adoption du projet de loi entérinant la transformation du franc CFA en ECO est un coup de maître du gouvernement français
Le grand Sun Tzu disait que «la meilleure stratégie est celle qui permet d’atteindre ses objectifs sans avoir à se battre». En tout cas, tout porte à croire que sous l’ère Macron, la France est décidée à maintenir ses positions sans toutefois apparaître impérialiste. L’adoption du projet de loi entérinant la transformation du franc CFA en ECO est un coup de maitre du gouvernement français.
En réalité, c’est la suite logique de l’accord signé le 21 décembre 2019, entre le président Alassane Ouattara, au nom des pays de l’UEMOA et le président français, Emmanuel Macron, à Abidjan. Les ‘’ennemis du développement’’ du continent africain veulent faire croire qu’il s’agit d’une révolution copernicienne alors que dans les faits, c’est une simple stratégie pour contrôler indirectement les économies de l’UEMOA sans paraître impérialiste. Nous montrons à travers ces quelques lignes, que le nouvel accord est purement symbolique puisque la France continuera de contrôler les économies africaines au profit de ses entreprises. Le projet de loi du 20 mai 2020 est purement symbolique
Depuis 1945, la France pille les fabuleuses ressources des Pays africains de la Zone Franc (PAZF), par le truchement de plusieurs canaux, dont le canal monétaire de l’accord de coopération monétaire. Avec l’accord du 21 décembre 2019, rien ne change sinon un aménagement de l’ancien accord pour briser l’élan patriotique des Africains quant à la reconquête de leur souveraineté monétaire. Pour ce faire, Macron n’a pas oublié la célèbre pensée de Léopold Sédar Senghor, qui disait que « l’émotion est nègre mais la raison est hellène ».
Changer le nom et quelques dispositions marginales suffiront par calmer ces pauvres africains, telle était l’idée qui a milité en faveur de la signature de l’accord du 21 décembre 2019, du côté de la France. D’ailleurs, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye sur le perron de l’Elysée, est précise sur le sujet : « cette fin symbolique devait s’inscrire dans un renouvellement de la relation entre la France et l’Afrique et écrire une nouvelle page de notre histoire ». Pour celui qui a un minimum d’ingrédient intellectuel comprend sans effort, qu’il s’agit d’une arnaque monétaire de la France.
Dans les faits, les trois changements dans cette réforme sont : le nom de FCFA qui devient ECO, l’arrêt des dépôts de la moitié de nos réserves de change auprès du Trésor français et le retrait des instances de gouvernance, des fonctionnaires français. En quoi est-ce que la décision de retrait d’un intrus de votre maison, doit constituer une prouesse de sa part ? Bien au contraire, de façon honteuse, la France reconnait qu’elle s’est immiscée dans les affaires monétaires des pays africains sans invitation. De même, avec la pression des pays africains et mêmes occidentaux (l’Italie et la Russie), la France est obligée de mettre fin à ce honteux pillage de nos réserves de change, à travers le dépôt de la moitié de nos réserves de change auprès du Trésor français. Cependant, la France va toujours contrôler les économies des pays de l’UEMOA avec l’accord du 21 décembre 2019.
Le contrôle indirect des économies de la zone UEMOA par la France La France se retire des instances de gouvernance de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) sans retirer son influence sur les économies des pays Africains. Rappelons que jusqu’à présent, le ministre des Finances et le gouverneur de la Banque de France participaient aux deux réunions annuelles, dont l’une se déroulait à Paris. Comme pour interdire aux Africains, tout excès d’enthousiasme, le ministre des Affaires étrangères, de la France, Jean-Yves Le Drian, rappelle ceci : « le rôle de la France évolue pour devenir celui d’un strict garant financier de la zone ».
Qui peut nous convaincre de ce qu’un pays tiers peut apporter sa garantie à un autre sans contrepartie. C’est donc une façon subtile pour la France de contrôler les économies africaines. D’ailleurs, le concept de « garantie » de convertibilité employé par les officiels français et les partisans de la relique coloniale est d’autant plus absurde que nous vivons depuis les années 1970 une ère post Etalon or, où la monnaie émise par les États est de nature essentiellement fiduciaire. La valeur de la monnaie dépend du dynamisme de son économie et de l’acceptabilité des agents économiques. La France est supposée fournir toutes les devises nécessaires aux pays de la zone franc, pour leurs importations. Or, le fonctionnement de la BCEAO (et de la BEAC) est paramétré pour qu’une situation de manque de devises arrive le plus rarement possible, voire jamais. Dès que ses réserves de change atteignent un niveau critique, la banque centrale prend des mesures restrictives, comme la limitation des possibilités de financement des économies de la zone – pour reconstituer ses avoirs extérieurs. Grâce à ce mode de gestion, la garantie a été rarement activée pour les pays de l’UEMOA entre 1960 et aujourd’hui.
En dehors de cette supposée garantie, la parité fixe pose encore un problème car la France continuera de jouer son rôle de garant pour cette monnaie qui maintiendra également une parité fixe avec l’euro (1 euro = 655,96 francs CFA). Cette parité fixe permet aux entreprises françaises en zone franc, d’éviter un risque de change, c’est-à-dire, une perte liée à une variation du taux de change. Etant donné que les pays africains constituent un déversoir de produits manufacturés et un réservoir de matières premières, il faut créer les arrangements monétaires qui sécurisent les investissements français en Afrique. C’est donc l’objet du maintien de la parité fixe.
Du moment que la parité fixe avec l’euro est maintenue, les réserves de change, serviront d’abord et avant tout à la défense de cette parité. Ces réformes ne rendent donc pas la BCEAO plus autonome : elle demeure une annexe de la Banque de France, rivée à la politique monétaire de la Banque centrale européenne. Par-dessus tout, le projet de loi du 20 mai, en France, vise à saboter le projet monétaire souverainiste des pays de la CEDEAO. La vérité est que la France a peur de ce vaste projet des pays de la CEDEAO. On sait que le Nigeria, un pays anglophone est la première économie de la zone et le succès du projet est synonyme de la perte du pré carré français en Afrique de l’Ouest. En court-circuitant le projet d’intégration monétaire des pays de la CEDEAO, la France sait que les pays anglophones n’accepteront jamais cette vassalisation monétaire. Du coup, les pays de l’UEMOA resteront les seuls pays à utiliser l’ECO tout en restant dans une servitude monétaire sous le joug français. La preuve est que le franc CFA ne disparaît pas complètement : les six pays d’Afrique centrale (Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Tchad), qui forment une zone monétaire distincte, continueront à l’utiliser.
En définitive, le projet de loi français est un épiphénomène et une reconnaissance honteuse du pillage des économies africaines par la France. La crise du Covid-19 a montré la fragilité des Etats qui n’ont pas adopté une vision stratégique de l’industrialisation. Or, les pays africains ne sont même pas au stade de l’industrialisation. Il est urgent que ces pays utilisent pleinement tous les instruments à leur disposition pour aller très vite à l’industrialisation.
La monnaie a sans aucun doute, un rôle primordial à jouer dans tout processus de développement. Les pays de l’UEMOA n’ont rien compris à ce niveau et c’est dommage. Entre le franc CFA et l’ECO version Macron, la différence n’est pas nette car, entre le cochon et le sanglier, la seule différence notable est que le premier est au village et le second en brousse. D’ailleurs, lorsqu’on a un litige avec le cochon, il ne faut pas appeler le sanglier comme témoin»
Séraphin Prao est économiste, enseignant chercheur spécialisé en Théorie Monétaire
POUR DISSIPER L'ÉCRAN DE FUMÉE D'UN ANCIEN VENDEUR DE CIGARETTES
Quand nous apprenons que dans la liste des bénéficiaires du fonds d’aide à la presse, figure Mame Gor Diazaka, notre sang n’a fait qu’un tour. Nous donnons rendez-vous au ministre de la Communication de même qu’à ses ouailles devant les tribunaux
Au nom de votre journal préféré, Le P’tit Railleur Sénégalais, nous avons déposé plainte hier, contre les membres du comité d’attribution de l’aide à la presse pour détournements de fonds publics, contre le ministre de la Culture et de la Communication, pour complicité, contre Mame Gor « Diazaka » pour complicité, enrichissement sans cause, et contre X, visant tout individu qui aurait perçu indûment de l’argent dans cette nébuleuse fumisterie.
L’affaire est simple : Le P’tit Railleur existe depuis sept ans maintenant et n’a jamais hanté les couloirs de la commission d’aide à la presse depuis tout ce temps. Une année, accidentellement, il nous a été remis un colossal chèque de cinq cent mille francs CFA… Nous n’avions rien demandé.
Et puis cette année, parce que depuis une année, il n’est pas paru, nous sommes allés nous renseigner, à toutes fins utiles. Lorsqu’au ministère, il nous a été affirmé qu’il ne figurait pas sur cette fameuse liste dont tout le monde parle mais que personne ne voit, c’était logique dans notre petit cerveau. On ne remplissait pas les critères.
On nous a cependant dit qu’il pouvait y avoir un recours… Pourquoi pas ? Nous avons déposé des dossiers de financement et un appui des fonds publics nous mettrait en meilleure posture. Donc, courrier a été envoyé pour plaider la cause de votre journal préféré.
Mais quand nous apprenons que dans la liste des bénéficiaires du fonds d’aide, figure Mame Gor Diazaka, notre sang n’a fait qu’un tour. Ce n’était plus la même perspective pour nous : le ton ne pouvait plus être le même… C’est ainsi que nous avons déposé une plainte chez le procureur pour détournement de fonds publics et enrichissement sans cause des auteurs, complices et bénéficiaires illégitimes. Mieux, nous avons adressé des courriers aux autorités afin que la lumière soit faite sur cette nébuleuse qui coûte 1,4 milliard de francs CFA au contribuable.
Le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et la présidente du CESE ont été saisis.
Nous espérons que les limiers de l’Inspection d’Etat se pencheront sur cette sulfureuse affaire, de même qu’une commission d’enquête parlementaire sera mise sur pied ou alors, une commission spéciale des conseillers du CESE. Bref, nous donnons rendez-vous au ministre de la Communication et de la Culture de même qu’à ses ouailles devant les tribunaux.
Il se dit d’Abdoulaye Diop, ministre de la Culture et de la Communication, qu’il a été dans une autre vie, vendeur de cigarettes. De l’excellence, il ne connait sans doute qu’une marque de tabac… On comprend mieux l’écran de fumée qui entoure la gestion des fonds de l’aide à la presse et sans doute d’autres secteurs de son département. Il sponsorisait, à la belle époque des cigarettes Excellence, les élections de Miss et les coladéras de Chez Iba. Pour vous donner une idée du profil et de la grande idée qu’il se fait de la Culture… Face à l’ancien boucher de Tilène que je suis, je peux vous garantir au moins une chose : ça risque de saigner !
PAR Babacar Ngom
À CE PAYS QUI M'A TOUT DONNÉ
Sur le fond, je ne connais pas les termes du contrat liant Akilee à la Senelec et sur la forme nous n’avions pas consulté tous les membres du CIS avant la motion de soutien. Je voudrais sincèrement présenter mes excuses à tous ceux que cela a dérangé
Le vendredi est pour les jours de la semaine ce qu’est le Ramadan parmi les autres mois de l’année, ai-je appris d’un Saint Homme.
Ce vendredi 22 mai 2020 est le dernier de ce mois béni qui, dans quelques jours, in chaa Allah, nous offrira l’heureuse opportunité d’unir nos cœurs dans la paix de la Korité.
Le mois béni du Ramadan, et spécialement le jour de l’Aïd, est toujours une occasion de nous tourner vers Allah (SWT), Lumière des Cieux et de la Terre, pour implorer Sa Miséricorde et clamer Ses Bienfaits. Il est le Maître de l’Univers et du Temps.
Aussi, réfugié auprès de Lui, je saisis l’occasion pour demander pardon aux membres de ma famille, à mes amis, à mes collaborateurs, à mes interlocuteurs de chaque jour, à mes compagnons de route dans la vie sociale et dans les affaires et à tous mes compatriotes.
La main sur le cœur, je vous dis à toutes et tous « Bal lenn ma akh » !
Le Club des Investisseur Sénégalais a défrayé la chronique ces derniers jours. Permettez-moi quelques mots sur ce sujet.
Pour rappel, le CIS est né du besoin de fédérer un large pan de forces vives de l’entreprenariat sénégalais afin d’impulser une dynamique capable de définir et de porter les idéaux d’une nouvelle approche du patriotisme économique. Son objectif est d’apporter sa contribution au combat national pour l’émergence d’un Sénégal nouveau. Ce besoin et cette démarche sont inscrits dans la légitime aspiration de faire du secteur privé national le socle et le fer de lance de notre politique de développement.
Et voici qu’au moment où il ambitionne de déployer ses ailes dans le ciel des affaires du pays, le CIS est pris dans une tempête.
La cause : une motion de soutien à une jeune entreprise sénégalaise dont les principaux acteurs sont membres du CIS.
Erreur sur le fond comme sur la forme. Sur le fond, je ne connais pas les termes du contrat liant AKILEE à la SENELEC et sur la forme nous n’avions pas consulté tous les membres.
Je voudrais, humblement, sincèrement reconnaitre, ici et maintenant, mon erreur et présenter mes excuses à tous ceux que cela a dérangé, déplu ou agacé. Mea culpa, maxima culpa ! L’erreur est humaine, je reconnais la mienne et saisis l’occasion de ce mois de pardon pour présenter mes excuses et solliciter le pardon de tous.
Ai-je besoin d’expliquer ce qui m’a motivé dans ce soutien ? J’ai juste voulu apporter un appui à des jeunes compatriotes qui sont des cadres dont la compétence est reconnue par tous ceux qui les connaissent et qui ont eu l’occasion de les pratiquer.
Parler de soi n’est pas chose aisée. Ce n’est pas un exercice où j’excelle mais la circonstance et le contexte m’y obligent. Ces jeunes me rappellent à la fois le pari audacieux et le parcours difficile qui ont été les miens : Porter toujours plus haut et plus loin le projet d une vie, dans la douleur, l’abnégation, la foi en des lendemains meilleurs pour notre pays et enfin la conviction inaltérable que l’avenir, avec l’aide de Dieu, est entre nos mains.
Comme tant d’autres membres éminents du CIS ou non, j ai crée des emplois, produit de la valeur ajoutée, développé des filières ouvertes à de nombreux compatriotes, à des familles entières.
Au soir de ma carrière professionnelle et au moment de passer le flambeau à une nouvelle génération, c’est une solide éthique comportementale fondée sur la droiture et le sens permanent de l’effort que j’espère - de tout mon cœur- leur laisser en viatique dans un monde ou les repères ont beaucoup changé et changent nombre d’entre nous.
Je demeure convaincu que tant d’amis, frères et sœurs Sénégalais partagent cette conviction et cette espérance.
Quand sonnera l’heure de la retraite (très prochainement s’il plaît à Dieu), je partirai, plus que jamais, profondément convaincu que c’est un secteur privé, porté et incarné, par d’authentiques patriotes, un secteur privé fort, dynamique et uni, qui sera un des artisans majeurs de l’émergence de ce pays que j’aime tant et qui m’a tout donné.
Encore une fois, en ce mois béni du Ramadan, je demande pardon à tous et pardonne aussi à tous.
texte collectif
MULTIPLE PHOTOS
NE DÉTRUISEZ PAS LES TERRES DU PHARE DES MAMELLES !
EXCLUSIF SENEPLUS - Aucun lotissement ne devrait être accordé sur les rayons de 500m du phare. Un site classé patrimoine mondial n’appartient plus seulement au Sénégal et moins encore à des bénéficiaires privilégiés
Construit en 1864 par les colons français, soit un an avant le port, le phare des Mamelles sert depuis lors de repère aux navigateurs. Tous les soirs, son faisceau blanc apparaît dans le ciel à la tombée de la nuit à raison d'une rotation toutes les cinq secondes, il est visible à une distance de 53 km.
Le phare des Mamelles est un phare situé sur la presqu'île du Cap-Vert, à environ 4 km au sud-est de la pointe des Almadies — l'extrémité occidentale du continent africain — dans la ville de Dakar (Sénégal), sur la plus occidentale et la plus grande des deux collines volcaniques coniques nommées les Mamelles.
Le phare c’est un point de repère pour les marins et les grands bateaux.
Le phare des Mamelles est le premier phare d’atterrissage de cette partie de l’Afrique. Son histoire est donc très liée à celle de toute la zone de l’Afrique de l’Ouest ouverte sur l’océan atlantique.
Servant de repère aux bateaux et aux avions dans toute cette partie de l'océan atlantique, le phare est alors un patrimoine historique à préserver et à défendre pour les générations futures, mais aussi pour la sécurité aérienne et maritime. Un accord gouvernemental a placé le Service des phares et balises du Sénégal sous la responsabilité duPort Autonome de Dakar.
Exposé des motifs ou pourquoi nous devons nous mobiliser pour préserver ce patrimoine
Le site géologique des Mamelles est inscrit à la liste des sites et monuments historiques classés ; il fait ainsi l’objet d’une protection règlementaire particulière et est ainsi « non aedificandi ».
Rare espace vert encore non encore totalement détruit par l’urbanisation sauvage et l’occupation anarchique du littoral de Dakar, il fait cependant l’objet de bien des convoitises de la part de promoteurs immobiliers et autres responsables privilégiés proches des pouvoirs politiques et financiers qui pensent avoir un droit de vie sur tous les biens communs.
C’est ce qui explique toutes les tentatives d’aliénation, d’occupation du littoral et aujourd’hui de cette assiette foncière du phare avec des lotissements et/ou construction présentant une apparence de légalité très douteuse et compromettante délivrée par on ne sait quelle magie sur une zone sismique et qui sert encore de site d’études à toutes les écoles du Sénégal. En réalité, aucune autorisation ; aucune occupation, aucun lotissement ne devraient être accordés sur les rayons de 500m du phare si l’on en croit les spécialistes géologues.
Aujourd'hui, ce patrimoine est menacé par des promoteurs véreux soutenus par des complices sans civisme ni patriotisme à l'intérieur de certains services administratifs. Un site classé Patrimoine mondial, n’appartient plus seulement au Sénégal ; et moins encore à des bénéficiaires privilégiés. Le phare est menacé par différents actes que sont l’exploitation des pierres par un système d’explosifs ; mais aussi par des constructions immobilières et hôtelières juste aux flancs du phare.
La dernière découverte a été ce chantier où un certain monsieur serait détenteur de titre foncier et qui s’est permis de débarquer un arsenal de matériels de construction pour venir creuser les racines du phare déjà menacé par d’autres actes abjects. La preuve par l’image ! Jugez-vous-mêmes !! (photos en illustration de ce texte).
Voilà ce qui se passe en ce moment sous notre Phare, un patrimoine mondial, un site géologique qui a servi de travaux de mémoire à notre chef d’Etat, le président Macky Sall, un lieu d’apprentissage pour nos écoles ; un outil de guide sécuritaire pour les navigations aérienne et maritime ! Aux côtés du Port Autonome de Dakar, qui a la responsabilité de ce site, nous allons défendre le phare et arrêter toutes les tentatives d’accaparement de cette assiette foncière si importante.
Pour arrêter tout ce désastre écologique avec tous les risques sécuritaires qui vont avec ; nous citoyens sénégalais, soucieux de l’intérêt supérieur de la Nation, avons pris l’engagement de nous mobiliser ensemble autour d’un Comité citoyen pour la préservation du Phare et de la colline des Mamelles de Dakar, en nous appuyant sur les expériences de PACTE Nouveau Monde et de la Plateforme pour l’environnement et la Réappropriation du Littoral (PERL) avec les Huit Objectifs déclinés dans la presse par son président, M. Moctar Ba, sans oublier le beau dossier de reportage déjà fait par un journaliste, Pape Alé Niang sur cette question d’occupation anarchique du littoral et de la privatisation de notre corniche. Le Collectif « Touches pas aux terres du Phare des Mamelles » s’engage sans réserve à défendre ce patrimoine de l’Humanité qui appartient en définitive aux générations futures du monde entier. Il met en garde toutes les personnes qui voudraient s’accaparer de ce patrimoine au détriment de toutes et de tous ! Il invite toutes les sénégalaises et tous les sénégalais, les citoyens du monde, à se joindre à ce groupe constitué de personnalités physiques et morales pour préserver cet espace qui est un bien commun.
Les premiers signataires de cet appel
Le Forum social sénégalais, PACTE Nouveau Monde, La Plateforme pour l’environnement et la Réappropriation du Littoral (PERL), La Convergence Africaine contre l’accaparement des terres- Eaux-Semences (section Sénégal), L’Organisation des Jeunesses panafricanistes, Général Mamadou Mansour Seck, Moctar Ba, M. Riad Kawar, Marie Angélique Savané, Anne Marie Senghor Boissy, Alioune Tine, Babacar Diop Buuba, Mamadou Mignane Diouf, Sérigne Cheikh Mbacké, Sene Halimatou Barry, Charles Owens Ndiaye, Papis Thiabou, Gnokhobaye Diouf, Dior Diom, Mamadou Bailo Bah, Marie Mbatio Ndiaye, Famara Diédhiou, Fallou Samb, Pape Abdoulaye Sène, Mohamed Sall Sao, Alymana Bathily, Gana Mbengue, Mambaye Diop, Paulele Cissé, Seyni Ba, Thiané Faye, Abdoulaye Ba, Bira Ndiaye, Ababacar Diéne, Augustin Marone, Justin Diallo.
UNE NOUVELLE INÉDITE DE BOUBACAR BORIS DIOP
COMME UN DÎNER D’ADIEU (3/4)
EXCLUSIF SENEPLUS - D’après ce que Dembo avait cru comprendre, seuls les leaders des grandes puissances et les patrons des multinationales avaient une vision d’ensemble, parfaitement cohérente, des événements mondiaux
Boubacar Boris Diop de SenePlus |
Publication 21/05/2020
Allait-il pour autant se fondre dans le troupeau et se mettre à bêler ce Je suis Charlie inepte et racoleur ? Non, les choses ne pouvaient pas être aussi simples. Il avait du mal à comprendre l’engouement soudain de millions de gens pour la pensée unique au moment même où ils s’imaginaient agir ainsi, parfois sincèrement, au nom de la liberté de conscience et du respect de la diversité des opinions.
Deux mots vinrent à l’esprit de Dembo. Naïveté. Cynisme. Il n’aimait ni l’un ni l’autre. Et Dembo Diatta savait très bien quel épisode de sa modeste carrière littéraire avait fini par le rendre aussi suspicieux et, ricanaient certains dans son dos, quasi paranoïaque.
Cet épisode mérite que l’on s’y arrête.
S’étant mis en tête un jour d’écrire enfin une «pièce totale», il avait décidé de tout faire pour mieux comprendre, concrètement et du dedans pour ainsi dire, les guerres, attentats-suicide et insurrections populaires devenus si banals que plus personne n’y prête, aujourd’hui encore, attention. Il lui importait par-dessus tout de clouer le bec par son futur grand’œuvre à tous ceux qui voyaient en lui, sans jamais oser le dire ouvertement, un écrivain mineur, juste bon à s’attirer les vivats d’un public ignare par de grossiers appels du pied scéniques.
L’expérience faillit le rendre fou.
Il faut aussi dire que, comme à son habitude, Dembo Diatta n’avait pas fait les choses à moitié. Lui qui jusque-là ne s’était intéressé qu’aux pages sportives des journaux, se mit en devoir d’éplucher de gros ouvrages et des documents en ligne sur l’Irak, la Somalie, le Soudan, l’Afghanistan et le Mali. D’un naturel obstiné et méticuleux, il notait tout et ne rechignait à aucun travail de vérification. D’après ce qu’il avait cru comprendre, et c’était là un point essentiel de sa démarche, seuls les fomenteurs de guerres, les marchands d’armes, les leaders des grandes puissances et les patrons des multinationales avaient une vision d’ensemble, parfaitement cohérente, des événements mondiaux. Et ils étaient aussi les seuls à avoir une idée plus ou moins nette de ce que serait dans cinquante ans la terre des hommes. Dembo s’efforça donc de faire comme eux, de se délester de tout romantisme et de ne jamais bondir d’un désastre humanitaire ou d’une guerre civile à une autre. Il y avait forcément un lien entre toutes ces catastrophes, comme entre les soixante-quatre pièces d’un échiquier. Même entre la Côte d’Ivoire et l’Ukraine ? lui lançait-on. « Pourquoi pas ? rétorquait-il aux railleurs, moi je ne peux rien écarter à l’avance.» Soyons franc : parfois, oui, Dembo – qui se disait en outre fasciné par « l’immense silence de la Chine » - poussait le bouchon de la suspicion un peu loin. Du reste, ses amis jugeaient suspecte sa brusque et tardive passion pour la politique internationale et le soupçonnaient de verser dans les théories du complot. À quoi il répondait avec un petit sourire méprisant : « Il y a certes des centaines de milliers de conspirationnistes dont beaucoup sont carrément cinglés mais cela n’empêche pas qu’il y ait de temps à autre des complots et des manipulations bien réels ! » Et il ajoutait : « Vous pouvez me croire, on en a encore en pagaille, de ces fichues manœuvres de déstabilisation occultes, ou alors moi, Dembo Diatta, je ne suis pas le fils de ma mère et de mon père ! »
On s’en doute : Dembo Diatta n’écrivit jamais son chef-d’œuvre théâtral. Seuls avaient survécu à son éprouvante quête de vérité, parmi les fichiers d’un vieux MacBook Pro, un titre prétentieux et sibyllin (« Le temps des Sept misères ») et quelques esquisses de dialogues et d’indications pour une improbable intrigue. Mais sa petite virée au cœur des ténèbres n’avait pas été tout à fait vaine. Elle avait même littéralement fait de lui un autre homme. Elle lui avait appris à se méfier des fausses évidences astucieusement glissées par les medias aux oreilles des citoyens ordinaires. Aucune déclaration des leaders des pays riches ne lui semblait jamais tout à fait anodine. Ce n’est pas à Dembo Diatta que l’on aurait pu faire gober, par exemple, la fable simpliste d’un monde divisé en amis et ennemis des libertés individuelles. Les bombardements de l’Otan contre la Libye l’avaient à la fois mis en colère et amusé. Il n’avait évidemment pas cru un seul instant que si on avait lâché des jeunes Libyens hystériques contre Mouammar Kadhafi, cruellement torturé puis égorgé dans les rues de Syrte, c’était pour l’empêcher de « massacrer son propre peuple. » A force de mentir encore et encore, ces voyous au verbe fleuri finissaient par se faire coincer publiquement comme en Irak mais ça ne changeait jamais rien. Leur pari hautain sur l’amnésie des foules était toujours gagnant.
Vers dix-sept heures, Dembo se rhabilla pour aller retrouver Muriel et Christian Carpentier. Les Carpentier, comédiens aux vagues racines alsaciennes et désormais peu actifs, étaient le couple le plus solide et chouette que Dembo Diatta eût jamais connu.
Chaleureux et sans façons, à l’inverse de Muriel, plus cérébrale et même assez dure, Christian Carpentier suscitait toujours un élan de sympathie, même de ceux qui ne savaient rien de lui. Il suffisait d'avoir croisé sa route une ou deux fois pour l’appeler simplement Chris.
Muriel et lui improvisaient des petits trucs bouffons dans des théâtres de poche en tournant chaque soir autour d’une seule et même idée, du genre « Tu as remarqué, Madame, ils parlent tous du réchauffement climatique, le Pape, la Reine d’Angleterre… » et au bout de deux ou trois pitreries, « Madame » criait à tue-tête : « …et il fait bigrement plus froid partout, Monsieur ! »
Ça n’avait rien de transcendant, Muriel et Chris le savaient et s’en fichaient royalement. Ils étaient de toute façon assez intelligents pour se moquer plus d’eux-mêmes que des autres.
Dembo était content de pouvoir manger un morceau avec eux deux jours avant de filer prendre son vol à Roissy. Hélas, tout avait changé depuis les attentats de la matinée.
Il se sentait déjà mal à l’aise.
« Aurai-je le courage d’être franc avec ces vieux amis ? » se demanda-t-il pour la dixième fois en dévalant sans hâte les escaliers en bois de l’hôtel Galileo. Pour le dire en un mot, Dembo Diatta n’était ni Charlie ni Pas Charlie. C’est cela qu’il aimerait pouvoir avouer aux Carpentier ou même crier sur tous les toits si on lui tendait un micro. Mais en ces heures de surexcitation patriotique, les micros, ce n’était pas pour tout le monde et surtout pas pour un obscur auteur comique africain de passage dans la ville.
Au milieu de la rue Mélusine, Dembo s’engagea dans le parc Emile Perrin. Moins de dix minutes plus tard, il franchissait le seuil du Casa Nostra. Depuis quand venait-il dans ce restaurant italien au nom si provocateur ? C’était flou dans sa mémoire mais ça commençait à faire pas mal de temps. Huit ou neuf ans. Pourtant, il n’avait jamais échangé le moindre mot ni même un vague sourire de politesse avec Maria-Laura, la patronne. C’eût été difficile du reste car, comme lui-même, celle-ci était plutôt taciturne et semblait, au surplus, en proie à une mélancolie chronique depuis le jour où son compagnon, un certain Valerio Guerini, s’était barré avec la caisse et une des serveuses les plus pulpeuses. Le truc classique, quoi. Dembo ne connaissait pas les détails de l’affaire, il avait juste entendu un jour un client complètement ivre demander à Maria-Laura si Valerio ne lui manquait quand même pas un peu, au moins un tout petit peu, hein. Cela avait failli lui coûter très cher car, après avoir longuement hurlé sa rage contre lui, Maria-Laura était ressortie de la cuisine, les yeux injectés de sang, avec un bol d’huile bouillante. Le pauvre inconscient avait réussi à s’enfuir par une fenêtre au milieu de l’hilarité générale et on ne le revit plus jamais dans les parages.
Les Carpentier arrivèrent un peu en retard par la faute, expliquèrent-ils, des nombreux barrages policiers. Ça lui fit finalement du bien de les revoir, ce a` quoi il ne s’attendait pas. Leurs bruyantes salutations apportèrent un peu de vie au restaurant qui en avait bien besoin. Très vite, ils se mirent à parler à Dembo du concept de théâtre de rue sur lequel ils travaillaient d’arrache-pied. Depuis qu’il les connaissait, les Carpentier étaient toujours en train de s’échiner sur quelque expérience théâtrale « nouvelle » voire dangereusement « révolutionnaire ». Cette fois-ci il s’agissait de faire en sorte que de vrais passants prennent peu à peu possession de leur spectacle et en fassent un imprévisible et gigantesque n’importe quoi, danses, rugissements de lions affamés, attaques virulentes de jeunes rappeurs contre le gouvernement et tout le reste. Chris n’excluait pas que la pagaille débouche sur de vraies émeutes. Dembo le voyait très bien invoquer les hasards objectifs de l’art dramatique pour inciter le peuple à saccager les quartiers bourgeois.