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1 décembre 2024
Développement
BATAILLE DE LEADERSHIP À L'APR
Alors que Macky Sall souhaite maintenir son influence, plusieurs figures émergentes tentent de s'imposer comme de nouveaux patrons. Amadou Ba, Abdoulaye Daouda Diallo et Amadou Mame Diop sont dans les starting-blocks
En quittant le pouvoir, le président Macky Sall a laissé son parti dans la plus grande incertitude, refusant ainsi d'organiser sa succession au sein de l'appareil. Aujourd'hui, plusieurs têtes peuvent se réclamer le leadership au sein de la formation marron-beige. Mais qui a le meilleur profil ?
Macky est le prototype parfait de l’homme politique façonné par Abdoulaye Wade. Le leader de l’Alliance pour la République (APR) copie son mentor politique dans toutes ses actions. Même après la perte du pouvoir, il continue de vouloir tenir les rênes de son parti comme le Pape du Sopi qui demeure toujours le Secrétaire général national du Parti démocratique sénégalais (PDS).
On se demande cependant si ce qui est valable pour le patriarche libéral avec le PDS, 50 ans d’existence, peut l’être avec l’APR créée depuis juste 16 ans. En effet, le contexte politique a foncièrement changé avec de nouveaux acteurs et un nouvel écosystème.
Mais Macky Sall semble n’en avoir cure. Lors du dernier Secrétariat Exécutif National (SEN) de l’Alliance pour la République (APR), il a proposé une gestion collégiale du parti en formant une équipe composée de Amadou Mame Diop, Cheikh Mbacké Ndiaye, et de jeunes comme Thérèse Faye, Sira Ndiaye, Aissatou Ndiaye, Haniyeu Mbengue, Abdou Lahad Seck Sadaga, Mame Marième Babou, Abdoulaye Fall, Seth Diop, et Djimo Souaré.
Depuis, il se pavane dans le monde en tant qu’envoyé spécial du 4P (Pacte de Paris pour les peuples et la Planète). S’il n’a pas une réelle ambition de revenir dans la scène politique sénégalaise, rien ne devrait l’empêcher de préparer la relève ; mieux, de passer le relais à un des apéristes les plus influents dans la formation pour assurer le leadership fort qu’il a incarné toutes ces années. A moins de préparer sa succession, il pouvait laisser le jeu politique se poursuivre dans la formation. Ainsi, le plus fort et le plus influent dirigera le parti.
Comme “L’AS” l’avait écrit au lendemain de la défaite du pouvoir de Macky Sall, deux options s’offrent à l’APR. Bâtir le parti autour de leur candidat déchu Amadou Ba ou bien choisir un nouveau leader apériste de lait capable de réunir tout le parti autour de l’essentiel.
Mais le président Sall semble ne pas vouloir en tout cas que le candidat déchu de son parti lors de la présidentielle du 24 mars 2024 dès le premier tour profite de l'appareil qu’il a créé et façonné. La preuve, ses fedayins refusent toujours de se ranger derrière Amadou Ba.
Très mou politiquement, l’ancien Premier ministre devrait maintenant s'affranchir de Macky Sall et affronter tous ses détracteurs au sein de l’APR. Mieux, il pourrait également prendre ses distances de la formation marron beige. D’ailleurs, depuis quelques jours, de nombreuses voix sortent pour dire que l’ancien Premier ministre Amadou Ba est sur la voie de créer un parti. Étant naturellement le chef de l’opposition du fait de sa position au dernier scrutin présidentiel, il reléguerait ainsi l’APR en troisième position dans le classement des forces politiques du pays. En tout cas, il est difficile d’imaginer dans le contexte actuel qu’Amadou Ba pilote le bateau apériste et l’emmène à bon port.
Abdoulaye Daouda Diallo, le profil idéal pour les apéristes de lait
Pour autant, d’aucuns théorisent dans le parti l’idée selon laquelle Abdoulaye Daouda Diallo serait le responsable apériste qui a les qualités requises pour succéder à Macky Sall à la tête de l’appareil politique. Le maire de Boké Dialloubé est un technocrate discret, voire effacé. Il a occupé les plus hautes fonctions sous le magistère de Macky Sall : ministre de l’Intérieur, ministre de l’Economie et des Finances, président du Conseil économique social et environnemental (CESE), Directeur de cabinet de Macky Sall...
Il faut rappeler que l’actuel président du CESE avait préféré revenir sur ses ambitions présidentielles et s’effacer au profit d’Amadou Ba lors de la présidentielle de 2024. Une pilule difficilement avalée au nom de la loyauté au président Macky Sall. Abdoulaye Daouda Diallo, qui n’a jamais voulu se ranger derrière Amadou Ba, avait même ourdi un plan pour s’opposer à lui. Il est évident que ce n’est pas aujourd'hui qu’il va accepter ce qu’il a toujours abhorré.
Au contraire, il peut prendre sa revanche en s’imposant comme l’homme fort du parti. Il est évident que les apéristes en grande partie ne remettront pas en cause sa légitimité.
Amadou Mame Diop, homme de confiance de Macky Sall
Une troisième personnalité politique apériste qu’on calcule rarement ; mais qui est capable de prendre les rênes du parti et de fédérer les militants, c’est l’actuel président de l’Assemblée nationale. Dr Amadou Mame Diop Diop, maire de Richard Toll depuis 2014, est à l’APR depuis sa création. Très discret, il bénéficie d’une base politique solide au nord du Sénégal. Il faut noter également que c’est un homme consensuel qui est respecté dans le parti. Militant des premières heures de l’APR, coordonnateur de la Coalition Benno Bokk Yaakaar du département de Dagana, il a été élu député en 2012, réélu en 2017 et en 2022.
En le choisissant pour diriger le parlement, Macky a montré qu’il fait partie de ses hommes de confiance. Décidé à faire respecter ses consignes, Macky Sall n’a pas hésité à mettre ses députés sous surveillance jusqu’au vote final le jour de l’élection du bureau de l’Assemblée nationale. C’est une manière également de dire que Macky Sall tient vraiment à cet homme.
On se rappelle à l’époque, Mimi Touré, frustrée du choix porté sur Amadou Mame Diop à son détriment, elle disait que le choix porté sur lui n’est que le reflet de la prédominance de l’appartenance familiale au détriment du mérite militant. Il faut juste noter qu’Amadou Mame Diop est très proche de la famille de la première dame et qu’il a grandi dans leur cercle familial.
Par Alioune Badara DABO
IL NOUS FAUT UN CONSERVATOIRE NATIONAL DU LITTORAL
Il peut avoir pour mission d’imaginer, d’aménager et de protéger le littoral, les espaces naturels et les espaces de promenade et de respiration pour préserver le cadre de vie et le fragile équilibre ville-nature
Le 24 Mars 2024, le peuple sénégalais a fait le choix de la rupture en portant son choix sur le Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye du parti PASTEF les Patriotes. Après six semaines d’exercices du pouvoir, l’arrêt des chantiers sur le littoral constitue, avec la publication des rapports des corps de contrôle et l’audit du site déclassifié de Mbour 4, les décisions phares prises pour la restauration de la transparence dans le domaine de la gestion foncière. Ces mesures conservatoires, quoiqu’appréciables et appréciées par l’opinion, devront être accompagnées par un cadre réglementaire et institutionnel durable qui garantisse l’équité et l’intérêt général dans la gestion foncière au Sénégal. Cette contribution met le focus sur la problématique de la gestion du foncier sur le littoral et entend participer aux réflexions en cours sur les mécanismes et dispositifs à mettre en œuvre pour régler durablement la question foncière sur le littoral sénégalais.
Pourquoi un Conservatoire national du littoral au Sénégal ?
Le littoral sénégalais s’étend sur près de 700 km et correspond à la façade maritime de six régions du Sénégal (SaintLouis, Louga, Dakar, Thiès, Fatick, Ziguinchor). Il est constitué d’écosystèmes naturels et anthropiques, mais menacé par la forte concentration économique et démographique et par les effets du changement climatique (érosion côtière, inondation, salinisation des sols…).
Sa gestion durable a préoccupé les pouvoirs publics depuis les premières heures de l’indépendance, mais aussi la communauté scientifique, l’UICN et les acteurs de la société civile. L’une des premières mesures prises par le Président Senghor consistaient à classer le foncier dans le Domaine Public Maritime (DPM) de l’État : ce dernier étant également soumis à la législation foncière.
La loi de 1976 portant code du domaine de l’État définit le DPM et la zone littorale qui font partie du domaine public naturel de l’État comme étant : « les rivages de la mer couverts et découverts lors des plus fortes marées, ainsi qu’une zone de cent mètres de large à partir de la limite atteinte par les plus fortes marées ». Le DPM est soumis au régime de la domanialité publique qui se caractérise par son exorbitance liée notamment aux principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité qui s’appliquent à lui. L’État ne peut pas transférer un droit à un tiers ni à titre onéreux, ni à titre gratuit. En d’autres termes, le DPM ne peut pas bénéficier d’une prescription acquisitive. Toutefois, l’État peut bénéficier de certains espaces relevant du domaine public en les déclassant pour les faire entrer dans son domaine privé.
Sous le régime du Président Abdou Diouf, d’autres textes viennent s’appliquer également sur le DPM et cherchent à garantir une protection efficace et effective du littoral. En plus de la loi sur le domaine national de 1964, il y a eu également celle relative à l’environnement. L’ambiguïté de ce code de l’Environnement de 1983 a eu des conséquences importantes dans l’application des politiques environnementales. La loi de 1983 ne réglementait que certains aspects de l’environnement (le domaine marin et côtier n’en faisait pas partie) et était cependant complétée par les autres textes intervenants dans des secteurs spécifiques (forêt, chasse, urbanisme, aménagement du territoire, etc.).
La loi de 1996 a apporté des modifications majeures dans la gestion de l’environnement et le foncier. L’organisation territoriale s’est complexifiée avec la superposition de plusieurs échelons de collectivités décentralisées et de services déconcentrés de l’État.
Au niveau du foncier et plus précisément en ce qui concerne le DPM, les collectivités décentralisées malgré l’approfondissement de la décentralisation en 1996 ont peu de compétences en la matière. Leur implication dans la gestion du DPM est timide. Et pourtant, le littoral est, pour certaines collectivités locales côtières, d’une grande importance pour leur développement économique et touristique, mais elles ne sont que partiellement impliquées.
La loi de 1983 a été remplacée par celle de 2001 portant code de l’Environnement, sous le régime du Président Abdoulaye Wade. Elle contient plusieurs dispositions qui peuvent être relatives à la protection du littoral. En effet, le législateur prévoit des mesures de prévention et de lutte contre les pollutions et nuisances qui concernent aussi le littoral. Ceci se concrétise parle classement de certaines installations pour la protection de l’environnement, le respect des règles environnementales par les établissements humains, la gestion des déchets, l’obligation de procéder à l’étude d’impact, et l’établissement d’un plan d’urgence est prévu en cas de situations de pollution grave. De même, des règles sont également établies pour la protection des milieux, avec des mesures de prévention de la pollution des eaux et de la dégradation des sols.
Vers la fin du régime du Président Abdoulaye Wade, le littoral est devenu le théâtre d’une spéculation immobilière intensive. Ce phénomène s’est accéléré avec le régime du Président Macky Sall. Hôtels et immeubles d’habitation ou de bureaux y poussent à grande vitesse.
Les défenseurs de l’environnement ou de la qualité de vie dénoncent la privatisation du littoral à coups de violations des règles de droit. Certaines populations se plaignent de ne plus avoir d’accès libre à la mer et la préservation du littoral apparaît comme une des conditions d’aménagement équilibré des territoires face à l’urbanisation croissante.
Toutefois les politiques environnementales ou d’aménagement du territoire ou de préservation exclusive de cet espace n’ont pas encore atteint les effets escomptés et les ressources foncières sont de plus en plus grignotées notamment sur leurs franges. La croissance urbaine au Sénégal exerce une forte pression sur le littoral. Elle raisonne comme un défi envers les savoirs et pratiques opérationnelles de l’aménagement du territoire, de la planification et la gestion du littoral.
Je pense que la mise en œuvre de la volonté politique de protection du littoral du régime actuel et de la valorisation des espaces naturels, des espaces de promenade et de respiration, et de coordonner en ces domaines les actions des collectivités territoriales avec celles de l’État et de ses établissements publics doit être portée par une entité territoriale forte, viable et porteuse de transition vers des pratiques plus durables.
Les réformes engagées par le Sénégal, à savoir l’Acte III de la décentralisation, définissent de nouveau système de gouvernance des territoires avec notamment la communalisation intégrale des collectivités territoriales de proximité des communes et l’érection des départements en collectivité territoriale. Ce système pose des questions d’échelle de gestion et d’intégration du littoral dans le développement des territoires.
Ce processus d’organisation des territoires, des activités et des usages implique la recherche d’un équilibre entre l’urbanisation et le littoral, entre l’économie et la santé, la ville et les écosystèmes naturels, entre la croissance démographique et la préservation du cadre de vie. Il appelle ainsi, comme le suggère le Président de la république, à mobiliser l’intelligence collective des acteurs des territoires pour préserver le fragile équilibre entre la ville et le littoral.
La suspension des chantiers contribue à l’ouverture d’un débat plus vaste sur l’accaparement du foncier à travers tout le pays. Le Président Bassirou Diomaye Faye a promis de rompre avec le système incarné par son prédécesseur, Macky Sall. Ce dernier avait signé en avril 2023 un décret déclassant une forêt de près de 826 hectares destinée à empêcher l’avancée de la mer, pour y autoriser la construction d’infrastructures, d’équipements collectifs et de logements.
Cette urbanisation croissante situe le littoral à la jonction de différentes politiques publiques économiques, environnementales et action foncière. Il reste donc souhaitable pour le Sénégal, que les différentes stratégies des investisseurs, promoteurs immobiliers, l’État, les collectivités, les associations de protection de la nature soient source d’enrichissement, plutôt que de conflit, et favorisent un dialogue constructif qui exige de chaque acteur un comportement citoyen
La nouvelle institution technique et opérationnelle viendra renforcer le niveau de gestion, de coopération et d’échange, mais aussi de création d’espaces verts, d’espaces de promenade et de respiration, le niveau de collaboration entre l’État, les associations et les acteurs territoriaux dans la conduite, le suivi et l’évolution des politiques de protection du littoral.
Je pense que la mise en place d’un Conservatoire national du littoral (inspiré du Conservatoire du littoral en France, créé en 1975 pour lutter contre l’urbanisation des côtes françaises), structure technique et opérationnelle, traduit l’impératif de compléter notre architecture de gouvernance des ressources territoriales, foncières, marines, par une institution, siège de la protection et de la valorisation du littoral sénégalais.
Les objectifs du Conservatoire national du littoral
L’objectif de la création du Conservatoire National du Littoral est de mettre en place une structure technique et opérationnelle de gestion, de protection, d’animation, de sensibilisation et de création d’espaces de nature et de respiration afin de répondre aux enjeux de la croissance démographique qui crée des besoins inédits, notamment en termes de logement, de mobilité, d’emploi, de gestion de déchets, du cadre de vie, de gestion de l’eau et, de manière générale, de gestion de l’environnement.
Dans un contexte de grandes transformations urbaines, de mutations paysagères, de changements profonds des territoires côtiers liés au lancement de travaux d’envergure visant à relever les défis de la restructuration et de la croissance démographique, il s’agit de préserver le patrimoine naturel et le cadre de vie menacé par cette urbanisation croissante. Concilier les espaces de nature, de promenade, de respiration avec l’aménagement du territoire devient une nécessité.
Le Conservatoire est ainsi créé pour mettre en œuvre la politique de gestion, de protection et de valorisation du littoral, mais aussi de coordonner les actions des collectivités territoriales avec celles de l’État. Il vient renforcer de manière technique et opérationnelle le niveau de collaboration entre l’État, les associations, et les acteurs territoriaux dans la gestion, le suivi et l’intégration de la question environnementale, écologique, sociale dans les politiques d’aménagement du territoire.
Les objectifs opérationnels de la création du Conservatoire du littoral sont les suivants :
• Concilier aménagement du territoire, la gestion durable du littoral, du cadre de vie et la protection des écosystèmes naturels
• Diminuer la pression foncière et gérer durablement les espaces dont la valeur patrimoniale engage notre responsabilité à l’égard des générations futures et ouverture au public des espaces de promenade
• Anticiper les mutations des espaces naturels par une démarche prospective
• Créer des espaces de respiration, de lutte contre l’érosion côtière, les inondations et de participation à la qualité de vie des populations
• Accompagner et animer les projets de l’État et des territoires sous l’angle de la transition écologique
• Développer et mettre en œuvre une stratégie opérationnelle valorisant l’exemplarité environnementale de l’État et des collectivités territoriales
• Protéger les populations contre des phénomènes climatiques extrêmes en permettant un espace de tampon entre la mer et les enjeux humains.
Quelle forme ou statut pourrait prendre le conservatoire du littoral au Sénégal ?
Le Conservatoire peut être un établissement public administratif de l’État placé sous la tutelle des Ministères de l’environnement, de l’économie, de l’aménagement du territoire et des collectivités territoriales. Il peut être gouverné par deux instances : le Conseil d’administration composé principalement d’élus nationaux, départementaux, communaux et de représentants des ministères. Il est un organisme commun à l’État et aux collectivités territoriales, où les qualités et les rôles complémentaires de l’un et des autres se conjuguent et se renforcent mutuellement.
Il peut avoir pour mission d’imaginer, d’aménager et de protéger le littoral, les espaces naturels et les espaces de promenade et de respiration pour préserver le cadre de vie et le fragile équilibre ville-nature. À ce titre, l’action du Conservatoire s’inscrit dans le cadre des politiques nationales, territoriales en matière de qualité de vie, d’aménagement du territoire et d’environnement.
Le Conservatoire doit avoir pour mission d’intervenir et d’argumenter afin de préserver de manière règlementaire le littoral. Il vise à : (i) prévenir ou endiguer l’urbanisation non maîtrisée ; (ii) concilier l’ouverture au public et la préservation de la biodiversité ; (iii) mettre en valeur les paysages ; (iv) conforter le maintien de la production économique et touristique et (v) prévenir la dénaturation des espaces ouverts par des veilles foncières avec les collectivités et les associations.
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LIONEL ZINSOU EN DÉFENSEUR DU FRANC CFA
Face aux appels à l'abolition de cette monnaie héritée de la colonisation, l'économiste fustige les "extrêmes" et en vante la stabilité. Pourtant, les critiques sont nombreuses quant à son impact sur le développement des pays africains
Lionel Zinsou, économiste et ancien Premier ministre du Bénin, a défendu sur TV5 Monde le maintien du franc CFA, monnaie commune à 14 pays d'Afrique de l'Ouest. Faisant front face aux appels récurrents pour l'abolition de cette monnaie héritée de la colonisation française, Zinsou a dénoncé les "extrêmes" qui remettent en cause cette union monétaire, garante selon lui de stabilité et d'intégration régionale.
L'ancien Premier ministre a balayé les critiques sur la supposée surévaluation du franc CFA, réfutant son impact sur la compétitivité. "Nos économies sont vendeuses en dollars, la parité importe peu", a-t-il lancé, rappelant que les pays voisins dotés de monnaies indépendantes souffrent des mêmes maux économiques. Une pique à peine voilée envers ceux qui voient dans l'écu colonial un frein au développement.
Zinsou a également relativisé l'aspiration souverainiste, arguant que la plupart des pays membres demeurent attachés à cette monnaie commune. "Un changement prendrait des années", a-t-il prévenu pour mieux décrier toute sortie "par simple décret". Un prudent rappel à l'ordre, alors que les vents de révolte ont récemment soufflé au Niger et au Mali contre le "Franc des colons".
L'ex-chef du gouvernement béninois n'a pas mâché ses mots pour fustiger aussi bien les "extrêmes droites" que les "extrêmes gauches" hostiles aux unions monétaires, un "spectre politique" qu'il juge dépassé. À contre-courant, il a plaidé pour davantage d'intégration, saluant le souhait du Sénégal de réformer le franc CFA, mais "dans le cadre des 15 pays" de la CEDEAO, l'organisation régionale.
Au moment où la contestation enfle, Lionel Zinsou, défenseur de premier plan du "Franc de la France en Afrique", s'est institué en rempart pour maintenir un lien désormais honni par une partie du continent. Un discours résolument contre-révolutionnaire, pour un franc CFA plus que jamais dans le collimateur.
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JIMMY CHÉRIZIER, SYMBOLE D'UNE NATION À GENOUX
Haïti au bord du chaos : portrait de "Barbecue", le chef de gang qui tient Port-au-Prince sous la coupe de fer de son alliance criminelle et défie ouvertement l'État
La capitale haïtienne est aujourd'hui en proie à une violente guerre des gangs qui font régner la terreur. Au cœur de cette crise, un nom revient sans cesse : Jimmy Chérizier, surnommé « Barbecue ».
Ce chef de la puissante alliance criminelle G9an Family & Allies revendique le contrôle des larges pans de Port-au-Prince. Ses hommes lourdement armés défient ouvertement l'autorité de l'État et pratiquent un banditisme meurtrier à la rencontre des civils.
par Pape Chérif Bertrand Bassène
L'IMPACT D'UN DÉBAT UNIVERSITAIRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le "Goordjiguène" a toujours existé en Afrique : il est temps de dépasser les polémiques stériles et de produire un savoir africain sur la question. À charge pour l’Université Cheikh Anta Diop d'assumer ce rôle
Pape Chérif Bertrand Bassène |
Publication 21/05/2024
Tandis que la presse occidentale et française en particulier, nous apprend que le "Premier ministre Sonko critique les droits LGBT" (Figaro, 2024), qu’il a prévenu sur le risque de casus belli entre l’occident et le reste du monde avec sa défense de l'homosexualité (La voix du nord, 2024 ). La presse sénégalaise quant à elle - se faisant l'écho d'une société civile d’obédience religieuse et d'une classe politique qui essaie d'habiller la nouvelle forme d'opposition - a relevé que le Premier ministre Ousmane Sonko (Pmos) l’a non seulement déçue (Conférence Jamra), mais devrait en plus "retirer ses propos sur l'existence d'une tolérance envers le phénomène d'homosexualité au Sénégal" (Lequotidien, 2024).
La nouvelle opposition en gestation, que veut réanimer l'honorable Moustapha Diakhaté, n'hésite pas à accabler l'université Cheikh Anta Diop (Ucad). Elle dit condamner "l’attitude opportuniste du recteur" qui aurait "violé la décision du Conseil académique portant suspension de toutes les activités politiques dans le campus." Pour M. Diakhaté, le Professeur Mbaye, n'aurait pas dû "autoriser cette rencontre qui n’a aucun caractère officiel et scientifique encore moins y prendre part."
Nous voulons pondérer cette posture plus politique que scientifique.
Comme le dit une sagesse biblique, « nul n'est prophète en son pays ». Et certainement pas un Ousmane Sonko – "prophète du Pastef" (pour coller à l'imaginaire de ses partisans qui l'appelle Ousmane Mu sella mi) – qui a prédit et œuvré pour la chute de cette élite politique qui le sera chez les thuriféraires d’un régime fraichement renvoyé dans l’opposition politique.
Sinon, le débat que messieurs Mélenchon et Sonko ont tenu à l'Ucad 2, a bel bien un cachet officiel dès lors que c’est l’Ucad qui invite. En plus du fait que les deux hôtes du jour sont deux leaders de mouvements politiques dont l’un est de surcroit le Premier ministre du Sénégal. L’Ucad dont la devise est Lux mea lex, est par sa tradition un espace de débat éclairé pour défendre les libertés et toutes les libertés. Dès lors, il aurait été plus pertinent d’analyser l’impact national comme international de cette rencontre.
Sur le plan national, cette conférence a permis au recteur d’initier une réconciliation (que l’on espère sincère) avec la communauté estudiantine dont les nouveaux venus – qui ont accusé plus de huit (8) mois de retard – à qui il avait l’obligation professionnelle pour ne pas dire pédagogique de redonner le goût du monde universitaire. C’est en conséquence que le Professeur Mbaye a accepté humblement la critique des huées qui n’étaient que l’expression de la colère des étudiants après les mesures "intellecticides" qu'il a appliquées – le recteur n’a jamais fait preuve de prise de responsabilité consciencieuse sur l’avenir des étudiants sénégalais de l’Ucad et telles que les franchises universitaires et les libertés académiques le lui autorisaient – et qui ont terni l’image académique de l’institution.
En outre, où mieux que l'Ucad pour insuffler un tel débat sur l'avenir des relations entre l'occident et l'Afrique, avec des questions aussi cruciales comme celles des droits humains qui nécessitaient une certaine dialectique. La pédagogie dialectique, c’est ce qu’une certaine presse au service d’une nouvelle opposition n’a pas voulu faire ; elle a préféré baigner dans la culture de crétinisation de l’espace public.
Rappelons qu'un débat sur la même thématique avait déjà eu lieu en 2007 à l’Ucad, quand le président Nicolas Sarkozy était venu "présenter sa conception de l'Afrique et de son développement" aux étudiants sénégalais (Elysée, 2007). En lieu et place d’une rupture, Nicolas Sarkozy s’est révélé un Hegel d’un autre âge avec des théories qui auraient fait sourire des Léopold Sédar Senghor et autres Cheikh Anta Diop.
Or cette fois-ci, dans ce débat (d’un Mélenchon) respectueux de l’Afrique, les questions de droits de l'homme dans l'Etat (nation) sur les relations entre l'Europe et l'Afrique ont littéralement dominé. Et paradoxalement, la nouvelle opposition n'a pas remarqué que le Pmos – tant qu'à parler de démocratie et de droits de l'homme – n'a pas hésité à critiquer l'Etat, "le gouvernement français (qui n'a pas) dénoncé" l’entrave des libertés au Sénégal. Pis, relève Sonko, le président Emmanuel Macron avait accueilli et "félicité" son homologue sénégalais "au pire (moment) de la répression". C'était tout comme, "une incitation à la répression, une incitation à la persécution et à l’exécution de Sénégalais dont le seul crime a été d’adhéré à un projet politique" (Casavance, 2024). Cette critique qui n'a certainement pas plu la nouvelle opposition, l'a empêché d’écouter de manière intelligible la suite du débat.
N'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. L’opposition a alors délibérément choisi de pervertir le propos du Pmos sur le phénomène "Goordjiguène". En le faisant, les journalistes et polémistes de tout acabit ont cherché à rabaisser le débat sur la place de l’homosexualité dans les rapports occident/Afrique ici posée dans l’espace universitaire, cadre scientifique par excellence et dont l’impact international est assuré.
Qui dit université dit universalité, là où comme le dit le Pmos, il faut et il est possible de "reconnaître, connaître, comprendre et accepter les spécificités" dans leur totalité. La question des mœurs par exemple, prévient-il à juste titre, risque d’être le prochain "casus belli" entre l’Occident et le reste du monde. Alors qu’elle ne peut pas se poser dans le contexte africain de manière verticale, elle "revient régulièrement dans les programmes de la majorité des institutions internationales et dans les rapports bilatéraux", souvent "comme une conditionnalité pour différents partenariats financiers"(Casavance, 2024). Toujours cette propension de l’Occident à se positionner comme forme de mission civilisatrice.
Ousmane Sonko ne tient pas un discours que ne peut entendre le monde universitaire, quand il fustige la prétention scientifique de l’Occident qui croit savoir que les "sociétés (africaines) ne connaissaient pas ces questions". Ce qu’il réfute donc en insistant sur le fait que chaque société "a établi et perpétue librement ses mécanismes d’absorption des effets sociaux qu’il faut respecter dans la limite de l’humainement raisonnable" (Casavance, 2024).
La théorie que défend le Pmos est ce qu’on appelle dans le monde de la recherche scientifique, les épistémologies du sud ou décoloniales. Ainsi demande-t-il une certaine "prudence" par rapport à cette problématique, demande de tempérer une certaine hégémonie de leurs systèmes de savoirs occidentaux. Car au Sénégal par exemple, le phénomène "Goordjiguene" n’est pas que "toléré", c’est une matérialité que les communautés historiques sénégalaises "gèrent et continuent de gérer à leur façon et selon leurs réalités socioculturelles".
En Afrique, le respect de la vie privée est une question très hautement morale et non légale. Ainsi dans l’Etat-nation où la présence d’Etat n’est pas encore totalement effective en termes de lois qui reconnaissent les droits et devoirs de chaque individu ; on n’en est pas encore arrivé à ce stade où le "borom niari tour" doit revendiquer un statut d’individu titulaire de droits et libertés du seul fait de son orientation sexuelle. Après tout, c’est l’Etat-nation d’héritage qui a appris les Africains à criminaliser l’homosexualité. Tous les journalistes et polémistes pro-loi sur l’homosexualité ne font en réalité que perpétuer honteusement un vieil héritage de l’Etat colonial. Alors même que le "Goordjiguène" existait comme individu dans nos communautés et conformément aux cadres de régulations sociales africaines qui doivent désormais rester comme la référence pour les Africains.
D’ailleurs, c’est comme en Europe où un "borom niari diabar", aurait des problèmes par ce qu’il "s’attaquerait au mode de vie" des Français s’il voulait faire reconnaître ses deux femmes comme individus avec des droits et des devoirs dans la loi française...Et pourtant au Sénégal, le code civil reconnait les coépouses comme personnalités juridiques !
Le monde est mutant et sera métissé ; ce n’est pas aux enfants du président Léopold Sédar Senghor qu’on va apprendre cela ; un jour viendra peut-être quand les Français reconnaitront la polygamie.
Le débat est complexe certes, mais pour autant, les Africains sont en mesure de le régler. Elle nécessite une certaine pédagogie politique, et à charge pour l’université sénégalaise de produire les connaissances qui vont avec cette pédagogie. D’ailleurs, parce que ce débat s’est posé à l’Université Cheikh Anta Diop, toutes les universités du monde ont le regard tourné vers l’université sénégalaise. Car c’est un défi qui est lancé au monde entier, une mission que le Pmos donne aux intellectuels sénégalais en qui il fait plus confiance pour produire les connaissances sur le sujet.
Gageons que les programmes de recherches tendant à promouvoir une perspective africaine des questions de démocratie et des droits de l’homme feront légion bientôt à l’Ucad et ne ferons que redorer l’image de l’université sénégalaise.
Pape Chérif Bertrand Bassène est maître de Conférences, Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
L'UNIVERSALITÉ DE LA CPI REMISE EN CAUSE
"Cette Cour est faite pour l'Afrique" : le procureur de la CPI dévoile les propos inédits d'un haut responsable qui ont jeté un froid sur son action alors qu'un mandat d'arrêt international est lancé contre Netanyahu pour crime de guerre présumé à Gaza
Dans une révélation choc, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a rapporté qu'un haut responsable politique lui aurait déclaré sans détour : "Cette cour est faite pour l'Afrique et pour les voyous comme Poutine". Une affirmation qui remet en cause la vocation universelle de la juridiction basée à La Haye. Pourtant, M. Khan a fermement rejeté cette vision réductrice dans une interview accordée à CNN.
"Nous ne la voyons pas comme ça. Cette cour est l'héritage de Nuremberg", a-t-il insisté, défendant la noble mission de l'institution née des cendres de la Seconde Guerre mondiale pour juger les pires crimes contre l'humanité.
Les propos controversés du dirigeant non identifié surviennent dans un contexte particulièrement tendu, après l'émission par la CPI de mandats d'arrêt internationaux visant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et des chefs du Hamas pour des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité présumés commis dans la bande de Gaza et en Israël. Une décision vivement critiquée par le président américain Joe Biden comme "scandaleuse", son pays étant un proche allié d'Israël.
Selon M. Khan, la situation "malheureusement se situe sur la faille de San Andreas de la politique internationale et des intérêts stratégiques". Il a admis avoir été confronté à des dirigeants élus qui lui ont parlé "très franchement".
Malgré ces pressions, le procureur a réaffirmé avec force la vocation universelle de la CPI. "Cette cour devrait être le triomphe de la loi sur le pouvoir et la force brutale. Prenez ce que vous voulez, faites ce que vous voulez, nous ne nous laisserons pas dissuader par des menaces ou d'autres activités", a-t-il martelé, cité par CNN.
Lorsqu'il a reçu des menaces de ne pas s'en prendre à Israël, le procureur de la CPI @KarimKhanQC révèle qu'un "haut dirigeant" lui a dit que la CPI "est faite pour l'Afrique et pour des voyous comme Poutine", et non pour l'Occident et ses alliés.
EXCLUSIF SENEPLUS - Elle nous enseigne à penser l'eau, à chaque seconde, chaque jour durant, à mieux réaliser nos dilapidations ordinaires, et à la mignonner goutte à goutte comme nous devrions le faire toulitan, en ressource précieuse, fragile
Bienfaisante sécheresse, qui nous amène à désirer la pluie, au point qu'une journée pluvieuse, n'en déplaise à l'imagerie occidentale, serait, enfin, à ce niveau de conscience, une bien jolie et belle journée.
Bienfaisante sécheresse. Elle nous révèle notre esprit épicier, rapia du nord rapia du sud rapia du centre, loin de toute vision d'ensemble, qui nous prive ( dans notre micro-espace ) d'une intelligence de l'en-commun du manque ; et nous illustre notre perte de la-main-solidaire des traditions du Lasotè ou des philosophies conviviales du Bèlè.
Bienfaisante sécheresse. Elle nous enseigne à penser l'eau, à chaque seconde, à chaque instant, chaque jour durant, à mieux réaliser nos dilapidations ordinaires, et à la mignonner goutte à goutte comme nous devrions le faire toulitan, en ressource précieuse, fragile, à respecter, à préserver, à conserver, à recycler, car elle nous sera très certainement enlevée dans les aridités prochaines du changement climatique.
Bienfaisante sécheresse. Elle nous montre comment nous vivons en mode déterritorialisé, hors sol, ignorants du contexte Caraïbe, au point que nos collectivités, nos mairies, nos écoles, nos hôpitaux, nos cabinets médicaux, nos Ehpad, nos maisons, nos refuges éventuels ... ne disposent même pas d'une citerne stratégique capable de faire face à ce petit-mille-fois-moins-pire-que-ce-qui-nous attend-dans-les-vingt-ans-qui-viennent.
Bienfaisante sécheresse. Elle nous rappelle à quel point nos équipements de captage, de traitement, de canalisation, de distribution, de mutualisation et de maintenances sont obsolètes, et combien nos capacités de renouvellement et d'anticipation sont indigents, ce qui devrait nous donner l'envie d'y porter la manœuvre car plus tard est assuré plus triste.
Bienfaisante sècheresse qui nous intime, à l'horizon du voumvak climatique, de quitter cette déresponsabilisation diffuse, ce renoncement à soi que l'on crie Outre-mer, pour retrouver une pensée politique, une rigueur de l'agir, et pour ainsi œuvrer, en dignité et responsabilité, à «Faire-pays. »
Bienfaisante et innocente sécheresse qui nous baille la leçon. Je n'en suis que témoin.
POLÉMIQUE AUTOUR DE LA GARDE À VUE DE BAH DIAKHATÉ
Moins d'un mois après leur élection, les nouvelles autorités font déjà débat avec l'arrestation de l'activiste. Alors que certains y voient une contradiction avec le discours tenu auparavant, d'autres dénoncent la légalité même de l'interpellation
Les nouvelles autorités n’ont pas tenu longtemps. Il a fallu moins d’un mois pour que le nouveau régime enregistre sa première arrestation. Il s’agit de l’activiste Bah Diakhaté, arrêté et placé en garde à vue hier, pour avoir offensé le Premier ministre, dans une de ses vidéos devenue virale. Cette arrestation étonne beaucoup d’observateurs car les nouveaux tenants du pouvoir ont toujours dénoncé l’arrestation de leurs partisans quand ces derniers s’en prenaient violemment à l’ex-président Macky Sall, en utilisant parfois des insultes.
Avec l’arrivée au pouvoir du Pastef, beaucoup de Sénégalais pensaient qu’il n’y aurait plus d’interdiction de manifestation et que personne ne serait plus arrêtée pour avoir tenu des propos, quelle que soit la virulence, contre le président de la République ou une autorité étatique. Mais il a fallu moins d’un mois pour s’apercevoir que la réalité est tout autre. Hier, l’activiste Bah Diakhaté a été arrêté par la Division des Investigations criminelles (DIC), suite à des propos qu’il a tenus à l’endroit du Premier ministre Ousmane Sonko. «J’ai reçu la visite d’agents de la DIC dirigée par Adramé Sarr. Je tiens à informer l’opinion nationale comme internationale que je suis entre les mains de la police. Je ne suis ni malade, ni souffrant», a déclaré Bah Diakhaté, lorsqu’on lui a signifié son arrestation.
Après être conduit dans les locaux de la DIC, Bah Diakhaté a reçu le soutien de responsales du régime sortant. L’ex conseiller spécial du Président Macky Sall, Oumar Sow, et Fatoumata Ndiaye «Fouta Tampi» ont été jusque tard dans la soirée devant la DIC pour manifester leur soutien à l’activiste. Sur les réseaux sociaux, les gens s’étonnent du motif de son arrestation car, selon des spécialistes du droit, le délit d’offense au Premier ministre n’existe pas au Sénégal. Il faut souligner que, suite à son arrestation, Bah Diakhaté a reçu l’assistance des avocats Me El Hadji Diouf et Me Amadou Sall.
L’interpellation de Bah Diakhaté a fait réagir le journaliste Madiambal Diagne qui estime «qu’il est trop tôt pour faire des martyrs». «Bah Diakhaté n’a assurément pas dit le quart de ce que Ousmane Sonko disait de Macky Sall qui, lui, était président de la République et protégé par sa fonction. L’offense au Premier ministre n’existe pas encore dans le Code pénal sénégalais», a-t-il écrit sur X. A noter que Azoura Fall, un proche de Sonko, a insulté publiquement le Président Diomaye récemment sans être inquiété.
Par Oumar Absatou NIASSE
APPEL AU RESPECT DE NOS INSTITUTIONS
Face à des appels contraires aux textes visant à démettre le recteur de l'Ucad, réaffirmons les mécanismes légaux de désignation des autorités universitaires. La démarche vise à ancrer le débat dans les principes du système d'enseignement supérieur
Je voudrais préciser dans ce texte que je soumets à l’opinion publique, les principes de fonctionnement des universités du Sénégal en se fondant sur les textes qui régissent leur fonctionnement actuel. Il nous semble important de faire ce rappel après certaines sorties médiatiques de personnes qui appellent, franchement ou mezza voce, au remplacement immédiat du Recteur de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Loin de verser dans une polémique stérile, il est loisible à tout un chacun de lire avec nous le texte de la loi n° 2015-26 du 28 décembre 2015 relative aux universités publiques et de comprendre que ladite loi a permis de mettre en place de nouveaux organes de gouvernance des universités avec un Conseil d’administration ouvert au monde socioéconomique, un Conseil académique chargé de toutes les questions pédagogiques et un Recteur nommé à la suite d’un appel à candidatures et qui assure la direction de l’université.
L’université Cheikh Anta Diop de Dakar s’est ainsi dotée, à l’instar de toutes les autres universités, d’organes chargés de son fonctionnement. Il est bon de savoir que le décret 2021-1500 du 16 novembre 2021 fixe les règles d’organisation et de fonctionnement de l’université. A son article 25, il est mentionné que l’université Cheikh Anta Diop de Dakar est dirigée par un recteur. Son mode de désignation et quelques-unes de ses attributions y sont précisés. Il faut les lire et fonder toute appréciation sur l’université sur ces textes. Cela pour permettre à l’opinion de comprendre qu’il est dangereux de laisser prospérer des déclarations d’individus dont certains sont membres des personnels universitaires et foncièrement de mauvaise foi, qui appellent à démettre immédiatement un recteur. Nous ne pouvons pas à cet égard, à titre personnel, rester silencieux face à cette demande contraire aux textes réglementaires de notre institution dont nous avons participé au combat pour leur adoption.
Nous avons donc réitéré pour que nul n’en ignore, de dire haut et fort, et l’écrire, que le mode de désignation du recteur dans les universités sénégalaises depuis l’adoption du décret N° 2021-846 relatif aux modalités de nomination du Recteur dans les universités publiques, stipule dans son article 1er que lorsque le mandat du Recteur arrive à son terme ou lorsqu’une vacance est constatée, un comité de validation et de sélection est mis en place à la suite d’un appel à candidatures ouvert aux professeurs titulaires de nationalité sénégalaise des établissements d’enseignement supérieur. Il arrête la liste des candidats établie par ordre alphabétique en plus d’un rapport circonstancié sur chaque candidature proposée. Sur cette base, le président de la République procède par décret à la nomination du Recteur parmi les candidats composant la liste transmise au Mesri par le comité. Le processus est en cours à l’université Assane Seck de Ziguinchor suite à l’appel à candidatures, lancé par le Conseil d’administration le 30 avril 2024, avec une date-limite des dépôts des dossiers fixée le 30 mai à 17h. C’est le même processus qui a abouti en décembre 2023 à la nomination du Recteur de l’université Alioune Diop de Bambey, installé le mercredi 13 décembre 2023.
De grâce, que ceux qui s’agitent et qui veulent que le vent de changement qui souffle dans les directions nationales prenne la direction de l’Université Cheikh Anta Diop pour remplacer l’actuel recteur, cessent de rêver. Les syndicats se sont battus pour obtenir de l’autorité d’alors l’adoption des nouveaux textes afin de donner aux pairs la prérogative d’élire les autorités au niveau des établissements universitaires. C’est un acquis syndical de haute portée, qui confère aux universitaires une réelle implication dans la gouvernance des établissements universitaires. Chers concitoyens, chacun est libre de s’engager et de défendre une position politique, mais de grâce ne faisons pas de l’amalgame. Nos amphithéâtres ne doivent pas servir de tribune à aucun parti politique pour dérouler ses activités. Il s’agit d’un précédent dangereux pour notre pays. Pas mal d’édifices dans ce pays, mieux placés que l’Ucad, pourraient accueillir un meeting politique.
Nous lançons un appel à toutes les organisations de la communauté universitaire (Syndicats des Pats, Syndicats des Pers, Amicales des étudiants, Associations des enseignants à la retraite et Associations de parents d’élèves et d’étudiants) de faire bloc pour sauvegarder les principes fondamentaux de notre université. Nous ne devons pas abdiquer, à moins de nous infléchir face à nos responsabilités pour la préservation de ce temple du savoir. Nous invitons les nouvelles autorités étatiques, garantes de la stabilité du pays, jouissant d’une réelle légitimité que le vote des citoyens leur a conférée de mettre les intérêts des Sénégalais au-dessus de toute position partisane. Nous dénonçons publiquement et appelons ouvertement à la condamnation par les toutes les franges des organisations de la communauté universitaire, l’organisation et la tenue d’un meeting politique dans le campus pédagogique de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Par Madiambal DIAGNE
LE DÉSASTRE MÉLENCHON
Quelle bienveillance le Sénégal pourrait-il espérer de la France que son Premier ministre pourfend publiquement et offre une tribune officielle à un opposant que Macron ne voudrait pas voir même en peinture ?
L’invitation de l’homme politique français Jean-Luc Mélenchon au Sénégal par le Premier ministre Ousmane Sonko est, on ne peut plus, inopportune. Ousmane Sonko a certes tenu à faire savoir que l’invitation a été servie à un allié politique, peut-être un «camarade», au titre des relations internationales de son parti politique Pastef. On aurait pu accepter cette façon de présenter les choses, si tant est qu’avant le jour de la visite, Pastef et les «Insoumis» aient entretenu des relations suivies ou de compagnonnage sur la scène internationale, ou que Ousmane Sonko eût rencontré Jean-Luc Mélenchon ou au moins aurait eu à lui adresser une invitation ou une quelconque missive. Il n’y a rien de tout cela. Cette invitation était tombée comme une surprise qui s’est révélée finalement être une bien mauvaise initiative pour le Premier ministre du Sénégal et son camp politique. Il faut dire que c’est de tout bénéfice pour Mélenchon qui ne détient même plus de mandat électif, mais c’est à l’opposé une grosse bourde pour son hôte.
Après quelques dictatures finissantes d’Amérique du Sud, d’autres autorités officielles d’un pays trouvent Mélenchon fréquentable pour l’inviter et lui dérouler le tapis rouge. Que le Sénégal se mette sur la même ligne politique et diplomatique, montre l’étroitesse d’ambition de nos dirigeants ! Cette invitation a pu donner à Jean-Luc Mélenchon dont la cote de popularité s’est dégradée dans son propre parti «La France Insoumise» et encore plus dans l’establishment politique de son pays, une tribune dans une prestigieuse université pour faire son show. Il a pu chercher à séduire un électorat d’origine africaine vivant en France. On relèvera néanmoins qu’il s’est gardé fort sagement de lancer des diatribes ou des piques à Emmanuel Macron. En effet, une tradition bien ancrée dans l’esprit des hommes politiques français est de ne point s’en prendre aux dirigeants de leur pays à partir de l’étranger. Sans doute, les nouvelles autorités sénégalaises en apprendront une leçon. Par contre, Ousmane Sonko n’a pas eu la même retenue, le tact ou la convenance. Dans un élan de provocation, il s’est permis de pourfendre la politique de Emmanuel Macron, sous les applaudissements de ses partisans. La France appréciera. Serait-il nécessaire de lui rappeler que le chef de l’Etat français ne saurait être son alter ego ou son interlocuteur ? Résultat des courses ?
Le Sénégal a tout à perdre dans cette opération
Ousmane Sonko a, de tout temps, pourfendu les relations de proximité de nos dirigeants avec leurs homologues francais. Il a considéré cela comme une certaine inféodation. Un tel discours d’opposant n’est pas nouveau en Afrique, où la «Françafrique» a été dénoncée avec beaucoup de commodité, par tout opposant qui se voudrait tant soit peu «panafricaniste» ou soucieux des intérêts des peuples africains. Une fois arrivés au pouvoir, les dirigeants de Pastef s’empressent d’afficher leur proximité avec d’autres milieux politiques français. Cela donne raison à Léopold Sédar Senghor qui rétorquait malicieusement à son opposant Cheikh Anta Diop que «chacun a son Français et, à l’occasion, sa Française». Toute une histoire !
Dans le cas d’espèce, on devra noter que le Sénégal ne saurait, dans l’immédiat, tirer un trait de plume sur ses relations avec son premier partenaire économique, la France. Quelle sera alors la posture du gouvernement de Ousmane Sonko devant les autorités officielles françaises pour discuter de partenariat, encore que, c’est assurément le Sénégal qui se trouve dans une posture d’avoir besoin, de manière urgente, de la France, et non le contraire.
Quelle bienveillance le Sénégal pourrait-il espérer de la France que le Premier ministre pourfend publiquement et en offrant une tribune «officielle» à un opposant que le président Macron ne voudrait pas voir même en peinture ? On sait les mesures de représailles que le gouvernement français avait appliquées contre le Sénégal, après l’audience que le président Macky Sall avait accordée à Marine Le Pen, leader du Rassemblement national, en janvier 2023. Pourtant, le régime de Macky Sall était réputé avoir de meilleures relations avec les «macronistes» que l’actuel tandem Diomaye-Sonko. Macky Sall avait été brièvement visité par un esprit de souverainisme ! La France de Macron qui avait retenu après cet épisode, une partie de l’aide budgétaire accordée au Sénégal, se ferait-elle violence ou ferait-elle preuve de transcendance jusqu’à faire, pour le nouveau gouvernement, notamment sur le traitement des questions comme le service de la dette ou de nouveaux financements ou encore un portage des préoccupations du Sénégal devant les institutions de Bretton-Woods, plus qu’elle n’avait fait pour Macky Sall ? Plus que jamais, le Sénégal aura besoin, dans les semaines à venir, du soutien des administrateurs français au Conseil d’administration du Fonds monétaire international. Il n’est pas sûr qu’ils prendront leurs instructions de JeanLuc Mélenchon ! Si Ousmane Sonko voulait faire de la provocation ou un pied de nez à Emmanuel Macron, il risque de l’apprendre à ses dépens.
Le président de la République, quant à lui, semble rester dans une certaine «normalité» et continue de dire à qui veut l’entendre qu’il souhaite avoir des relations normales avec la France.
Bassirou Diomaye Faye n’a pas reçu Mélenchon
Les péripéties de la visite de Jean-Luc Mélenchon à Dakar révèlent-elle une certaine cacophonie ou une dualité au sommet de l’Etat entre le Premier ministre Ousmane Sonko et le président de la République Bassirou Diomaye Faye ? Le chef de l’Etat n’a pas rencontré le «grand invité», qui a passé quatre jours au Sénégal, du 14 au 18 mai 2024. En tout cas, personne n’est au courant d’une telle audience. Cela apparaît comme une incongruité aux yeux de nombreux observateurs. Est-ce un partage des rôles entre le Président et son Premier ministre, lequel resterait sur le terrain du populisme tandis que le chef de l’Etat garderait les bonnes convenances diplomatiques ? Jusqu’où grand monde s’y tromperait longtemps ? De toute façon, la visite de Jean-Luc Mélenchon a suscité une polémique fort préjudicielle pour l’image du Premier ministre Sonko. Sa «tolérance» affichée pour la cause Lgbt jure d’avec ses déclarations antérieures. Il a toujours bâti sa propagande politique en promettant de lutter farouchement contre la franc-maçonnerie et l’homosexualité. Ousmane Sonko et ses partisans accusaient le régime du Président Macky Sall de faire la promotion de telles contre-valeurs sociétales au Sénégal. D’ailleurs, avaient-ils embarqué dans cet élan bien des milieux religieux. L’invitation à Jean-Luc Mélenchon et surtout son discours plaidant la cause Lgbt, a sonné comme un reniement de leurs professions de foi.
Devant le président américain Barack Obama, Macky Sall avait été sans ambiguïté pour le refuser. L’autre point négatif de l’initiative de Ousmane Sonko aura été qu’un Premier ministre qui se trouve dans une situation de faire face aux plus grandes urgences de sa déclaration de politique générale ou de tenir ses promesses de réduction du coût de la vie ou même d’organiser les services de l’Etat, préfère trouver du temps pour recevoir un invité qui ne représente pas un gouvernement et deviser sur des questions idéologiques. En effet, les priorités devraient être à autre chose, comme finaliser le fameux Projet, vendu en rêve aux Sénégalais et au moins de finir de s’installer et de prendre en main les affaires de l’Etat, avant de s’occuper à animer des conférences publiques.
Ousmane Sonko souffrirait-il tant que Bassirou Diomaye Faye soit actif sur la scène internationale alors que lui-même n’y soit pas encore visible ? Est-ce la raison pour laquelle le Premier ministre qui n’a pas encore daigné visiter l’intérieur de son propre pays, voudrait faire de la «diplomatie», au titre de son parti politique et ainsi a-t-il encore annoncé un déplacement à l’étranger pour visiter des régimes putschistes au Mali, au Burkina Faso, en Guinée et au Niger ? Ironie de l’histoire, il n’aura pas le prétexte de prétendues relations entre partis politiques à entretenir dans ces pays. A ce que l’on sache, ces régimes ne s’appuient guère sur des formations politiques mais sur la puissance de feu de leur artillerie contre leurs populations ! Au demeurant, devrait-on lui enseigner que la diplomatie reste l’un des domaines les plus réservés du président de la République ? A ce rythme, il sera difficile de ne pas croire à une ambiance de rivalité ou de compétition entre le Premier ministre et le président de la République… Ce serait bien très prématuré, il faut le dire !