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23 novembre 2024
Développement
LES COMMISSAIRES DE KAFFRINE ET DE KOUNGHEUL RELEVÉS
Leur négligence dans la sécurisation du convoi de Pastef récemment attaqué est qualifiée de "faute lourde". Un message clair envoyé à toute la chaîne de commandement policière
Suite à l’attaque du convoi de la tête de liste nationale de Pastef, Ousmane Sonko, lors de son passage à Koungheul, le commissaire central de Kaffrine et le commissaire urbain de Koungheul ont été tous deux relevés de leur poste pour « faute lourde », selon notre source à Radio Sénégal, Ousmane Mbengue.
Ils leur est reproché de n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour prévenir ces scènes de violence électorale.
Ainsi, le commissaire urbain de Koungheul, Seydi, a été affecté au commissariat central de Thiès comme adjoint au chef de service, tandis que le commissaire Fall, chef du commissariat central de Kaffrine, a été muté à la Direction générale de la Police nationale, relevant du ministère de l’Intérieur. La décision a été notifiée aux concernés.
Il convient de rappeler que le commissariat urbain de Koungheul dépend du commissariat central de Kaffrine.
LA DÉMOCRATIE COMME HÉRITAGE ET COMME HORIZON
D'Abdou Diouf à Macky Sall, en passant par Abdoulaye Wade, aucun président de la République n'a pu résister à la volonté populaire au Sénégal. Un avertissement que le nouveau duo au pouvoir aurait tort d'ignorer
(SenePlus) - Selon un éditorial de Marwane Ben Yahmed, directeur de publication de Jeune Afrique (JA), le Sénégal continue d'affirmer sa singularité démocratique en Afrique de l'Ouest, particulièrement à l'heure où les coups d'État militaires se multiplient dans la région.
D'après l'éditorialiste de JA, l'élection de Bassirou Diomaye Faye en mars dernier, avec 57% des suffrages et une participation massive, constitue "une troisième alternance politique" historique, démontrant la maturité démocratique du pays.
La spécificité sénégalaise, souligne le directeur de publication, réside dans la solidité de ses institutions : "Au pays de la Teranga, impossible de faire dire aux urnes autre chose que ce que les citoyens ont exprimé. Les institutions, à commencer par le Conseil constitutionnel, jouent pleinement leur rôle."
Cette culture démocratique, rappelle Jeune Afrique, s'est notamment manifestée lors des départs d'Abdou Diouf et d'Abdoulaye Wade. "Si les électeurs ne veulent plus de vous ou de vos dauphins désignés, malgré votre puissance financière et institutionnelle [...] la seule issue est... la sortie", écrit Ben Yahmed.
Concernant le nouveau pouvoir, l'éditorialiste observe que le tandem Faye-Sonko adopte une position ambivalente, entre "rupture nette et sens des responsabilités". Les premiers mois sont marqués par un "serrage de vis" caractérisé par une forte pression fiscale et des audits multiples.
L'opposition, note Jeune Afrique, commence à se réorganiser. Macky Sall, à la tête de la coalition Takku Wallu Sénégal, cherche à "brider l'action réformiste de ses anciens opposants", tandis qu'Amadou Ba tente d'incarner une "troisième voie".
Ben Yahmed conclut son analyse en rappelant que si le duo au pouvoir venait à décevoir, les Sénégalais sauront, comme ils l'ont toujours fait, exercer leur droit démocratique. "L'expérience mérite d'être vécue, c'est l'essence même de la démocratie", affirme-t-il.
L'ÉCOLE POUR TOUS RESTE UN MIRAGE
Un bond historique dans la scolarisation mondiale ne suffit pas à masquer les inégalités persistantes. Alors que seuls 3% des enfants des pays riches sont privés d'école, ce chiffre grimpe à 33% dans les nations les plus pauvres
(SenePlus) - L'UNESCO vient de publier jeudi son rapport annuel sur l'éducation mondiale, présenté à Fortaleza au Brésil, dressant un bilan en demi-teinte de la scolarisation dans le monde.
D'après les informations rapportées par l'AFP, le nombre d'enfants scolarisés a atteint un niveau historique avec une augmentation spectaculaire de 110 millions d'élèves entre 2015 et 2023, portant le total à 1,412 milliards d'écoliers.
Les taux d'achèvement des études montrent également une progression encourageante. Au niveau primaire, ils sont passés de 85% à 88%, tandis que le secondaire enregistre une hausse de 53% à 59%, représentant 40 millions de diplômés supplémentaires en huit ans.
Cependant, rapporte l'agence de presse, ces avancées sont assombries par un chiffre préoccupant : 251 millions d'enfants demeurent privés d'éducation, une diminution quasi insignifiante de 1% depuis 2015.
Les inégalités entre pays riches et pauvres restent criantes, souligne l'AFP. Dans les nations les plus défavorisées, un tiers des enfants et adolescents n'a pas accès à l'école, contre seulement 3% dans les pays les plus prospères.
L'AFP met en lumière des situations particulièrement alarmantes dans certains pays. En Afghanistan, où les normes sociales et la pauvreté aggravent l'exclusion scolaire, au moins 1,4 million d'adolescentes sont privées d'enseignement secondaire depuis le retour des talibans en 2021. Le Niger fait également partie des pays les plus touchés par ce phénomène.
Ce rapport, précise l'AFP, a été dévoilé lors de la réunion mondiale de l'UNESCO sur l'éducation, organisée dans le cadre de la présidence brésilienne du G20. L'objectif affiché est de "promouvoir le dialogue multilatéral" en réaffirmant le rôle de l'éducation comme "facteur d'égalité sociale et moteur du développement durable".
L'IMPUNITÉ DES MEURTRES DE JOURNALISTES ATTEINT DES SOMMETS ALARMANTS
En deux ans, 162 journalistes ont été assassinés dans le monde. L'équivalent d'une mort tous les quatre jours. Plus inquiétant encore, 85% des meurtres de journalistes depuis 2006 restent non élucidés
(SenePlus) - Selon une information de l'AFP, l'UNESCO publie ce samedi un rapport accablant à l'occasion de la Journée Internationale de la fin de l'impunité pour les crimes contre les journalistes. Le constat est sans appel : 85% des meurtres de journalistes recensés depuis 2006 restent non élucidés, rapporte l'agence de presse.
D'après l'AFP, la directrice générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay, dresse un bilan dramatique : "En 2022 et 2023, un journaliste a été tué tous les quatre jours simplement pour avoir fait son travail essentiel de quête de la vérité." Elle ajoute que "dans la majorité des cas, personne ne sera jamais tenu responsable de ces meurtres."
Le bilan des deux dernières années est particulièrement lourd, indique l'AFP : 162 journalistes ont perdu la vie dans l'exercice de leur fonction. La moitié d'entre eux travaillaient dans des zones de conflit armé, où les journalistes locaux représentent 86% des victimes.
Toujours selon l'AFP, le Mexique arrive en tête des pays les plus meurtriers en 2022 avec 19 cas, suivi par l'Ukraine qui a enregistré 11 décès de journalistes. En 2023, l'État de Palestine a connu le plus grand nombre de victimes avec 24 journalistes tués.
L'agence de presse souligne que les femmes journalistes ont été particulièrement ciblées en 2022, avec dix assassinats. Parmi ces victimes, Maria Guadalupe Lourdes Maldonado López, abattue à la frontière américano-mexicaine, et Shirine Abu Akleh, tuée lors d'un raid israélien en Cisjordanie occupée.
L'AFP rapporte également que de nombreux journalistes sont assassinés à leur domicile ou à proximité, exposant leurs familles à des risques considérables. Hors zones de conflit, les victimes couvraient principalement des sujets sensibles comme le crime organisé et la corruption, ou trouvaient la mort en couvrant des manifestations.
Face à ce taux d'impunité préoccupant, conclut l'AFP, l'UNESCO appelle les États membres à intensifier significativement leurs efforts pour traduire en justice les responsables de ces crimes.
LA CHINE PRESSE SES FEMMES DE PROCRÉER
Des agents de l'État contactent systématiquement les femmes en âge de procréer pour les pousser à la maternité. Cette campagne nationale, lancée le 28 octobre 2023, mobilise des dizaines de milliers de fonctionnaires à travers le pays
(SenePlus) - En Chine, les autorités ont lancé une campagne téléphonique massive pour inciter les femmes à la maternité, un revirement spectaculaire après des décennies de politique de l'enfant unique.
Le contraste est saisissant. D'après RFI, les mêmes fonctionnaires qui, pendant des années, surveillaient les naissances pour les limiter, appellent désormais quotidiennement les femmes en âge de procréer pour les pousser à avoir des enfants. La question est directe et sans détour : "Êtes-vous enceinte ? Si vous ne l'êtes pas, pensez-y", rapporte la radio internationale.
Cette campagne d'une ampleur inédite mobilise des dizaines de milliers d'agents administratifs à travers le pays. Lancée le 28 octobre 2023, elle s'inscrit dans un contexte d'urgence démographique : la Chine a enregistré deux années consécutives de baisse de sa population et son taux de natalité a atteint un niveau historiquement bas en 2023.
La pression exercée sur les femmes provoque des réactions virulentes. RFI cite le cas de Wang, 36 ans, habitante de Guangxi, qui témoigne de l'insistance croissante des autorités locales : "Le fait d'avoir des enfants est une responsabilité sociale, il faut alors s'acquitter de l'obligation de bien les élever. S'il s'agit d'une responsabilité personnelle, alors respectez mes choix personnels. Arrêtez de m'exhorter tous les jours."
Face à ces pressions, certaines femmes n'hésitent plus à répliquer. Toujours selon RFI, Wang a ainsi interpellé le dernier agent qui l'a contactée : "Allez-vous payer pour m'aider ? Allez-vous accoucher à ma place ? Allez-vous m'aider à supporter les douleurs de l'accouchement et les séquelles, comme la prise de poids et la perte de cheveux ?" Une réponse qui illustre le fossé entre les objectifs démographiques de l'État et les réalités quotidiennes des femmes chinoises.
RFI souligne que cette campagne s'inscrit dans une série de mesures prises par Pékin pour tenter d'enrayer le déclin démographique. Mais jusqu'à présent, note la radio, ces initiatives ont eu "un succès limité". Le vieillissement de la population et la baisse continue du taux de natalité constituent un défi majeur pour les autorités chinoises.
Cette situation, rapporte RFI, représente un renversement historique pour un pays qui, pendant des décennies, a strictement contrôlé les naissances à travers sa politique de l'enfant unique.
LE LOGEMENT, BAROMÈTRE DU CHANGEMENT PROMIS
Alors que les précédentes tentatives de contrôle des prix ont échoué, le nouveau gouvernement prépare un Conseil interministériel crucial. La situation est devenue intenable pour la classe moyenne sénégalaise, poussée toujours plus loin en périphérie
(SenePlus) - D'après Des informations recueillies par Jeune Afrique (JA), le gouvernement prépare activement un Conseil interministériel sur la question du logement. L'enjeu est de taille : il s'agira, révèle le magazine, de traiter simultanément la baisse des loyers et l'accès aux logements sociaux, deux problématiques étroitement liées.
L'ampleur de la crise, détaillée par Jeune Afrique, se mesure aux chiffres de la Commission nationale de régulation des loyers (Conarel). Son président, Momar Ndao, confie au magazine que "61,5 % des locataires ont des difficultés à payer leur loyer". Une situation d'autant plus alarmante que le magazine rappelle que le salaire mensuel moyen au Sénégal reste inférieur à 125 000 F CFA, selon l'Agence nationale des statistiques et de la démographie (ANSD).
Le phénomène le plus inquiétant, note JA, est l'apparition d'une discrimination ouverte envers les locataires locaux. Le magazine cite des annonces explicites mentionnant "NB : pour étrangers", révélant une préférence assumée pour les locataires expatriés. Elimane Sall, président de l'Association pour la défense des locataires du Sénégal (ADLS), explique dans les colonnes du magazine : "Les bailleurs estiment que les Sénégalais sont de mauvais payeurs, contrairement aux étrangers qui peuvent payer plusieurs mois d'avance."
L'enquête de Jeune Afrique dresse une cartographie éloquente des prix. Dans le centre-ville de Dakar (Plateau), les loyers atteignent 400 000 à 500 000 F CFA pour un appartement de deux chambres, et 300 000 F CFA pour un studio. Même la périphérie n'est plus épargnée : le magazine rapporte qu'un studio proche des axes de transport peut coûter jusqu'à 150 000 F CFA.
Selon JA, la classe moyenne contribue involontairement à cette inflation. Jean Malou, ingénieur statisticien à l'ANSD, explique au magazine que les jeunes cadres, coincés entre l'impossibilité d'accéder à la propriété et le refus des logements précaires, acceptent des loyers élevés, alimentant ainsi la spéculation.
Le magazine rappelle que le précédent gouvernement avait déjà tenté de réguler le marché avec le décret 2023-382 du 24 février 2023, imposant une baisse échelonnée des loyers (15% pour les loyers jusqu'à 300 000 F CFA, 10% entre 300 001 et 500 000 F CFA, 5% au-delà) et un plafonnement des cautions. Mais Jeune Afrique souligne que ces mesures ont été largement contournées par les bailleurs.
L'enquête met également en lumière un phénomène de gentrification accélérée. Les quartiers desservis par les nouveaux transports en commun (TER et BRT) voient leurs prix grimper, créant de nouvelles zones d'exclusion pour les Sénégalais moyens, rapporte le magazine.
Face à ces défis, note Jeune Afrique, le gouvernement Sonko, qui a fait de la réduction du coût de la vie une priorité, devra trouver des solutions innovantes. Le prochain Conseil interministériel, conclut le magazine, aura la lourde tâche d'élaborer une régulation efficace, tout en préservant l'équilibre entre les intérêts des propriétaires et l'accessibilité au logement pour tous les Sénégalais.
par l'éditorialiste de seneplus, tidiane sow
LA THÉORIE DES « PASSAGERS CLANDESTINS », DU BALLON D’OR AU PASTEF
EXCLUSIF SENEPLUS - Plein de « Rodri » ayant profité des indicateurs collectifs positifs du parti présidentiel se sont grassement installés comme maires et députés. La peur de l’indicateur individuel les pousse dans des coalitions contre nature
Dans les trophées remportés par l’Espagne, était-il meilleur que Carvajal* ? Certains diront que oui, arguant qu’il a été désigné meilleur joueur de l’Euro, sa seule distinction individuelle. Dans les trophées remportés pas Manchester City, était-il meilleur que Foden* ? Sûrement pas. Tout se passe comme si on ramenait alors l’exploit collectif de l’équipe d’Espagne et du club Manchester City à un exploit individuel de Rodri. L’exploit dit individuel serait dès lors une conséquence de la réussite collective. Rodri n’est pas meilleur joueur de Premier League, le championnat où il évolue. Pire, il n’est même pas le meilleur joueur de Manchester City, club dans lequel il joue.
Rodri est donc élu sur la base d’indicateurs collectifs qui ne sont pas, comme bien souvent, la solution aux divers problèmes que l’on se pose, notamment celui de l’octroi du Ballon d’or.
La fragilité des indicateurs collectifs repose sur le phénomène « du passager clandestin » bien connu des économistes et des politiques. Il consiste à ne rien faire et profiter de l’effort d’autrui. Sans aller jusqu’à dire que Rodri n’a rien fait, on dira qu’il a largement profité des bonnes performances de l’équipe d’Espagne et de celles de son club Manchester City. D’où la controverse de sa nomination.
Évidemment, si tout le monde tenait ce raisonnement fort rationnel au demeurant, (je fais le minimum, je profite des efforts des autres), la conséquence collective pourrait être désastreuse. Par exemple, j’étais frappé de voir les quartiers huppés de Sandton à Johannesburg dans le noir complet, faute d’éclairage public. Personne ne voulant « cotiser » pour des lampadaires publics, chacun se contentait d’éclairer sa maison et de poser des barbelés électrifiés pour se prémunir de toute intrusion. Chacun jouait en quelque sorte au « passager clandestin », ce qui expliquait l’absence de l’éclairage public. On observe le même phénomène en ce qui concerne les ordures publiques dans nos cités. Ce n’est le problème de personne. Chacun pense que c’est quelqu’un d’autre qui doit en prendre soin. Les solutions préconisées par la théorie économique pour résoudre ce problème de « passager clandestin » seraient alors, de faire intervenir l’État, ou des sociétés privées pour prendre en charge l’éclairage public ou pour mettre des camions de ramassage d’ordures à la disposition des ménages. En contrepartie, ils obligeraient les citoyens à en payer le prix sous forme de taxes.
Prenons notre environnement politique. Le Pastef refuse les « passagers clandestins » dans cette élection législative. Il a décidé de ne pas s’embarquer dans une coalition souvent encombrante où il jouerait tout seul le rôle de la locomotive et les autres, de wagons. De son expérience avec la coalition « Yeewi Askaan Wi », le Pastef a tiré la leçon des « passagers clandestins » ayant profité de sa notoriété, de son envergure et de l’aura de son chef. Cette fois, il livrera la bataille sous sa bannière. Cela est nouveau dans le paysage politique sénégalais. Plein de « Rodri » ayant profité des indicateurs collectifs positifs du Pastef se sont grassement installés comme maires et députés. C’est le cas notamment du plus turbulent d’entre eux, le maire de Dakar.
La peur de l’indicateur individuel les hante, au point de les pousser à s’allier dans des coalitions contre nature, dans le seul but de se réfugier dans des indicateurs collectifs. Le peuple sénégalais n’est toutefois pas dupe, il a tôt fait de repérer ces partis « yobalé ma » *, car leurs jeux répétés de se mettre tout le temps en coalition et de ne jamais « se peser », c’est-à-dire profiter de l’éclairage public sans payer sa contribution, finit par les perdre.
Dr Tidiane Sow est Coach en Communication politique.
Notes :
-Palmarès de Rodri : Eueor 2024 ; meilleur joueur de l'Euro ; Premier League ; Coupe du monde des clubs ; Supercoupe de l’UEFA ; Community Shield
-*Rodri, Carvajal et Foden : joueurs de football
-*Yobalé ma : « emmènes-moi avec toi »
par Mamadou Diop
QUAND AMADOU BA PRÉTEND RÉPONDRE À OUSMANE SONKO
Face aux accusations de mauvaise gestion portées par le nouveau gouvernement, l'ancien Premier ministre multiplie les références à son intégrité personnelle. Cette stratégie, analysée sous le prisme des théories de Roland Barthes, trahit ses faiblesses
Je ne peux pas m'abstenir d'engager un petit débat-fut-il prétentieux de ma part avec Amadou Ba ex-Premier ministre sous le régime de Macky Sall. Dans sa dernière sortie médiatique, Amadou Ba cherche à travailler son ethos dans un discours que j'appréhende comme une réplique non assumée face aux déclarations du Premier ministre, Ousmane Sonko qui tenait à rendre compte de la situation en ruine qu'il vient d'hériter de Macky Sall et de son gouvernement. Il me paraît important en tant qu'analyste du discours politique et du discours en général, de relever des distorsions discursives qui mettent à "nue", expression doublement sémantique, car renvoyant aussi bien à la face déformée du locuteur, qu'à ce roman graphique sur le thème du cancer du sein donnant ainsi à entendre la situation de ruine dans laquelle Bah et les pontes de l'ex régime ont plongé le Sénégal.
J'entame mon propos par une citation de Roland Barthes, qui élucide un concept devenu à nos jours incontournable dans les sciences humaines et sociales. Il s'agit de la notion d'"Ethos", concept pluridisciplinaire qui éclaire l'auditeur ou l'auditoire sur la façon dont la personne qui parle façonne son image à travers le choix du registre de langue et des mots dans la production textuelle de son dire. Revenons à cette notion centrale avec Barthes. Pour le linguiste l'ethos s'appréhende comme « les traits de caractère que l'orateur doit montrer à l'auditoire (peu importe sa sincérité) pour faire bonne impression : ce sont ses airs [...] L'orateur énonce une information et en même temps il dit : je suis ceci, je ne suis pas cela".
À ce titre, Amadou Ba contrevient à ce principe discursif, car il opère une focalisation sur sa personne dans le but de se rendre digne de foi : « Ce que l'orateur prétend être, il le donne à entendre et à voir : il ne dit pas qu'il est simple et honnête, il le montre à travers sa manière de s'exprimer »
Le caractère verbal de l'image pose problème dans sa formulation si tenté que l'entreprise de persuasion ne réussit que si "cette confiance soit l'effet du discours, non d'une prévention sur le caractère de l'orateur".
Dans la même veine, et pour un souci simple qui consiste à se conformer à cette exigence de clarification notionnelle afin que le lecteur ne rencontre quelque difficulté d'adaptation à mon propos, j'évoque toujours Barthes pour éviter que l'on tombe dans le piège enfoui dans le discours d'apparat, qui vise à haranguer l'auditoire enfermé dans une salle de maison. Si l'ethos discursif doit s'envelopper de certaines qualités d'ordre intellectuel voire moral, susceptibles d'éveiller la confiance et d'entraîner la persuasion, celles-ci doivent, cependant, être adossées aux traits appropriés à l'entreprise de persuasion dans laquelle s'inscrit Amadou Ba, et qui doit être conforme au modèle institutionnel dont se réclame son discours. En effet, les objectifs recherchés par l'ancien Premier Ministre de Macky Sall renvoient à un sujet intentionnel qui affiche une activité délibérée d'un acteur politique qui cherche à gérer l'image qu'il lui faut créer dans une situation donnée : une situation de reddition des comptes programmée au sortir des législatives du 17 novembre 2024.
L'ethos, tel que la rhétorique l'envisage, entretient une relation essentielle avec la persuasion, c'est-à-dire l'art de convaincre les destinataires du message afin qu'ils adhérent à un certain point de vue. Amadou Ba cherche non seulement à influer sur une future décision de justice, mais à modifier ou à déconstruire la doxa, c'est-à-dire l'opinion que l'électorat sénégalais se fait majoritairement du leader du Pastef, Ousmane Sonko dont les idées ont fini de s'agréger pour devenir une idéologie. Ses pensées sont devenues un "discours qui, en mobilisant des genres très divers, façonne l'existence de vastes communautés de conviction, qui assigne une identité aux individus et donne sens à leur existence".
La prise en compte du lexique chez Amadou Ba est particulièrement importante de ce point de vue et je ne me focaliserai pas sur les lexèmes ouvertement idéologiques dont il a recouru, mais plutôt sur des lexèmes (adjectifs, substantifs, adverbes, déictiques) qui relèvent de la dimension expérientielle de l'orateur et qui sont en mesure de jouer à la fois sur le dire et sur l'énonciation. Mais en réalité, que cherche à faire Amadou Ba si ce n'est de tenter de déconstruire la doxa, cette opinion que les Sénégalais ont majoritairement de lui et son ex-mentor Macky Sall.
Si l'on revient à ce qu'il qualifie d'une "séance de travail", en l'occurrence son discours nous voyons, qu'au-delà du rituel d'usage discursif qui ouvre toute allocution (salutations, décor etc), Amadou Ba se pose comme ce prophète qui avait alerté sur l'urgence d'une action coordonnée des services de l'État :
« mobiliser toutes les ressources du pays pour répondre efficacement à cette crise / protéger nos populations et prévenir de nouvelles tragédies / je me tiens devant vous aujourd'hui pour m'adresser directement aux Sénégalais, car il est de mon devoir et de ma responsabilité pour mettre en lumière les réalités que traverse notre pays/ Depuis l'arrivée des nouvelles autorités , il y a de cela six mois, j'ai choisi librement de garder le silence, mais un silence qui n'est pas du tout de l'indifférence. J'ai volontairement refusé de multiplier les interventions publiques pour leur laisser le temps de s'installer, de prendre connaissance des dossiers et surtout de présenter leur vision pour sortir le Sénégal des difficultés croissantes auxquelles il est confronté ».
Cette allocution m'intrigue de par ses contrariétés et de par ses contradictions. Pour Amadou Ba, plutôt que de contester la situation difficile que le nouveau régime est en train de traverser et qui est imputable au régime de Macky Sall, il donne implicitement raison au Premier ministre Ousmane Sonko qui, lors d'une conférence de presse, avait dénoncé une dette colossale dissimulée et un déficit budgétaire travesti par le régime de Macky Sall. Cette sortie médiatique du gouvernement donna lieu à une polémique sur la scène nationale et internationale.
Ce qui me paraît à juste titre un peu rebutant dans le discours d'Amadou Ba, ce sont les emplois récurrents et trop répétitifs des déictiques de la première personne « je », « moi, me, m' », et cela dénote, non seulement un narcissisme exacerbé du locuteur, mais également une angoisse existentielle chez lui. Le chef de file de la coalition « Jam ak njariñ » pour les législatives anticipées ne nient pas les allégations de l'actuel gouvernement dirigé par Ousmane Sonko. En revanche, Amadou Ba semble réfuter à titre personnelle son implication sur toute malversation ou gabegie sous quelque forme qu'elle puisse être.
À ce titre, « l'ethos se montre dans l'acte d'énonciation, il ne se dit pas dans l'énoncé, ce qui met en difficulté Amadou Ba qui tente de justifier ce qu'il prétend qualifier d'accusations portées contre sa personne. Pour donner à voir cet « ethos dit » à la place de l'« ethos montré » qui devrait envelopper son énonciation sans être explicité, Ba nous parle de lui-même tout en versant dans la prétérition : « Je ne suis pas ici pour m'engager dans des polémiques, ni répondre par l'invective parce que les attentes du pays sont ailleurs. Je dois néanmoins rétablir la vérité avec sincérité et sérénité et rappeler les faits rien que les faits » comme si l'on est en présence des Confessions de Rousseau, roman autobiographique dans lequel l'auteur entendait dire toute la vérité.
Mais puisque nous sommes en matière d'État, Amadou Ba ne devait pas se dérober à cette obligation rousseauiste. Sa stature d'homme d'État qui a eu à gérer nos deniers publics et à piloter notre administration voudrait qu'il dise toute la vérité sur sa gestion :
« J'ai gravi les échelons au mérite depuis le début comme inspecteur des impôts, commissaire contrôleur des assurances, inspecteur vérificateur jusqu'à mes fonctions de chef de centre des grandes entreprises, directeur des impôts avant de devenir directeur général des impôts et des domaines pendants sept ans, ministre de l'économie (6 ans), ministre des affaires étrangères et enfin Premier ministre. J'ai toujours mis l'intérêt du Sénégal au-dessus de tout ».
L'énonciation s'inscrit implicitement dans une dynamique réactive. L'orateur tente de justifier sa fortune prétendument excessive. Il me semble que, Amadou Ba manque de rigueur intellectuelle et de probité morale dans la mesure où, en dépit des positions hautement stratégiques occupées dans l'administration sénégalaise, l'ex Premier Ministre n'arrive pas à convaincre par la preuve. Il n'en brandit aucune et à la place il nous sert des allégations à la tonalité rebutante :
« J'ai toujours servi le Sénégal avec rigueur, transparence et intégrité. Aucun acte, aucune écriture ne peut m'être imputé dans quelque gestion frauduleuse ou malversation que ce soit, et je le dis avec foi, fermeté et solennité. Je n'ai jamais été épinglé dans aucun rapport d'audit. J'ai servi mon pays dans le respect strict des règles de bonne gouvernance. Aujourd'hui, certains m'accusent sans apporter la moindre preuve concrète [...] Je n'ai jamais falsifié les statistiques budgétaires et je nourris un doute profond sur la véracité de ces allégations ».
Dans ce discours, l'orateur travaille sur un paradigme constitutif du discours politique, à savoir le fait de susciter le pathos dans ses propos pour en faire une preuve à côté du logos afin que « le destinataire construis[e] une représentation évaluée du locuteur en s'appuyant sur les catégories et les normes de la communauté concernée »
Dans cette perspective, l'ethos de victimisation interagit avec les représentations que le public se fait de lui et qui sont antérieures à son discours. Ainsi, il est dans une mise en scène repérable dans la mobilisation du « je » pour en arriver à projeter l'image d'un commis de l'État orthodoxe, intègre et serviteur de son peuple. Les adverbes sont bien choisis et ils confortent l'idée de persévérance au service de l'État « toujours », « jamais ». Le décor colle bien avec l'endroit choisi pour tenir un pareil discours comme en atteste l'approbation de la foule, ce que le locuteur a consciemment suscité :
« Quand je parle en public, c'est l'approbation du peuple que je veux. Car l'orateur qui par son langage réussit à avoir l'agrément de la multitude, il est impossible qu'il n'ait pas aussi l'agrément des connaisseurs »
Nous sommes dans un processus de prévention qu'Amadou Ba opère sur sa personne. L'orateur convoque deux composants, « le statut institutionnel, les fonctions ou la position dans le champ qui confère une légitimité à son dire [et] l'image que l'auditoire se fait de la personne préalablement à sa prise de parole (la représentation collective, ou stéréotype, qui lui est attachée »
La construction d'un ethos d'homme intègre fonctionne comme un moyen d'échapper à d'éventuelles poursuites judiciaires :
« Je tiens aussi à préciser clairement depuis mon entrée dans le gouvernement en septembre 2013, aucun terrain ne m'a été attribué, aucun immeuble, aucun appartement, aucune villa de l'État ne m'a été cédé ou octroyé sous quelque forme que ce soit. Ces accusations d'accaparement de bien publics me concernant sont injustifiés et relèvent de la pure calomnie, du dénigrement. Je n'ai jamais détourné les biens de l'État ni failli à ma mission de service public [...] En tant que serviteur de l'État, je n'ai jamais menti au peuple sénégalais ni cherché à me dérober à mes responsabilités. Ce parcours, je l'ai mené avec honnêteté et j'ai la conscience tranquille. Ces accusations apparaissent dans un contexte particulier, celui de la préparation d'une campagne électorale où on cherche à semer la confusion, discréditer ceux qui comme moi, ont consacré leur vie au service de la nation. Mais je tiens à être clair, rien ne m'empêchera, à part le bon Dieu, d'aller à la rencontre des Sénégalais pour défendre ma vision et mon engagement pour le pays [...] Il est essentiel de rappeler les faits et de dresser les faits objectifs de mon passage à la tête du ministère des finances »
En témoigne la modalité auto-référentielle qui traverse tout son discours, en ce sens que l'orateur ne cesse de parler de lui-même au travers des déictiques personnels du type « je », « mon », « m' » et qui sont autant de variations morphologiques renvoyant à la même référence discursive.
En définitive, Amadou Ba, en tant qu'acteur du monde politique use de subterfuges discursifs pour se conférer une réputation qui tient à deux sources, l'une fonctionnelle et l'autre personnelle. Son statut d'homme politique lui donne une réputation liée à son champ d'activité (efficacité, connaissance des dossiers, honnêteté) et un ethos lié à sa vie privé (pour lui, il partage ce qu'il a acquis comme fonctionnaire compétent). Cependant le locuteur semble oublier que l'ethos qu'il tente de projeter dépend de l'époque, du type de discours et du contexte communicationnel. Il semble oublier que les électeurs dont il convoite le suffrage l'ont désavoué clairement face à ses opposants d'alors devenus actuellement Président de la République et Premier ministre.
UNE ÉPOPÉE PARLEMENTAIRE AU CŒUR DE LA RÉPUBLIQUE
Lieu de pouvoir, de débats et parfois d'affrontements, l'Assemblée nationale sénégalaise raconte l'histoire d'une démocratie vivante. Des luttes pour l'indépendance aux récentes tensions politiques, elle a été le témoin des grandes transformations du pays
L’Assemblée nationale du Sénégal incarne un lieu de débats, d’élaboration des lois et surtout de représentation des aspirations du peuple sénégalais. Depuis sa création, elle a été le théâtre de scènes politiques qui ont marqué l’histoire du pays. Du charisme de figures politiques notables telles que Lamine Guèye et Caroline Faye aux épisodes tumultueux de débats houleux et de changements de cap, cet article propose une plongée au cœur de l’institution.
L’histoire de l’Assemblée nationale sénégalaise est indissociable de celle de Lamine Guèye, figure incontournable du paysage politique de l’Afrique francophone au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. L’ancien maire de Dakar s’est illustré en tant que premier président de l’Assemblée nationale, à l’indépendance du Sénégal. Cependant, son influence remonte bien avant, lorsque l’élection de Blaise Diagne, premier député noir du Sénégal en 1914, marque un tournant dans l’histoire coloniale et laisse une empreinte indélébile.
Lamine Guèye : le pionnier
Né à Médine (Soudan français, actuel Mali) et très engagé dans la politique locale, Lamine Guèye devient président de l’Assemblée nationale au moment de l’éclatement de la Fédération du Mali en août 1960. Cette nuit historique du 19 au 20 août, il est absent lors du vote décisif déclarant le retrait unilatéral du Sénégal de la fédération, ce qui suscite de nombreuses critiques. Cet épisode est symbolique de la complexité des relations entre les élites politiques sénégalaises et maliennes de l’époque.
Plus tard, en 1962, il joue un rôle central dans la crise institutionnelle opposant Mamadou Dia, président du Conseil, et le président de la République Léopold Sédar Senghor. La motion de censure contre le gouvernement de Dia est adoptée lors d’une session tenue à son domicile, renforçant son aura dans l’histoire politique du pays.
Lamine Guèye décède en 1968, marquant un tournant dans l’histoire de l’Assemblée nationale et laissant un héritage de lutte pour l’émancipation politique des Sénégalais.
Caroline Faye : première femme députée et pionnière de la promotion sociale
Si la parité est aujourd’hui un acquis dans la représentation nationale sénégalaise, Caroline Faye fut la première femme à franchir les portes de l’Assemblée nationale. Elle est élue en 1963, dans une société encore fortement patriarcale. Née à Foundiougne et institutrice de formation, elle consacre sa carrière à l’éducation des jeunes et à la promotion sociale des femmes. Militante dès les années 1950, elle crée des associations féminines visant à éduquer et sensibiliser les femmes des campagnes aux enjeux politiques et sociaux. En 1963, elle est élue députée et devient présidente de la Commission des affaires sociales.
Son engagement dans l’Assemblée fut également déterminant lors de l’élaboration du Code de la famille. En 1973, elle siège comme la seule femme dans la commission dédiée, contribuant à inscrire les droits des femmes dans le droit sénégalais. Le nom de Caroline Faye est désormais associé au grand stade de Mbour, lieu symbolique où Ousmane Sonko et Diomaye Faye ont organisé leur dernière mobilisation à la veille de l'élection présidentielle de février 2024.
Adja Arame Diène : la voix du peuple en wolof
Personnalité haute en couleur, Adja Arame Diène incarne la tradition et la résistance. Première femme analphabète élue députée et première à parler en wolof dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, elle a ouvert la voie à une représentation politique des couches populaires et non instruites. Surnommée la ‘’Mère du Parti socialiste’’, elle sert cinq législatures de 1983 à 2001, en se consacrant aux questions touchant les agriculteurs, la santé et les droits des femmes. Sa persévérance et son ancrage dans le quotidien des Sénégalais lui valent une popularité et une longévité politique rares.
Les plus jeunes et les doyens
L’Assemblée nationale a également vu passer des personnalités de tous âges. Serigne Diop, élu en 1978, devient le plus jeune député à seulement 23 ans. À l’époque, encore étudiant en droit, il est un symbole de l’accession des jeunes à des postes de responsabilité. D’un autre côté, Abdoulaye Wade, élu à l’Assemblée en 2017 à l’âge de 91 ans, incarne l’expérience et la sagesse avant de désister de son mandat de député. Ce qui fait qu’Abdoulaye Makhtar Diop présida la séance inaugurale de la 13e législature, en qualité de doyen d’âge.
Aujourd’hui, la représentativité des jeunes se poursuit avec Sokhna Ba, militante pour l’inclusion des jeunes dans les instances de décision ou encore Aminata Diao, benjamine de la 13e législature, élue à 32 ans.
Ces figures montrent une Assemblée diverse en âges, expérience et vision politique, représentant la diversité des citoyens sénégalais. Plus tard, Marième Soda Ndiaye a remplacé Me Aïssata Tall Sall à l’Assemblée nationale, devenant ainsi la plus jeune parlementaire du mouvement Osez l’Avenir, suite à la nomination de Tall Sall comme ministre envoyée spéciale du chef de l'État Macky Sall. Les relations entre Marième Soda Ndiaye et Me Aïssata Tall Sall se sont détériorées après que l’ancienne maire de Podor a décidé de rejoindre la mouvance présidentielle, à l’approche de l’élection présidentielle de 2019.
La doyenne de la 14e législature, Aïda Sow Diawara, a prononcé un discours aux accents d'adieux le 9 septembre, lors de l'examen du projet de loi autorisant le président à ratifier la Convention de Niamey sur la coopération transfrontalière. Elle a salué cette initiative tout en encourageant les autorités à adopter les textes essentiels sans tarder. Ancienne députée de la 12e législature, elle a également été maire socialiste de Golf-Sud en 2009, réélue en 2014.
Des débats enflammés et des incidents marquants
L’histoire parlementaire sénégalaise est aussi jalonnée de controverses et de moments de tension. L’un des incidents les plus marquants reste la bagarre qui éclate le 1er décembre 2022. Lors d’un débat houleux, un député de l’opposition gifle la parlementaire Amy Ndiaye qui réplique en lui lançant une chaise. Cette scène fait le tour des médias et devient le symbole des divisions internes exacerbées.
Ironie du sort pour les élections de novembre 2024 : les deux camps autrefois opposés, le Parti de l’unité et du rassemblement (Pur) et l’Alliance pour la République (APR), se retrouvent désormais alliés au sein de l’inter-coalition Takku Wallu et Sam Sa Kaddu. Cette union inattendue reflète les complexités et les retournements de la scène politique sénégalaise où des ennemis d’hier peuvent devenir des partenaires stratégiques aujourd’hui, sous l’influence des réalités électorales et des ambitions partagées.
Autre fait marquant : en février 2024, des affrontements éclatent entre les députés de l’inter-coalition Takku Wallu et Sàmm sa Kàddu, entraînant l’intervention des gendarmes pour calmer la situation. Ce climat de tension est amplifié lors du vote pour le report de la Présidentielle au 15 décembre 2024, suscitant des protestations de l’opposition et des évacuations forcées de députés.
Abdoulaye Wade et Macky Sall se démarquent en tant qu'anciens présidents investis sur les listes électorales pour les Législatives, un fait rare qui témoigne de leur volonté de rester influents sur la scène politique nationale.
Ce retour sur le terrain législatif est synonyme de l’importance que ces deux figures historiques accordent aux enjeux actuels et leur désir de continuer à peser sur les orientations politiques du pays, même après leur passage à la présidence.
Depuis sa création, l’Assemblée nationale a été le théâtre de luttes pour des causes majeures. Parmi les plus emblématiques, l’instauration de lois sociales et de politiques en faveur du monde rural. L’engagement de figures comme Mamadou Dia pour le développement agricole a trouvé un écho favorable dans les sessions parlementaires, influençant les politiques publiques en faveur des zones rurales.
De même, les questions de parité et de représentativité des femmes ont été au cœur des débats, portées par des figures comme Caroline Faye et Adja Arame Diène. Aujourd’hui, le Sénégal fait figure de modèle en Afrique en termes de parité législative.
Les défis auxquels fait face l’Assemblée nationale sont nombreux et les récents événements politiques montrent un paysage parlementaire en pleine mutation. Si l’Assemblée est le reflet des aspirations populaires, elle est également le lieu de confrontations politiques vives, parfois même violentes, comme l’ont mis en exergue les récentes batailles autour du budget ou des lois électorales.
L’évolution de l’Assemblée est donc étroitement liée à celle de la société sénégalaise elle-même, qui aspire à une représentation plus juste et à une gouvernance stable. Aujourd’hui, les nouveaux défis de la transparence, de la modernisation des institutions, et de l’implication des jeunes générations dans la vie politique se posent avec acuité.
par l'éditorialiste de seneplus, Amadou Elimane Kane
UN TEMPS POUR LA DÉCOLONISATION CULTURELLE
EXCLUSIF SENEPLUS - C’est la capacité de « réappropriation » de son patrimoine historique, culturel, social, politique et économique. Il s’agit, en d’autres termes, d’opérer une rupture épistémologique avec tous les méfaits de la colonisation
Amadou Elimane Kane de SenePlus |
Publication 31/10/2024
L’homme qui exerce des responsabilités politiques est un citoyen engagé auprès de son peuple et qui développe son combat à toutes les échelles fondatrices de la société. Ses exigences politiques et économiques doivent s’accompagner d’un engagement intellectuel, social et culturel.
En ces termes, on peut dire que l’homme politique est un être social, intègre, bâtisseur et convaincu qui défend des valeurs morales, culturelles, politiques et économiques dont son peuple se réclame.
C’est en ce sens que les dirigeants africains, face aux enjeux majeurs du 21ème siècle, doivent aujourd’hui œuvrer pour construire efficacement et durablement le socle de la renaissance africaine.
C’est à partir de ce postulat que nous développerons les conditions nécessaires à la bonne gestion d’un État, à sa cohérence démocratique, intellectuelle, culturelle et unitaire.
Après les indépendances et le processus de décolonisation, les dirigeants africains ont, pour la majorité, exercé leur pouvoir sur les décombres du colonisateur avec ses effets de dépendance économique, bureaucratique, sociale et culturelle. Ce long travail de désintégration de la culture africaine a eu, comme nous le savons, des conséquences désastreuses sur le continent et sur le peuple africain. Toutes ces forces de « dépersonnalisation » ont conduit certains États et leurs dirigeants à continuer de nier l’existence des valeurs africaines, d’un fonctionnement social singulier et d’une culture riche adaptée à son environnement, poursuivant ainsi le travail de division coloniale et dépossédant encore les peuples de leur patrimoine culturel et de leur estime identitaire.
L’impérialisme colonial a fait son œuvre pour pouvoir maintenir le continent africain dans un état de dépendance économique, sociale et culturelle, à telle enseigne que celui-ci ne puisse faire régner sa souveraineté continentale et assurer ses capacités d’autonomie économique, sociale et culturelle.
Les sciences, les avancées technologiques, les valeurs culturelles, la pensée sont un patrimoine universel. En aucun cas, elles ne sont le monopole des puissances colonisatrices. La culture africaine a autant de force et de richesse que la pensée européenne ou chinoise. Elles se nourrissent les unes des autres pour aboutir à ce que l’on nomme les croyances universelles qui puisent leur fondement dans la singularité de l’une pour enrichir l’autre.
Autrement dit, les États d’Europe qui ont colonisé les États d’Afrique, ne sont pas les détenteurs intellectuels, culturels et économiques du développement véritable et durable du continent africain.
Durant longtemps et en maintenant cette oppression mensongère visant à installer un sentiment d’infériorité intellectuelle, scientifique et administrative en Afrique, les puissances coloniales n’ont fait qu’exploiter les richesses du continent africain, au détriment des peuples et de leurs capacités à s’autogérer.
« La culture, c’est la façon dont une société donnée dirige et utilise les ressources de la pensée ». C’est de cette faculté culturelle ancestrale et moderne dont doit se doter l’Afrique pour recouvrir sa véritable identité.
C’est en cette « reconstruction » identitaire et en cette « renaissance » historique et culturelle que reposent les responsabilités des dirigeants politiques africains, associés aux hommes de culture, de sciences et aux intellectuels.
Aimé Césaire disait, lors du deuxième congrès des écrivains et artistes noirs en 1959, que « au jour du recul on dira, pour caractériser notre époque, que comme le 19ème siècle a été le siècle de la colonisation, le 20ème siècle a été le siècle de la décolonisation ».
Pour appuyer notre propos, qu’entend-on par le sens du mot « décolonisation » ?
Ce n’est pas seulement le retrait des forces coloniales, c’est la capacité de « réappropriation » de son patrimoine historique, culturel, social, politique et économique. Il s’agit, en d’autres termes, d’opérer une rupture épistémologique avec tous les méfaits de la colonisation et du désordre mental qu’elle a causé.
Cette conception de reconquête culturelle est liée à la volonté politique mais cela ne saurait suffire. Intellectuels, hommes de culture, hommes de sciences et de technologies nouvelles et bien sûr l’ensemble des acteurs sociaux doivent s’unir pour faire émerger cette conscience historique et culturelle.
Comme le précise encore Aimé Césaire : « Dans la société coloniale, il n’y a pas seulement une hiérarchie maître et serviteur. Il y a aussi, implicite, une hiérarchie créatrice et consommateur.
Le créateur des valeurs culturelles, en bonne colonisation, c’est le colonisateur. Et le consommateur, c’est le colonisé. Et tout va bien tant que rien ne vient déranger la hiérarchie. Il y a une loi de confort dans toute colonisation. Si prega di non disturbare. On est prié de ne pas déranger.
Or la création culturelle, précisément parce qu’elle est création, dérange. Elle bouleverse. Et d’abord la hiérarchie coloniale, car du colonisé consommateur, elle fait le créateur. Bref à l’intérieur même le régime colonial, elle rend l’initiative historique à celui à qui le régime colonial s’est donné pour mission de ravir toute initiative historique. »
Le continent africain uni doit retrouver ses élans de créativité et non plus choisir la facilité de l’assimilation. C’est en ces conditions que le bouleversement peut s’opérer, en refusant tout intellectualisme paresseux, en renonçant aux États féodaux, nationalistes, balkanisés pour s’engager honnêtement, sans népotisme, sans gabegie, sans détournement des deniers publics, avec respect total de la chose publique, pour bâtir l’Afrique de demain.
C’est dans ces perspectives fondamentales que j’ajoute ici que le 21ème siècle est celui de la « renaissance africaine ».