SenePlus publie ci-dessous, les nominations prononcées au Conseil des ministres du mercredi 26 juin 2024.
"AU TITRE DES MESURES INDIVIDUELLES,
Le Président de la République a pris les décisions suivantes :
Monsieur Mouhamadou Bamba DIOP, Ingénieur statisticien économiste, matricule de solde n° 615 996/D, est nommé Secrétaire général du Ministère de l’Économie, du Plan et de la coopération, en remplacement de Monsieur Allé Nar Diop appelé à d’autres fonctions ;
Madame Ndèye Fatou LO, Conseiller des Affaires étrangères, matricule de solde n° 616 254/J, est nommée Directeur de l’Administration générale et de l’Equipement au Ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, en remplacement de Madame Amy MBACKE appelée à d’autres fonctions. ;
Madame Marième GUEYE, Inspecteur principal du Trésor, matricule de solde n° 624 689/A, est nommé Directeur de l’Administration générale et de l’Equipement au Ministère des Infrastructures et des Transports terrestres et aériens ;
Monsieur El Hadj SALL, Economiste-Environnementaliste spécialisé en audit et contrôle interne, matricule de solde n° 515 409/D, est nommé Inspecteur des Affaires administratives et financières au Ministère de l’Environnement et de la Transition écologique ;
Monsieur El Hadji Mamadou GUEYE, Juriste, matricule de solde n° 662 513/E, est nommé Inspecteur des Affaires administratives et financières au Ministère de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des Territoires ;
Monsieur Mamadou Boye DIALLO, Juriste financier, matricule de solde n° 642 620/Z, est nommé Inspecteur des Affaires administratives et financières au Ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Elevage."
LES LIAISONS DANGEREUSES
Latif Coulibaly, Yoro Dia, Bougane Guèye... l'ascension des journalistes vers des carrières politiques majeures soulève des enjeux pour la crédibilité des médias. Focus sur ces parcours qui illustrent la nature ambiguë des liens presse-politique
Le Sénégal, souvent présenté comme un modèle de démocratie en Afrique, offre un paysage médiatique dynamique, mais complexe où les frontières entre journalisme et politique sont fréquemment floues. De nombreux journalistes ont franchi le Rubicon politique. Ce qui soulève des questions sur la neutralité et l’indépendance de la presse. Cet article explore divers exemples de journalistes sénégalais devenus politiciens, mettant en lumière les défis et les implications de cette dualité.
Bara Diouf : Un pionnier de la transition
Bara Diouf incarne l’un des premiers exemples marquants de cette transition. Dirigeant le quotidien national ‘’Le Soleil’’ jusqu’en 1986, il a ensuite été élu député du Parti socialiste du Sénégal pour un mandat de cinq ans. Ancien fervent défenseur des régimes de Léopold Senghor et d’Abdou Diouf, Bara Diouf n’a pas caché son admiration pour le président Abdoulaye Wade, arrivé au pouvoir en 2000. ‘’Abdoulaye Wade me plaît. Il a de l’ambition et réalise des choses importantes pour son pays. Je suis très respectueux des institutions et de la patrie. Il est donc normal que je soutienne ceux qui veulent faire de l’Afrique un grand continent’’, déclarait-il.
Malgré ses convictions politiques, Bara a su maintenir ‘’Le Soleil’’ comme une référence nationale et sous-régionale, formant plusieurs générations de journalistes. Son parcours montre qu’il est possible de jongler entre engagement politique et professionnalisme journalistique, bien que cet équilibre soit délicat.
Racine Talla : Le militantisme au cœur du service public
Racine Talla, à la tête de la Radiodiffusion télévision sénégalaise (RTS) pendant douze ans, est un autre exemple notable. Sa gestion a été critiquée par les syndicalistes du côté du Triangle sud, le faible temps d’antenne accordé aux opposants et à la société civile et même à certains de ses contempteurs au sein du régime de Macky Sall fini de démontrer sa toute-puissance au sein de la chaîne publique.
En tant que militant de l’Alliance pour la République (APR) et maire de Wakhinane Nimzatt, Talla n’a jamais caché ses positions politiques, compliquant la distinction entre ses rôles de militant et de directeur. Ses prédécesseurs avaient déjà transformé le média en outil de propagande, lui l’avait placé à un niveau qu’il sera difficile d’égaler.
Aujourd’hui, l’arrivée de Pape Alé Niang, proche du Premier ministre Ousmane Sonko, soulève des questions sur l'avenir de cette institution. Ses premiers actes tendent cependant à un retour à la vocation première de la télévision : au service du peuple.
Yakham Mbaye : La double casquette du journaliste-politicien
Yakham Mbaye représente un cas où le militantisme a pris le dessus sur l’intégrité journalistique. Directeur du ‘’Soleil’’ et militant de l’APR à Dakar-Plateau, Yakham a surfé sur une double identité de journaliste et de partisan, ce qui lui a coûté une certaine crédibilité auprès de ses pairs. Connu pour son style incisif, il avait critiqué la dynastie ''Faye-Sall'' avant de devenir un proche de la première dame. Son militantisme a souvent éclipsé ses analyses factuelles, mettant en évidence le danger de cette double casquette.
Lamine Niang, ayant pris le relais de Yakham, se trouve dans une position délicate, mais stratégique. En tant que responsable du Pôle conseils et stratégies du Secrétariat national à la communication de Pastef et directeur de Jotna TV (média de résistance durant le second mandat de Macky Sall), il doit naviguer habilement entre ses obligations politiques et son rôle dans les médias.
Ahmed Aïdara : Entre critiques et engagement politique
Ahmed Aïdara, maire de Guédiawaye et membre de l’opposition, continue de présenter une revue de presse en wolof tous les matins. Ex-animateur de l’émission ‘’Teuss’’ sur Zik FM, Aïdara est aussi populaire qu’il divise, avec un style théâtral qui inclut pleurnicheries, rires et moqueries des acteurs politiques. Ses critiques acerbes du gouvernement Sall l’ont placé en pole position au sein de la coalition Yewwi Askan Wi en janvier 2022, le propulsant à la tête de cette mairie pour remplacer un autre journaliste, Aliou Sall.
Ce dernier, très discret, est diplômé du Cesti. Il a rapidement basculé vers les milieux politiques sous l’ère Wade, poursuivant son engagement avec l’arrivée au pouvoir de son frère Macky Sall. En un temps record, il est devenu président de l’Association des maires du Sénégal et directeur de la Caisse des dépôts et consignations.
Son parcours souligne l’influence que les journalistes peuvent exercer, même en restant partiellement actifs dans leur profession d’origine.
La transition vers la politique : Une tendance répandue
La tendance des journalistes sénégalais à se tourner vers la politique n’est pas nouvelle. Latif Coulibaly, Abou Abel Thiam, Aliou Sow, Ibrahima Ndoye, Mamadou Ibra Kane et Pape Djibril Fall ont tous mis fin à leurs activités journalistiques pour se consacrer à leurs carrières ou fonctions politiques. Cette transition leur a permis de capitaliser sur leur notoriété médiatique pour gagner en influence politique. Mais elle pose des questions sur la déontologie et l’indépendance de la presse.
Latif Coulibaly, ex-secrétaire général du gouvernement, avait défendu son choix en arguant que son engagement politique était une continuation logique de son combat pour la justice et le développement du Sénégal.
Ce qui est constant, c’est que parmi ces susmentionnés, personne n’est revenu dans les rédactions, après avoir pris goût à la politique. Certains comme Abdou Mbow ont eu une carrière éphémère dans le métier. Le journalisme n’a été qu’un statut pour eux.
Bougane Guèye Dany : Une double posture controversée
Bougane Guèye Dany, ancien journaliste (Walfadjri) et propriétaire du groupe de presse D-Média et leader du mouvement Gueum Sa Bopp, est un exemple particulièrement controversé. Patron de presse et acteur politique, il utilise ses médias pour promouvoir ses idéaux, ce qui lui vaut des critiques pour usage excessif de ses plateformes à des fins politiques.
Sa posture lui offre une tribune puissante pour influencer l’opinion publique, mais elle peut aussi se retourner contre lui, certains régimes pouvant utiliser cette double posture pour solder leurs comptes. D’aucuns pensent qu’il fait usage de ses combats politiques pour embarquer une certaine partie de la presse dans sa croisade.
Thierno Amadou Sy : L’engagement continu
Thierno Amadou Sy a fait son entrée en politique en 2018, rejoignant l’ex-parti présidentiel (APR) et déclenchant une vive polémique. Sy considère son engagement politique comme une extension de sa passion pour les questions de développement qu’il explorait déjà à travers ses émissions. ‘’Je considère mon engagement en politique comme un prolongement de ma passion pour les questions de développement quand j’étais journaliste’’, se justifie-t-il.
Son parcours montre comment l’engagement politique peut naître d’une vocation journalistique axée sur les questions de société. L’actuel directeur de l’APS est dans une posture indécise, depuis l’arrivée au pouvoir du duo Sonko-Diomaye en mars 2024. Plusieurs de ses collaborateurs militent pour qu’on le maintienne au poste, mettant en avant ses prouesses dans cette société. Alors qu’une autre partie réclame son départ à cause de sa proximité avec l’ancien régime.
Mais le nouveau régime continue de lui faire confiance. Ce qui n’est pas le cas de Bara Ndiaye qui avait retourné sa veste une semaine avant le scrutin. Il a été limogé depuis un mois.
Pour rappel, Bara Ndiaye était un responsable de l’APR et ancien maire de Méwane.
Amadou Ba : Un exemple de déontologie
Directeur général du quotidien ‘’L’AS’’ et maire de Missirah depuis janvier 2022, Amadou Ba se distingue par son engagement envers l'éthique et la déontologie. Depuis qu’il a été élu maire, il met en avant son respect strict des principes journalistiques. En tant que directeur général de ‘’L’AS’’, il a cessé de signer des articles depuis plus de deux ans, affirmant que son rôle politique était incompatible avec l'exercice actif du journalisme.
Cette décision souligne son engagement à éviter les conflits d'intérêts et à maintenir l'intégrité de la profession.
Souleymane Jules Diop, Yoro Dia, Sadikh Top et Mamadou Bamba Ndiaye : De la plume à la tribune
Actuel ambassadeur du Sénégal à l'Unesco à Paris, Souleymane Jules Diop fut responsable du desk politique du journal ‘’Wal Fadjri’’. Au début de la première alternance, il devient le conseiller en communication du Premier ministre Idrissa Seck. Le clash de ce dernier avec Wade l'exile au Canada où il se radicalise contre le régime du ‘’Pape du Sopi’’. En tant que journaliste, il s'est imposé comme une voix influente, n'hésitant pas à dénoncer ce qu'il percevait comme des abus de pouvoir ou des dysfonctionnements au sein du gouvernement. Il fait partie des premiers influenceurs et activistes politiques sur les réseaux sociaux.
À la chute de Wade, il est revenu au bercail, occupant diverses responsabilités dans les gouvernements successifs de Macky Sall.
Yoro Dia est connu pour ses analyses politiques et son approche critique des questions sociopolitiques au Sénégal. Ancien rédacteur en chef de Wal Fadjri FM, ses écrits et ses commentaires dans divers médias ont fait de lui une personnalité incontournable du paysage médiatique sénégalais. Mais comme beaucoup de journalistes de sa génération, il a fait le saut vers la politique.
Il a été nommé ministre et porte-parole sous l'administration du président Macky Sall. Ce passage du journalisme à la politique a suscité beaucoup de débats et de critiques. Certains observateurs ont vu en cela une trahison de ses idéaux journalistiques et une compromission de son indépendance.
Sadikh Top a commencé sa carrière comme journaliste où il a rapidement acquis une réputation pour son professionnalisme et sa rigueur. En rejoignant le Pastef, il a fait le choix de mettre fin à sa carrière journalistique pour se consacrer pleinement à la politique. Cette décision n’est pas sans rappeler celle de nombreux journalistes qui, ayant passé des années à analyser et critiquer les systèmes politiques, se sont engagés dans la sphère politique pour apporter le changement qu’ils prônent.
Feu Mamadou Bamba Ndiaye incarne parfaitement le parcours de nombreux journalistes sénégalais qui ont transité vers des rôles politiques de premier plan. Ancien directeur de publication et journaliste réputé, Bamba Ndiaye a franchi le pas vers la politique en devenant ministre des Affaires religieuses sous la présidence d'Abdoulaye Wade, un parcours qui met en lumière les interactions complexes entre journalisme et politique au Sénégal.
L'impact sur la crédibilité des médias
Ces parcours mettent en lumière un défi majeur pour le journalisme sénégalais : maintenir l’intégrité et la crédibilité face aux engagements politiques des journalistes. La frontière entre journalisme et politique est souvent floue, brouillant la perception d’indépendance des médias.
Pour restaurer la confiance dans les médias, une réforme des pratiques journalistiques pourrait être nécessaire, mettant l’accent sur la déontologie et l’indépendance. Les journalistes doivent pouvoir exercer leur métier sans pressions politiques, tout en ayant la liberté de s’engager politiquement de manière transparente et sans conflit d’intérêts.
Le cas des journalistes sénégalais devenus politiciens illustre les défis posés par la nature ambiguë des relations entre les uns et les autres. Tandis que certains ont réussi à naviguer dans ces eaux troubles avec une certaine dignité, d'autres ont vu leur crédibilité compromise. Pour assurer un avenir où la presse reste un pilier de la démocratie, il est important de renforcer les mécanismes garantissant l'indépendance et l'intégrité des médias au Sénégal.
La célèbre citation de Claude Julien, ‘’les journalistes aiment les politiciens comme les mouches aiment le miel’’, illustre à merveille la relation complexe entre les journalistes et les politiciens au Sénégal.
UN SERVITEUR EN QUÊTE DE RÉDEMPTION
Considéré comme le candidat de la jeunesse, Pape Djibril Fall n'a pas résisté à la vague du parti Pastef. Depuis, sa notoriété décline tandis que de nouvelles figures émergent. Isolé au sein de l'opposition, son parti se cherche une stratégie à définir
Le leader du parti Les Serviteurs, Pape Djibril Fall, est à la croisée des chemins concernant son avenir politique, dans un contexte de nouvelle hégémonie de Pastef. L’ancien journaliste de la TFM doit s’inscrire dans le champ des idées et des propositions pour essayer de constituer une alternative au parti des patriotes en 2029.
C’est un homme souriant et affable qui parcourt les allées du Centre de conférences Abdou Diouf (Cicad). En boubou blanc et lunettes vissées sur la tête, l’ancien candidat des Serviteurs n’hésite pas à s’approcher de la forêt de micros des journalistes. D’un air rassurant, il donne son avis concernant les assises de la justice sous le thème ‘’La réforme et la modernisation de la justice’’, le mardi 28 mai 2024. Le journaliste de formation indique avoir ‘’grand espoir en ces concertations, car enfin, la justice sera réformée comme le souhaitent les populations’’.
Poursuivant, le candidat malheureux de la dernière présidentielle salue l’initiative du chef de l’État. "Le président est sorti de prison pour aller au palais. Donc, il est très bien placé pour comprendre les dysfonctionnements qui existent au sein de la justice pour apporter définitivement des réformes’’, affirme Pape Djibril Fall.
Il faut dire que la surprise des dernières Législatives avait décidé de limiter ses apparitions et de ses déclarations en public depuis l’élection présidentielle du 24 mars dernier. Le benjamin des 19 candidats avait un peu souffert des projecteurs braqués sur la ‘’nouveauté’’ de cette campagne. Anta Babacar Ngom, une alternative pour la prochaine génération de citoyens, apparait comme la vraie révélation de cette campagne. Même si cette dernière termine avec 15 457 voix, soit 3 000 voix derrière l’ancien chroniqueur de la TFM, qui a récolté 18 304 voix, soit 0,4 %. Le candidat des Serviteurs et de la coalition PDF Président est arrivé à la 9e place, derrière les candidats de grandes formations comme Pastef, Rewmi, Benno, Taxawu Sénégal et PUR.
Pape Djibril Fall, qui s’est positionné comme le candidat de la jeunesse, n’a pas pu résister à la vague de rupture incarnée par le parti Pastef, qui a récolté 54 %, propulsant son candidat à la tête du pays.
Par ailleurs, l’ascension de Diomaye Faye (44 ans) vient en quelque sorte couper l’herbe sous le pied de Pape Djibril Fall, qui avait fait de l’alternance générationnelle le cœur de son discours politique auprès des jeunes qui l’ont fortement soutenu lors des élections parlementaires de juillet 2022.
En outre, le refus de s’aligner derrière le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi sur différents dossiers et sa volonté de creuser son propre sillon ont finalement abouti à l’isoler au sein de l’opposition contre Macky Sall.
Sur ce, le candidat de la jeunesse va aussi subir un lynchage médiatique sur les réseaux sociaux qui, pendant un moment, ont permis d’asseoir sa notoriété auprès des jeunes. Une situation qui, dans un contexte de bipolarisation de la vie politique sénégalaise, a fortement nui à son ascension au sein de l’opinion publique.
‘’Nous n’avons pas encore fait le bilan. C’est sûr qu’on le fera après la Tabaski’’, a affirmé Penda Dieng, responsable au sein du parti des Serviteurs. Concernant la question d’une alliance avec Pastef, avec qui il partage plusieurs points comme la formation professionnelle, la souveraineté alimentaire, la renégociation des contrats sur les ressources extractives (pétrole, gaz et mines), entre autres, l’ancienne mandataire du candidat Pape Djibril Fall botte en touche. ‘’Pour le moment, nous sommes en train de nous mobiliser pour d’éventuelles Législatives anticipées, si le nouveau régime venait à les convoquer. Rien n’est encore acté, mais on y travaille pour être plus audible à l’Assemblée nationale’’, soutient-elle.
Selon des spécialistes, Pape Djibril Fall, qui a déjà entamé son propre cursus politique, pourrait à terme se positionner comme un des éléments centraux de l’opposition sénégalaise. Dans cette optique, il devrait chercher à investir le champ des idées et des programmes pour constituer une alternative solide en vue de la Présidentielle de 2029. L’ancien chroniqueur à la 2STV pourrait ainsi devenir une force de propositions solide dans un contexte d’écrémage de la dernière Présidentielle avec le recul des politiciens chevronnés comme Khalifa Sall et Idrissa Seck ainsi que la recomposition du champ politique avec les risques d’implosion de Benno Bokk Yaakaar (BBY) et du déclin des partis alliés (PS, AFP, entre autres).
De ce fait, Pape Djibril Fall pourrait être tenté d’agréger les ‘’déçus’’ de Pastef en perspective de la présidentielle de 2029. Entre-temps, dans l’optique de renforcer le maillage de son parti politique, PDF doit intégrer une coalition afin de structurer sa formation et de lui offrir un ancrage territorial. L’ex-patron de l’Amicale des élèves du Cesti entend s’imposer comme un acteur politique majeur de la vie politique sénégalaise et pourrait ainsi s’inscrire dans cette doctrine souverainiste à fort caractère social. Ainsi, il doit essayer de se singulariser face aux autres candidats par la mise en place d’un projet politique, social et clair.
SÉNÉGAL, OPPORTUNITÉS ET IMPÉRATIFS DANS LES RELATIONS AVEC L'OCCIDENT
La volonté de Diomaye de renégocier des partenariats et de redéfinir le leadership régional laissent entrevoir une inflexion majeure. Les Occidentaux sont face à un double défi : répondre aux aspirations des Sénégalais et rétablir la confiance ébranlée
Le nouveau paysage politique au Sénégal ouvre des perspectives inédites pour les relations avec les pays occidentaux. La nette victoire du président Faye face à l’ancien Premier ministre Amadou Ba a été saluée par des partenaires internationaux, dont la France, les États-Unis et le Royaume-Uni. Emmanuel Macron s’est même distingué en adressant ses félicitations en wolof, un geste interprété comme une volonté active de rapprochement avec la nouvelle administration.
En effet, une frange importante du Pastef, parti panafricaniste de gauche, avait fortement préconisé une rupture avec la France durant la campagne présidentielle. Le président Faye, de son côté, avait promis de renégocier les contrats pétroliers et gaziers pour obtenir des conditions plus avantageuses, suscitant des inquiétudes dans certaines chancelleries occidentales.
Cependant, les premières décisions du nouveau chef d’Etat suggèrent que les craintes d’une rupture radicale étaient infondées. Celui-ci a préféré plutôt insister sur l'importance de maintenir des relations solides avec les partenaires étrangers tout en priorisant les intérêts nationaux.
Lors de l'une de ses premières déclarations publiques en tant que président élu, Bassirou Diomaye Faye a exhorté le Niger, le Mali et le Burkina Faso, qui ont annoncé leur intention de quitter la CEDEAO en début d'année, à réintégrer l'union économique régionale. Dans son discours d’investiture, le président Faye a réaffirmé encore une fois que le Sénégal, sous son magistère, privilégierait la coopération avec la communauté internationale plutôt que la confrontation.
Cette nouvelle réalité offre aux pays occidentaux une courte fenêtre d'opportunité pour redéfinir durablement leurs relations avec le Sénégal et la région, relations qui ont été fragilisées par les tensions persistantes avec l’ensemble des pays du Sahel.
Pour saisir cette chance, il est impératif que l'Occident revoie sa posture et propose des partenariats véritablement équitables. Ces partenariats doivent être conçus dans la perspective de soutenir le co-développement et renforcer la stabilité régionale, répondant ainsi aux besoins locaux tout en respectant la souveraineté des nations impliquées.
En adoptant une approche collaborative et respectueuse, les pays occidentaux peuvent non seulement réparer les liens endommagés mais aussi bâtir une base solide pour une coopération fructueuse et durable avec le Sénégal et ses voisins.
Une nouvelle ère pour les relations entre le Sénégal et l'Occident
La victoire du président Faye incarne donc la profonde frustration de la jeunesse sénégalaise face à un taux de chômage élevé. Une problématique persistante. En 2023, le chômage des jeunes au Sénégal atteignait 4,2 % selon les chiffres officiels. Toutefois, avec 84 % de l'emploi concentré dans le secteur informel, une grande majorité des moins de trente-cinq ans vivent dans une situation de précarité absolue, ayant un accès limité à l'éducation, à l'emploi formel et aux besoins de base.
C'est pourquoi les promesses de réforme économique, de lutte contre la corruption et de promotion de la préférence nationale du président Faye résonnent fortement auprès des jeunes des grands centres urbains, des populations marginalisées et de certains intellectuels frustrés par la complaisance traditionnelle du Sénégal envers les pays occidentaux.
Ces engagements de campagne de la Coalition Diomaye 2024 répondent aux attentes des citoyens en quête d'un système plus juste et transparent, capable de leur offrir de meilleures perspectives de stabilité économique et de gouvernance fondée sur le mérite, la responsabilité et l'intégrité.
En s'attaquant à la corruption endémique et en favorisant les entreprises nationales, le président Faye pourrait redonner aux Sénégalais un plus grand contrôle sur leurs ressources et leur avenir. De telles réformes ambitieuses sont de nature à susciter l'espoir et l'enthousiasme chez les citoyens en quête de changement.
Les enjeux de développement au Sénégal sont considérables, offrant une opportunité précieuse aux pays occidentaux de revoir leur posture et de redéfinir leur approche de coopération. En soutenant les ambitions de la nouvelle équipe gouvernementale, qui vise à créer des emplois pour la jeunesse et à promouvoir la croissance d'un secteur privé national solide, les pays occidentaux peuvent jouer un rôle clé dans la transformation économique du Sénégal.
Cette coopération technique et financière ciblée, ainsi que les investissements favorisant le transfert de compétences et de technologies, permettent non seulement de soutenir le développement durable du Sénégal mais également de démontrer l'engagement en faveur d'un partenariat gagnant-gagnant, bénéfique pour les deux parties.
Aussi, les récentes découvertes de réserves de pétrole et de gaz au Sénégal sont sur le point de transformer radicalement les perspectives économiques et sociales du pays. En engageant un dialogue constructif sur des questions cruciales telles que la gestion durable des ressources naturelles, les pays occidentaux ont l'occasion de soutenir activement un partenariat mutuellement bénéfique avec le Sénégal. En apportant leur expertise et leur soutien, ils peuvent contribuer à une gestion responsable de ces nouvelles richesses, tout en renforçant les liens économiques et diplomatiques entre les deux parties.
L'exploitation minière dans la région de Kédougou, par exemple, offre un aperçu des conséquences néfastes que peut engendrer le décalage entre les intérêts économiques des entreprises étrangères et les réalités des populations locales. Dans cette région, les activités minières ont parfois entraîné des expulsions forcées et porté atteinte aux moyens de subsistance des habitants, suscitant un profond ressentiment anti-occidental. Les communautés locales ont ainsi organisé de nombreuses manifestations, parfois violentes, pour protester contre les pratiques abusives des entreprises.
Seule une approche soucieuse des populations et de leur développement durable peut donc créer un climat propice à une coopération mutuellement bénéfique. À défaut, le risque est grand de voir se multiplier les conflits et les mouvements de rejet, au détriment des bonnes relations entre le Sénégal et ses partenaires occidentaux.
Une opportunité de repenser les alliances dans le Sahel
La posture anti-establishment de la coalition Diomaye 2024 avait suscité des inquiétudes au sein de la communauté internationale durant la campagne, alimentant des craintes quant à la stabilité et à la direction future du Sénégal.
Cependant, les premières annonces du Président Faye ont rapidement rétabli la confiance. Son engagement à promouvoir la transparence dans la gouvernance, à maintenir une équidistance dans les relations internationales et à mettre en œuvre des mesures fortes contre la corruption a démontré sa détermination à améliorer la gestion des affaires publiques.
Preuve supplémentaire de ce regain de confiance, le prix des obligations du Sénégal sur les marchés internationaux a connu une croissance spectaculaire le jour suivant l'élection, passant de 1,4 cent à 75,88 cents sur le dollar, réalisant ainsi la meilleure performance de la journée parmi les émetteurs de dette souveraine sur les marchés émergents. Ce rebond post-électoral suggère un optimisme prudent de la part des investisseurs quant aux perspectives économiques du Sénégal sous le leadership du Président Faye.
Afin que cet élan positif se concrétise durablement, il est désormais essentiel que la communauté internationale apporte son soutien inconditionnel à la nouvelle diplomatie régionale du Sénégal.
En effet, le président Faye a clairement affiché sa détermination à défendre une idéologie souverainiste, en appelant notamment le Niger, le Burkina Faso et le Mali à réintégrer la CEDEAO. De plus, le Chef de l’Etat s'est engagé à promouvoir une intégration africaine plus forte, en prenant le leadership en faveur d'une réforme profonde du franc CFA. Ces initiatives ambitieuses visent à redonner au Sénégal un rôle de leader dans la définition des orientations stratégiques de l'Afrique de l'Ouest.
Cette position tranche nettement avec l'approche de son prédécesseur, Macky Sall, qui privilégiait la recherche d'un consensus au sein de l'organisation régionale avant de définir la position du Sénégal sur les questions régionales.
Le changement de cap stratégique annoncé par Bassirou Diomaye Faye offre une opportunité pour les pays occidentaux de s'appuyer sur le leadership régional du Sénégal pour réinitialiser leurs relations, devenues exécrables, avec un certain nombre de pays du Sahel par exemple. Ce partenariat permettrait ainsi d'envisager une coopération plus fructueuse dans une région rongée par l'instabilité, devenue le théâtre de conflits entre grandes puissances et où le sentiment anti-occidental est répandu.
Le panafricanisme de gauche prôné par le président Faye ne se limite pas à une vision de souveraineté nationale et d'autonomisation économique du Sénégal. Il représente également une occasion pour les pays occidentaux de repenser leur approche de coopération, en adoptant une logique d'équité et de co-développement avec le Sénégal et, plus largement, avec la région du Sahel. Le nouveau contexte politique au Sénégal constitue une opportunité unique pour la communauté internationale de démontrer son sérieux dans l'établissement de relations avec les pays africains basées sur le respect mutuel et une coopération gagnant-gagnant.
En changeant de paradigme, les pays occidentaux peuvent inaugurer une nouvelle ère de coopération et de prospérité partagée dans la région. Cependant, s'ils tardent à adopter cette nouvelle approche, le sentiment anti-occidental croissant dans la région risque de s'ancrer durablement.
Mayecor Sar conseille les gouvernements africains dans la conception de politiques publiques, le développement de stratégies et la mise en œuvre de leurs priorités (Delivery/Delivery Units) en Afrique. Il est également le fondateur et Directeur de l’Initiative pour un développement endogène de l'Afrique (IDEA), un Think Tank Panafricain travaillant sur les thématiques géopolitique et relations internationales, gouvernance et finances publiques et développement du capital humain.
Le règlement intérieur de l'Assemblée aurait-il été falsifié ? C'est la lourde accusation portée ce mercredi par le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi. La déclaration de politique générale du Premier ministre n'aurait ainsi plus de base légale
Le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi (YAW) a dénoncé avec force, lors d'une conférence de presse ce mercredi 26 juin 2024, une supposée "fraude" concernant le règlement intérieur de l'Assemblée nationale. Au cœur de leurs accusations : la légalité même de la déclaration de politique générale (DPG) que doit prononcer le Premier ministre.
Selon le président du groupe YAW, un règlement intérieur frauduleux datant soi-disant de juillet 2021 a été distribué aux 165 députés lors de leur installation en septembre 2022. "Cette édition est une fraude à la loi et porte atteinte à la Constitution", a-t-il affirmé, soulignant que le texte ne correspondrait pas à la version actuellement en vigueur.
La principale irrégularité dénoncée concerne justement les dispositions relatives à la DPG du Premier ministre. "On vous a parlé d'un délai de trois mois pour tenir la DPG, d'un délai de saisine de huit jours... Tout cela a été supprimé, abrogé depuis 2019 !", s'est indigné le député Ayib Daffé.
"Actuellement, la DPG est tout simplement absente de notre règlement intérieur. Le Premier ministre lui-même n'est pas mentionné !", a-t-il poursuivi, brandissant le document remis aux parlementaires.
Le vice-président de l'Assemblée nationale de l'époque, Mamadu Lamine Diallo, avait déjà dénoncé cette irrégularité dans une lettre du 11 novembre 2022, selon les dires du président de YAW. "C'est une faute grave de falsifier le règlement pour lui rajouter frauduleusement des dispositions qui n'existent plus !", a-t-il martelé.
Cette remise en cause de la base légale de la DPG soulève des questions majeures sur la régularité des procédures institutionnelles au sein du parlement.
LE PARI ÉCOLOGIQUE ET FUTURISTE DES BRT
Depuis le lancement de ce réseau révolutionnaire, les habitants de la capitale sénégalaise ont enfin accès à un transport rapide, confortable et respectueux de l'environnement. Un progrès salué par tous après des années d'embouteillages monstres
(SenePlus) - Dakar, la capitale a récemment lancé un tout nouveau système de transport public révolutionnaire : un réseau de bus rapides 100% électriques, baptisé Bus Rapid Transit (BRT). Cette initiative audacieuse, une première en Afrique selon RFI, vise à réduire les embouteillages monstres et la pollution atmosphérique qui sévissent dans cette ville ultra-congestionnée.
Comme le rapporte Léa-Lisa Westerhoff pour RFI, les nouveaux bus électriques offrent un confort et une rapidité inédits aux usagers. Cheikh, un jeune conseiller commercial, se réjouit : "Moi, d'habitude je faisais plus de deux heures pour arriver ici à destination à Sacré-Cœur. Maintenant, je le fais en 30 minutes. C'est une aubaine, pour nous. C'est bien, il est confortable, climatisé. On se sent bien, là."
Avec 55 places assises, 150 debout, la climatisation et une voie dédiée de 14 arrêts entre la banlieue et le centre-ville, ces bus électriques permettent des trajets fluides sans bouchons. "La rapidité, lance un passager enthousiasmé. En un temps record, je suis arrivé au travail. En 7 ou 8 minutes de trajet, c'est très rapide."
Pour une ingénieure civile, "c'est super efficace". "J'ai laissé ma voiture à la maison [...] Et ça nous aide avec les bouchons à Dakar qui sont monstrueux. Il était temps qu'on ait une meilleure mobilité au Sénégal."
Malick Ndiaye, le ministre des Transports, promet une extension majeure: "Plus de 1000" bus électriques et à gaz sont prévus, avec "des bus de rabattement pour permettre aux usagers de rejoindre le BRT et d'aller en ville".
La société concessionnaire Dakar Mobilité vise 300 000 voyageurs par jour à terme, avec un temps de trajet réduit de moitié.
Au-delà de fluidifier la circulation, cette révolution verte des transports vise à lutter contre la pollution meurtrière. Selon Thierno Birahim du Conseil exécutif des transports urbains de Dakar, "avec ce mode de transport non-polluant, nous faisons des économies de 59 000 tonnes de CO2 par an."
Toutefois, il souligne que "le BRT à côté du TER [train régional], ça ne suffit pas" face à l'explosion démographique et l'essor de la motorisation privée. "On est juste au début" d'une nécessaire transition vers des transports urbains durables.
En somme, ce réseau de bus électriques marque "un saut qualitatif énorme" selon M. Birahim, à la fois pour la mobilité et l'environnement des Dakarois, tout en appelant à poursuivre les efforts.
Par Rama YADE
LES AFRICAINS TIENNENT L’AVENIR DE LA DÉMOCRATIE ENTRE LEURS MAINS
Si les putschistes convainquent, c'est parce que la pratique démocratique moderne a déçu, loin de l'héritage africain. Enseigner l'histoire démocratique africaine est essentiel pour concilier démocratie et souveraineté nationale sur le continent
D’ici la fin de l’année 2024, le visage de l’Afrique politique ne sera -théoriquement- plus le même. Avec dix-neuf élections programmées cette année, le continent verra partir des présidents élus il y a plus de dix ans (au Sénégal et au Ghana), des transitions civiles incertaines (au Mali et au Burkina Faso), des élections à enjeux élevés (comme en Afrique du Sud) et des hommes forts s’accrocher (en Tunisie, au Tchad, au Rwanda). Cette volatilité, conjuguée aux récents coups d’Etat sur le continent, rend de nombreux observateurs pessimistes quant à l’état de la démocratie en Afrique.
L’«hiver démocratique » africain
Cet «hiver démocratique» n’est pas propre à l’Afrique. Aux Etats-Unis, selon Gallup, seuls 28% des Américains - un niveau record, encore plus bas qu’au lendemain de lattaque du Capitole le 6 janvier 2021- sont satisfaits du fonctionnement de leur système démocratique. En France, dans le cadre d’élections législatives anticipées, l’Extrême-droite, pour la première fois dans l’histoire de la 5ème République, est aux portes de Matignon après avoir viré en tête aux élections européennes de juin 2024. Il n’est pas surprenant que la valeur de la démocratie soit également contestée en Afrique, et que les arguments contre elle prennent la forme de revendications de souveraineté nationale et soient principalement dirigés contre les anciennes puissances coloniales. Partout où des coups d’Etat récents ont eu lieu, les putschistes ont publiquement rejeté l’influence des anciennes puissances coloniales (comme dans la région du Sahel avec la France) ou des institutions occidentales (comme au Soudan, où le Général Abdel Fattah al-Burhan a utilisé les réformes structurelles inspirées par la Banque mondiale pour justifier son coup d’Etat d’octobre 2021). Les putschistes ont reproché aux gouvernements précédents d’avoir mis en place des régimes faussement démocratiques, faibles et responsables de la persistance du sous-développement. Au Niger, le Président Mohamed Bazoum est détenu contre son gré depuis le 26 juillet 2023, accusé par une junte militaire d’avoir eu des «échanges» avec des «chefs d’Etat étrangers» et des «responsables d’organisations internationales»
Comment le concept de démocratie, hier si consensuel, du moins en termes d’aspiration, est-il devenu si clivant que son rejet n’est même plus tabou ? Il n’est guère de conférence internationale où des putschistes africains qui n’ont été élus par qui que ce soit ne revendiquent leur légitimité pour prendre le pouvoir par la force, comme le Colonel guinéen Doumbouya aux Nations unies en septembre 2023, avec l’approbation d’une partie des opinions africaines, en particulier parmi les jeunes générations.
Les arguments qui servent de prétexte au rejet de la démocratie sont de piètres excuses, sans compter qu’il y a quelque chose de profondément insultant à suggérer que les Africains ne méritent pas de choisir leurs dirigeants et, par conséquent, de vivre librement. D’ailleurs, pourquoi devrait-on croire que la démocratie n’est qu’un concept occidental ?
Une vision africaine de la démocratie
La Charte du Manden, proclamée en 1222, à l’époque de l’Empire du Mali -des siècles avant la Déclaration des droits du Royaume-Uni- est considérée en Afrique comme la première déclaration des droits de l’Homme de l’histoire. La charte célébrait la préservation de la vie (article 5 : «Toute personne a droit à la vie et à la préservation de l’intégrité physique») et organisait la coexistence entre les communautés (article 11 : «En cas de disparition de votre femme ou de votre enfant, cessez de courir après eux dans la maison du voisin»). Elle protège également les droits des femmes (article 14 : «N’offensez jamais les femmes, nos mères» ; Article 16 : «Les femmes, en dehors de leurs occupations quotidiennes, doivent être associées à toutes nos directions»), les étrangers (article 24 : «Au Manden, ne maltraitez pas les étrangers»), les sans-abri (article 31 : «Nous devons aider ceux qui sont dans le besoin») et même l’ennemi dans la bataille (article 41 : «Vous pouvez tuer l’ennemi, mais non l’humilier»).
On le voit, les Africains connaissent très bien la pratique démocratique, et c’est vrai bien au-delà de l’Empire du Mali. Chez les Yoruba, le pouvoir du chef était révocable. Chez les Ashanti du Ghana, le chef du village était choisi par les chefs de famille, qui formaient un conseil. Une association d’adultes de chaque village représentait l’opinion publique et élisait un président.
De nombreux succès démocratiques en Afrique
Aujourd’hui, les exemples de réussites démocratiques en Afrique ne manquent pas. Dans son rapport de 2023, Freedom House écrit : «La liberté en Afrique a légèrement progressé en 2022, 11 pays ayant connu une amélioration des droits politiques et des libertés civiles, et 9 connaissant un déclin.» Au Liberia, en janvier 2024, Joseph Boakai a succédé pacifiquement à George Weah, qui avait succédé à la première femme Présidente d’Afrique, Ellen Johnson Sirleaf, en janvier 2018. Au Botswana, toutes les élections depuis l’indépendance en 1966 se sont déroulées dans le calme, dans un système institutionnel multipartite où les minorités sont représentées. De l’île Maurice aux Seychelles, en passant par le Cap-Vert, les îles africaines jouissent d’une stabilité politique remarquable. La Namibie se distingue par le fait qu’elle n’a connu que trois présidents depuis 1990. Le troisième, Hage Geingob, décédé en février 2024, a été élu pour la première fois en novembre 2014 lors des premières élections entièrement électroniques d’Afrique. Il a succédé à Hifikepunye Pohamba, qui a respecté la Constitution en démissionnant après deux mandats.
Le Ghana est l’un de ceux qui ont vu leur pratique démocratique notablement progresser. Depuis la réforme constitutionnelle de 1992, le pays a organisé huit élections libres, alors que l’actuel Président, Nana Akufo-Addo, s’apprête à quitter le pouvoir en décembre 2024 après deux mandats.
En Zambie, le Président Hakainde Hichilema a pris ses fonctions en août 2021, à l’issue d’une transition politique en douceur avec le Président sortant Edgar Lungu, malgré une rivalité de longue date entre les deux hommes. Hichilema se présentait à l’élection présidentielle pour la sixième fois dont trois contre Lungu. C’est la troisième fois depuis 1991 que le pouvoir passe à l’opposition en Zambie. Au Sénégal, dans un geste exemplaire qu’on ne trouve pas dans les démocraties les plus abouties du monde, le pays a porté à la tête du pays le plus jeune Président de son histoire, un opposant qui était encore en prison quelques semaines avant le scrutin.
Il convient de noter que si toutes ces expériences réussies sont individuellement célébrées comme des exceptions, elles représentent une tendance significative des succès démocratiques africain.
La diversité culturelle, une chance pour l’Afrique
Contrairement à la croyance populaire selon laquelle l’Afrique est une terre de guerres interethniques, l’importante diversité culturelle du continent, loin d’être un simple défi, est l’un des éléments les plus originaux des systèmes démocratiques africains. Par exemple, le Sénégal a été dirigé pendant vingt ans par un Président qui appartenait à deux groupes minoritaires, les Sérères et les catholiques, dans un pays majoritairement wolof et musulman. Avec plus de trois mille langues parlées et des défis culturels multiethniques, les modèles politiques africains n’ont pas d’équivalent ailleurs dans le monde.
L’histoire de l’Afrique est pleine d’expériences de gouvernance multiculturelle. Dans l’Empire du Mali, divers peuples ethniques -Touaregs, Wolofs, Malinkés, Bambaras, Peuls et Toucouleurs- vivaient ensemble, et la tolérance religieuse était telle qu’aucun roi malien n’avait mené de guerre sainte. L’empire du Ghana, qui couvrait une vaste zone allant du Tekrour à Awdaghost, comprenait des populations aussi diverses que les Bambaras, les Toucouleurs, les Wolofs et les Sérères. Bien que l’empereur soit de religion animiste, il faisait preuve d’une grande tolérance envers les musulmans et choisissait la plupart de ses ministres parmi eux, ainsi que le rappelait l’historien burkinabè Joseph Ki-Zerbo dans son Histoire de l’Afrique noire en 1972.
Il n’y a pas de conflit entre la démocratie et la souveraineté
Mais si les arguments contre la démocratie avancés par les putschistes et leurs partisans font mouche, c’est parce que la pratique démocratique moderne, loin de cet héritage africain, les a déçus. Tout d’abord, la période coloniale a entraîné la destruction des structures participatives africaines traditionnelles telles que «les sociétés acéphales, les royaumes centralisés, les théocraties électives, les cités-Etats indépendantes et les républiques oligarchiques», comme l’ont rapporté les chercheurs Fanny Pigeaud et Ndongo Samba Sylla dans un livre de janvier 2024, De la démocratie en Françafrique.
La démocratie en Afrique a aussi été la victime collatérale des rivalités géopolitiques, car des hommes ordinaires, qui cherchaient à diriger leurs pays au lendemain de l’indépendance -tels que Patrice Lumumba en République démocratique du Congo, Samora Machel au Mozambique et Amilcar Cabral en Guinée-Bissau-, ont rapidement perdu la vie.
Deuxièmement, dans un contexte d’essor du terrorisme, la sécurité a été privilégiée par rapport à la démocratie. Quelquefois, elle a été une excuse commode pour museler les dissidents, esquiver ou même falsifier les élections. Dans les années 1990, l’ouverture démocratique a pu balayer de vieux dirigeants -comme le premier Président de la Zambie, défait en 1991 après vingt-sept ans au pouvoir, ou le premier Président du Malawi, Hastings Kamuzu Banda, battu en 1994 après trente ans de règne-, mais les transitions familiales et militaires sont restées une réalité largement partagée en Afrique. Les expériences démocratiques les plus réussies se sont apparentées à des luttes de libération nationale et se sont faites à un prix élevé, comme en Afrique du Sud, où le destin de l’ancien Président Nelson Mandela illustre la dureté de la lutte démocratique.
Il ne fait aucun doute que ces épreuves ont créé une «fatigue démocratique» qui a été renforcée par la persistance du sous-développement dans des pays dont beaucoup sont pourtant richement dotés par la nature.
La démocratie, c’est en effet bien plus qu’un processus électoral. L’organisation d’une élection, aussi parfaite soit-elle, si elle est une condition à la démocratie, elle n’en est pas la garantie si le taux de participation est faible, si les partis politiques en lice représentent le même camp politique, si les conditions de la concurrence sont biaisées, si les citoyens ne sont pas éduqués ou informés des enjeux, ou s’il n’y a pas de recours possible. Autant d’éléments qui relèvent de la politique éducative, de la formation civique, de l’existence d’institutions fortes, et qui échappent souvent aux missions d’observation et aux classements internationaux.
Alors que sa population devrait doubler au cours des vingt-cinq prochaines années et qu’une génération émerge avec l’ambition de faire entendre sa voix, l’Afrique tient entre ses mains une grande partie de l’avenir de la démocratie dans le monde. La jeunesse africaine est farouchement engagée dans les affaires publiques. Il y a certes un fossé évident entre les jeunes Africains, y compris des mouvements citoyens comme Le Balai Citoyen et Lucha, qui pourchassent les régimes autoritaires, et ceux de la même génération qui applaudissent les putschistes sahéliens. Néanmoins, les jeunes Africains sont unis par un désir commun de souveraineté nationale.
Les voies d’une restauration démocratique en Afrique
Pour retrouver de la valeur aux yeux des peuples, la démocratie version africaine devra non seulement rajeunir ses cadres (les nouveaux dirigeants quadragénaires d’Afrique de l’Ouest tranchent avec l’âge avancé des dirigeants africains), mais également incarner cette aspiration à la souveraineté et à une dignité retrouvée. Ni Washington ni Pékin ne peuvent apporter cela aux Africains.
Quant aux Occidentaux qui veulent renouer avec ce vieux continent à la population si jeune, il est important qu’ils ne pratiquent pas les deux poids deux mesures, mais qu’ils appliquent plutôt à l’Afrique le niveau d’exigences démocratiques qu’ils ont pour leurs propres citoyens.
Les dirigeants africains, quant à eux, doivent comprendre que la démocratie est d’abord un acte de patriotisme. C’est pourquoi il est fondamental d’enseigner l’histoire démocratique de l’Afrique, afin que démocratie et souveraineté nationale sur le continent cessent de s’opposer. Il est également essentiel de renforcer l’éducation civique, dès l’école primaire. Dans l’arène politique, le renforcement des institutions est crucial, y compris les administrations et les services centraux, ainsi que les contre-pouvoirs tels que la Justice et les médias. Il sera également nécessaire que les institutions reflètent mieux les réalités africaines, grâce à une meilleure représentation des anciens, le renforcement de la gouvernance locale et l’inclusion des associations de jeunes. Enfin, il est crucial que les responsables des partis politiques, souvent affaiblis par des années, voire des décennies d’opposition, d’exil ou de prison, soient à la hauteur de leur lourde tâche. Si les hommes en treillis sont en vogue aujourd’hui, il y a fort à parier que ce ne sera pas toujours le cas, et qu’il faudra alors que des patriotes visionnaires soient prêts à prendre la relève.
Rama Yade est Directrice Afrique d'Atlantic Council à Washington DC
OUAGADOUGOU CRIE À LA MANIPULATION APRÈS UNE MANIFESTATION PRO-DROITS HUMAINS À DAKAR
Le Burkina Faso accuse Amnesty International et Coalition sénégalaise des Défenseurs des Droits Humains de tentative de déstabilisation. Il dénonce "les actes de manipulation que ne cesse de poser certains acteurs de la scène internationale"
(SenePlus) - Dans un communiqué rendu public le 24 juin, le gouvernement burkinabè a exprimé son "regret et incompréhension" face au rassemblement co-organisé le 21 juin à Dakar par Amnesty International et la Coalition sénégalaise des Défenseurs des Droits Humains (COSEDDH). Un événement jugé comme une "manipulation des opinions" sur des questions relevant de la politique intérieure du pays.
Les termes employés sont durs à l'encontre d'Amnesty, qualifiée d'"organisation non gouvernementale financée par des officines aux desseins obscurs". Le communiqué dénonce "les actes de manipulation que ne cesse de poser certains acteurs de la scène internationale" et rappelle que "dans le contexte de la situation sécuritaire du pays, la rigueur et la discipline constituent les socles de survie de notre Nation".
Cette réaction musclée fait suite au rapport choc publié par Amnesty le 24 février dernier, accusant les forces de sécurité burkinabè d'"exécutions extrajudiciaires" et de possibles "crimes de guerre". Des allégations qualifiées de "mensongères" par Ouagadougou.
"Le gouvernement n'entend céder ni aux cris d'orfraie, ni aux injonctions d'Amnesty International, dont la réputation a été plusieurs fois ternie par de nombreux scandales", affirme le texte, dans une référence à peine voilée aux polémiques ayant entaché l'ONG ces dernières années.
Au-delà d'Amnesty, c'est aussi la COSEDDH qui est visée par les critiques d'Ouagadougou. Le ministère déplore "son alliance avec une organisation aussi controversée" et juge que la coalition sénégalaise "s'est déjà mise dans une posture équivoque et déshonorante contre un pays frère africain".
Le communiqué termine cependant sur une note d'apaisement en réitérant "les salutations du gouvernement burkinabè au gouvernement et au peuple frères du Sénégal".
Propos recueillis par Saxewar Diagne de SenePlus
FACE AUX EXTRÊMES, UN PROJET D'OUVERTURE
EXCLUSIF SENEPLUS - Un repli nationaliste ferait exploser les tensions au sein de la société et ruinerait l'image internationale de la France. Le combat de ma vie se résume en un mot : la méritocratie républicaine - ENTRETIEN AVEC SAMIRA DJOUADI
Face à la montée des extrêmes, Samira Djouadi porte l'étendard du rassemblement et de l'ouverture dans le cadre des législatives des 30 juin et 7 juillet 2024 en France. Cette candidate d'Ensemble pour la République de la 9e circonscription comptant 16 pays du Maghreb et de l’Afrique Ouest dont le Sénégal, entend bien représenter au Parlement toute la diversité des Français établis à l'international. Elle lève, dans cette interview accordée à SenePlus, un coin de voile sur son programme qui promeut entre autres, une société de la réussite par le mérite et l'emploi.
SenePlus : Quels sont, selon vous, les principaux risques pour la France si l'extrême droite parvient à accéder au pouvoir lors des prochaines élections législatives ?
Samira Djouadi :La France, pays présent sur cinq continents, membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies, mère de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, berceau de la francophonie perdrait son âme en perdant ses valeurs universelles. Un repli nationaliste ferait exploser les tensions au sein de sa société et ruinerait son image internationale. En outre, le programme économique du Rassemblement National (RN) est délirant et conduirait à une grave détérioration du pays tant pour le niveau de vie de ses habitants, que pour ses exportations et sa capacité d’innovation la condamnant à un déclin irréversible. Enfin, la menace sur la binationalité constituerait une rupture d’égalité majeure entre citoyens et un déchirement au sein même de nombreuses familles, particulièrement dans notre circonscription.
Vous mentionnez dans votre plateforme une "mobilisation électorale" contre les forces extrémistes. Quelles actions concrètes proposez-vous pour encourager cette mobilisation parmi les Français de l'étranger ?
Dans un premier temps, il faut déjà convaincre les Français qui refusent les extrêmes de voter. Rien n’est joué. Aux dernières législatives, seul 10% de l’électorat s’est exprimé. Beaucoup d’entre eux ne se sentaient pas concernés. Aujourd’hui c’est différent. Contre une extrême droite qui menace de remettre en cause la binationalité et une extrême gauche qui voit les Français de l’Etranger comme des exilés fiscaux à imposer deux fois, la composition de l’Assemblee nationale au soir du 7 juillet sera cruciale. Le risque de bascule vers l’une de ces deux extrêmes est réel. Au-delà des divergences entre les autres sensibilités républicaines, il est temps de se rassembler pour légiférer différemment : davantage de concertation et de consensus. Je sais que le président l’a compris, la majorité sortante aussi et c’est pour cela qu’elle a appelé une personnalité comme la mienne, nouvelle en politique, mais forte d’une expérience de travail en ouverture d’esprit axée sur les résultats. Mais la tâche ne fera que commencer avec l’élection. C’est le lendemain qu’il faudra engager, et pour cinq ans, la rédaction de propositions de loi qui amélioreront la vie des Français au delà des clivages politiques. Plutôt qu’une liste d’actions, c’est ma méthode qui fera ma singularité en s’appuyant sur la consultation constante de mes électeurs pour enrichir le débat parlementaire de la vie quotidienne des Français de la circonscription.
Comment envisagez-vous de renforcer les liens entre les Français de l'étranger et leur patrie tout en contrant les discours de division prônés par l'extrême droite ?
Tout d’abord en m’attaquant aux problèmes spécifiques des Français de l’Etranger : en un mot, il s’agit de rétablir l’égalité républicaine pour assurer qu’ils retrouvent les mêmes droits que leurs compatriotes de l’hexagone : école, santé, sécurité, démarches administratives, attache hexagonale, installation et retour sont des priorités. Ensuite, le combat de ma vie se résume en un mot : la méritocratie républicaine. Si la réussite de chacun est possible grâce à son mérite quelle que soit son origine dans une société de retour au plein emploi, l’extrême droite se réduira à son niveau résiduel historique sous les 5%. La meilleure façon de contrer les discours, ce sont les actions qui donnent des résultats.
En tant que femme franco-marocaine, vous représentez l'unité dans la diversité. Comment prévoyez-vous de promouvoir cette diversité et de lutter contre la xénophobie et le racisme dans l'Assemblée nationale ?
La xénophobie et le racisme sont présents d’abord dans la société tout entière, pas seulement à l’Assemblée nationale. Votre question pourrait laisser penser que je suis 50% Française et 50% Marocaine. En fait, je suis 100% Française et 100% Marocaine. Comme je suis 100% Européenne et 100% Africaine. Et notre circonscription est remplie d’hommes et de femmes comme moi. C’est non seulement en les représentant mais aussi en promouvant leurs initiatives que nous monterons à la France que nous incarnons des solutions et non des problèmes.
Votre programme insiste sur l'importance de représenter équitablement les voix marginalisées. Quelles sont vos principales initiatives pour assurer une représentation juste et équitable de ces groupes au niveau national ?
Ce n’est pas parce que c’est plus difficile que c’est impossible. Une voix marginalisée a besoin de plus de volonté qu’une autre pour qui le chemin est tout tracé. Tout part de la volonté et il est essentiel, par l’écoute réelle de ceux qui se sentent vus comme des marginaux, de leur prouver qu’ils ont leur chance. Pour cela, il faut d’abord sanctionner sans faiblesse par la loi toutes les discriminations. Le « testing » devra entrer dans la loi et cela est inscrit dans notre programme. Ensuite, la culture, l’éducation et la formation continue devront traverser les territoires. J’ai cette expérience au travers de mes actions associatives. Faire de la politique autrement c’est faire travailler ensemble le secteur public, le secteur privé et le secteur associatif. Autant dans l’hexagone qu’à l’étranger. Cela peut paraître utopique mais ça ne l’est pas. Pour une raison simple : parce que ce n’est pas une question budgétaire (et c’est l’argent qui nous manque) mais une question d’habitudes. La démagogie consisterait à vous dire qu’on va augmenter les dotations de l’État sans augmenter la fiscalité. Je laisse ce type de promesses à la démagogie des extrêmes. Il est temps, vraiment temps, de faire de la politique autrement. J’ai la faiblesse de penser que je peux y arriver parce que je serai ancrée dans le pôle central majoritaire. La dissolution de l’Assemblée a été une surprise, je veux être la surprise de la nouvelle Assemblée.
par le chroniqueur de seneplus, Jean Pierre Corréa
ENTRE PRINCIPE DE RÉALITÉ ET URGENCE D’ÉDUQUER
EXCLUSIF SENEPLUS - Même à 10 francs, le chômeur ne pourrait acheté le pain. On dissout les urgences dans la rhétorique populiste. La clé du Projet n’est pas le coût de la vie, mais le goût du travail
« Les jeunes et les citoyens de demain dont nous avons tous besoin devront être autonomes, donc capables de faire des choix et de gérer leur vie sur le plan personnel et sur le plan social, solidaires, parce que capables de se soucier d’autrui, d’agir avec les autres et pour eux, de partager leurs préoccupations, mais aussi responsables parce que capables d’assumer leurs propres actes, de tenir leurs engagements et d’achever ce qu’ils entreprennent, et surtout engagés, parce que capables de s’affirmer par rapport à des valeurs, une cause ou un idéal et d’agir en conséquence ». Quasimodo
Mon ami et brillant passeur d’intelligence, Amadou Tidiane Wone, a dans une de ses récentes chroniques, recommandé aux nouvelles autorités de notre pays de « Rester Focus » sur les demandes des citoyens sénégalais, qui leur ont valu d’être portés aux commandes du pouvoir, forts de cette confiance populaire.
Au demeurant, en un mot comme en mille, le chèque signé par le peuple aux nouvelles autorités investies de sa confiance, pour un premier mandat de 5 ans, n’est pas un chèque à blanc. Il est rempli d’exigences, dont certaines sont livrables immédiatement, et d’autres prendront le temps de réformes profondes qu’il va falloir entamer très rapidement. Autant les changements de personnels aux commandes de plusieurs leviers d’actions sont impératifs, autant le souci de la tenue, stricte, de tous les engagements pris, doit faire l’objet d’une communication gouvernementale millimétrée et d’un souci pédagogique en temps réels. Mieux, les actions liées aux changements de comportements doivent être prises en charge par les 54 % d’électeurs qui ont endossé la responsabilité de la rupture et du changement. Il s’agit, pour chacun et chacune d’entre nous, d’incarner la rupture et de lui donner corps en toutes circonstances. Pour séduire et convaincre les indécis, afin de réduire l’hostilité et la capacité de nuisance des partisans du statu quo ante. En somme, changer, c’est distribuer 17 millions de miroirs aux Sénégalais.
Cela doit être la nouvelle feuille de route du FOCUS 2024. Il faut l’endosser et la conduire.
Au lieu de cela, l’impression se diffuse que le chèque est toujours en blanc, que les tenants du pouvoir seraient encore dans leurs habits d’opposants, et amuseraient la galerie avec des polémiques et menaces inutiles et superflues à éructer lorsqu’on tient les rênes de la décision…. Un tigre ne hurle pas sa tigritude.
Les choses se mettent en place, certes, à la présidence, petit à petit incarnée par le titulaire de cette haute charge, Bassirou Diomaye Faye, qui gagne en sérénité quand son premier ministre Ousmane Sonko, continue à se battre contre, comme Don Quichotte, des moulins à vent. Pourtant le Projet semblait ficelé depuis des années, imaginé et mis en musique par des milliers de Sénégalais Patriotes à travers le monde. Ce Projet, aux allures d’Os de Mor Lam, attend d’être servi…
Au lieu de mettre les Sénégalais au travail, nous nous complaisons encore et toujours dans ce qui les rassure démagogiquement, satisfaire leurs goûts à la quasi gratuité, à savoir baisser le coût de la vie, vieux serpent de mer, qui symbolise nos incapacités chroniques à persuader nos concitoyens que la clé du Projet, n’est pas le coût de la vie, mais le goût du travail. Le pain à 10 francs ne sera pas pour autant acheté par un chômeur. Donc, l’urgence, c’est éduquer, former, outiller et insérer, devise d’un ministère central de cette révolution attendue, celui de la formation professionnelle, pierre angulaire de la construction de ce nouveau pari : Eduquer et former, urgemment.
La seule urgence qui vaille : Eduquer notre jeunesse.
Par quel mécanisme de la pensée, l’idée-même de faire une impasse sur l’avenir de nos jeunes gens, peut-elle s’imposer à des esprits responsables ?
Je pense à ceux qui gouvernent cette jeunesse ni éduquée, ni instruite, ni informée, qui est affalée toute la journée contre le mur qui soutient leur colonne vertébrale, à deviser sur Mbappé, Sadio Mané, Wally Seck ou Bathio Ndiaye, ou mieux à agonir d’injures les nouvelles autorités, seules responsables selon eux de leur inactivité et de leur désœuvrement endogène, et me dis que ces hommes qui auront donc à gérer ces zombies sont vraiment dans le brouillard. Aucune formation professionnelle, aucun rêve de vivre dans leur pays, pour la plupart déjà pères de 3 ou 4 mômes dont ils ignorent jusqu’au prénom, ces jeunes qui revendiquent deux cerveaux dans les biceps et un muscle dans le cerveau sont la poudre de la bombe qui va nous péter à la gueule dans une dizaine d’années. La mèche est allumée déjà. On le sait. Mais on ne veut pas voir. On repousse les urgences, on les dissout dans de la rhétorique populiste. Face à cette mèche qui approche du détonateur, un « Homme d’Etat » se doit de gouverner pour les générations futures, alors qu’ils ne savent endosser que le costume étriqué de l’homme politique qui n’est préoccupé que par sa réélection. Se faire rattraper par les principes de réalité, est en fait une bonne chose.
Cela leur permettra de mettre l’accent sur l’agriculture qui va conditionner notre indépendance alimentaire, ou sur l’éducation et la formation, qui vont garantir l’emploi ? A-t-on décidé que ces plans tirés sur la Comète devaient être réalisés par une jeunesse mieux formée, citoyenne, éduquée et patriote, et qu’il fallait mettre le paquet sur une jeunesse instruite et en bonne santé ? Comment va-t-on remettre les Sénégalais au travail, et surtout dans les champs ? Comment va-t-on persuader ce jeune homme ou cette jeune fille qu’ils peuvent retourner dans leurs villages, où les attendent des vrais projets de développement, ce qui leur éviterait de passer leur vie à être pourchassés par ceux qui rêvent naturellement et très justement d’avoir des trottoirs et des rues dignes d’une capitale ? Comment va-t-on faire croire au jeune homme amoureux d’une jeune fille, que pour espérer l’épouser, il ne se sentira pas condamné à prendre les « pirogues de notre plus dramatique échec » ?
Mais il y a longtemps qu’ils ne transpirent plus nos dirigeants. Quand vous voyez, Obama, Macron, qui six mois après leur élection, être couverts de cheveux blancs, du fait de leurs responsabilités les engageant à chaque signature, on est tenté de les comparer aux nôtres, qui tout au contraire, grossissent, claircissent et dégagent de la tranquillité, celle de l’irresponsabilité assumée… Depuis Abdou Diouf, qui avait eu à gérer les ajustements structurels, et dont la chevelure avait subitement blanchi, Wade étant hors concours du fait de calvitie permanente, aucun des hommes en responsabilité dans notre pays ne porte les stigmates du stress de la gouvernance…
Soyons encore plus proches et convaincus de nos talents et travaillons juste à remettre les choses à l’endroit pour que ce pays soit un des plus beaux du monde. Parce qu’il y fait bon vivre. Mais il faut de la Culture pour le savoir.