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29 novembre 2024
Opinions
par Ndongo Samba Sylla
QUI A PEUR D’UNE MONNAIE NATIONALE POUR LE SÉNÉGAL ?
EXCLUSIF SENEPLUS - La plupart des pays CFA ont soit décliné ou stagné. Rester dans le franc CFA, c’est souscrire une assurance sous-développement. En sortir n’est pas promesse de développement. Tout dépend du modèle économique
Depuis que le candidat à la présidentielle Bassirou Diomaye Faye a évoqué l’idée d’une monnaie nationale, les réactions catastrophistes et démagogiques, typiques de l’esprit françafricain, n’ont cessé de pleuvoir. Beaucoup d’experts autoproclamés et de « gens d’expérience » ont dit des choses - qu’ils ne maîtrisaient pas ou de nature biaisée - dans le seul but de défendre le statu quo économique et monétaire. De mon point de vue, cette proposition courageuse et lucide est salutaire pour le Sénégal compte tenu de son nouveau statut de pays exportateur d’hydrocarbures, du bilan désastreux de la zone franc et de la chimère qu’est le projet de monnaie unique CEDEAO. Nonobstant la tentative de sabotage des présidents Emmanuel Macron et Alassane Ouattara, ce dernier projet revient à dire : voulez-vous du naira comme monnaie unique régionale ? Il ne s’agit pas pour moi de réitérer mon plaidoyer pour une monnaie nationale sénégalaise mais plutôt de répondre à des questions que la plupart de nos compatriotes soucieux de progrès économique pour eux-mêmes et les futures générations ne peuvent manquer de se poser.
Avoir une monnaie nationale est-ce quelque chose d’exceptionnel ?
Non, c’est la norme partout à travers le monde. Tous les pays africains disposent de leur propre monnaie nationale, à l’exception des quatorze pays qui utilisent le franc CFA. Soit un total de 40 pays souverains sur 54. Même s’il est nominalement national, le franc comorien fonctionne comme le franc CFA car il est sous le contrôle du Trésor français.
Les unions monétaires rassemblent des États souverains qui partagent une même devise émise par une banque centrale commune. Elles ont connu leur apogée dans la période coloniale. Il n’en existe que quatre aujourd’hui : le bloc CFA en Afrique de l’ouest ; le bloc CFA en Afrique centrale ; l’Union monétaire des Caraïbes Orientales ; la zone euro. La zone euro est la seule union monétaire en activité qui ait vu le jour dans la période « postcoloniale ». D’ailleurs, selon Benjamin Cohen, la zone euro est une anomalie historique : « Jamais auparavant, dans l’histoire moderne, un groupe d’États totalement indépendants n’a volontairement accepté de remplacer les devises nationales existantes par un type de devise nouvellement créé. »
Au total, c’est moins de 7 % de la population mondiale qui vit dans une union monétaire. Le principe « un État, une monnaie » est donc la norme. Les unions monétaires sont l’exception.
Une monnaie nationale est-elle une démarche aux antipodes du panafricanisme ?
Non. La monnaie étant la créature et l’instrument d’un État, une cohérence s’impose : soit elle est nationale, soit elle est fédérale. La vraie « balkanisation » n’est pas dans la pluralité monétaire, qui est rationnelle tant que la politique économique demeure au niveau national, mais dans l’absence de coordination en matière diplomatique, militaire, industrielle, de vente des matières premières, etc.
Ceux qui pensent que battre monnaie va à l’encontre de l’intégration africaine devraient songer à laisser la politique budgétaire et fiscale de leur pays être décidée par un pays tiers…au nom du « panafricanisme » ! Un État qui n’est pas prêt à se dissoudre dans un ensemble politique plus large, et à renoncer à sa souveraineté fiscale, ne devrait pas se priver de sa monnaie nationale.
En attendant d’avoir un État fédéral régional ou continental, il est possible d’avoir un système de monnaies nationales solidaires, comme l’ont défendu Samir Amin, Joseph Tchundjang Pouemi et Mamadou Diarra.
Pourquoi battre monnaie est-il associé à la souveraineté politique ?
Citons feu l’économiste britannique Wynne Godley qui écrivait en 1992 :
« Le pouvoir d'émettre sa propre monnaie, de faire des tirages sur sa propre banque centrale, est l'élément principal qui définit l'indépendance nationale. Si un pays abandonne ou perd ce pouvoir, il acquiert le statut de collectivité locale ou de colonie. » Wynne Godley, Maastricht and All That, London Review of Books, 1992
La monnaie doit-elle être adossée à quelque chose, à l’or par exemple ?
Depuis le début des années 1970, nous vivons dans un monde de monnaies fiduciaires. Les monnaies existantes ne sont adossées à aucun métal. Leur valeur découle de la puissance des États qui les émettent, et notamment de leur capacité à prélever des impôts et taxes dans leur unité de compte. La notion de « viabilité » d’une monnaie ne fait pas grand sens. Ce qui « garantit » la « viabilité » d’une monnaie est ce qui garantit la viabilité d’un État. Tout État qui s’estime viable sur les plans économique et institutionnel devrait être capable de battre monnaie.
Le Franc CFA est-il une monnaie indépendante ?
Non. C’est une monnaie créée par le ministère français des Finances en 1945 et qui est toujours sous son contrôle. Les banques centrales qui émettent le franc CFA n’ont donc jamais eu d’expérience de gestion d’une monnaie indépendante de l’ancien colonisateur et qui évolue en régime de change flexible.
Même si les officiels français parlent de soixante-quatre ans de « coopération monétaire » (1960-2024) à propos du Franc CFA, ils n’ont jamais appris aux deux banques centrales de la zone franc comment fabriquer elles-mêmes leurs billets de banque et leurs pièces de monnaie. Ce qui se comprend. L’impression des signes monétaires de la zone franc constitue pour la Banque de France « près de la moitié de son plan de charges sur l’avenir », selon un de ses cadres.
La France garantit-elle le Franc CFA ?
On entend souvent dire que c’est la France qui « garantit » le franc CFA. C’est une vue de l’esprit. La « garantie » est une promesse de prêt du Trésor français vis-à-vis des deux banques centrales qui émettent les francs CFA. Or, le système franc CFA est paramétré pour que cette « promesse », cette « garantie », ne soit jamais mise à exécution. Résultat, au lieu que le Trésor français prête des devises aux deux banques centrales, c’est le contraire qui a prévalu de 1960 à 1980 et de 1994 à aujourd’hui. Autrement dit, ce sont les pays africains qui mettent à la disposition du Trésor français une partie de leurs devises à des taux avantageux.
Les pays CFA et leurs élites sont-ils si aliénés au point de ne pouvoir jamais envisager leur indépendance vis-à-vis du Trésor français ?
Oui, jusque-là. Les 14 pays qui utilisent le franc CFA ont une population de plus de 200 millions. Leurs dirigeants, leurs financiers et économistes pour la plupart, ont considéré jusque-là qu’ils sont incapables de faire quoi que ce soit sans le Trésor français qui, pourtant, ne leur apporte rien…sinon une discipline collective qui s’est avérée ruineuse sur le plan économique sur le long terme.
Par contraste, notons que les Seychelles avec 100 mille habitants ont une monnaie nationale qui évolue en régime de change flexible. Leurs taux d’intérêt directeurs sont parmi les plus faibles au monde malgré les nombreux chocs que subit le pays. De 1976 à 2022, les Seychelles n’ont eu une balance commerciale excédentaire qu’une seule fois : en 2003 ! Une expérience à méditer pour ceux qui disent que le Sénégal ne peut pas avoir de monnaie nationale tant qu’il n’aura pas de surplus commerciaux ! En 1960, les Seychelles avaient un revenu réel par habitant trois fois supérieur à celui du Sénégal. En 2022, l’écart est passé de trois à dix.
Le Franc CFA est-il compatible avec la souveraineté nationale ?
Non. La preuve est que le système franc CFA peut être utilisé par la France et ses alliés africains pour asphyxier financièrement les gouvernements dissidents, en leur privant l’accès à leurs comptes auprès de la banque centrale et au marché financier régional. En 2011, la Côte d’Ivoire, sous Laurent Gbagbo, a été victime de ces mesures illégales tout comme le Mali, sous Assimi Goïta, en 2022 et le Niger depuis juillet 2023. Ce type de sanction est impossible à mettre en œuvre dans les pays qui disposent de leur monnaie nationale.
Instrument de protection des intérêts français, le franc CFA est donc également un outil de répression contre les dirigeants qui ne se plient pas à la discipline françafricaine.
Le Franc CFA a-t-il facilité le commerce entre ses pays membres ?
La réponse est non. Entre 1995 et 2021, les échanges au sein la CEMAC sont de l’ordre de 1,5 % du commerce extérieur des pays membres malgré le partage d’une même monnaie depuis 1945. Le commerce intra-zone est plus élevé en zone UEMOA (13,6% sur la même période), du fait notamment des spécialisations économiques différentes et de la dépendance des pays enclavés vis-à-vis des pays côtiers.
Le Franc CFA est-il surévalué ?
Oui. Le franc CFA est né surévalué, c’est-à-dire sa valeur externe ne se justifie pas au regard des caractéristiques économiques des pays qui l’utilisent. Cette surévaluation est chronique. Dans le tome 3 de son histoire de l’UMOA, page 47, la BCEAO note que le franc CFA a été surévalué dans tous les pays membres selon des proportions variables entre la fin des années 1960 et 1994. Ce qui, selon son propre constat, a « fortement entamé la compétitivité de la zone dans la mesure où les coûts de production restaient élevés ».
Une monnaie surévaluée agit comme une subvention pour les importations et comme une taxe sur les exportations. Ali Zafar, ancien économiste de la Banque Mondiale, dans un récent ouvrage, montre que le franc CFA demeure encore largement surévalué. Utiliser le franc CFA, selon lui, c’est comme courir un marathon avec un frigo sur le dos.
Les déficits commerciaux chroniques des pays de l’UEMOA ont donc partie liée avec le système CFA qui pénalise leur compétitivité et les prive de financements, tout ceci au nom de la défense de la parité vis-à-vis de l’euro.
Le Franc CFA a-t-il favorisé l’attractivité économique des pays qui l’utilisent ?
Non. Jusqu’en 2018, le Ghana, dont la monnaie, le cedi, est réputée moins stable que le franc CFA, a enregistré un stock d’investissements directs étrangers (IDE) entrants supérieur à celui de tous les pays de l’UEMOA réunis. En Afrique centrale, en termes de stock d’IDE entrants, le Congo est le seul pays de la zone franc plus « attractif » que la République démocratique du Congo dont la monnaie est dollarisée.
Toutefois, les pays CFA font souvent face à des taux d’intérêt moins élevés sur les marchés financiers internationaux comparés à la plupart de leurs homologues. Cet avantage apparent pose problème : pourquoi ces pays qui se sont surendettés dans les années 1980 au point de forcer en 1994 une dévaluation – évitable si la France avait activé sa « garantie » – sont si prompts à se réendetter en monnaie étrangère ? En fait, dans le cas de l’UEMOA, tous les pays membres sauf la Côte d’Ivoire, pour certaines années, ont des balances commerciales et des balances courantes déficitaires : ils perdent des devises. Cette situation ne peut durablement coexister avec un régime de parité fixe immuable qu’à la condition de mettre le frein sur le crédit intérieur et de renforcer la dépendance financière vis-à-vis de l’extérieur (s’endetter en monnaie étrangère et attirer vaille que vaille l’investissement direct étranger).
Les deux blocs franc CFA sont-ils des « zones monétaires optimales » ?
La littérature sur les « zones monétaires optimales » s’intéresse aux conditions idéales qui font de l’unification monétaire une alternative plus avantageuse au plan microéconomique (réduction des coûts de transaction) que l’usage de monnaies nationales. Aucune étude ne montre que les deux blocs CFA répondent chacun à la définition d’une zone monétaire optimale. Comme l’expliquent les économistes Christina Laskaridis et Jan Toporowski, « la plupart des auteurs qui [ont étudié cette question] concluent que la zone franc ne peut être évaluée en termes de zone monétaire optimale [...] Les raisons de la création et de la pérennité de la zone franc s'expliquent plus adéquatement par des motifs politiques que par des motifs économiques ».
Autrement dit, l’UEMOA et la CEMAC n’ont pas de justification économique. C’est la politique (la « Françafrique) qui explique leur survivance.
Rappelons que la zone franc (en réalité « zone du franc français ») a été créée pour permettre à la France de s’ajuster dans un monde dominé par le « privilège exorbitant » du dollar américain.
Le paradoxe, et ce n’est pas l’un des moindres : bien que les pays de l’UEMOA fassent déjà partie d’une zone monétaire, ils ont jusque-là échoué à remplir collectivement les critères pour faire partie de la zone monétaire entrevue par la CEDEAO !
Le Franc CFA a-t-il permis une « stabilité monétaire » ?
Oui. C’est là l’argument majeur des partisans du franc CFA qui auraient connu une dépréciation de sa valeur externe et interne plus limitée que la plupart des pays africains. Ceci est une conséquence de l’arrimage à l’euro. L’escudo cap-verdien arrimé à l’euro a donné des résultats similaires sur ce point précis. Les pays CFA n’ont donc aucun mérite pour cela. Le Franc CFA, c’est de l’euro déguisé. C’est pourquoi il est logiquement « prisé » des pays voisins. Il est même ridicule de se vanter de cet état de fait. Selon les données de la Banque mondiale, entre 1996 et 2019, le Sénégal a eu un en moyenne annuelle un taux d’inflation (mesuré par l’indice des prix à la consommation) de 1,3%, le même que la France. À l’échelle mondiale, le Sénégal n’a été « devancé » que par le Japon, pays dans une situation de léthargie économique depuis les années 1990. La plupart des pays dynamiques comme la Chine, la Corée du Sud, la Malaisie, le Brésil, etc. ont connu des taux d’inflation supérieurs à celui du Sénégal. Qui peut croire que cette « exception sénégalaise » est due à une quelconque maîtrise économique ? Un ami économiste espagnol a l’habitude de dire que les pays CFA utilisent l’euro mais sans être invités à la table au niveau de la Banque centrale européenne.
Peter Doyle, ancien économiste du FMI, a donné l’exemple de l’Eswatini (ex-Swaziland) qui a un taux de change fixe avec la monnaie sudafricaine. Dans les années 1960, l’Eswatini avait environ le même niveau de revenu réel par habitant que le trio Niger, Burkina Faso et Mali. 50 ans plus tard, l’Eswatini, avec des taux d’inflation comparativement plus élevés, a enregistré un niveau de réel par habitant cinq fois supérieur.
Le Franc CFA a-t-il favorisé le développement économique ?
Non. La Côte d’Ivoire est le pays le plus grand par la taille économique dans la zone franc. Selon les indicateurs de la Banque mondiale, son meilleur niveau de PIB réel par habitant remonte à 1978, niveau qui n’a toujours pas été « rattrapé ». Les sept autres pays de l’UEMOA sont classés parmi les Pays les Moins Avancés (PMA), catégorie créée dans les années 1970. Le Sénégal a rejoint cette catégorie en 2000 et n’en est toujours pas sorti. En effet, c’est en 2014 que le Sénégal a retrouvé son meilleur niveau de PIB réel par habitant qui date de 1961. Quant au Niger, son PIB réel par habitant de 2022 est inférieur de 37% à son meilleur niveau qui date de 1965 ! La Guinée-Bissau, ex-colonie portugaise a obtenu son meilleur niveau de PIB réel par habitant en 1997, année de son entrée dans l’UEMOA. Depuis lors, son appauvrissement a été le prix à payer pour mettre fin à son record impressionnant d’instabilité macroéconomique et politique !
En Afrique centrale, le Gabon a actuellement un niveau de PIB réel par habitant inférieur de presque de moitié à son meilleur niveau qui date de 1976. Le Cameroun n’a pas encore « retrouvé » son meilleur niveau de PIB réel par habitant qui remonte à 1986. La Guinée équatoriale, petit pays pétrolier, qui a connu des taux de croissance économique monstrueux à la fin des années 1990 jusqu’au milieu des années 2000 a vu son revenu réel par habitant diminuer de 59 % entre 2008 et 2018, alors que le pays n’est pas en guerre ou sous sanction…mais, par contre, utilise une monnaie arrimée à l’euro : le franc CFA.
Y a-t-il des pays pétroliers qui ont fixé leur monnaie à l’euro ?
Le FMI publie chaque année la classification des régimes de change et des cadres de politique monétaire à travers le monde. On constate que les seuls pays pétroliers et gaziers au monde à avoir fixé leur monnaie uniquement à l’euro sont les pays CFA. Ce « choix » qui défie le bon sens économique et qui est contraire aux intérêts de ces pays s’explique par des raisons politiques – la France a toujours voulu avoir un contrôle sur ses ex-colonies et avoir la possibilité d’acheter leurs ressources dans sa monnaie dans un monde dominé par le dollar américain. La conséquence, notamment pour les pays pétroliers en Afrique centrale, est la création de rentes pour le secteur financier français : ces pays sont dans l’obligation de convertir en euro la moitié de leurs réserves officielles de change et de les déposer auprès du Trésor français…alors que l’essentiel de leur commerce extérieur est libellé en dollar.
L’erreur qui est souvent commise est de considérer uniquement la destination géographique des échanges extérieurs et d’ignorer la monnaie dans laquelle ils sont facturés. Dans le cas du Sénégal et de ses homologues de l’UEMOA, la zone euro n’est pas la première destination à l’exportation mais la principale source d’approvisionnement. Ce qui s’explique : l’arrimage à l’euro fonctionne comme une « préférence commerciale » pour les produits européens et empêche le taux de change de jouer son rôle d’amortisseur des chocs.
Dans tous les cas, plus de 75 % du commerce extérieur de ses pays se passe dans des devises autres que l’euro et cette tendance va s’accentuer avec l’exploitation d’hydrocarbures dans des pays comme le Sénégal et le Niger.
La parité fixe à l’euro est un legs colonial. C’est la contrepartie de l’inexistante « garantie » française, soit un moyen pour Paris de continuer à avoir son mot à dire dans les affaires économiques, monétaires et politiques de ses anciennes colonies.
Est-il possible de se développer avec le Franc CFA ?
Jusque-là, la réponse est négative. Sur le long terme, la plupart des pays CFA ont soit décliné ou stagné sur le plan économique. La surévaluation du franc CFA, la rigidité de la parité fixe, les saignées financières que subissent ces pays et l’absence de financements adéquats sont autant de handicaps à déplorer. Un exemple édifiant est le suivant : au Sénégal, le secteur primaire – agriculture, élevage, pêche - qui occupe une proportion significative de la population active ne reçoit annuellement au titre des crédits bancaires de plus d’un an que 24-25 milliards de francs CFA. Oui, 24 et 25 milliards francs CFA. À titre de comparaison, les prêts que la BCEAO accorde à son personnel (plus de 3000 personnes) ont baissé en 2022 pour atteindre un peu moins de 43 milliards de francs CFA.
Epilogue….
Bref, rester dans le franc CFA c’est souscrire une assurance sous-développement (d’autant plus qu’on ne connaît pas de pays du Sud qui se soit développé en restant dans une union monétaire non fédéraliste et de surcroît contrôlée par l’ex-puissance coloniale). En sortir n’est pas promesse de développement. Tout dépend du modèle économique, comme les deux plus grands économistes africains à avoir réfléchi sur ces questions, Samir Amin et Joseph Tchundjang Pouemi, n’ont eu de cesse de le dire en leur temps.
Le propos est déjà long. Beaucoup d’autres choses pourraient être dites, notamment sur l’impossibilité d’une politique financière cohérente dans le cadre de la zone franc et la responsabilité du système monétaire et financier vis-à-vis du lancinant problème du chômage. Au fond, qu’est-ce que le chômage ? Si l’on part de l’idée qu’il décrit la situation de personnes désireuses de louer leurs services de travail en échange de la monnaie émise par l’État, on comprend dès lors que quand la masse monétaire est artificiellement restreinte pour défendre une parité fixe…on crée nécessairement du chômage. Comme l’écrit l’économiste américain Randall Wray :
"Il existe de solides arguments éthiques contre l'utilisation de la pauvreté et du chômage comme principaux outils politiques pour atteindre la stabilité des prix et des taux de change - d'autant plus que les coûts de la pauvreté et du chômage ne sont pas répartis de manière égale au sein de la population. Et même si la stabilité des prix et de la monnaie est désirable, il est douteux que l'on puisse le défendre comme un droit humain au même titre que le droit au travail."
Comme on le dit souvent, on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. De la même manière, on ne peut libérer un esclave satisfait de sa servitude sucrée.
par Nioxor Tine
DE LA PREMIÈRE ALTERNANCE À LA FIN DU SYSTÈME
Le tollé suscité par le report de la présidentielle traduit l'exaspération de la population face aux dérives antidémocratiques du pouvoir. Derrière les manœuvres électorales, c'est la fin annoncée d'un régime oppressif qui se joue
Habituellement, l’élection présidentielle sénégalaise se tient le dernier dimanche du mois de février de la dernière année du mandat en cours. Cette année, elle va finalement se tenir avec quatre semaines de retard, après moult rebondissements liés à la volonté farouche du président sortant de différer la tenue du scrutin. Cela traduit-il une peur panique face au crépuscule du système d’oppression néocolonial déjà malmené dans les pays frères voisins ?
Si cette volonté de report injustifié a suscité un immense tollé au niveau international, elle a buté sur une désapprobation massive dans notre pays, même si elle n’a finalement été considérée que comme la goutte d’eau qui a fait déborder le vase des violations itératives des normes et principes démocratiques.
Pourtant, les Assises nationales de 2008-2009, dans un remarquable exercice de prospective politique aux conclusions desquelles, le président Macky Sall avait fini par – ou fait semblant de – souscrire, avaient indiqué, entre autres pistes de solution, la refondation institutionnelle, l’émergence citoyenne et l’obtention / parachèvement de nos souverainetés politique, économique et monétaire.
Paradoxalement, depuis le début de la deuxième alternance, une lourde chape de plomb s’est abattue sur notre pays instaurant un autoritarisme pesant sur la vie publique en général et la scène politique, en particulier, tentant de faire tourner la roue de l’Histoire à l’envers et de nous ramener à l’ère de la glaciation senghorienne (voire à celle de la sujétion coloniale).
On en est ainsi arrivé à un stade où des mesures antidémocratiques extrêmes ont eu droit de cité. Il s’agit, notamment de l’interdiction pour les partis politiques de l’opposition d’accéder à leurs sièges pour y tenir leurs réunions ordinaires, de la dissuasion de manifestations par des rafles systématiques de passants dans la rue, d’arrestations arbitraires de supposés militants de l’opposition dans leurs domiciles, de la dissolution du Pastef, 60 ans après celle du PAI….
Si cette stratégie d’asservissement du citoyen a pu prospérer, c’est parce que le régime du Benno-APR a procédé à une instrumentalisation des institutions et à une criminalisation de l’activité politique, avec comme point culminant, la cabale contre le leader du Pastef identifié comme un des principaux obstacles à la perpétuation du système néocolonial. Des lois ont été perverties, de telle manière que les infractions relatives au terrorisme ont été rendues vagues et floues, pour en élargir l’acception, notamment l’article 279-1, assimilant à des actes terroristes, les violences ou voies de fait commises contre les personnes et des destructions ou dégradations commises lors des rassemblements. Il y a aussi eu les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication. Cette législation liberticide sera corsée, au lendemain des émeutes ayant trait à l’affaire Ousmane Sonko – Adji Sarr. Au vu de ces rappels, on appréhende mieux cette obsession du pouvoir apériste à susciter et à entretenir une atmosphère de tension avec une interdiction systématique des manifestations doublée d’un déploiement massif et irréfléchi des forces de l’ordre suivi d’usage abusif de la force. C’est par ces prétextes et provocations, qu’on a embastillé, sans aucune enquête digne de ce nom, des milliers de jeunes gens présumés innocents, sans désigner un quelconque coupable pour tous ces crimes apparentés à des actes terroristes.
Force est de reconnaître, que face à cette réduction sans précédent des espaces civiques, les capacités de revendication, de protestation et d’indignation ont également diminué, avec une propension de larges secteurs de la société civile et de la presse à jouer à l’équilibrisme, se tenant à équidistance entre le bourreau et la victime. C’est donc dans une indifférence quasi-générale, que le régime du Benno-APR a reconduit, comme en 2019, le système inique du parrainage citoyen ainsi que l’éviction judiciaire de concurrents politiques et dénaturé notre processus électoral.
Adossé aux appareils sécuritaire et judiciaire et brandissant l’épouvantail d’un prétendu terrorisme salafiste, le président Macky Sall et les pontes du Benno-APR ont cru pouvoir prendre des raccourcis et s’exonérer de leurs tâches politiques dans un pays aux solides traditions démocratiques.
C’est ce qui explique cette monumentale bévue politique consistant à vouloir prolonger indûment un mandat arrivé à terme, sanctionnée par deux désaveux cinglants du juge électoral suprême qu’est le conseil constitutionnel. On assiste, depuis lors, à un repli désordonné de la coaltion Benno-APR, dont le patron s’est mué en « chantre de la réconciliation nationale », initiateur d’une « généreuse amnistie » votée le 6 mars 2024, avec une célérité, qui interroge sur l’unilatéralité du mode de prise de décision au plus haut sommet de l’Etat, qu’une certaine gauche fait semblant de ne découvrir que maintenant.
En réalité, le président actuel, écarté bien malgré lui, des prochaines joutes électorales par la limitation des mandats et échaudé par les exemples mauritanien et angolais, est en train d’assurer ses arrières. Mais il feint d’ignorer, qu’en garantissant l’impunité à ses collaborateurs zélés, surtout ceux coupables de graves et multiples violations des droits humains, il commet un affront à l’endroit des familles des victimes.
Électoralement et sociologiquement minoritaire, le Benno-APR, son candidat milliardaire et leurs affidés libéraux, socio-démocrates et ex-communistes ne sont plus en mesure de s’opposer à la profonde aspiration populaire au changement et à l’alternative politique tant attendue.
Par Oumar SAKHO
LES POPULATIONS DU DEPARTEMENT DE BAKEL MERITENT D’ACCUEILLIR LA «COALITION DIOMAYE PRÉSIDENT»
Rien n’est trop tard, rien n’est gravé dans le marbre, Monsieur le Président, Ousmane SONKO, il est encore temps de faire un tour dans le département de Bakel et vous ne serez absolument pas déçu, comme lors de votre dernier passage à Bakel juillet 2022
Nous remercions Allah SWT, Le Tout Puissant, Celui dont les Pouvoirs sont au-dessus de tout, de vous avoir fait libéré, ainsi que notre futur et magnifique Président, M. Bassirou Diomaye Diakhar FAYE. Le Peuple sénégalais vous sera toujours reconnaissant, vous êtes une chance et pour le Sénégal et pour l’Afrique tout entière qui aspire à se libérer des chaines du sous-développement et du néo-colonialisme.
Monsieur le Président, nous avons appris, avec une surprise bien amère, que la Grande Caravane de notre Coalition DIOMAYE PRÉSIDENT, contournera les villes et villages soninkés du département de Bakel, de Kidira, de Goudiry et de Kédougou, bref, entièrement la partie Est du pays. En effet, par une vidéo dans laquelle nous apercevons notre camarade Moustapha Mamba GUIRASSY, qui donne les dates et lieux de ladite Caravane, il s’avère qu’une fois à Ourossogui, vous allez bifurquer sur votre gauche, en suivant un itinéraire qui passera par Matam, Podor, Dagana, Saint-Louis, vers le Ferlo, etc., en laissant de côté des dizaines et des dizaines de milliers de militants, de sympathisants du PASTEF. Car de Kanel à Bakel, Kidira, Goudiry, Kédougou, etc., Monsieur le Président, la non considération de l’élite politique sénégalaise reste inexpliquée, au point que beaucoup disent que cette partie du pays que vous avez évitée de sillonner en 2019 lors de la présidentielle de cette même année, est délaissée, elle ne semble pas être considérée comme une partie à part entière du Sénégal, et c’est extrêmement humiliant pour ces populations, mais également pour nous, Patriotes, du pays et de la Diaspora ; car la Diaspora du Département de Bakel a entamé depuis deux ans, un travail acharné sur le terrain, en finançant les différentes sections et cellules du Pastef, en organisant le parti dans les différentes localités du département, en menant une campagne de réinformation intensive et objective auprès des populations, à tel point qu’aujourd’hui, le régime agonisant de Macky Sall désespère de gagner dans ces territoires qui étaient pourtant réputés être son « pré-carré ». Malheureusement, en snobant ces localités, Monsieur le Président, vous donnez raison à ce que beaucoup parmi nous pensons : nous ne sommes absolument pas considérés au Sénégal, et le Pastef, une fois au pouvoir, ne dérogera probablement guère à cette règle.
L’argument selon lequel le temps est court pour tout faire, certes nous l’entendons, mais il n’est pas suffisant et pertinent pour justifier la mise de côté de toute la partie Est du pays, vous délaissez ces territoires soninkés comme ces anciens dirigeants du Sénégal, ce n’est pas un message positif que vous envoyez à ces populations et cela conforte beaucoup dans le sentiment d’être abandonnés par vous aussi.
Rien n’est trop tard, rien n’est gravé dans le marbre, Monsieur le Président, Ousmane SONKO, il est encore temps de faire un tour dans le département de Bakel et vous ne serez absolument pas déçu, comme lors de votre dernier passage à Bakel, ce jeudi 21 juillet 2022, vous avez été reçus et ovationnés par des milliers de personnes, chose qu’on n’a jamais vue dans l’accueil d’une personnalité politique dans cette localité.
Nous vous attendons, Monsieur le Président, avec la Grande Caravane de notre Coalition DIOMAYE PRÉSIDENTE, dans le Département de Bakel, avec une immense ferveur.
par Madiambal Diagne
LE GROS COUP PERDANT DE MACKY SALL
Les Sénégalais sont médusés de découvrir un Ousmane Sonko qui, après sa sortie de prison, affiche un nouvel ami, en la personne du président. Je refuse de croire qu’il puisse être sincère
Le premier tour de l’élection présidentielle devait se tenir le 25 février 2024 mais, en fin de compte, il se tiendra le 24 mars 2024. Le Sénégal est passé, depuis le 3 février 2024, à des situations les plus périlleuses et l’incertitude subsiste. La classe politique continue à jouer avec le feu, et à nous faire peur.
C’est fou ! Ont-ils entrepris tout ça, pour se retrouver à l’arrivée avec Ousmane Sonko, Bassirou Diomaye Faye et leurs centaines de casseurs en liberté et même amnistiés, et le Pastef dissous ressuscité ? Ont-ils entrepris tout ça pour se retrouver avec Amadou Ba toujours candidat de Benno bokk yaakaar (Bby) et qui rallie les foules excitées de militants et de sympathisants ? Ont-ils entrepris tout ça pour se retrouver avec Karim Meïssa Wade et Ousmane Sonko, toujours hors de course pour la Présidentielle, parce qu’ils n’ont pas réussi à faire rebattre les cartes de la sélection des candidatures par le Conseil constitutionnel ? Ont-ils entrepris tout ça pour se retrouver avec la perspective que le président Macky Sall aura à quitter le pouvoir au terme fatidique de son mandat, à savoir le 2 avril 2024, et que le Conseil constitutionnel en arrive à devoir le lui rappeler ? Ont-ils entrepris tout ça pour se retrouver avec l’image on ne peut plus chahutée d’un président Sall alors qu’il n’y a guère, sa cote de popularité était au pinacle ? Le supplice de Macky Sall aura été de bien mesurer que nombre de ses «obligés» ne pouvaient plus le suivre dans la logique d’une hostilité absurde à l’encontre de son propre candidat Amadou Ba et qu’il s’est senti presque forcé de lui renouveler son soutien. Assurément, il lui devenait impossible de se mettre à la face du monde pour appeler à voter pour un autre candidat ! Au corps défendant de ses collaborateurs et camarades de parti, qu’il a pu percevoir comme des traîtres à sa personne, il ne leur a jamais clairement confié ses intentions de bouder la candidature de Amadou Ba, qu’il leur avait préalablement vendue publiquement avec force arguments. Peut-être qu’il appartenait aux autres de deviner ce que Macky Sall avait à l’esprit ! Ainsi, lui sera-t-il difficile de jubiler au soir d’une victoire de Amadou Ba s’il manque de s’afficher à ses côtés durant la campagne.
Une victoire de l’opposition serait également sa propre défaite. On semble vivre les mêmes situations qu’en France où l’histoire de la Vème République révèle parfois un manque d’enthousiasme débordant du président sortant en faveur de son poulain. François Mitterrand avait choisi du bout des lèvres Lionel Jospin contre Jacques Chirac en 1995, ou quand le même Jacques Chirac faisait le service minimum pour Nicolas Sarkozy en 2007 contre Ségolène Royal. Au Kenya, en 2022, Uhuru Kenyatta avait joué contre son propre camp, en choisissant de soutenir son opposant Raïla Odinga, au détriment de son propre vice-président William Ruto.
Chaque fleur de Ousmane Sonko pour Macky Sall est une insulte à la morale !
Les Sénégalais sont médusés de découvrir un Ousmane Sonko qui, après sa sortie de prison, affiche un nouvel ami, en la personne de Macky Sall. Désormais, il lui épargne ses féroces injures, ses diatribes et ses quolibets assassins, qui sont désormais exclusivement destinés au vilain Amadou Ba. Le leader de Pastef réhabilité, pousse l’indécence jusqu’à dire à ses troupes : «Il ne faut pas céder à l’émotion et il ne faudrait pas se tromper de combat, le Sénégal a encore besoin de la sagesse de Macky Sall, et Amadou Ba est de loin pire que Macky Sall.»
Je devine la gêne de Macky Sall à entendre ces propos ! En effet, je relate, dans mon livre paru en novembre 2023, Amadou Ba, la dernière marche, comment Macky Sall et son régime avaient fait payer à Amadou Ba d’avoir cherché à sauver la tête ou à protéger l’ancien jeune inspecteur des Impôts et domaines dont les activités syndicales et politiques donnaient du fil à retordre aux autorités de l’Etat. Tous les déboires de Amadou Ba aux côtés de Macky Sall tenaient à des accusations d’une supposée collusion avec Ousmane Sonko.
La famille de Ousmane Sonko devrait elle aussi vivre un certain malaise, notamment sa maman, Khady Ngom, qui n’a de cesse de témoigner de la reconnaissance à l’endroit de Amadou Ba pour diverses civilités ; ou son épouse Anna Diamanka dont la main a été demandée pour Ousmane Sonko, par Amadou Ba en personne. C’est sans doute qu’il fait dans de l’ironie cynique lorsque Ousmane Sonko tisse des lauriers pour Macky Sall. Je refuse de croire qu’il puisse être sincère ! Et comme aucune charge ne serait trop lourde pour la pauvre mule Amadou Ba, ce dernier qu’il a pourtant assez ménagé et même épargné depuis son entrée en politique, Ousmane Sonko le charge subitement et à volonté. A l’étape de Ziguinchor, il déclare sans sourciller : «Amadou Ba a tout fait pour que Diomaye et moi restions en prison. Amadou Ba a organisé toutes les attaques dont j’ai fait l’objet ces dernières années.»
La grande humiliation pour les victimes et toutes les personnes qui défendaient Macky Sall et/ou l’Etat du Sénégal contre Ousmane Sonko
Chercher à apaiser le Sénégal grâce à la libération des casseurs du parti Pastef et de leurs leaders est sans doute un calcul erroné. On ne le dira jamais assez, le Sénégal a été paisible durant tous les mois d’emprisonnement de Ousmane Sonko et de ses sbires. S’il y a eu une brève recrudescence d’actes de violences, le 9 février 2024, c’était justement parce que l’élection présidentielle, initialement prévue pour le 25 février 2024, avait été reportée, sans aucune raison qui a pu convaincre grand monde. Autrement dit, l’agression barbare, le 29 février 2024, contre la journaliste Maïmouna Ndour Faye, que tout le monde savait menacée par les troupes du parti Pastef, constitue indubitablement une conséquence dramatique de cette vague de libérations de groupes de fauteurs de troubles.
Qui a pensé aux victimes en amnistiant les terroristes ? On annonce recenser ces victimes pour des dédommagements payés par l’Etat. Dites-moi quelle est la responsabilité de l’Etat de voir des citoyens saccager les biens d’autres citoyens, les tuer, les blesser, les insulter et traîner leur réputation dans la boue. Avant que ses services ne finissent d’ailleurs de nous recenser, nous, les innombrables victimes, Macky Sall aura fini de quitter le pouvoir… Qui nous fixera un barème pour réparer nos peines, nos douleurs morales ? Les magistrats, policiers et gendarmes, qui ont rempli leur devoir de protection de l’Etat, se sentent humiliés. La situation sera encore plus regrettable si ces hordes de démolisseurs reprennent du service avec de sinistres actes contre les personnes, les biens privés et publics, mais surtout contre les institutions. A chaque fois qu’ils nous casseront la gueule, nous nous souviendrons que c’est Macky Sall qui nous aura laissés avec cette gangrène et qui se la coule douce dans son exil au Maroc. Que nous nous le tenions pour dit, Ousmane Sonko a déjà préparé ses gens à contester violemment les résultats d’une élection que Bassirou Diomaye Faye ne gagnerait pas !
Cette libération devrait-elle constituer un obstacle de plus sur la route de la campagne de Amadou Ba ? Tout porte à le croire, mais on peut leur trouver une certaine vertu. Si d’aventure les électeurs choisissaient Bassirou Diomaye Faye, ils le feraient en pleine connaissance de cause. Nul ne pourra invoquer avoir voté à l’aveuglette et ne rien savoir du candidat, de ses idées, de ses lacunes et carences, comme excuse ou circonstance atténuante. En effet, l’implication dans la campagne des principales têtes de file de la campagne «Diomaye Président» a permis de mieux mesurer l’impréparation et la vacuité du discours de ces personnes qui aspirent aux plus hautes fonctions. A chaque fois que leur poulain ouvre la bouche, bien des électeurs réalisent l’hérésie de songer à confier le destin du pays à un tel personnage. «Il aurait été peut-être mieux qu’il ne prenne plus la parole», regrette un membre du directoire de campagne. Finalement, les spin-doctors vont essayer de faire parler leur candidat le moins possible, pour lui éviter de proférer des énormités.
Gaffer est aussi le côté pittoresque d’une campagne électorale. Pas un mot de compassion pour les victimes décédées, mais Ousmane Sonko, narcissique et égocentrique à souhait, pousse l’indécence jusqu’à parler de son grand confort en prison avec une «suite» (présidentielle ?) qui a pu abriter des nuits de noces avec une nouvelle épouse, troisième du rang. Il ne nous apprend rien car tout Dakar avait pu voir à partir des appels vidéo du lugubre entremetteur malien, Ousmane Yara, la couleur rouge des fauteuils de la «Suite» pénitentiaire de Ousmane Sonko à la prison du Cap Manuel. Le pauvre Bassirou Diomaye Faye restait cloitré dans un 9 mètres carrés (Ousmane Sonko dixit) jusqu’à appeler au secours Amadou, le fils de Macky Sall ! C’est lui-même qui le dit. Le temps des confessions.
Ousmane Sonko, pour sa part, a révélé avoir discuté et demandé au président Macky Sall de rester au pouvoir. Il avoue donc faire partie du groupe de conjurés du report de l’élection présidentielle. Il acte ainsi publiquement son protocole du Cap Manuel, lui qui se gaussait des protocoles de Rebeuss ou de Doha, pour tourner en dérision ses rivaux Idrissa Seck, Khalifa Ababacar Sall et Karim Wade. Comme pour remuer le couteau dans la plaie, Ousmane Sonko et sa bande se considèrent comme des victimes et certains demandent à l’Etat des réparations. Ousmane Sonko avait attrait le Sénégal devant la Cour de justice de la Cedeao pour demander réparation de préjudices à lui causés, pour la rondelette somme de 1500 milliards de francs, à savoir 25% du budget annuel du pays.
Un beau bilan abîmé
«Quand on rate sa sortie, c’est aussi triste que de ne pas réussir sa mission» (Carlos Ghosn). On reprochera toujours à Macky Sall d’avoir cherché à torpiller le processus électoral, pour avoir demandé à sa majorité parlementaire et à son parti d’endosser toutes les initiatives de Karim Wade tendant à empêcher la tenue de l’élection présidentielle. Si cette élection aura pu se tenir, c’est parce qu’ils n’y ont pas réussi, freinés par des institutions fortes de l’Etat du Sénégal. Nous pouvons nous féliciter de ce qu’au Sénégal, un chef d’Etat, tout puissant qu’il puisse être, ne peut confisquer le processus démocratique. On l’avait observé avec Abdoulaye Wade en 2012, et une nouvelle fois avec Macky Sall en 2024. Seulement, on ne peut ne pas être en rage de constater que le président Macky Sall, qui avait réussi à se tailler la plus belle des images en Afrique et dans le monde, arrive à devoir raser les murs, simplement parce qu’il a tenté le mauvais coup de trop. Cela est d’autant plus regrettable que des amis ont eu à chercher à l’arrêter, pour ne pas dire à le sauver de lui-même et d’un entourage nocif. Quand on voit la qualité des personnels politiques qui ont voulu entonner avec lui la chanson du report de l’élection présidentielle, on réalise bien le grand niveau de fourvoiement. D’aucuns comme moi, pourront se consoler, considérant qu’il n’avait plus tous ses esprits. C’est sans doute une explication commode. Qu’à cela ne tienne !
UN SENEGAL PROSPERE BATI DANS L’EQUITE ET LA DIGNITE HUMAINE
A travers le programme «Nite ak Naataange» (humanisme et prospérité), Aliou Mamadou Dia veut bâtir à l’horizon 2034, «un Sénégal prospère mais dans l’équité, la transparence, la droiture, l’unité et le respect de la dignité humaine».
A travers le programme «Nite ak Naataange» (humanisme et prospérité), Aliou Mamadou Dia veut bâtir à l’horizon 2034, «un Sénégal prospère mais dans l’équité, la transparence, la droiture, l’unité et le respect de la dignité humaine».
La formulation de cette vision est faite selon une approche inclusive à travers des concertations avec les différentes couches de la société sénégalaise et des analyses prospectives. La mise en œuvre de cette vision se fera à travers 4 piliers transformateurs que sont le développement du capital humain, l’économie compétitive, durable et inclusive, la gouvernance, paix et équilibre des institutions et l’inclusion et protection sociale.
Le candidat du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur) compte mettre sur pied, entre autres, «une offre de services de soins de santé de qualité, un leadership féminin et une autonomisation des femmes».
Les daaras seront professionnalisés avec la création d’un Haut conseil des sages (Hcs), la promotion d’un enseignement supérieur et d’une recherche scientifique de qualité. Dans le secteur de la santé, tous les hôpitaux seront dotés de Services d’accueil des urgences (Sau) «aux normes» et les centres de santé vont avoir des unités d’accueil des urgences (Uau).
Conformément aux directives de l’Uemoa, plus connues sous l’appellation «Engagements d’Abuja», Aliou Mamadou Dia annonce qu’il y aura le renforcement du financement de la santé en consacrant 15% du budget national à ce secteur.
Dans le secteur de la culture, outre la création des espaces culturels numériques endogènes, il sera mis en place un agenda culturel national pour valoriser la diversité culturelle. Il compte créer un musée d’exposition permanente des œuvres des artistes nationaux et internationaux et une école nationale de cinématographie et art numérique.
Par Alain Claude MONTEIRO
FAIRE DU SPORT, UN ENJEU ELECTORAL PRIMORDIAL
Le mouvement sportif sénégalais, c’est des centaines de milliers d’hommes et de femmes enthousiastes et vertueux, profondément ancrés dans les valeurs de solidarité et de fairplay, et fortement engagés dans le service public du sport
Le Sport joue un rôle prépondérant dans la société par sa dimension éducative, sa contribution à la santé et au bien-être des individus. Du statut de simple activité de maintien et d’entretien physique, le sport est devenu une activité économique qui génère beaucoup de revenus pour l’athlète, pour l’entraîneur, pour le club, pour le pays.
Le mouvement sportif sénégalais, c’est des centaines de milliers d’hommes et de femmes enthousiastes et vertueux, profondément ancrés dans les valeurs de solidarité et de fairplay, et fortement engagés dans le service public du sport.
Ces citoyens sénégalais de toutes les catégories sociales méritent à bien des égards que les candidats à la magistrature suprême leur accordent une attention particulière et prennent en compte leurs aspirations pour un développement du Sport au Sénégal.
Promouvoir l’animation sportive et favoriser le développement d’un sport pour tous.
Renforcer le sport associatif comme vecteur d’éducation et de cohésion sociale.
Améliorer la performance de nos sportifs de haut niveau.
Définir et appliquer une politique sportive ambitieuse qui intègre l’offre sportive dans l’aménagement du territoire et dans tous les programmes de développement à caractère social, éducatif, économique, et sanitaire.
A partir de 10 constats intangibles, les sportifs du Sénégal voudraient recommander aux candidats à la Présidence de la République la prise en compte de propositions et suggestions en vue d’y apporter des solutions.
1er Constat : La volonté politique dans l’approche globale de la pratique des activités sportives scolaires et extrascolaires est faiblement déclinée et le cadre juridique qui régule cette pratique ne répond plus aux exigences du sport moderne.
Fort de ce constat, le mouvement sportif sénégalais souhaiterait un engagement ferme du candidat sur les propositions suivantes :
Favoriser le développement de l’éducation physique et sportive dans le milieu scolaire et aménager des passerelles avec le mouvement sportif.
Définir un nouveau cadre réglementaire de la pratique sportive en adoptant un nouveau Code du Sport au Sénégal
2e Constat : La promotion de la pratique sportive multidisciplinaire sur toute l’étendue du territoire national se heurte à une insuffisance notoire d’infrastructures d’accueil et à un défaut de politique sportive locale, comme le démontre l’absence d’actions en faveur du développement du sport dans les plans régionaux et départementaux.
Fort de ce constat, le mouvement sportif sénégalais souhaiterait un engagement ferme du candidat sur les propositions suivantes :
Faire de la promotion des bienfaits de la pratique sportive sur la santé et le bien être des sénégalais une priorité de santé publique, et mettre en œuvre des programmes locaux de développement sportif à la base.
Aménager des infrastructures sportives multisports de qualité dans tous les départements et les communautés
3e Constat : Le rôle d’acteurs fondamentaux des Fédérations sportives, des associations et des clubs dans l’exercice d’une mission de service public du sport ne se manifeste pas à sa juste valeur au regard du sentiment d’abandon ressenti, et matérialisé par une carence de moyens de fonctionnement.
Fort de ce constat, le mouvement sportif sénégalais souhaiterait un engagement sur les propositions suivantes :
Affirmer la reconnaissance de l’utilité sociale des Fédérations sportives, des Associations, des clubs et garantir leur fonctionnement optimal par l’allocation de subventions annuelles conséquentes.
Favoriser l’émergence d’une pratique et d’un encadrement professionnel, à travers la formation, afin de développer dans les associations les pratiques sportives modernes d’animation et de haut niveau.
4e Constat : La politique du sport de haut niveau et sa gestion doivent être repensées, avec comme objectif central la performance.
Fort de ce constat le mouvement sportif sénégalais souhaiterait un engagement sur les propositions suivantes
Définir le statut du Sportif de Haut Niveau (athlète, entraineur, officiel), lui assurer toutes les conditions de performance et de réinsertion professionnelle.
Mettre en place un nouveau dispositif qui allierait la coordination, la cohérence l’accompagnement et l’expertise, piloté par le mouvement sportif avec la création d’une structure au sein du CNOSS en charge de coordonner, de suivre et d’évaluer les programmes élaborés par les fédérations sportives.
5e Constat : La répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales dans le domaine du sport n’est pas clairement définie, ce qui ne facilite pas la structuration et le développement de la pratique sportive dans les collectivités locales.
Fort de ce constat, le mouvement sportif sénégalais souhaiterait un engagement sur les propositions suivantes :
Clarifier ces compétences et assurer la présence du mouvement sportif au sein des instances locales de concertation.
Traduire en actes matériels les compétences transférées dans le domaine du sport par des engagements financiers conséquents.
6e Constat : Il n’existe pas au Sénégal de « pôle d’excellence sportive » qui regroupe le siège du CNOSS, les sièges des fédérations, un centre de documentation, un musée, un centre médico-sportif avec laboratoires de recherche et de contrôle antidopage.
Fort de ce constat, le mouvement sportif sénégalais souhaiterait un engagement sur la proposition suivante :
Inscrire dans un programme d’investissements à court terme ce projet structurant et veiller à sa concrétisation.
7e Constat : L’accueil au Sénégal d’événements majeurs comme les Jeux Africains, les Jeux de la Francophonie, la CAN de Football, Championnat d’Afrique de divers n’est pas envisageable faute de logistique adéquatée. La présence de sénégalais à de hautes fonctions dans les instances sportives internationales se réduit progressivement.
Fort de ce constat, le mouvement sportif sénégalais souhaiterait un engagement sur les propositions suivantes :
Soutenir les projets d’équipements sportifs performants qui contribueraient à accueillir des événements sportifs internationaux majeurs ;
Favoriser la présence des dirigeants sénégalais dans les hautes instances à travers une diplomatie active.
8e Constat: Les actes prohibés tels que la violence, le dopage, la tricherie, la corruption, mettent en péril les valeurs du sport et portent atteinte à sa notoriété.
Fort de ce constat, le mouvement sportif sénégalais souhaiterait un engagement sur la proposition suivante :
Instaurer un délit d’atteinte à l’éthique du sport, permettant de sanctionner les actes illicites tels que dopage, tricherie, corruption, violence ou autres déviances mettant en péril les valeurs du sport.
9e Constat : Le mouvement sportif sénégalais aspire à davantage d’autonomie et de responsabilités pour assurer sa mission de service public et atteindre les objectifs de développement du sport.
Fort de ce constat le mouvement sportif sénégalais souhaiterait un engagement sur la proposition suivante :
Renforcer les prérogatives et les moyens d’actions du Mouvement Sportif National en instaurant un partenariat avantageux avec l’Etat, la Coopération Internationale, et le secteur privé.
10e Constat: La promotion de la pratique sportive généralisée et l’organisation de compétitions nécessitent des moyens financiers importants. Le contexte actuel entraîne une inquiétude sur les investissements et dépenses publiques liées au sport.
Fort de ce constat, le mouvement sportif sénégalais souhaiterait un engagement sur les propositions suivantes :
Redéfinir et consolider le financement du sport, en cohérence avec le nouveau partenariat évoqué au point précédent.
Relever à 2 % le pourcentage réservé au sport dans le budget national de l’Etat ; Favoriser et appuyer la création d’une Fondation pour le Financement du Sport
Le sport brise les barrières sociales, rétablit les déséquilibres et redonne de l’espoir là où il n’y avait que du désespoir. Et pour reprendre une maxime célèbre, « les peuples sans sport sont des peuples tristes ».
Alors faites du Sénégal, une nation heureuse !
Par Félix NZALE
MAME BOYE DIAO ET LES FEMMES
En quoi les programmes de nos différents candidats diffèrent-ils fondamentalement ? A y voir de près, ils sont quasiment les mêmes : les mêmes engagements, les mêmes propositions. Avec ici quelques réaménagements sémantiques, là quelques reformulations...
En quoi les programmes de nos différents candidats diffèrent-ils fondamentalement ? A y voir de près, ils sont quasiment les mêmes : les mêmes engagements, les mêmes propositions. Avec ici quelques réaménagements sémantiques, là quelques reformulations des termes.
Il y a comme une sorte de consensus programmatique des candidats, à charge pour chacun de présenter son offre à sa manière. L’essentiel étant que le contenu et la substance soient identiques. Rien d’original ou de vraiment révolutionnaire. A la décharge des postulants à la magistrature suprême, on pourrait mettre en avant le fait que le Sénégal s’est empêtré depuis belle lurette dans les mêmes problèmes d’ordre institutionnel, éducationnel, sanitaire, économique…
Dans cette grande forêt noire des programmes, il y a quand même une proposition que nous estimons être pertinente concernant la place des femmes dans le tissu socioéconomique. En effet, là où presque tous les candidats nous disent qu’ils réserveraient un «traitement spécial» au genre féminin avec des «programmes spéciaux» à elles dédiés, Mame Boye Diao (de la coalition «Diao Président») nage à contre-courant.
M. Diao estime que mettre en place des «programmes spéciaux» pour les femmes relève d’une discrimination infériorisante. Ce qu’il s’engage à faire s’il est élu président de la République, c’est de créer les conditions idoines pour une libre compétition à armes égales. Les femmes étant aussi compétentes (voire plus) que les hommes, elles n’ont pas besoin d’être particularisées. Par conséquent, le premier chantier sera surtout de décomplexer tout le monde, de faire descendre ceux qui y sont de leur parapet et d’amener le collectif homme femme à s’inscrire dans une logique de saine et productive rivalité.
Réformer donc le cadre social et institutionnel pour le rendre plus juste. Y compris pour ceux vivant avec un handicap. Le président de la coalition «Diao2024» met cette catégorie sur le pied d’égalité avec tout le monde. A son avis, ce n’est pas parce qu’ils vivent avec un handicap qu’ils devraient être regardés d’un œil particulier. Ce sont des Sénégalais à part entière et qui, comme tel, sont absolument utiles à leur société et à son développement pourvu que les conditions leur permettant d’exprimer leur savoir, leur savoir-faire et leurs talents soient garanties. Au même titre que les «autres». Pour Mame Boye Diao, c’est une question de dignité.
Nous souscrivons entièrement à cette idée. Parce que les personnes vivant avec un handicap ont toujours tendance à être vues comme des fardeaux sociaux, bonnes pour ne recevoir que la pitance ; alors qu’elles sont tout aussi aptes à apporter leur pierre à l’ouvrage commun. Les frapper d’ostracisme les rend encore plus handicapées… moralement et psychologiquement. Or, «le Sénégal qui vient» doit être un Sénégal qui prend en compte les compétences et la dignité de tous ses fils et de toutes ses filles.
Félix NZALE
Par Mady Marie Bouare
DE LA JURIDICTIONNALITE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET DES ELECTIONS POLITIQUES NATIONALES
Au Sénégal, s’élabore doctrinalement au gré d’une jurisprudence divergente et d’une immixtion d’ordre politique, une question d’importance capitale sur la ‘juridictionnalité’ du Conseil Constitutionnel.
Au Sénégal, s’élabore doctrinalement au gré d’une jurisprudence divergente et d’une immixtion d’ordre politique, une question d’importance capitale sur la ‘juridictionnalité’ du Conseil Constitutionnel. Il appert de nos enseignements qu’aujourd’hui, il est clairement admis une qualification de juridiction constitutionnelle même si l’exception d’inconstitutionnalité, voire la question prioritaire de constitutionnalité ne lui donne une certaine rigidité
Cette conflictualité n’obère point aussi une interrogation sur la nature politique de ce Conseil. Elle s’affirme et se projette dans son fondement, sur la désignation des membres de ce Conseil qui conduirait à une politisation de sa composition. Elle s’arrime aussi à l’idée selon laquelle le Conseil dans sa fonction essentielle du ‘’Conseil’’ relèverait d’une fonction plus politique que juridictionnelle.
I - DE LA NATURE JURIDICTIONNELLE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Il est clairement relevé au regard d’un constat doctrinal majoritaire que toute analyse dans ce sens impliquerait de considérer aussi bien l’élément matériel que l’élément formel dans la caractérisation, la composition ou la formation relative à la détermination ou de l’acceptation de la ‘juridictionnalité’ du Conseil Constitutionnel.
Au regard de cet élément matériel, nous considérons classiquement que toute juridiction est habilitée à dire le droit. Conséquemment, il en est ainsi en ce qui concerne le « Conseil Constitutionnel », nonobstant le fait qu’il puisse avoir d’autres attributions. Il en appert de se prononcer sur la constitutionnalité des textes qui lui seraient soumis et ce d’en interpréter la Constitution pour en relever en définitive leur conformité constitutionnelle. Prosaïquement, nous convenons que le Conseil Constitutionnel n’a pas vocation à régler les différents contentieux entre les parties, sauf, telle est notre opinion en matière électorale, ce qui demeure le propre des juridictions ordinaires.
Au regard de l’élément formel, la caractéristique d’une juridiction demeure ‘’l’autorité de la chose jugée qui s’attache à ses décisions ». Il s’agit du fait que ce qui a été jugé, sous réserve des voies de recours, ne peut plus être remis en question et s’impose donc naturellement et de façon définitive à toutes les parties concernées.
C’est dans ce sens qu’il faut relever que traditionnellement admise, que les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours, s’imposant ainsi aussi bien aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Néanmoins relevons aux dires et constats que le Conseil Constitutionnel peut aussi donner des avis non revêtus de l’autorité de la chose jugée. En définitive et aux dires et interprétations de la Cour Européenne des droits de l’homme en date du 21/10/1987, la consécration et qualification expresse de la ‘juridictionnalité’ constitutionnelle.
II- APPROCHE CONFLICTUELLE DE LA « DECISION – AVIS » DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Au Sénégal, le prononcé N° 1/ C/ 2006 du 12 Février 2016 du Conseil Constitutionnel pose un questionnement sur sa nature juridique. Il s’agit d’un document portant une dénomination de décision à l’entête du Conseil Constitutionnel et dont le demandeur est le Président de la République et visant la matière consultative. Par ailleurs, quant au dispositif de cette décision, il est indiqué : « Par ces motifs est d’avis que ».
LA THESE DE LA DECISION : PREROGATIVES JURIDICTIONNELLES CONTENTIEUSES.
S. Il faut convoquer l’action en justice qui est le droit pour l’auteur d’une prétention d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. En l’espèce, on a un demandeur que concerne le Président de la République dont la prétention est de réviser la constitution en ce qui concerne son mandant de Sept ans dont il est légalement investi et de réduire la dite durée à Cinq ans et de se l’appliquer du fait de la loi nouvelle.
En face, nous avons un défendeur que constitue la «Constitution » c’est-à-dire la Loi fondamentale et dont la position s’apprécie par rapport au respect de la légalité constitutionnelle. De ce fait, il y a donc un litige contentieux portant sur un point du droit dévolu au Conseil Constitutionnel à qui il est demandé de prendre une position allant dans le sens de trancher ce contentieux.
La pertinence de la décision ?
La nature juridique décisionnelle se retrouve au niveau des considérants N° 26, 27, 28, 29, et 30. En effet, le conseil constitutionnel indique que le droit applicable à une situation doit être connu au moment où celle-ci prend naissance. Ainsi, le Conseil Constitutionnel pose le principe de la prévisibilité de la loi. Et dans son considérant 28, le Conseil indique qu’au moment où le mandat en cours était conféré, le conseil constitutionnel fixait la durée du mandat à 7 ans.
Quant au considérant N° 30 « Avec le soutien de dispositions transitoires destinées à différer l’application de la règle nouvelle, que le mandat en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi de révision, par essence intangible, est hors de portée de la loi nouvelle ».
Article 3 du dispositif : « Cette disposition s’applique au mandat en cours » doit être supprimée ; elle n’est ni conforme à l’esprit de la Constitution, ni à la pratique constitutionnelle, la loi nouvelle sur la durée du mandat du Président de la République ne pouvant s’appliquer au mandat en cours. Il est donc de ce fait consacré le principe de la non-rétroactivité de la loi. Cette décision a, bien des égards, fait état d’un principe général du droit dont l’application première pour une partie de la doctrine constitutionnaliste doit être cantonnée à la matière pénale. Telle n’est point en l’espèce la position du Conseil Constitutionnel.
Au demeurant et au surplus, le Président de la République a convié l’article 92 de la Constitution qui prévoit que les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours et qu’elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et judiciaires. La thèse de la décision s’en trouve confortée en ce sens que pour une partie de la doctrine dite constitutionnaliste, toutes les positions prises par le Conseil Constitutionnel, de nature juridictionnelle ou consultative sont dénommées des décisions.
III -LA THESE DE L’AVIS : PREROGATIVES JURIDICTIONNELLES CONSULTATIVES
Sa pertinence se retrouve au niveau au niveau d’une part de la première page du document où il est indiqué : « Matière Consultative ». On peut relever d’autre part à la page 2 le « Considérant 6 » : le Président a saisi le Conseil Constitutionnel aux fins d’examiner dans le cadre d’un contrôle préventif la conformité du projet de révision à l’esprit général de la Constitution et aux principes généraux du droit ». Et enfin à la page 8, au niveau du dispositif : « Par ces motifs, est d’avis que ». Si la thèse de l’avis est parfaitement recevable, il se pose néanmoins la question de quel genre d’avis il s’agit ? Traditionnellement, on distingue un avis facultatif, un avis obligatoire et un avis conforme.
En l’espèce, il s’agit d’une demande d’avis obligatoire dont le président de la République doit en outre prendre en considération. D’ailleurs, il y a une jurisprudence consacrée relevée par le Conseil Constitutionnel indiquant que : Considérant 29 « que des précédents se sont succédé de manière constante depuis vingt-cinq ans ; Considérant 31 « que ces précédents, qui ont marqué toute l’histoire constitutionnelle du Sénégal, sont observés dans d’autres Etats partageant la même tradition juridique ».
En conséquence, nous pouvons théoriser qu’il s’agit ici d’une quatrième catégorie que nous pouvons dénommer, « un avis décisif ou décisoire ». L’explication demeure que le Président de la République est obligé d’une part de respecter la procédure de demande d’avis et que par ailleurs aux regards des précédents, il est obligé d’en tenir compte et de ne point y déroger. Si par extraordinaire, le Président passait outre en incluant dans la révision l’application de la loi nouvelle à son mandat en cours, il est certain du fait de la popularité de cette mesure innovante, qu’elle serait agrée par le Référendum. On assisterait de ce fait à un autre contentieux qui opposerait la Légalité Constitutionnelle à la Légalité Référendaire
III LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL : JUGE DE L’ELECTION
Il relève à titre comparatif avec la France que les fondements en la matière au regard d’une certaine conflictualité et ce normalement et fondamentalement acceptée, que la démocratie électorale dans un Etat de droit implique des garanties de neutralité, d’impartialité et d’objectivité. Il en sera ainsi aussi bien en ce qui concerne les élections politiques dites internes et nationales et conséquemment du contrôle et financement des campagnes électorales.
Au Sénégal, incontestablement, à ce jour se dessine un contentieux concernant l’élection du Président de la République. Dans cet Etat dit de droit, il incombe au Conseil Constitutionnel de veiller à la régularité de cette élection, de même qu’il doit examiner les réclamations et proclamer les résultats définitifs. Cela implique préalablement une préparation de l’Election et des candidatures. Le débat, voire le contentieux en la matière repose sur les conditions générales de la candidature telle que la nationalité. En ce sens que le Conseil Constitutionnel doit arrêter la liste définitive des candidats à l’élection, de même de sa validation et de sa publication. Conséquemment, cette liste peur être contestée devant le Conseil Constitutionnel par toute personne ayant fait l’objet de présentation. Nous remarquons dans ce sens que cette procédure semblerait en contradiction avec certains articles de la Constitution, indiquant que les dispositions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours..
IV PERSPECTIVES DU CONTROLE ET FINANCEMENT DES CAMPAGNES ELECTORALES
A notre entendement, il est traditionnellement enseigné dans le cours d’introduction au droit et des institutions judiciaires la ‘tryptique’ principale et non accessoire des assises de l’Etat de droit, reposant sur nécessairement et de diligence, de la neutralité, l’impartialité et enfin d’objectivité. Une certaine philosophie de paix sociale qui doit nécessairement accompagner le contrôle de financement des campagnes électorales au regard des nécessités d’une moralisation de la vie politique concernant les élections politiques dites nationales. Il appert à notre entendement que seules ces dernières peuvent nécessiter et impliquer l’intervention du Conseil Constitutionnel à savoir l’élection présidentielle et législative.
Dans ce sens, l’imposition obligatoire du dépôt des comptes de campagne conférant au Conseil Constitutionnel d’en certifier une régularité quant à la forme, l’origine des fonds et le respect d’un plafond autorisé de dépenses. Il en reviendrait naturellement au Conseil d’approuver, de réformer ou enfin rejeter ledit compte. A notre entendement, dans cette perspective, les décisions du Conseil Constitutionnel pourront faire l’objet d’un recours formé par le candidat devant le Conseil Constitutionnel.
Par Félix NZALE
A QUOI SERT CETTE CAMPAGNE ?
Le Sénégal va être un pays gazier et pétrolier dans quelques mois, alors que le cercle de feu du péril militaro-djihadiste est en train de se refermer sur lui. Cette situation devrait aussi être au centre de la campagne.
«Le Sénégal va être un pays gazier et pétrolier dans quelques mois, alors que le cercle de feu du péril militaro-djihadiste est en train de se refermer sur lui. Cette situation devrait aussi être au centre de la campagne. Il est vital que les Sénégalais entendent la position des candidats sur cette question de sécurité nationale».
Ces propos de M. Yoro Dia, ministre chargé de la communication à la présidence de la République, nous les partageons sans réserve. De même que l’invite faite par Ange Constantin Mancabou, inspecteur des impôts et des domaines, appelant lui aussi à inscrire au cœur du débat électoral la question de la monnaie locale agitée par le camp du candidat Bassirou Diomaye Faye de Pastef.
Pour faire court, M. Yoro Dia nourrit la crainte de ce que certains appellent la «malédiction du pétrole» (et autres). Puisque la quasi-totalité des pays africains riches de ces ressources sont toujours fatalement en proie à des troubles sociaux suite à des infiltrations déstabilisantes du fait de certaines puissances prédatrices, groupes ou lobbies. Si notre pays venait à connaître le même sort, il ne s’en relèverait pas de sitôt.
Quant à Ange Constantin, il estime que la perspective est trop sérieuse pour que l’on porte à la tête de notre pays «un président-stagiaire accompagné d’un gouvernement de ministres-stagiaires» qui voudraient nous sortir du Cfa par la création d’une monnaie locale. Pour aller vite ici aussi, l’inspecteur des impôts et des domaines trouve cette idée saugrenue, irresponsable et irréaliste.
Sur cette question, il en appelle à un débat d’idées afin, dit-il, de «relever certaines considérations» d’ordre stratégique et géostratégique, notamment. Justement, c’est ce débat d’idées qui fait défaut. En campagne électorale, chaque candidat s’emploie plutôt à faire valoir ses talents de populiste. Les slogans et les promesses de faire de notre pays un eldorado fusent de partout. Mais on ne dit jamais (ou presque) comment, et selon quel processus d’échelle et de faisabilité, et où trouver les moyens. Voilà pourquoi nous aurions fortement milité pour un boycott du suivi de la campagne par les médias qui doivent se contenter de relayer platement des déclarations d’intention souvent farfelues. Ce qu’il serait judicieux et profitable pour les Sénégalais, c’est que les médias organisent des débats entre candidats aux programmes et approches différents.
Que lesdits prétendants à la magistrature suprême soient invités sur les plateaux de télévisions et de radios pour des échanges contradictoires sur leurs offres et perspectives. Au moins tirerait-on d’eux quelque chose de substantiel ! Et les électeurs auraient assurément une idée de qui est qui, qui peut quoi de raisonnable et de réalisable, et qui vend des illusions.
En l’occurrence, le temps de cette campagne-ci est limité et les Sénégalais ont répétitivement souffert des dénis, des volte-face et des reniements de parole. L’on promet et jure de remettre nos institutions à l’endroit : l’on s’emploie méthodiquement à les noyauter une fois au pouvoir.
L’on promet et jure de respecter l’indépendance de la justice : l’on s’évertue à l’instrumentaliser à des fins politiciennes. L’on promet aux jeunes des emplois, mais l’on s’en fiche qu’ils aillent périr en mer à la recherche d’un mieux-être…
Jusqu’à quand ?
Par Abdoul Aly KANE
A PROPOS DE L’ABANDON DU FRANC CFA PRONE PAR DES CANDIDATS
Pointé du doigt par les jeunes activistes africains comme le symbole persistant du colonialisme et du non-développement, le franc CFA s’invite, contre toute attente, dans le débat programmatique de cette présidentielle
L’exercice auquel nous voulons nous prêter ici n’a pas la prétention de porter des critiques ou amendements sur les programmes de candidats qui sont le fruit de réflexions approfondies d’experts en toutes matières.
Il a plutôt pour but d’apporter une contribution citoyenne surs des thèmes sensibles comme la monnaie, et d’autres non suffisamment développés mais nous semblant importants, tel et le contrôle à priori dans les entreprises du secteur public.
D’une manière générale, les candidats ont besoin que leurs idées soient confrontées à des avis contraires ou nuancées selon les sensibilités et convictions des citoyens sénégalais. Dans cette chronique, ces observations portent sur le thème de la monnaie et sur la problématique du contrôle à priori dans les entreprises du secteur public avec conseil d’administration.
Sur le débat monnaie CFA contre monnaie locale
Pointé du doigt par les jeunes activistes africains comme le symbole persistant du colonialisme et du non-développement, le franc CFA s’invite, contre toute attente, dans le débat programmatique de cette présidentielle. Ce débat prend sa source dans les propositions inédites du candidat Bassirou Diomaye Faye d’abandonner le Fcfa au profit de la création d’une monnaie nationale.
Une mesure qui trouve sa force dans ce qu’elle implique en termes de rupture du partenariat monétaire avec la France et les autres pays de l’UMOA, ce qui contraint ses partisans à préciser leur position sur la question.
Il est notoire que cette question est particulièrement d’actualité dans les pays de l’AES (Alliance des Etats du Sahel regroupant le Niger, le Burkina et le Mali) qui évoquent, de temps à autre, l’éventualité d’une sortie de la zone CFA.
Le rôle attendu de la monnaie par le consommateur est de payer ses achats, préserver son pouvoir d’achat et de protéger son épargne. La monnaie est un intermédiaire dans les échanges servant de moyen de paiement, mais aussi, réserve de valeur. Elle se doit d’avoir de la stabilité.
Dans le commerce, la stabilité est importante ; dans des pays comme le Nigéria et le Ghana, les commerçants sont souvent confrontés à une « valse des étiquettes », les mettant dans l’impossibilité d’afficher des prix stables en monnaie nationale sur une longue durée.
Le système monétaire international est dominé par le dollar qui est la principale monnaie de facturation des transactions internationales, même si la part de cette devise dans les transactions internationales de la Chine (principal exportateur au monde) est tombée de 84 à 44% en 2023, du fait de la politique de dédollarisation menée par ce pays. Les actifs de la Chine à l’étranger (bons du trésor américain en particulier) restent encore libellés à hauteur de 60%en dollar. La part du dollar américain dans les réserves mondiales de devises est également prééminente, soit environ 60% du total global. Enfin, le dollar, c’est 80% des réserves des banques centrales du monde.
Cette position dominante avait conduit la président Giscard d’Estaing à constater qu’avec leur monnaie, les USA bénéficiaient d’un « privilège exorbitant » depuis la fin de la 2ème guerre mondiale.
Fort de ce constat de domination, les Européens ont créé l’Union Européenne comme espace de fusionnement de leurs marchés nationaux, et l’euro comme monnaie commune. Dans les faits, après son lancement en 1999, la zone euro est devenue un espace à deux vitesses. La Banque Centrale Européenne doit faire face à deux types de pays membres, à savoir les pays endettés (France, Italie, Grèce…)) qui ont intérêt à maintenir des taux d’inflation bas pour pouvoir rembourser et s’endetter plus encore, et les pays peu endettés, favorables à une augmentation des taux d’intérêts pour casser la spirale inflationniste (Allemagne).
L’institution « joue » sur le levier principal qui est le taux d’intérêt, pour garder un taux d’inflation permettant de préserver la valeur de la monnaie sur le marché des changes et en même temps faciliter le refinancement des banques centrales nationales et favoriser la croissance économique. Comment lisser les politiques monétaires de façon à préserver la valeur de la monnaie, sans pour autant pénaliser les pays axant leur croissance sur l’endettement, c’est le défi à relever par la BCE. Il en va de même dans l’UEMOA où la gestion de la monnaie dans le souci d’en préserver la valeur (celle de l’euro), est encore plus orthodoxe.
Par conséquent, il est permis d’affirmer le primat de l’économie sur la monnaie. Une économie forte, exportatrice renforce la valeur d’une monnaie. Un franc CFA fort, du fait de son arrimage à l’euro, n’a pas impulsé le développement des économies africaines, faute de compétitivité sur le plan international. La monnaie nationale permettant de conduire une politique monétaire ajustable en fonctions des objectifs économiques précis est elle pour autant la solution ?
Elle se heurterait à deux gros problèmes : sa reconnaissance comme instrument d’échange dans le commerce international ainsi que la capacité propre du pays émetteur de disposer de réserves de changes suffisantes pour couvrir ses importations.
Pour payer leurs fournisseurs étrangers notamment en matière de pétrole, les pays à monnaie nationale doivent acheter du dollar, de l’euro, du yen sur les marchés ou s’échangent les monnaies (marché des changes).
En revanche, l’appartenance des pays membres la zone CFA leur fait bénéficier de la mutualisation des réserves de change, les dispensant, contrairement aux pays à monnaie nationale, de la quête en solitaire de devises sur le marché des changes.
L’autre avantage du Fcfa est d’être une monnaie refuge, très demandée sur les marchés des changes africains. Les pourfendeurs de la monnaie nationale voient par-là, la preuve de la supériorité du CFA sur le Cedi ghanéen ou le Naïra nigérian, alors qu’il s’agit d’un leurre. La vraie monnaie «refuge», réserve de valeur, est l’euro dont le Fcfa est le miroir. C’est grâce à un mix de politique monétaire que l’on pourrait arriver à prendre en compte l’ensemble des préoccupations.
Certains parlent de l’ECO pour remplacer le FCFA; encore faudrait-il que les pays de la CEDEAO arrivent à rendre l’organisation plus engagée sur les questions économiques et monétaires. D’autres sont alléchés par l’offre des BRICS d’accepter les monnaies nationales comme moyen de paiement de leurs importations. Pour l’instant, on demeure encore dans le flou concernant cette perspective.
En définitive, la préférence pour une monnaie nationale ne saurait être forcément source de catastrophe pour un pays. Les cas gambien avec le dalasi et mauritanien avec l’ouguiya sont là pour le rappeler. Celui de Cuba est d’autant plus intéressant que ce pays a longtemps été soumis à un embargo commercial par les Etats-Unis.
En réaction, il a développé un système de change à plusieurs niveaux. Cuba dispose de 2 monnaies nationales, soit le peso cubano, la monnaie nationale officielle et le peso cubano convertible, appelé le CUC indexé sur le dollar (sa valeur officielle est fixée à 1 dollar).
Avec une perte de 57 % de la valeur de sa monnaie sur le marché des changes, le Ghana aurait engagé des négociations avec une société émiratie pour acheter du carburant avec de l’or, à la place du dollar, afin de préserver son stock de réserves de change.
Pour rappel, le Ghana est le 10ème producteur d’or au monde alors que sa monnaie s’est fortement dépréciée. Pour ce qui concerne le Sénégal, la priorité est de le sortir d’un modèle qui n’a pas permis l’impulsion du développement économique depuis 63 ans. La balance commerciale est structurellement déficitaire depuis cette date, l’agriculture n’arrive pas à couvrir les besoins alimentaires de la population, l’industrie est toujours balbutiante, et l’offre d’emplois générés par l’économie, atone.
Des candidats prônent, malgré tout, la stabilité voire la continuité. Nous préférons, pour ce qui nous concerne, encourager ceux qui souhaitent le changement d’orientation économique, tout en leur demandant de rester ouverts aux observations, suggestions et autres critiques que ne manqueront pas de susciter ces annonces de rupture d’avec le modèle en place.
Sur le contrôle à priori dans les entreprises du secteur public
Dans l’entendement populaire, le contrôle des entreprises publiques est du ressort exclusif des corps de contrôle de l’Etat (IGE, Cour des comptes). Pourtant ce dernier a mis en place des structures de contrôle à priori au sein de ces entreprises que sont le Conseil d’Administration et le Contrôle financier dépendant des services présidentiels qui siège en permanence dans les Conseils d’Administration en qualité d’observateur.
La loi qui organise la gestion et le contrôle de ces entreprises est principalement la loi 90-07 du 26 juin 1990. Cette loi avait été précédée de la loi n°87-19 du 3 août 1987 qui avait comme objectif de constituer un cadre favorisant une plus grande autonomie des entreprises publiques vis-à-vis de l’Etat. Elle avait toutefois maintenu un contrôle a priori exercé par le Centre des Etablissement publics et ses organes d’exécution, soient l’Agence Comptable des Etablissements publics, et le Contrôle des Opérations Financières.
Par la loi 90-07, le législateur a voulu aller plus loin en matière d’autonomisation des entreprises dans leur gestion. Celle-ci a donc supprimé le contrôle à priori exercé par l’Agence Comptable des Etablissements publics, et le Contrôle des Opérations Financières, et institué le Conseil d’Administration comme organe de contrôle interne de l’entreprise, renforcé dans cette mission par le Contrôle financier (art. 28 de la loi 90-07).
Dans les faits, il est loisible de constater que ce contrôle du Conseil d’Administration s’est avéré être inopérant. Les détournements de deniers publics et autres cas de mal gouvernance établis par les rapports IGE et Cour des Comptes ont continué à faire la une de la presse nationale. L’intervention de ces corps de contrôle ne s’effectuant qu’à postériori et sur des périodes couvrant plusieurs exercices ( 2 à 5 ans), sauf lorsque des indices de mauvaise gestion sont probants, le contrôle en temps réel de la gestion de l’entreprise est quasi inexistant, sauf en matière budgétaire et d’arrêté des comptes annuels. Les objectifs d’autonomisation et de renforcement du contrôle interne visés par la loi 90- 07, n’ont donc pas été atteints.
En réalité, cette situation résulte de l’absence de clarté sur la bonne répartition des pouvoirs de tutelle dans l’entreprise. Le Directeur général est sous la tutelle d’un ministre de « tutelle » qui propose sa candidature au président de la République qui le nomme.
Dans un deuxième temps, il est demandé au Conseil d’Administration de délibérer pour rendre cette nomination effective, ce qui est à l’évidence de pure forme. Le Conseil d’administration n’a pas la possibilité de contrevenir à une nomination proposée par un ministre même si le profil n’était pas en adéquation avec le poste.
Ce schéma institutionnel réduit drastiquement le pouvoir de contrôle du conseil d’administration sur le Directeur général, qui prend directement ses ordres et instructions du ministre, alors qu’il est précisé dans les statuts types que le conseil est « investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de l’entreprise, et pour faire ou autoriser toutes les opérations intéressant son activité dans la limite de son objet social.
Tous les actes d’administration et de direction qui ne sont pas légalement attribuées aux assemblées d’actionnaires sont de sa compétence ». Faute d’une vraie tutelle sur les directeurs généraux et de moyens humains, privé d’informations en provenance des services de contrôle interne de l’entreprise, le Conseil d’Administration ne peut exercer aucun contrôle en temps réel ou différé.
Le contrôle en aval qu’il exerce ne lui permet en aucune manière de « prévenir » les actes de mauvaise gestion qui ne seront souvent découverts que tardivement lors des missions des corps de contrôle (IGE, Cour des Comptes).
Les candidats à la présidence de la République sont donc interpelés pour se prononcer sur cette question de la plus haute importance, surtout dans une configuration où les Directeurs généraux sont appelés à s’engager en politique pour renforcer l’assise populaire du parti au pouvoir qui les a nommés.
CONCLUSIONS
D’autres thèmes que nous jugeons pertinents, seraient utiles à développer, tels ceux énumérés ci-dessous: Comment changer le système sans changer une classe politique virevoltante, prompte à gagner les rangs de tout nouveau pouvoir sans adhésion à des idéaux ou programmes ? Comment faire du neuf, en gardant le centralisme jacobin intrinsèque à l’administration, la bureaucratie héritée de la colonisation et dont les aspects les plus bloquants se rapportent aux règles contraignantes de la comptabilité publique ?
Quid d’une décentralisation avec des collectivités territoriales sans ressources propres et sans autonomie financière ?