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30 novembre 2024
Opinions
par Ibrahima Thioye
LES ERREURS DE LA MOUVANCE PRÉSIDENTIELLE
La logique de combat présente des limites en démocratie, car la mouvance présidentielle lutte contre un ennemi protéiforme. La toute-puissance de l’acteur qui détient les moyens de l’État ne perdure que s’il bénéficie d’un bon niveau de capital confiance
Cet article met en lumière cinq erreurs de la mouvance présidentielle. Celles-ci sont des réflexions, des discours ou des actions qui ne contribuent pas au succès sur le marché électoral.
Erreur 1 — Une mauvaise appréciation des principaux déterminants du vote
Erreur 2 — Une illusion de toute-puissance et une logique de combat contre-productive
Erreur 3 — Des atteintes à la démocratie et aux libertés individuelles et collectives
Erreur 4 — Des problèmes de communication
Erreur 5 — De fortes hésitations à propos du troisième mandat et du dauphinat
À des nuances près, tous les régimes qui se sont succédé depuis l’indépendance partagent les pratiques sous-jacentes aux trois premières erreurs. La quatrième erreur concerne la communication du camp présidentiel qui est paradoxalement favorable à Ousmane Sonko. En plaçant ce dernier au cœur de tous les débats, elle a largement amplifié sa notoriété. La cinquième erreur a engendré des contradictions internes au sein du camp présidentiel et pose surtout la question du positionnement clair du candidat de BBY.
Erreur 1 — Une mauvaise appréciation des principaux déterminants du vote
Cette mauvaise appréciation des principaux déterminants du choix des électeurs résulte d’une fixation sur le paradigme selon lequel en gagnant la confiance des leaders d’opinion, on assure l’adhésion des masses populaires qu’ils drainent. Ce paradigme s’est souvent appuyé sur l’argent, l’érigeant en déterminant principal du vote. Un tel système favorise l’achat de conscience, la transhumance politique et amplifie le népotisme et la corruption. Il était efficace avant la montée des nouvelles aspirations de patriotisme stimulée par l’arrivée des smartphones. Il est désormais devenu désuet, inopérant, et a atteint ses limites surtout dans les grandes agglomérations qui concentrent une forte proportion de l’électorat.
À côté de ces fortes aspirations de patriotisme et de besoin de souveraineté à tous les niveaux émergent des exigences et des attentes nouvelles propres au contexte du système démocratique évolué, intégrant les nouvelles valeurs du digital (liberté d’opinion, ouverture, tolérance, transparence, humilité, etc.). Elles deviennent de plus en plus importantes pour l’acteur politique qui veut établir des interactions fécondes en interne ou avec les électeurs.
Erreur 2 — Une illusion de toute-puissance et une logique de combat contre-productive
Le sentiment de toute-puissance est renforcé par les dispositions légales qui confèrent tous les pouvoirs au président de la République. En déclarant qu’il réduirait l’opposition à sa plus simple expression, Macky Sall avait annoncé son approche. Celle-ci a bien fonctionné avec Karim Wade et Khalifa Sall qui n’ont pas pu prendre part à l’élection de 2019. Avec Idrissa Seck, la « réduction » s’est faite par l’intégration de Rewmi dans le camp présidentiel. Il ne restait que Pastef, dont la notoriété se limitait surtout à une partie de l’intelligentsia et de la diaspora.
Pour de nombreux observateurs, tous les actes posés contre cet adversaire n’ont servi qu’à augmenter le niveau de notoriété et le capital confiance des deux marques que représentent Sonko (marque leader) et Pastef (marque parti). Le positionnement des marques Sonko et Pastef tourne autour de deux éléments phares : honnêteté et patriotisme. Auprès du segment cible (les jeunes), il incarne la vraie posture « antisystème ». Tout autre candidat qui souhaite obtenir ce positionnement sera confronté à un obstacle majeur, car malgré la situation de Sonko, qui est en prison, et la dissolution du parti Pastef, c’est cet élément qui constitue leur véritable atout. La marque Sonko s’est installée dans l’esprit des larges masses avec un positionnement qui correspond parfaitement aux aspirations de celles-ci.
La logique de combat est une option qui présente des limites en démocratie, car la mouvance présidentielle est en train de lutter contre un ennemi protéiforme. Ce dernier s’incarne à travers des marques mères (Sonko et Pastef) capables de générer d’autres marques filles (Diomaye et peut-être d’autres). Plus la mouvance présidentielle s’inscrit dans la logique du combat avec des atteintes à l’État de droit et une remise en cause des libertés individuelles et collectives, plus la notoriété et le capital confiance de Sonko augmentent, transformant ce dernier en mythe, en super-héros qui, même s’il est écarté des prochaines joutes électorales, aura une capacité assez forte de mobiliser en faveur de celui qui sera élu prochain président de la République.
Erreur 3 — Desatteintes à la démocratie et aux libertés individuelles et collectives
On a assisté durant cette période récente à une remise en cause des acquis démocratiques et à des restrictions de libertés fondamentales : interdictions systématiques et répressions brutales des manifestations, entraves aux libertés des partis ou d’autres organisations de la société civile. En démocratie, toute atteinte aux acquis démocratiques suscite indignation et ressentiments. On interdit les manifestations à la place de l’Obélisque, mais Cheikh Bara Ndiaye et Sa Ndiogou de Walf organisent tous les jeudis un live qui est suivi en direct par près de 20 000 personnes et enregistre jusqu’à 100 000 vues en 48 heures ou 72 heures. Il s’agit d’un meeting virtuel qui a une audience particulièrement importante.
La démocratie a cette capacité de se défendre elle-même contre ceux qui utilisent des moyens antidémocratiques au sein du système. La toute-puissance de l’acteur qui détient les moyens de l’État ne perdure que s’il bénéficie d’un bon niveau de capital confiance. Si ce dernier, ancré dans la perception des électeurs, s’érode, la chute de cet acteur s’ensuivra grâce au jeu démocratique. En démocratie, plus le niveau de conscience des électeurs s’élargit, moins ils accepteront l’usage de moyens antidémocratiques, quel que soit le camp de l’auteur. Les électeurs ont deux solutions pour faire face aux dérives antidémocratiques : les manifestations immédiates d’indignation ou le bulletin de vote.
Erreur 4 — Des problèmes de communication
Depuis l’indépendance, on a assisté à l’utilisation exclusive des médias officiels par le pouvoir en place, réduisant ces outils à des instruments de propagande. Après 2012, un autre phénomène est apparu. Le pouvoir a entrepris de tisser des relations très étroites avec la plupart des médias classiques privés de type télévision ou presse. Dans l’imaginaire collectif, mise à part une minorité de médias — Walf, Sen TV —, tous les autres ont une ligne éditoriale qui ressemble à de la propagande au service du gouvernement. Mais durant la même période, on a également assisté à l’émergence de sites en ligne, offrant ainsi au public une diversité de points de vue.
À partir de mars 2021, toute la communication a tourné autour de Sonko. Après l’affaire « Adji Sarr », il y a eu l’affaire « Mame Mbaye Niang » et c’est le délit de vol de portable qui a servi de prétexte à son incarcération. Tous ces dossiers, même s’ils ont entamé l’honorabilité et la quiétude de Sonko, lui ont assuré une notoriété très importante non seulement auprès des jeunes, mais aussi au niveau des autres segments.
Par ailleurs, ce que beaucoup d’observateurs ne comprennent pas, c’est le message que Macky Sall veut envoyer en prenant des photos avec des personnes qui étaient auparavant farouchement opposées à la mouvance présidentielle et qui « changent de veste », même si elles furent d’anciens insulteurs ou pourfendeurs de son régime. Cela peut en inciter certainement d’autres à se « rendre », diminuant ainsi les capacités de nuisance des adversaires, mais détruit l’image de marque du Président.
Erreur 5 — De fortes hésitations à propos du troisième mandat et du dauphinat
En retardant le processus de désignation de son dauphin, cela a exacerbé les tensions en interne. Le candidat désigné a beaucoup de mal à se démarquer et à afficher un positionnement différent de celui de Macky Sall. Dans l’esprit des populations, Amadou Ba est un Macky Sall bis.
Comme évoqué en introduction, ces cinq erreurs ne contribuent pas au succès sur le marché électoral.
- L’enrôlement de leaders d’opinion, qui s’est souvent appuyé sur l’achat de conscience et la transhumance, n’entraîne plus une adhésion systématique des masses drainées par ces derniers. Efficace par le passé, il est devenu inopérant dans les zones à forte pénétration de smartphones, où l’on note de nouvelles aspirations et exigences.
- La toute-puissance et la logique de combat contre un adversaire politique présentent de sérieuses limites. Pire encore, elles contribuent à développer la notoriété de ce dernier.
- Les atteintes à l’État de droit ne peuvent perdurer dans un système démocratique. Les électeurs ont tendance à « corriger » tout acteur qui ne respecte pas le jeu démocratique.
- La communication de la mouvance présidentielle est brouillée par les « affaires Sonko », malgré les réalisations importantes au niveau des infrastructures.
- Les hésitations du président qui ont accompagné tout le processus de désignation d’Amadou Ba ne garantissent pas le maximum de chances au camp présidentiel. Ce candidat a beaucoup de mal à se démarquer de son tuteur et cela ne lui permet pas de construire un positionnement adéquat.
Ibrahima Thioye est consultant.
Par Mohamed GUEYE
SE DONNER UNE DATE DE SORTIE DES PMA
Le Sénégal se targue de très bons résultats sur son Indice de développement humain, et le gouvernement se gargarise des progrès dans la réalisation des infrastructures, dans l’accès à la santé et à la scolarité, entre autres.
Le Sénégal se targue de très bons résultats sur son Indice de développement humain, et le gouvernement se gargarise des progrès dans la réalisation des infrastructures, dans l’accès à la santé et à la scolarité, entre autres. Résultats indéniables, comme ne sont pas non plus contestables les progrès fait dans le domaine économique. Il n’empêche que le pays patauge toujours dans la mare des Pays les moins avancés (Pma). Ce n’est pas une prouesse dont se vantent les membres de ce cénacle, ce qui explique le silence gardé par les autorités sur le sujet.
Ce qui fait que la sortie du ministre de l’Economie, du plan et de la coopération, Doudou Ka, qui a établi dans le dernier Jeune Afrique, les indicateurs qui permettraient au pays de «marque(r) une progression vers un développement hors de la catégorie des Pays les moins avancés». Une forte déclaration qui a l’avantage de poser de manière claire le problème que l’on se propose à résoudre
Il n’est pas compréhensible qu’avec tous les progrès qu’il est censé avoir accompli, que le Sénégal soit encore classé, par toutes les instances multilatérales et bilatérales, comme un Pma. Alors qu’il se présente comme l’un des poids lourds économiques de la Cedeao, le pays ne peut que constater qu’il est bien seul dans une catégorie dans laquelle on ne retrouve ni la Côte d’Ivoire, ni le Ghana, ni non plus… les Iles du Cap-Vert ! C’est dire que notre pétrole et notre gaz bientôt exploités, feront bon ménage avec la bauxite de Guinée, l’or du Mali, le diamant de Sierra-Leone, ou l’hévéa du Libéria. Une façon de rappeler qu’une exploitation des ressources naturelles ne garantit pas nécessairement le développement.
Souvenons-nous que les Pma, appelés ainsi par le Comité des politiques de développement (Cpd) du Conseil économique et social des Nations unies, sont désignés à la suite de critères bien précis. Il s’agit d’abord, du niveau du Revenu national brut (Rnb) par habitant du pays. Ce critère a été fixé en 2021, à moins de 1222 dollars américains. Le second critère concerne l’indice du capital humain. Divisé en deux sous-indices, à savoir ceux de la santé et de l’éducation, il a des indicateurs comportant le taux de mortalité infantile, le taux de mortalité maternelle, la prévalence du retard de croissance dû à la malnutrition, ainsi que le taux brut de scolarisation dans le secondaire, le taux d’alphabétisation des adultes et l’indice de parité entre les sexes pour la scolarisation dans le secondaire.
Le dernier critère porte sur l’indice de vulnérabilité économique et environnementale. Les critères portent notamment sur «la part de l’agriculture, de la chasse, de la sylviculture et de la pêche dans le Pib ; (ii) l’éloignement et l’enclavement ; (iii) la concentration des exportations de marchandises et (iv) l’instabilité des exportations de biens et services. Le sous-indice de vulnérabilité environnementale comporte quatre indicateurs : (i) la part de la population vivant dans des zones côtières de faible élévation ; (ii) la part de la population vivant dans des zones arides ; (iii) l’instabilité de la production agricole ; et (iv) les victimes de catastrophes». Cela a été tiré d’un document de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced).
Pour sortir de la catégorie des Pma, un pays doit atteindre les seuils de sortie établis pour au moins deux des 3 catégories. Le Cpd revoit la liste des Pma tous les trois ans selon les critères cités ci haut. Il faut que pour chaque critère, les pays aient dépassé les seuils de sortie durant au moins 3 années d’affilée, pour garantir qu’ils ne retomberont pas en dessous.
Le Sénégal a déjà dépassé le critère du Rnb, en ayant dépassé 1370 dollars américains depuis 2021. Le pays peine cependant à maintenir son indice de capital humain à un niveau acceptable pendant longtemps. L’Indice de capital humain se révèle être le tendon d’Achille du pays. Cette faiblesse a d’ailleurs été relevée par le Millenium challenge corporation (Mcc) américain lors de sa revue pour l’éligibilité du pays à un nouveau compact (voir Le Quotidien no6247 du vendredi 22 décembre 2023).
Sans doute qu’il y a des avantages à rester dans la catégorie des Pma. On emprunte à des taux concessionnels. On bénéficie de certaines facilités en termes d’exportations de ses produits vers les pays plus développés. En contrepartie, si l’on peut dire, on ne peut pas avoir une économie compétitive, si l’on doit toujours exporter ses matières premières sans les transformer sur place, accentuant ainsi le niveau de chômage de sa jeunesse. Par ailleurs, on se retrouvera avec une économie totalement extravertie, qui devra compter sur les échanges extérieurs pour nourrir sa population.
Depuis 2001, le Sénégal a goûté à la sauce des Pma. Il est plus que temps d’être plus ambitieux et de changer de changer de plat. Le gouvernement devrait en faire la priorité pour les cinq prochaines années.
PARRAINER LES BÉBÉS !
Ce pays est unique. On parraine n’importe qui et n’importe quoi ! Alors que ce scandale Ndella Madior émeut tout un pays, personne ne songe à parrainer ou faire parrainer ces bébés.
Ce pays est unique. On parraine n’importe qui et n’importe quoi ! Alors que ce scandale Ndella Madior émeut tout un pays, personne ne songe à parrainer ou faire parrainer ces bébés. Sans père ni mère. Parrainage lamb sakh, c’est plus facile que prendre en charge ces innocents. Voilà pourquoi il faudra aussi «filtrer» ces «candidats» à l’adoption des enfants. Si seulement on prenait tout cet argent déposé à la Cdc par des marchands électoraux pour assister ces pouponnières !
Par Fadel DIA
BYE BYE, LA FRANCE !
Ce n’est pas nous qui quittons la France, c’est la France qui nous quitte, et nous ferme ses portes, l’une après l’autre, y compris celles que nous croyions les mieux verrouillées
Ce n’est pas nous qui quittons la France, c’est la France qui nous quitte, et nous ferme ses portes, l’une après l’autre, y compris celles que nous croyions les mieux verrouillées. Elle n’a pas seulement quitté le Mali, le Burkina Faso et le Niger, (et encore il ne s’y est agi que de fermer des bases et des ambassades), elle est après l’adoption de la loi Macron sur l’immigration, sur le point de quitter nos consciences.
Adoptée le lendemain de la Journée Internationale des Migrants, issue d’un projet hors contrôle du gouvernement, ficelée en trois heures par une commission parlementaire réduite et sous les directives du pouvoir exécutif, votée dans la panique, sous les acclamations de l’extrême droite qui a salué en elle une « victoire idéologique », c’est une loi dont la légitimité même pourrait être mise en cause. Sa promulgation devrait être l’occasion de tourner définitivement la page de la France célébrée chez nous comme « la patrie des droits de l’Homme », de pays des lumières, celui qui a inscrit la Fraternité sur le fronton de ses édifices. Il est vrai que ce n’est pas seulement elle mais toute l’Europe qui se ferme à nous, avec cet éternel paradoxe qui la caractérise puisqu’en même temps, elle nous reproche d’emprunter les autres portes qui s’ouvrent devant nous !
Nicolas Sarkozy avait démontré son ignorance de l’histoire de l’Afrique, Emmanuel Macron s’illustre par sa méconnaissance de l’histoire de la France. Le jeune homme immature en politique dont l’arrivée au pouvoir reste encore une énigme a, par cette loi, qu’il dit pleinement assumer et qui ne lui inspire ni honte ni regret, provoqué une rupture politique et morale et mis en cause les principes républicains fondamentaux qui ont fait la démocratie française. C’est une loi qui a dû se faire retourner dans leurs tombes tous ces enfants de l’immigration que sont Léon Gambetta, Emile Zola, Marie Curie, Paul Valéry etc. qui ont vécu sous une république à laquelle la France doit la reconnaissance du droit au sol. Comme on n’est jamais trahi que par les siens, ce sont aussi des enfants de l’immigration, qui sans doute ne laisseront pas les mêmes traces dans l’histoire, Gérald Darmanin, Eric Ciotti, Elisabeth Borne, Yaël Braun-Pivet etc. qui sont parmi les principaux artisans de cette déconstruction.
L’immigration a toujours été, en France, le disque dur du FN puis du RN, et avant de devenir le nouveau flambeau des Républicains, elle a fait l’objet d’une incroyable inflation législative (29 lois en quarante ans). C’est pourtant la première fois qu’une loi sur l’immigration cède sur toutes les lignes rouges de l’extrême droite et reprend ses principales revendications, dont la plupart ne figuraient pas dans le document laborieusement élaboré en 18 mois par le gouvernement -restriction des prestations sociales accordées aux immigrés en situation régulière, exclusion des sans papiers à l’hébergement d’urgence, remise en cause de l’aide médicale d’Etat ;
- glissement vers la préférence nationale et remise en cause des principes d’égalité des droits ;
- limitation du droit au sol dont l’automaticité n’est plus reconnue, mesure qui est pourtant sans lien avec une loi sur l’immigration ;
- durcissement du regroupement familial …
Cependant c’est sur une autre des dispositions de cette loi que je préfère m’appesantir, car si elle ne s’applique qu’à une population restreinte, c’est une mesure chargée de symboles parce qu’elle concerne une catégorie que l’on croyait sacralisée, celle des étudiants. Désormais, en France, il y a chez les étudiants aussi, les bons et les mauvais migrants, et parmi ces derniers figurent ceux qui viennent des pays d’Afrique qui sont à la fois les plus pauvres et les seuls à n’avoir que le français comme unique langue d’enseignement. Il leur est désormais exigé, de s’acquitter, au préalable, d’une caution retour qui ne leur sera restituée que lorsqu’ils quitteront le territoire français, car il est hors de question qu’ils y prennent racines. C’est une forme de prime d’otage, une « marchandisation de l’université », dénoncée par les plus prestigieuses structures d’accueil qui jugent qu’elle dégrade un domaine où précisément la France avait conservé une certaine attractivité. Pour nous, c’est un reniement de l’engagement de l’ancienne puissance coloniale à solder ses comptes et à constituer une communauté solidaire avec ceux auxquels elle avait imposé l’usage de sa langue, et par un curieux hasard, le Niger vient de suspendre sa participation à la Francophonie dont il était l’un des trois membres fondateurs! Cette ségrégation qui ne dit pas son nom ne servira qu’à ternir la réputation de la France comme « terre d’excellence d’enseignement supérieur et de recherches », au moment où on annonce qu’elle ne compte que 4 universités dans le top 100 du dernier classement académique (dit de Shanghai) des meilleures universités mondiales. Alors tant qu’à acheter une place, autant la choisir dans les meilleures, et dans celles qui forment dans des langues qui offrent bien plus de possibilités d’emplois que le français !
Bye bye à la langue française, avait lancé le Rwanda en décidant de basculer de la francophonie à l’anglophonie, et moins de vingt ans ont suffi pour opérer le revirement car, on l’oublie trop souvent, la langue française est une langue très minoritaire dans les pays africains communément appelés francophones. Il est peut-être temps, pour ces pays, de s’interroger s’il ne leur faudrait pas passer directement à la phase suivante : bye bye la France !
Pour en revenir à elle justement, on s’y inquiète que la nouvelle loi ait fracturé la majorité, au point de faire naître une fronde de députés et de ministres. C’est un évènement anecdotique car le macronisme ne survivra pas à Emmanuel Macron qui laissera le nom du président qui avait solennellement promis de faire barrage aux idées de l’extrême droite et qui en fin de compte, aura servi de passeur aux idées lepénistes. Ce qui serait plus lourd de conséquences ce serait que cette loi, qui est texte le plus régressif jamais voté en France sur l’immigration et dont le ministre de l’Intérieur lui-même a reconnu qu’il contenait des « mesures contraires à la constitution », s’avère inapplicable, ou improductive, ou sans effet sur les difficultés qu’elle était censée régler. On peut en tout cas noter qu’elle a déjà suscité une levée de boucliers qui fait vaciller ses auteurs et qui est le fait de parties qui comptent dans le pays et qui n’ont pas toujours les mêmes intérêts : universitaires, responsables humanitaires, professionnels de santé, syndicats, chefs de collectivités territoriales, mais aussi chefs d’entreprises dont certains ont estimé que la France allait avoir besoin de près de 4 millions de travailleurs étrangers d’ici au milieu du siècle.
On assiste ainsi à ce paradoxe : ce sont les initiateurs de la loi, dont le président de la République et la Première Ministre, qui supplient le Conseil Constitutionnel de servir de « voiture-balai à leur conscience », selon le mot d’un de leurs opposants, et de mettre fin à leur calvaire en sabrant les mesures qui font débat.
Dans le langage diplomatique tout ce jeu ressemblerait à de la real- politique, dans le langage ordinaire il porte le nom d’opportunisme ou plus simplement de lâcheté !
LIBERTÉ D’EXPRESSION BOUSCULÉE, INSTRUMENTALISATION DE LA JUSTICE
RAPPORT SENEPLUS D’ANALYSE PRÉ-ÉLECTORALE – Comme jamais auparavant, une recrudescence d’arrestations, ouverture d’enquêtes ou mises en examen pour diffamation, diffusion de fausses nouvelles, atteinte à la sécurité de l’État... (2/3)
(EXCLUSIF SENEPLUS) - A l’heure actuelle, trois gros points de désaccord obèrent le climat préélectoral au Sénégal. Ils tournent autour de la liberté de manifestation et la liberté d’expression, le traitement judiciaire des opposants et les prérogatives des différents acteurs du processus électoral et la question de leur chevauchement.
Au sujet de la liberté de manifestation, il convient de rappeler, d’abord, que c’est parce que les mesures de police administratives sont potentiellement dangereuses pour les libertés publiques que l’obligation de les motiver est forte[1]. Au Sénégal, le juge a, de son propre chef, élargi le domaine d’application de la motivation obligatoire à propos des décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques. Il l’a clairement signifié dans l’affaire LD/MPT[2] en sanctionnant l’absence de motivation alors qu’aucun texte n’obligeait l’administration à faire connaître les motifs d’une décision d’interdiction d’une manifestation pacifique sur la voie publique. Les mesures de police sont encadrées assez strictement par les textes et sont strictement contrôlées par le juge.
Le juge veille à ce que les autorités de police administrative ne portent pas atteinte à l’exercice d’une liberté publique, au-delà de ce qui est nécessaire au maintien de l’ordre.
Dans bon nombres d’affaires connues dans la passé, (affaires « Alioune Tine (CS 13 octobre 2011) ; « Sidia Bayo » (CS, 13 janvier 2015), « Amnesty international Sénégal » (CS, 09 juin 2016), « Assane Ba » (CS, 23 mai 2019), le juge sénégalais a considéré que, s’il incombe à l’autorité administrative compétente, de prendre les mesures qu’exige le maintien de l’ordre, elle doit concilier l’exercice de ce pouvoir avec le respect des libertés garanties par la Constitution. Le juge rappelle très souvent à l’autorité administrative, que la loi n° 78 – 02 du 29 Janvier 1978 relative aux réunions lui permet en son article 14 d’interdire toute réunion publique, (mais, que) cette interdiction ne peut intervenir que s’il existe une menace réelle de troubles à l’ordre public et si elle ne dispose pas de forces de sécurité nécessaires pour assurer la sécurité des citoyens[3].
En dépit de ce rappel, l’autorité administrative persiste dans l’interdiction des manifestations avec comme motifs « entrave à la circulation », « risque d’infiltration ». Elle semble ignorer que la jurisprudence est une source de la légalité administrative. Elle semble n’avoir pas compris les règles de droit encadrant l’activité de l’administration - que l’on qualifie souvent de sources de la légalité administrative - sont nombreuses et ont des origines variées. Par ordre décroissant dans la hiérarchie des normes, il s’agit des sources à valeur constitutionnelle, des sources internationales, des lois, des principes généraux du droit, des décisions juridictionnelles, des règles jurisprudentielles et des actes édictés unilatéralement par l’administration elle-même.
Or ces derniers temps, l’exercice de la liberté de manifestation, qui figure pourtant dans la Constitution, a été presque systématiquement entravé par l’autorité administrative. Ces entraves sont à la fois une cause et une conséquence : elles s’expliquent par le climat politique tendu, mais leur persistance nourrit également un tel climat. On notera ainsi, s’agissant de la période la plus récente, que :
Le projet de manifestation du 17 juin 2022 par la coalition de l’opposition « Yewi Askan Wi » a été interdite au motif de risque de trouble à l’ordre public ;
Le 6 janvier 2023, une autre manifestation de l’opposition dénonçant la gestion irrégulière des « fonds Covid » a été interdite, au motif que la place de la Nation, qui devait abriter l’événement, était en cours de travaux ;
Le 9 juin 2023, la manifestation du F 24, front de partis et d’organisations d’opposition, a également été interdite ;
Enfin, le 8 septembre 2023, une autre manifestation dédiée à la libération des détenus politiques a également été interdite.
De manière quasi rituelle, les interdictions administratives se fondent sur le risque de trouble à l’ordre public. Plus accessoirement, l’Administration s’est prévalue de la violation de certaines dispositions du code électoral (art L61 interdisant toute propagande durant les trente (30) jours précédant l’ouverture officielle d’une campagne électorale).
Ces interdictions administratives et leur multiplication s’expliquent en réalité par une sorte de climat insurrectionnel latent, deux soulèvements d’ampleur ayant eu lieu : en mars 2021 et en juin 2023, tous liés au traitement judiciaire de l’opposant Ousmane Sonko.
La menace qui pèse sur le droit de manifester est également liée à la persistance c’est-à-dire à la non-abrogation de l’« arrêté Ousmane Ngom » - du nom d’un ancien ministre de l’Intérieur- (arrêté du 20 juillet 2011 interdisant les manifestations « de caractère politique » dans le centre- ville de Dakar).
Il convient pour finir de souligner qu’au cours de la première phase du dialogue national, la question de l’effectivité de la liberté de manifestation a été longuement débattue. Le moins que l’on puisse dire est donc que son acuité demeure.
Des libertés individuelles remises en cause -
S’agissant plus spécifiquement de la liberté d’expression, l’autre droit fondamental fortement remis en cause ces derniers temps, il convient de rappeler, au préalable, qu’en démocratie, la libre communication de ses pensées et de ses opinions est un des droits les plus élémentaires. Ce droit est cependant bien borné. Ce droit s'exerce dans les conditions prévues par la loi. Les journalistes ou chroniqueurs, hommes politiques et simples citoyens l’auront appris depuis les évènements de juin 2021. On aura noté, comme jamais auparavant au Sénégal, une recrudescence d’arrestations, ouverture d’enquêtes ou mises en examen pour diffamation, pour diffusion de fausses nouvelles, pour déclarations de nature à troubler l’ordre public, pour atteinte à la sécurité de l’État. Le problème aujourd’hui au Sénégal, est que le traitement judiciaire discriminatoire des abus de la liberté d’expression. Selon que l’on est dans l’opposition ou du côté du pouvoir, ce traitement sera sévère ou complaisant.
Comment peut-on comprendre, dans un Etat où tous ces droits et toutes ces libertés énumérées à l’article 8 de la loi fondamentale, que tant de violations des droits et libertés puissent se produire ? Il est vrai que ces droits s'exercent dans les conditions prévues par la loi encore que, parfois, c’est la base légale de ces violations qui n’existe pas. En effet, nous avons cherché mais nous n’avons pas trouvé la base légale de cette décision de « barricader » un opposant, de le priver de son droit d’aller et venir.
Que reste- t-il aux partis politiques quand tout appel à la mobilisation des militants est assimilé à un appel à l’insurrection et peut entrainer un emprisonnement, quand les militants et sympathisants sont interdits d’accès aux sièges des partis politiques et quand les demandes de manifestations sont systématiquement interdites ?
Comment comprendre avec tous ces droits et libertés :
qu’un ministre puisse s’arroger, illégalement, le droit de suspendre le signal d’une TV au point d’amener la Cour suprême à lui rappeler son incompétence, ce pouvoir n’étant reconnu qu’au Conseil National de Régulation de l’Audiovisuelle (CNRA). En effet, l’article 210 du Code de la Presse, accorde une telle compétence à cette autorité. L’incompétence est un moyen que le juge peut soulever d’office, vu que c’est un moyen d’ordre public ;
les « retours de parquet » qui n’ont aucun fondement légal. Dans la pratique judiciaire, on appelle « ordre de mise à disposition » l’acte par lequel, un magistrat (le Procureur par exemple), après réception d’un dossier de déferrement dont le règlement relatif à l’inculpation n’est pas encore définitif, confie à la Police ou à la Gendarmerie la ou les) personnes poursuivies. Elle y sera gardée avant de lui être présentées à nouveau. Le problème, c’est les abus notés qui sont assimilables à une volonté d’humilier, de punir…
cette tendance à amener en instruction des cas évidents de flagrant délit…pour punir ; (sinon comment expliquer des cas manifestes de flagrant délit amenés en instruction ?) ;
cette instrumentalisation politique de l’infraction de « terrorisme ». Les modifications du code pénal et du code de procédure pénal de 2021 permettent désormais de qualifier d’« actes terroristes » des infractions qui existaient déjà dans le corpus juridique sénégalais. On a beau se créer une base légale en créant de nouvelles infractions qualifiées ou assimilées à des actes terroristes et passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à la perpétuité, en y incluant la participation à un mouvement insurrectionnel, la violence, le vol commis contre des personnes et les préjudices causés lors de rassemblements. Mais toute personne de bonne foi sait que ce qui s’est passé au Sénégal ces deux dernières années n’a rien à voir avec ce qui s’est passé aux USA le 11 septembre, ce qui se passe au Soudan, ce qui se passe au Mali, au Burkina…
La dissolution intervenue après une décision de justice aurait fait moins désordre si elle pouvait être justifié par une décision de justice ayant établi la réalité des faits reprochés avec toute la rigueur de l’autorité de la chose jugée. Le cas échéant, l’on n’épiloguerait pas sur le fait que celui qui a la compétence de dissoudre a aussi la casquette d’un chef de parti qui voit l’occasion offerte de sortir du jeu le chef du parti probable empêcheur de gagner à coup sûr la prochaine présidentielle de 2024.
l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques -
Il s’agit d’un point capital de la crise actuelle. Jamais les prisons sénégalaises n’avaient accueilli autant de personnes poursuivies pour des motifs liés à leurs convictions politiques. Le nombre d’un millier de « prisonniers d’opinion » est ainsi régulièrement avancé, les vagues d’arrestations ayant notamment eu lieu au lendemain des émeutes de juin 2023. Parmi les personnes arrêtées, on compte des députés et des élus locaux notamment.
Des images volontiers « spectaculaires » ont jalonné ce processus politico-judiciaire : garde –à-vue d’opposants, bris de la vitre du véhicule de l’opposant Sonko, stationnement de véhicules militaires blindés devant son domicile des semaines durant, arrestations du député Guy Marius Sagna etc.
Des incriminations graves ont pu être articulées contre des hommes politiques, comme l’atteinte à la sûreté de l’Etat, le discrédit des institutions, voire le terrorisme.
Des organisations comme « Amnesty international » ont en conséquence mené la campagne « Ensemble, demandons justice pour les victimes de la répression violente des manifestations au Sénégal ». De même, la Cour pénale internationale a été saisie d’un dossier mettant en cause divers dignitaires du régime.
Dans la foulée, si l’on ose dire, les autorités ont pris une mesure inédite : la dissolution d’un parti politique, le parti « Pastef » dirigé par Ousmane Sonko. Ce dernier, individuellement, fait l’objet d’une série de procédures judiciaires touchant l’infraction de viol – de « corruption de la jeunesse » dira finalement la Justice – et de diffamation – contre un membre du gouvernement -.
Il s’agit de bien comprendre que cette mobilisation de l’appareil judiciaire dans un contexte politique s’inscrit dans une sorte de continuité : deux autres opposants, Karim Wade et Khalifa Sall, emprisonnés dans le passé, ont été empêchés de participer aux élections de 2019 notamment du fait de leur condition judiciaire. A l’heure actuelle, il n’est pas exclu qu’un troisième opposant, Ousmane Sonko, soit victime du même procédé : l’élimination judiciaire d’opposants politiques.
De telles réalités posent certainement la question de la neutralité politique de la justice. Du moins l’implication de l’appareil judiciaire dans des enjeux politiques et électoraux est-elle de nature à poser le problème de l’indépendance de ce troisième pouvoir.
En tout état de cause, le débat ne manquera pas d’être posé au lendemain des élections en vue. En attendant, son acuité ne fait aucun doute, d’autant que dans les semaines à venir, l’intervention de divers acteurs judiciaires (Cour d’appel et Cour suprême au sujet de procès visant des individualités, Conseil constitutionnel au sujet de l’examen des candidatures à l’élection) pourrait de nouveau faire planer le spectre d’une « instrumentalisation de la justice » à des fins politiques.
Rappelons, pour finir, les dispositions du Code électoral susceptibles d’être concernées par l’éligibilité des candidats : L28 à L.31 inclus. Ces articles touchent pour l’essentiel les condamnations pénales qui empêchent l’inscription sur les listes électorales.
[3] Le juge sénégalais semble avoir fait sienne l’affirmation du commissaire du gouvernement Corneille dans l’arrêt Baldy du 10 août 1917 : « en matière de police, la liberté est la règle et la restriction, l’exception ».
par l'éditorialiste de seneplus, Ibe Niang Ardo
QUAND LE DÉSESPOIR FÉCONDE DES ILLUSIONS POLITICARDES
EXCLUSIF SENEPLUS - Le rêve de devenir président de la République s’est démentiellement démocratisé chez nous, rendant les élections vaudevillesques et tragiques. Trop de politique, partout et en tout, a fini par tout brouiller
Ibe Niang Ardo de SenePlus |
Publication 26/12/2023
Nous sommes enfin au seuil de 2024, tout proche d’une élection présidentielle sur une pente tumultueuse mais paradoxalement irrésistiblement sexy, au point d’affrioler une nuée de candidats dont une maigre poignée jouirait d’une position digne de candidature.
En effet, le rêve de devenir président de la République s’est démentiellement démocratisé chez nous, rendant les élections vaudevillesques et tragiques. Trop de politique, partout et en tout, a fini par tout brouiller ; notre pays est devenu un océan de maux sous un ciel sombre de mots où les étoiles de solutions sont quasi imperceptibles.
Une élection présidentielle est un grand événement politique où les partis et les coalitions de partis, de même que des indépendants, rivalisent en stratégies et tactiques pour remporter les suffrages des citoyens. Ces entités comme toutes les organisations ont alors besoin d’efficacité et à cet effet mettent de leurs côtés respectivement tous les moyens pour avoir des participants à leurs causes. Ces derniers recrutés parmi les électeurs sont appelés à pleinement s’engager dans le processus électoral.
À défaut de pouvoir y parvenir par la production d’un projet socio-économique prépondérant, d’aucuns cèdent à la fibre populaire plutôt que de mettre l’accent sur l’intensité de l’engagement des participants et ce, jusqu’à franchir le Rubicon à coups de populisme et extrémisme abominables. La conséquence fâcheuse de cette situation est que la réponse des participants en état de subordination à une telle orientation du leader - icône vire en aliénation collective en lieu et place d’un engagement positif.
Immigration illégale des jeunes et imprécations de désespoir
Quand la politique tient la raison en l’état. Ça en a tout l’air ! L’on voudrait nous faire prendre l’immigration illégale des jeunes pour une innovation sociale, nous faire accepter l’avènement d’un sentiment inédit de désespoir dont la seule cause est l’homme élu et en charge en ce moment et sa gouvernance ; que nenni.
Du plateau à Dakar où j’ai passé mon enfance et mon adolescence, à jet de pierre du port de Dakar, j’ai assisté depuis le temps où les paquebots Lyautey, puis Ancerville ensuite Massalia, assuraient la ligne Dakar - Marseille, à des hordes de jeunes qui s’engouffraient dans les cales pour rejoindre l’Europe chaque mois. Quand moi-même j’ai débarqué du Massalia à Marseille dans les années 70, j’étais étonné de trouver quelques grands-parents à la retraite qui devisaient chaque jour à la terrasse d’un café de Belsunce, face au célèbre vieux port, coin réputé alors et ce depuis bien avant notre indépendance : quartier sénégalais. Le besoin social de voyager a toujours habité les jeunes, la seule chose qui a changé est la réponse que cette génération donne à ce dilemme, qui s’est complexifié par la suppression des moyens maritimes jadis fréquents, l’instauration d’un visa conçu à des fins dissuasives pour les prétendants et pécuniaires pour les consulats délivreurs, enfin l’attitude européenne nouvelle de rejet systématique de tout immigré provenant d’Afrique noire. J’ai choisi cet exemple pour pointer le doigt sur les nombreuses analyses biaisées qui pullulent dans les médias et inviter à une vue plus holistique de nos problèmes afin d’y apporter des solutions durables.
L’illusion d’un pouvoir à la portée de tout quidam
Comment en sommes-nous venus à croire que le pouvoir était à la portée de quiconque, tant le désespoir est exaspérant pour le peuple, donné comme aigri et répugné au pouvoir en place. Si tel était le cas les militaires seraient les premiers à en être informés et il se trouverait bien parmi eux, un qui ne se priverait pas de s’en emparer. Il n’en est rien. Nous nous acheminons sereinement vers 2024 et comme pour toutes les années électorales passées, les Sénégalais vont paisiblement aller le 25 février élire un homme responsable digne de les guider vers le progrès et la paix sociale. La majorité des votants est silencieuse et vote avec discernement. Nous avons aujourd’hui plus que jamais besoin d’apaisement de la tension sociale, de solidarité et inclusion au niveau de la distribution des revenus, de sécurité et protection de nos ressources et intérêts nationaux, de confiance en l’administration de la justice et de détermination à éradiquer la corruption. Nous élirons un leader à la hauteur de ces enjeux. Mon candidat l’est. J’ai opté pour un lion et non un faux de kankouran. Que chacun s’assure d’avoir fait un bon choix, l’on donnerait ainsi au nombre ridicule des candidats une réponse cinglante, en le réduisant à moins que celui des doigts d’une main.
Joyeuses fêtes de fin d’année et bonne et heureuse année 2024 à tous !
TIEY NDELLA !
Deet kay hana ! Boulen suul ndaanaan waay ! Yeurmeunde book si borom Keur yeurmeunde. C’est vrai que dans cette histoire, Ndella s’est comportée comme un bébé.
Deet kay hana ! Boulen suul ndaanaan waay ! Yeurmeunde book si borom Keur yeurmeunde. C’est vrai que dans cette histoire, Ndella s’est comportée comme un bébé. Parce qu’avoir une autorisation, c’est quand même moins compliqué que gérer une quarantaine des nourrissons. Mais au nom de l’intention de ramasser tous ses orphelins ou victimes de diour sanni, elle doit avoir une circonstance atténuante. Bon, maintenant, si elle en a fait un marché, c’est en rajouter une couche. Ce mardi, elle risque de crécher en prison. Heureusement, qu’elle n’a pas de fiches à retirer à la Dge. Tiey Ndella. Qui a dit Thiendella ?
par Sidy Alpha Nidaye
RÉHABILITER LE DROIT ET REPENSER UN ÉTAT DE JUSTICE INDÉPENDANTE
EXCLUSIF SENEPLUS - Priver un candidat de sa candidature alors qu'il peut se prévaloir d'une décision de justice exécutoire constituerait une atteinte aux Lois et aux droits fondamentaux, dont la protection ultime revient au Conseil constitutionnel
Lettre ouverte au Conseil constitutionnel du Sénégal
La temporalité politique au Sénégal est rythmée par la manipulation administrative du droit électoral afin d’annihiler la libre participation à l’élection présidentielle du 25 février 2024. Cette fraude à la démocratie et à l’Etat de droit s’organise par l’installation, dans les représentations populaires, de l’idée selon laquelle la recevabilité des candidatures dépendrait de conditions extérieures à la Loi. En droit électoral, tout électeur est éligible lorsque les prérequis légaux sont remplis (âge, nationalité, parrainages…). Le législateur sénégalais a, en 2018, consacré la liaison entre l’éligibilité et la qualité d’électeur pour toutes les élections. En somme, il faut d’abord être électeur avant d'être éligible. En ce sens, l’article L. 57 al.1 du Code électoral ne laisse place à aucune interprétation prétorienne en disposant très clairement que « tout Sénégalais électeur peut faire acte de candidature et être éligible, sous réserve des conditions d'âge et des cas d’incapacité ou d’inéligibilité prévus par la loi ».
A cette aune, les candidatures de Messieurs Ousmane Sonko et de Bassirou Diomaye Faye remplissent toutes les exigences légales. En validant ces candidatures, le Conseil constitutionnel démontrera, par sa fonction de régulation, qu’il est pleinement investi dans un constitutionnalisme promouvant la démocratie pluraliste et l’Etat de droit.
De quelques observations sur l’éligibilité incontestable de Monsieur Ousmane Sonko
L’annulation de la radiation de Monsieur Ousmane Sonko par le Tribunal d’Instance Hors Classe de Dakar, le 14 décembre 2023, a pour conséquence sa réintégration immédiate dans le fichier électoral. Le Tribunal d’instance a considéré, en vertu de l’article 307 CPC, que l’arrestation de Monsieur Ousmane Sonko anéantit de plein droit le jugement de la Chambre criminelle du Tribunal de Grande Instance de Dakar du 1er juin 2023 condamnant celui-ci pour délit de corruption de la jeunesse. La décision de la Chambre criminelle étant sortie de l’ordonnancement juridique, la situation de contumax, déjà juridiquement absconse, ne peut plus prospérer et, par conséquent, aucune décision de radiation ne pourrait se fonder sur une décision judiciaire devenue inexistante. Il s’ensuit que l’éligibilité de Monsieur Ousmane Sonko ne saurait être discutée tant il est vrai que l’ordonnance rendue par le Tribunal d’Instance en date du 14 décembre 2023 est d’application immédiate par toutes les autorités administratives en charge de la matière électorale, la Direction Générale des Elections et la Direction de l’Autonomisation du Fichier en l’occurrence. L’article L. 47 al. 4 du Code électoral et les articles 36 et 74-2 de la loi organique relative à la Cour suprême prévoient explicitement le caractère non-suspensif d’un éventuel pourvoi en cassation devant ladite Cour. Autrement dit, l’introduction d’un pourvoi n’aurait aucune incidence sur l’obligation pour les autorités administratives de se conformer, sans délai, à l’autorité de la chose jugée. L’urgence et la célérité exigent, en matière électorale, qu’une action contentieuse ne puisse préjudicier au droit fondamental d’un candidat, Monsieur Ousmane Sonko, de se présenter au suffrage des Sénégalais. L’atypisme juridique de la matière électorale, pensée dans une logique de protection et de sauvegarde des droits fondamentaux, celui de concourir au suffrage universel notamment, commande qu’aucune manœuvre dilatoire n’entrave la pleine réalisation des ressources normatives dédiées aux citoyens-électeurs. Pour preuve, cette matière échappe aux hypothèses limitatives dans lesquelles un recours suspensif est prévu.
Toujours est-il que le refus opposé par les services administratifs du ministère de l’Intérieur, la DGE principalement, d’exécuter une décision de justice, deux mois après le premier refus d’exécution de l’ordonnance du Tribunal d’Instance de Ziguinchor rendue le 12 octobre 2023, viole l’article L. 47 al. 4 du Code électoral et les articles 36 et 74-2 de la loi organique susmentionnée. Ces refus répétés, si le Conseil constitutionnel ne remplit pas la plénitude de son office, sont de nature à préjudicier la candidature de Monsieur Ousmane Sonko alors même que les dispositions pertinentes précitées lui restituent l’intégralité de ses droits civils et politiques. Priver un candidat de sa liberté de candidature, alors même qu’il peut se prévaloir d’une décision de justice immédiatement exécutoire, serait une atteinte grave aux Lois de la République ainsi qu’aux droits fondamentaux dont le gardiennage appartient ultimement au Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel serait responsable de cette violation de la loi électorale s’il ne déclarait pas recevable la candidature de Monsieur Ousmane Sonko qui bénéficie d’une ordonnance de réintégration immédiate dans le fichier électoral et qui, par ricochet, retrouve sa qualité d’électeur. Face aux refus persistants de la DGE de remettre au mandataire de Monsieur Ousmane Sonko ses fiches de parrainages, il appartient au Conseil constitutionnel, sous le prisme du droit et de sa propre jurisprudence, de recevoir favorablement le dossier du candidat lésé complété par des exploits d’huissier constatant que les pièces manquantes relèvent de la responsabilité intégrale de l’Administration électorale qui a, de manière caractérisée, violé l’article L. 47 al. 4 du Code électoral et les articles 36 et 74-2 de la loi organique relative à la Cour suprême. Il ne saurait être reproché à Monsieur Ousmane Sonko une faute de l’Administration. La violation de la loi électorale et de la loi organique sur la Cour suprême, par le refus d’appliquer une décision de justice, celle du Tribunal d’Instance de Dakar, ne peut être supportée par un citoyen-électeur dont les droits électoraux sont intacts. Ce fait du prince acterait le primat de l’Administration sur la justice et mettrait définitivement fin à l’idéal de la séparation des pouvoirs et à l’ordre républicain au Sénégal. Le Conseil constitutionnel a pour mission d’empêcher que l’Administration décide impunément de ne pas exécuter des décisions de justice défavorables au pouvoir politique. Cet arbitraire, s’il devait prospérer, anéantirait notre Etat républicain.
Le Conseil constitutionnel doit nécessairement se prononcer sur l’imputabilité du manquement lorsque les dossiers de candidature lui seront adressés. Il ne peut pas se contenter d’un contrôle notarial minimal des pièces du dossier de candidature sans questionner l’imputabilité du manquement et en tirer les conséquences juridiques appropriées. Sa jurisprudence antérieure l’y oblige. Il est utile de rappeler, que dans une décision du 15 avril 1998, le Conseil constitutionnel du Sénégal avait déclaré recevable une liste de candidats aux élections législatives au motif que l’absence dans son dossier du récépissé du trésorier général attestant du dépôt du cautionnement électoral était imputable à l’Administration faute de permanence au trésor public et d’acceptation par le ministère de l’Intérieur de la somme exigible présentée avant la limite de dépôt des candidatures. En l’espèce le requérant excipait « une défaillance de l'administration pour laquelle son parti ne doit pas être pénalisé ». Il argue « avoir fait preuve de diligence en présentant avant l’heure limite de dépôt la somme de trois millions de francs au Ministère de l'Intérieur mais que le dépôt lui en a été refusé ». Le juge constitutionnel, après avoir insisté sur la corroboration par écrit des prétentions du requérant, décide qu’« il y a lieu de constater que la preuve est établie que le cautionnement était disponible et a été présenté au Ministère de l’Intérieur avant l'heure légale de clôture » (Conseil Constitutionnel, Décision n°/E/3/98 du 15 avril 1998, affaire Insa Sangare). Il n’eut d’autre choix que d’accepter la recevabilité de la liste de candidatures. A l’aune de cette jurisprudence sans équivoque, le refus de la DGE de délivrer ses fiches de parrainage au mandataire de Monsieur Ousmane Sonko et celui de la Caisse des dépôts et consignations de fournir une attestation de dépôt, dès lors qu’ils sont corroborés par des écrits, les exploits d’huissier, sont imputables non pas au candidat Ousmane Sonko mais à l’Administration qui engage, seule, sa responsabilité. L’accomplissement de toutes les diligences par le mandataire désigné par Monsieur Ousmane Sonko n’est plus à démontrer. Dans une décision très récente, en date du 14 décembre 2023, le Conseil constitutionnel a rappelé, dans un raisonnement clair, qu’un procès-verbal d’huissier remplace en bonne et due forme un document administratif manquant lorsque le requérant a accompli les diligences utiles : « considérant que, pour justifier cette carence, les requérants ont joint à leur requête un procès-verbal de constat interpellatif d’huissier du 6 décembre 2023, dressé à la requête du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi (…), représenté par son président Birame Souleye Diop, qui déclare qu’il a mandaté Madame Daba Wagnane, député, laquelle « s’est présentée au Secrétaire général de l’institution parlementaire pour obtenir une copie de la loi votée, en vain » ; que le huissier instrumentaire ayant interrogé Madame Daba Wagnane, cette dernière déclare ceci « Secrétaire général m’a répondu : la loi n’est pas encore promulguAe » ; Considérant qu’il ressort de cet acte que le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi, représenté par son président Birame Souleye Diop, n’a pas interpellé les personnes habilitées à délivrer les textes de loi et notamment le SG de l’institution parlementaire, mais plutôt Madame Daba Wagnane ; que les seules déclarations de cette dernière, consignées dans le procès-verbal d’huissier, ne peuvent établir que les requérants ont accompli les diligences utiles ». En l’espèce, il a été reproché au groupe parlementaire Yewwi Askan Wi de n’avoir pas interpellé l’autorité administrative compétente, le Secrétaire général parlementaire notamment. Par ricochet, le Conseil constitutionnel estime que si l’autorité habilitée avait été saisie, le procès-verbal d’huissier rendrait nécessairement la requête recevable. Dire le droit, c’est pour le Conseil constitutionnel ne pas se dédire abruptement sur l’imputabilité du manquement. Selon la jurisprudence récurrente du Conseil constitutionnel, les refus peuvent être valablement suppléés par des exploits d’huissier pouvant techniquement intégrés le dossier de candidature dont l’incomplétude relève d’une violation de la loi par l’agissement ultra-vires de la DGE, de la DAF et de la Caisse des dépôts et consignations. La garantie juridictionnelle des droits fondamentaux exercée ultimement par le Conseil constitutionnel exige la recherche minimale de la causalité du manquement. Le Conseil constitutionnel du Sénégal serait inspiré, outre sa propre jurisprudence, de convoquer le droit jurisprudentiel comparé. La Cour constitutionnelle du Bénin a retenu, en 1998, la candidature d’un opposant rejetée par la Commission nationale électorale pour dossier incomplet en soutenant que « pour des raisons indépendantes de sa volonté, le requérant s’est trouvé dans l’impossibilitéde satisfaire aux exigences légales lui imposant d’avoir son dossier de candidature complet à la date du 22 octobre 1998 ». Le droit électoral, adjuvant des droits fondamentaux des citoyens, doit toujours être interprété en faveur de l’individu surtout lorsqu’il n’a pas perdu ses droits civils et politiques ou que ceux-ci les lui soient restitués par une décision judiciaire. Monsieur Ousmane Sonko réintégré dans les listes électorales par décision de justice ne peut aucunement souffrir d’une violation de la loi par l’Administration. Outre cet argumentaire technique, il n’est pas superfétatoire que le Conseil constitutionnel prenne en compte les circonstances très politiques qui caractérisent l’affaire Ousmane Sonko. Cette affaire a donné lieu à des situations inédites dans les annales judiciaires au Sénégal. Pour la première fois, le représentant de l’Etat, l’Agent judiciaire, introduisit un pourvoi en cassation sur une simple question de radiation sans que l’intérêt de la société soit démontré ou même postulé (pourvoi introduit après l’ordonnance de réintégration de Monsieur Ousmane Sonko sur les listes électorales rendue le 12 octobre 2023). En sus, pour la première fois, la DGE refuse obstinément d’appliquer une décision de justice mettant à mal les acquis républicains obtenus au prix d’une intériorisation très longue des linéaments de l’Etat de justice. Il ne s’agit donc pas seulement du cas isolé d’un candidat mais de l’Etat de droit qui est mis à l’épreuve par l’Administration et dont la préservation historique échoit au juge constitutionnel.
Au surplus, le contentieux portant sur la diffamation devant la Cour suprême opposant Monsieur Ousmane Sonko au ministre Mame Mbaye Niang, le 4 janvier 2024, interpelle directement la compétence exclusive du Conseil constitutionnel en matière d’exception d’inconstitutionnalité. Le soulèvement de l’inconstitutionnalité de l’article 260 de la loi n° 65-60 du 21 juillet 1965 du Code pénal devant la Cour suprême entraîne une conséquence juridique immédiate. La juridiction suprême doit surseoir à statuer et renvoyer obligatoirement le contrôle de la loi contestée au Conseil constitutionnel. La disposition dont la constitutionnalité est querellée, à charge pour le Conseil constitutionnel d’opérer son contrôle de constitutionnalité, pose un problème de conformité à l’article 8 de la Constitution du Sénégal du 22 janvier 2001, l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’article 19-2 du Pacte international relatif aux Droits civils et politiques, l’article 9-2 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le paragraphe 1 de la Résolution 169 sur l’Abrogation des lois pénalisant la diffamation en Afrique par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples du 24 novembre 2010. Dans tous les Etats acquis à l’exigence démocratique, les dispositions sur la diffamation des autorités gouvernementales sont sorties de l’ordonnancement juridique en raison de la nature même de leurs fonctions. En droit positif sénégalais, la Cour suprême n’a pas le pouvoir d’apprécier du caractère sérieux ou opportun du renvoi. Elle est dans l’obligation de surseoir à statuer et, par conséquent, de ne pas tenir l’audience enrôlée le 4 janvier 2024. En effet, la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique n° 2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême en son article 91 dispose que : « Lorsque la solution d’un litige porté devant la Cour suprême est subordonnée à l’appréciation de la conformité d’une loi ou des stipulations d’un accord international à la Constitution, la Cour saisit obligatoirement le Conseil constitutionnel de l’exception d’inconstitutionnalité ainsi soulevée et sursoit à statuer jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel se soit prononcé.Si le Conseil estime que la disposition dont il a été saisi n’est pas conforme à la Constitution, il ne peut plus en être fait application ». La loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel, en son article 22, précise que « Le Conseil se prononce dans le délai d’un mois à compter de la date de sa saisine ». Il n’est pas inutile de rappeler que la Cour suprême n’a jamais varié dans sa position principielle de renvoi lorsqu’une exception d’inconstitutionnalité est soulevée devant elle. Elle renvoie systématiquement au Conseil constitutionnel la loi devant être appliquée au justiciable (Cour suprême, 26 juillet 2012, Ndiaga Soumaré c/ État du Sénégal ; Cour suprême, 06 février 2014, Ai Aa Ab, c/ Procureur spécial près la CREI et Procureur général près la Cour d’Appel de Dakar ; Cour suprême, 10 mars 2022, Souleymane Téliko c/ État du Sénégal). Dans une décision du 28 septembre 2022, le Conseil constitutionnel a adopté d’ailleurs une position péremptoire qui ne laisse place à aucune manœuvre prétorienne. Il déclare « la Chambre d’Accusation de la Cour d’Appel de Dakar, saisie d’une exception d’inconstitutionnalité dirigée contre l’article 344 du Code des Douanes, a l’obligation de transmettre au Conseil constitutionnel l’exception ainsi soulevée et de surseoir à statuer jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel se soit prononcé, conformément à l’article 22 de la loi organique relative au Conseil constitutionnel ».
Par rapport à tout ce qui précède, Monsieur Ousmane Sonko, jouissant de tous ses droits civils et politiques, dispose d’un dossier de candidature recevable et le droit exige sa participation à l’élection présidentielle du 25 février 2024.
Le caractère irréfutable de l’éligibilité de Monsieur Bassirou Diomaye Faye
La qualité d’électeur est posée par les articles 26 à 31 du Code électoral. Un individu est frappé d’une incapacité électorale que dans des conditions limitativement prévues par la loi, neutralisant ainsi la marge d’interprétation qu’aurait le juge constitutionnel qui se retrouve dans une situation étroite de compétence judiciaire liée. Il faudrait impérativement que l’individu perde momentanément ou définitivement la jouissance de ses droits civils ou politiques pour ne pas être éligible. Cette incapacité ne peut résulter que d'une décision ayant atteint l’autorité de la chose jugée. Il peut s’agir d'une incapacité intellectuelle ou d'une incapacité morale. Ce faisant, pour qu’un Sénégalais majeur soit privé de la qualité d’électeur, il faut obligatoirement une décision judiciaire définitive. Toute autre situation n’est pas privative de la qualité d’électeur. Le juge constitutionnel sénégalais, conformément à ses attributions textuelles, n’a aucun pouvoir discrétionnaire en matière de privation des droits susmentionnés d’un citoyen-électeur. D’ailleurs, la privation, par le juge ordinaire, de la qualité d’électeur d’un condamné doit résulter d’une peine supplémentaire qui doit être prononcée à la demande du procureur en ce qu’un préjudice est causé à la société. C'est généralement une peine complémentaire, c'est-à-dire qu'elle vient s’ajouter à une peine de prison ou d'amende prononcée à titre principal. En droit, il est de coutume que l’accessoire suive le principal, et non l’inverse ! Lorsqu’il s’agit de déchoir un citoyen de son droit fondamental d’être élu, l’objectif poursuivi doit être légitime et proportionné à la peine. On est très loin en l’espèce de la situation juridique du candidat Bassirou Diomaye Faye qui n’a fait l’objet d’aucune forme de condamnation, même en première instance, alors même que la loi exige une condamnation définitive. En dehors de toute hypothèse de condamnation, inexistante en réalité, Monsieur Bassirou Diomaye Faye n’a même jamais fait l’objet d’un procès. Discuter politiquement de l’éligibilité d’un candidat jamais attrait devant un juge renseigne à suffisance sur le mal-démocratique dont souffre le Sénégal ! La volonté politique ne préempte pas la décision du juge constitutionnel. Dire le droit est une opération technique qui est détachée des contingences d’appareils. Et en l’absence de tout procès, il ne peut naturellement y avoir une condamnation et une privation de droits. Monsieur Bassirou Diomaye Faye garde la totalité de ses droits civils et politiques.
Le Conseil constitutionnel ne peut pas juridiquement invalider la candidature d’un citoyen qui n’est frappé d’aucune condamnation emportant déchéance de ses dits droits. Le juge constitutionnel n’est que la simple bouche de la loi électorale et non l’organe judiciaire de réalisation d’une commande politique d’élimination arbitraire des opposants. Toute autre attitude contra-legem du juge constitutionnel participerait à un arbitraire judiciaire aux relents politiques. Selon la jurisprudence du même Conseil constitutionnel, le principe de la nécessité des peines, posé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, partie intégrante de la Constitution sénégalaise, implique que toute peine, fût-elle complémentaire, doit être expressément prononcée par le juge pour qu'il vérifie qu'elle correspond bien, dans ce cas particulier, à l'exigence de nécessité. C’est bien lorsque la déchéance des droits susvisés est prononcée par le juge que l'administration est autorisée à procéder à la radiation de l’électeur concerné. Une radiation factuelle selon la bonne volonté interprétative du juge constitutionnel n’existe pas dans un Etat de droit ! Le juge constitutionnel ne fait pas la loi électorale, il l’applique dans son entièreté et dans le respect de ses attributions normatives expressément codifiées.
La candidature à l’élection présidentielle, pour être recevable, doit, aux termes de l’article L 57 al.2, « être portée soit par un parti politique légalement constitué, soit par une coalition de partis politiques, soit par une entité regroupant des personnalités indépendantes ». La loi électorale prévoit ces trois possibilités à l'électeur sénégalais qui remplit les autres conditions (âge, parrainage, obligations fiscales) pour faire acte de candidature. Il en résulte que, même en situation de détention provisoire, la candidature de Monsieur Bassirou Diomaye Faye ne souffre d’aucun obstacle juridique si celle-ci est portée par un parti politique légalement constitué distinct de Pastef ou une coalition de partis politiques. En revanche, il ne peut pas être candidat indépendant. Il ne pourrait l’être qu’un an après la dissolution du parti. Juridiquement, la dissolution du parti Pastef n’a aucun effet sur les droits individuels autonomes des membres dudit parti. Si tel était le cas, tous les membres encartés du parti dissous, y compris naturellement les parlementaires et élus locaux dudit parti, devraient en conséquence perdre automatiquement leur mandat et n’auraient même pas eu le droit de voter aux différentes élections car ils seraient frappés de déchéance de leurs droits. Suivant ce raisonnement tendancieux, les députés du parti frappé de dissolution devraient être tous déchus de leurs droits. L’absurdité du raisonnement suffit à son invalidation ! Faudrait-il rappeler, qu’en droit, les partis politiques sont considérés comme des associations ordinaires, au même titre que tout groupement. C’est un truisme d’affirmer qu’un parti politique est doté d’une personnalité juridique différente de celle de ses membres. Affirmer qu’un parti politique est une entité autonome dont la dissolution n’emporte évidemment pas les droits individuels de ses membres est un lieu commun juridique qu’il appartiendra au Conseil constitutionnel de réaffirmer. L’article L. 57 al. 2 du Code électoral permet très clairement à Monsieur Bassirou Diomaye Faye d’être candidat au titre d’un parti politique légalement constitué ou d’une coalition de partis. En d’autres termes, la dissolution d’un parti n’a aucune incidence, même indirecte, sur la déchéance des droits civils et politiques d’un membre qui est libre d’adhérer à un autre parti politique ou même d’en créer. Il est sans ambiguïté dans la même situation juridique qu’un membre démissionnaire d’un parti politique.
En réalité, l’article L. 57 al. 2 ne donne lieu à aucune interprétation spécieuse en ce qu’il prévoit explicitement que la candidature est portée par un parti légalement constitué, une coalition de partis politiques ou selon qu’il s’agisse d’une candidature indépendante. En 2019, Maître Madické Niang était candidat à l’élection présidentielle alors qu’il venait de démissionner du PDS quelques mois auparavant. En l’espèce, le Conseil constitutionnel décida : « Considérant que le 11 décembre 2018, à quinze heures trente-huit minutes, Ibra Diouf, mandataire de la coalition « MADICKÉ 2019 », a déposé au greffe du Conseil constitutionnel une déclaration aux termes de laquelle Madické Niang, avocat, né le 26 septembre 1953 à Saint-Louis de Mademba et Khady Thioune, est candidat à l’élection présidentielle du 24 février 2019, a reçu l’investiture de la coalition « MADICKÉ 2019 », est de nationalité sénégalaise, jouit de ses droits civiques et politiques, est titulaire de la carte d’électeur n°100432104 (…) ;Considérant que la déclaration de candidature de Madické Niang est accompagnée des pièces énumérées à l’article L.116 du Code électoral, dont une liste de 65 078 électeurs l’ayant parrainé, présentée sur fichier électronique et en support papier ;Considérant qu’il résulte des vérifications auxquelles il a été procédé (…) ;Considérant que la candidature de Madické Niang est recevable ». L’orthodoxie judiciaire serait que le Conseil constitutionnel respecte scrupuleusement sa jurisprudence antérieure fondée sur la stricte application de la loi électorale sans tomber dans une jurisprudence politique. L’actuelle ministre de la justice, Maître Aissata Tall Sall, était elle-même candidate à l’élection présidentielle de 2019 avec la coalition « Oser l’avenir » après son exclusion du PS. Sa candidature était rejetée simplement pour insuffisance de parrainages. Le juge constitutionnel, dans sa décision du 13 janvier 2019, considère « qu’il résulte des vérifications auxquelles il a été procédé (…), qu’elle a obtenu le parrainage validé de 10 129 électeurs domiciliés, à raison de 2000 parrains par région au moins, dans deux régions ; qu’Aïssata Tall Sall n’ayant obtenu ni le nombre minimal de parrainages d’électeurs inscrits au fichier électoral général, ni le nombre minimal de parrains par région dans sept régions, il y a lieu de déclarer sa candidature irrecevable ». Dans toutes ces affaires jugées par le Conseil constitutionnel, il ne s’est agi, à juste titre, d’évoquer le statut d’ancien membre d’un parti politique du candidat déclaré. Dès lors qu’un candidat est investi par un parti politique ou par une coalition de partis politiques, le juge se conforme aux prescriptions du Code électoral. Il n’a, dans ce cas précis, aucune marge de manœuvre judiciaire. Dans sa décision n° 33/98/Affaires n° 1/E/98 et 2/E/98, s’opposant aux conclusions du ministère de l’intérieur déclarant irrecevables les candidatures aux élections législatives de 1998 des coalitions USD JEF JEL et Front pour la Démocratie et le Socialisme, le Conseil constitutionnel a estimé que « les règles relatives aux inéligibilités comme celles qui établissent les limitations à la candidature doivent toujours faire l’objet d’une interprétation restrictive, et ne doivent être étendues à des cas non expressément prévus »(Considérant 7 de la décision n° 33/98 du 8 avril 1998).
Lors des élections locales de 2022, Monsieur Mame Boye Diao, membre de l’APR, était candidat sous la bannière d’un autre parti. Sa candidature avait même été soutenue par le président de la République. Il en est ainsi de plusieurs membres de l’APR qui avaient présenté des listes parallèles, notamment Mame Mbaye Niang. A ce titre, il n’est pas superfétatoire de rappeler que l’article L. 57 ne fait aucune distinction selon qu’il s’agisse d’élections législatives, territoriales ou qu’il s’agisse d’une élection présidentielle. Il englobe toutes les élections politiques
La candidature de Monsieur Bassirou Diomaye Faye ne peut non plus être rejetée sur le fondement de l’article L. 125 du Code électoral. Les pouvoirs d’investigation que l’article L. 125 reconnait au Conseil constitutionnel pour s’assurer de la validité des candidatures lui permettent simplement de demander des compléments d’informations. Le pouvoir de vérification ne signifie nullement un pouvoir de création normative ex-nihilo. Le Conseil constitutionnel ne peut pas se substituer au juge pénal. La privation des droits civils et politiques est de la compétence du juge judiciaire qui ne s’est pas encore prononcé sur les chefs d’accusation à l’encontre de Monsieur Bassirou Diomaye Faye. En l’absence de décision judiciaire définitive, rien en droit ne peut empêcher sa candidature. S’il était condamné, le juge constitutionnel aurait pu, au titre de son pouvoir de vérification, demander son casier judiciaire même si son nom figure encore sur les listes comme ce fut le cas dans l’affaire Khalifa Sall. Le Conseil constitutionnel avait demandé la communication de la décision de condamnation de Monsieur Khalifa Sall malgré l’existence d’un casier judiciaire dans le dossier de candidature qui lui a été présenté. Toujours dans sa décision du 13 janvier 2019, le Conseil constitutionnel estima : « Considérant qu’il résulte de l’article L.57, alinéa 1er du Code électoral que, pour faire acte de candidature, il faut être électeur ; Considérant que la qualité d’électeur s’apprécie au regard de l’article L.27 du Code électoral (…) ; que lorsqu’un citoyen est condamné à une peine impliquant sa radiation des listes, il est frappé d’une incapacité électorale qui a pour effet de le priver de son droit de vote (…) ; Considérant que Khalifa Ababacar Sall ne peut plus se prévaloir de la qualité d’électeur au sens des articles L.27 et L.31 du Code électoral ; que, par suite, ne remplissant pas la condition prévue par l’alinéa 1er de l’article L.57 du Code électoral, il ne peut faire acte de candidature à l’élection présidentielle ». A rebours de ce cas d’espèce, Monsieur Bassirou Diomaye Faye n’a fait l’objet d’aucune condamnation et n’a jamais cessé d’être électeur.
Sous ce prisme, il appartiendra au Conseil constitutionnel du Sénégal de tirer toutes les conclusions juridiques qui s’imposent à la situation du candidat Bassirou Diomaye Faye. Non seulement le candidat Bassirou Diomaye Faye ne se présente pas sous la bannière de Pastef mais, mieux, il n’est frappé d’aucune peine d’inéligibilité et n’a fait l’objet d’aucune condamnation même en première instance. Le candidat Bassirou Diomaye Faye ne saurait pâtir d’une conception abusive du pouvoir de vérification fondamentalement restreint à la recherche de toute information visant la complétude des pièces du dossier de candidature qui lui sera soumis.
Dans toutes les communautés véritablement démocratiques, les juridictions constitutionnelles partagent des ressources dogmatiques communes : s’ériger en ultime rempart contre l’arbitraire, préserver le modèle social et, en définitive, la cohésion nationale. En appliquant simplement le droit, le juge constitutionnel au Sénégal se convertirait, en même temps, à l’utilitarisme et au conséquentialisme pour restaurer l’État de droit. Dire la pureté du droit électoral l’y incite et repenser un Etat de justice indépendante le contraint à lire sa société. Juger, c’est assurer la rencontre entre la normativité sociale et la normativité juridique pour recréer les fondations d’une nation.
Par conséquent, les sept sages sont invités, cultivant leur « devoir d’ingratitude » à l’égard de l’autorité politique de nomination, à raffermir le serment d’allégeance nationale remis en cause par un environnement politique et social anxiogène.
Pour l’histoire, le Conseil constitutionnel juge certes par le Droit mais surtout pour le peuple et la nation.
Pour le peuple et la nation, le Conseil constitutionnel doit réhabiliter le Droit.
par Cheikh Tidiane Coly
L'IMMEUBLE NAL : VOYAGE AU COEUR DE DOUALA DES ANNÉES POST-INDÉPENDANCE
Le deuxième roman d'Ousseynou Nar Gueye, "Immeuble Nal, Douala" narre le périple d’un jeune garçon, lequel nous fait entrevoir une fresque de l’Afrique des années 70 – 80, et également toute la musicalité de cette époque faite d’humour
Le deuxième roman d'Ousseynou Nar Gueye est paru ce mercredi 20 décembre 2023 et est désormais en librairie au Sénégal. Ce second roman a pour co-éditeurs Les Éditions Presqu'île Lettrée (Sénégal) et Youscribe (France). "Immeuble Nal, Douala" est le fruit de la plume qui narre le périple d’un jeune garçon, lequel nous fait entrevoir une fresque de l’Afrique des années 70 – 80, et également toute la musicalité de cette époque faite d’humour et d’humeur parfois gracieuses, quelques fois hilarantes, rarement crasses et occasionnellement fauves…
Cet enfant – Fara est son nom – a ici décidé de narrer, que dis-je, a eu une envie impérieuse et précieuse de parler. Il n'a pas voulu rester seul dans son coin-souvenir, avec ses pensées, ses allégories fourmillantes de vies et de vivres, depuis l’école Saint Jean-Bosco – avec ses maîtres tous « aussi fieffés chicotteurs » abonnés à la bastonnade, surtout au fameux supplice du « tendre par quatre » - en passant par les Cours Sainte-Marie de Hann où le pater venait le prendre dans sa Renault 12 pour rentrer à Pikine Icotaf.
Il veut partager, mais généreusement, souvent sans prendre de gants ou encore refusant d’enfiler des chaussettes, et faire resurgir le royaume qui a construit son enfance - fait d’êtres qu’il a aimés et d’autres qu’il ne (re)verra jamais avec un rictus de requiem – où celle qu’on appelle affectueusement la Mamma tient le rôle de reine qui régit les affaires de la résidence, le pater, lui, tenant les rênes de l’envergure-chef de famille africaine élargie à tous les parents venus d’ici et d’ailleurs.
Et… d’ailleurs, entre les notes captivantes de kora ou de khalam que diffusait splendidement Radio Sénégal en ondes courtes, et les aubades d’André Marie Tala du Kamerun, la vitalité du récit a fait ressurgir, par endroit, le longiligne homme d’Etat Abdou Diouf, successeur du président Léopold Sédar Senghor qui nomma le père du narrateur Consul honoraire à Douala, chez le président Ahidjo qui, après services rendus à la nation et ou plutôt après sa retraite (pour cause de maladie ?), a élu domicile et «dernière demeure» au pays de la Teranga.
De ce pays que le pater a quitté - « perché sur des sacs de charbons », comme aime à chahuter la grand-mère maternelle -, mais en bon et éternel mouride pour le Kamerun, au point de donner le nom de sa bijouterie « Khadimou Rassoul » (surnom donné au vénéré Cheikh Ahmadou Bamba), la culture et les bonnes senteurs du thiouraye s’entêtent pour flatter, dans la complicité, l’humus verdoyant et vif du pays hôte.
Et dans la chaleur de cet immeuble Nal où toute la famille se retrouve dans un appartement, l’enfant-narrateur – lecteur-né qui adore dévorer les livres jusqu’aux romans qui sont au programme des classes de ses sœurs aînées - a tenté d’ériger son empire pour forger son emprise sur la vie, dans un déluge de chroniques fait de mots et maux, après s’être régalé, quelque soir, de «‘soya’, la viande grillée au feu de bois sur des fûts ouverts aux deux extrémités ».
Cet ouvrage est surtout une véritable immersion dans le royaume d’enfance de trois bonnes années durant lesquelles, Fara, ce jeune garçon à l’intelligence précoce, s’est aménagé une galerie de souvenirs vécus et/ou reconstitués dans une atmosphère familiale, entre le Sénégal et le Kamerun (plus particulièrement à Douala), avec ses frères Bada et Allou, ses sœurs Xuradia, Sagar et Soukeyna.
Il apprend à vivre dans un monde, en perpétuel mobilité, sans perdre les pédales. Même si, après que le pater s’imposa polygame en prenant une seconde épouse, Thioumbé, son nom, – presque de l’âge de son aînée – et qu’ensuite il se vit « expulser » de cette ‘monarchie infantile’ pour se retrouver – la Mamma, lui et les autres - encore au Sénégal, Fara a toujours gardé vivant la nostalgie et la magie du bon vieux temps. Qui font le don et formulent la pointure de ce roman aux allures autobiographiques.
"Immeuble Nal, Douala" fera l'objet d'une séance de présentation où l'auteur sera interviewé par la Docteure ès lettres Véronique Petetin, session suivie d'une séance de dédicace avec vente d'exemplaires du roman, le vendredi 29 décembre 2023 à Dakar.
Cheikh Tidiane Coly est Directeur de Publication du site d'info "Tract" et du tabloïd pdf "Tract Hebdo"; Directeur du label "Éditions Presqu'île Lettrée" chez Axes & Cibles Com.
PAR Khandiou
POUPONNIÈRE DE L'HORREUR : DÉFAILLANCE DE L'ÉTAT, REGARD MALVAILLANT DE LA SOCIÉTÉ
EXCLUSIF SENEPLUS - L'initiative de Ndela devait être encadrée par les autorités qui s’intéressent plus à la prochaine élection qu'à la prochaine génération. Le poids de la société est très lourd à porter au Sénégal et les femmes en sont les victimes
La désormais ex-nounou de la tristement célèbre pouponnière Keur Yeurmande a fait ce que nous appelons dans notre jargon le journalisme citoyen, un nouveau concept apparu avec le développement des réseaux sociaux et qui bouscule les médias traditionnels, souvent limités aux comptes rendus. Ce concept range aux calandres grecs les genre nobles du journalisme, comme la grande enquête, sur des faits de société.
Les réseaux sociaux, plus personne ne peut les occulter. Ils font beaucoup de mal, s’incrustent dans la vie privée des gens, desinforment, mais aussi alertent sur des situations qui pourraient être fâcheuses.
Personne, y compris les médias, n'avait ignoré les agissements de Dr Ndela (cinquième année de médecine confirmé par ses anciens camarades de promotion). En début d'année, elle exhibait fièrement les premiers pensionnaires de sa pouponnière de Sacré Cœur, innocents, fragiles, qui n'ont pas demandé à naître. Elles les baptisait sous le nom de personnes célèbres. Personnellement, j'avais trouvé l’idée géniale.
Combien de femmes a-t-elle épargné des critiques acerbes et méchantes, des sarcasmes d'une société qui passe son temps à juger les autres, parceque ces femmes ont commis le mignon péché, le sacrilège d’avoir enfreint les codes établis, normés et imposés par notre société.
Elle voit toujours d’un mauvais oeil une célibataire ou une femme dont le mari est absent du territoire depuis plusieurs années, porter une grossesse. La grossesse de la honte aux yeux des membres de la cellule familiale, celle de la communauté et de la société.
Combien de jeunes filles et femmes croupissent actuellement dans les maisons d’arrêts et de correction du pays, condamnées pour infanticide, commise certainement la mort dans l’âme, pour préserver l’honneur de la famille, pour ne pas être couvertes par la honte, parce que selon les normes, une grossesse hors des liens du mariage reviendrait à jeter l’opprobre sur toute la famille, sur la famille de la fille.
La grossesse se fait à deux
Combien de lycéennes, collégiennes, certaines promises à un bel avenir, ont dû écourter leur parcours académique à cause d’une grossesse ou simplement renvoyées de l' école, du lycée, du collège ou de la maison familiale. L'auteur de la grossesse n'est presque jamais inquiété sauf s'il s'agit d'un cas impliquant une mineure ou un viol.
De ce point de vue, la législation répressive devrait mettre l’homme et la femme sur un même pied. Il y a lieu aussi de s’interroger sur des pratiques et consciences encore très ancrées dans notre société qui sur certains aspects ne sont pas progressistes alors que le monde évolue rapidement.
Pourquoi diantre des célibataires, majeurs et vaccinés ne pourraient pas se permettre d’avoir un enfant, en dehors des liens du mariage, sans être jugés, sans être obligés de supporter le lourd fardeau du regard réprobateur de l'entourage, des quolibets. Sans exposer l’enfant à naître, toute sa vie, au sobriquet de « zdoom jou amoul baay". C'est simplement abominable et abject. Une attitude pro active des pouvoirs publics pourrait éviter certains drames.
Disons-le franchement, comme dans d'autres parties du monde, la sexualité de plus en plus libérée, est une réalité au Sénégal. Il faut rendre accessibles les moyens contraceptifs pour protéger contre une grossesse non désirée et certaines maladies sexuellement transmissibles. L'Association sénégalaise pour le bien-être ffamiliale (Asbef) avait un programme dans ce sens, mis en œuvre dans des lycées et collèges pilotes. Une initiative à mon avis salutaire mais qui n'a malheureusement pas prospéré.
En cause, une levée de boucliers d’organisations qui sous le manteau de la religion, se sont autoproclamées gardiens de nos mœurs, valeurs et traditions. L'éducation, les valeurs, la vertue sont d’abord forgées dans la cellule familiale qui est elle même en crise.
L'initiative de Ndela à mon humble avis, devait être encadrée par les pouvoirs publics qui s’intéressent malheureusement plus à la prochaine élection qu'à la prochaine génération. Ndela a été laissée à elle-même. De huit nourrissons au départ, elle se retrouve selon la presse, avec une quarantaine à prendre à charge. Une illustration du désespoir profond des femmes célibataires qui attendent un enfant.
Je pense sincèrement que l’idée, au départ, n'était pas mauvaise. Soutenir des parturientes désespérées. Combien de femmes dépensent énormément d'argent dans des traitements médicaux ou se tournent vers la médecine traditionnelle dans l'espoir de porter un jour leur propre bébé ? Combien de mariages détruits parceque le bout de chou tant attendu tarde à pointer le nez apres plusieurs années de mariage ? Combien de femmes dépressives subissant le mépris du conjoint qui s’empressera de convoler en seconde noce avec une nouvelle épouse pour espérer avoir un enfant ? Comme si le fait d'avoir un enfant était une clause dans un contrat de mariage ? Tout comme l’épanouissement de la femme était consubstantiel au mariage et à une grossesse aboutie. Que fais-t-on du destin ? Ou du choix de la femme de rester célibataire ou de ne pas vouloir d’un enfant ? Le poids de la société est très lourd à porter au Sénégal et les femmes en sont les principales victimes.
On pourrait reprocher à Ndela, jusqu'à ce que les résultats d’une enquête minutieuse des services concernés établissent le contraire, une certaine cupidité si l’on s'en tient aux révélations de la presse. Elle a flairé un bon créneau pour se faire du pognon. Elle n'a pas hésité à l'exploiter.
Me concernant, je préfère de loin la tragédie de Keur Yeurmande à celles consistant à étrangler son nouveau-né, à le jeter dans les cuvettes d’un WC, à le mettre dans un sachet à ordures, à l'abandonner dans un coin de rue à la merci des chiens errants. Les pouponnières des soeurs catholiques sans subvention de l'État, en tout cas à ma connaissance, voilà à mon avis, le modèle que Ndela souhaitait reproduire dans un pays à plus de 95% de musulmans.
PS. Contrôlons de façon plus stricte et rigoureuse ce qui se passe dans les daaras. Pas un mois ne passe sans qu’un scandale de viol sur mineur(e) ou de pédophilie ne soit révélé dans les journaux. Que le chef de l'État les institutionnalise de fait en participant personnellement à une journée des daaras, est une grosse erreur. C'est mon point de vue.