SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
30 novembre 2024
Opinions
PALESTINE ET LES PÊCHÉS D’ISRAËL
Des roquettes pour la reconquête de ses territoires. La Palestine, par le fait du Hamas, a démystifié un État connu pour le « don d’ubiquité » de ses renseignements. Au point d’en exporter avec des technologies hyper sophistiquées
Des roquettes pour la reconquête de ses territoires. La Palestine, par le fait du Hamas, a démystifié un État connu pour le « don d’ubiquité » de ses renseignements. Au point d’en exporter avec des technologies hyper sophistiquées. Et l’Afrique des présidents mal élus, pour la plupart, est un client de premier plan. Qui a goûté aux « sur-écoute » israéliennes ! Aujourd’hui, que les islamistes de la Palestine ont fait des dégâts, Israël les accuse de tous les péchés… d’Israël. Qui gaza toute la bande. La terre tourne.
PAR Cheikh Omar Diallo
DAKAR, GRAND PRIX DES EMBOUTEILLAGES
EXCLUSIF SENEPLUS - La circulation pourrait être une comédie si elle n'était pas si tragique. Ailleurs, on construit des autoroutes pour gagner du temps, au Sénégal, on le fait pour en perdre. Nous construisons notre pays, mais le développons-nous ?
Le Sénégal, avec environ ses 18 millions d'habitants et son million de voitures, vibre d'une énergie indéniable, et Dakar, sa capitale, en est le reflet vibrant. Sur ses 83 km², la ville s'étale dans toute sa splendeur, sa diversité, sa pollution, et sa modernité. Dotée d'autoroutes modernes, de ponts innovants, et d'autoponts de dernière génération, la presqu'île semble être parfaitement équipée pour revendiquer son statut de métropole africaine de premier plan.
Cependant, du lundi au vendredi, entre *7h et 13h*, ainsi qu'entre *17h et 20h*, il est pratiquement impossible de circuler sans se retrouver pris au piège d'embouteillages-monstres s'étirant sur des kilomètres de route.
L’une des premières causes de la circulation à Dakar réside dans l'indiscipline notoire des conducteurs, la clémence des autorités, et l'encombrement humain sur les routes.
Dakar, capitale africaine des bouchons ? Pas loin du top 10. Et, la question n'est plus de savoir : *"vais-je être en retard ?" mais plutôt "à quel point vais-je être en retard aujourd'hui ?"*
Le matin, c'est une "course à la sudation" pour ceux qui luttent désespérément pour arriver à l'heure au travail, tandis que le soir, c'est un véritable "rallye de tortues" pour rentrer chez soi.
On dit souvent que l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, mais à Dakar, il semble que l'avenir sourit davantage à ceux qui ont des relations haut placées, ceux qui se réveillent tôt le font pour échapper à l’enfer des embouteillages.
Selon les dernières statistiques, un Dakarois perd en moyenne plus de *80 heures chaque année* en raison des embouteillages, ce qui équivaut à une perte de temps totale de *312 millions d'heures* par an. Soit une perte cumulée de *100 milliards de francs CFA* par an. Il est évident que nous construisons notre pays, mais le développons-nous réellement ?
Nos autoroutes, conçues pour fluidifier la circulation, ressemblent plutôt à des tapis roulants à l'arrêt. Sur nos routes faites d’enrobé dense, nous restons immobiles pendant des heures, tandis que la sueur perle à grosses gouttes dans nos véhicules.
Plus nos autorités construisent de ponts modernes et de chaussées dernier cri, plus il semble que les embouteillages deviennent un mode de vie pour les Dakarois.
Il semblerait que nos automobilistes, parfois nostalgiques des temps anciens, préféreraient retrouver les routes poussiéreuses et pittoresques d'antan.
La circulation à Dakar pourrait être une véritable comédie si elle n'était pas si tragique. Les routes sont devenues les acteurs principaux, et nous, les citadins, sommes devenus les spectateurs résignés de chaque "bouchon", observant avec résignation, entre chevaux surchargés et motocyclistes déjantés, notre jauge d'essence baisser plus vite que notre moral.
En tant qu'usagers, il est grand temps que nous exigions de nos autorités publiques, un véritable plan de circulation pour remédier à cette "crise routière".
Chez nos voisins, par exemple, il est interdit aux poids lourds de circuler aux heures de pointe, une mesure qui pourrait grandement soulager notre quotidien.
Il est vraiment grand temps que nous prenions des mesures sérieuses pour réduire ces embouteillages-monstres qui nous font perdre du temps, de l'énergie, et de la sueur chaque jour.
Ailleurs, on construit des autoroutes pour gagner du temps, au Sénégal, semble-t-il, on le fait pour en perdre.
Or, disent nos frères ivoiriens, [autres habitués des embouteillages], "le plus grand voleur de tous les temps est celui qui vous vole votre temps".
Dr. Cheikh Omar Diallo, un usager marri et contrit.
PAR Ciré Clédor Ly
LE PROCÈS DE ZIGUINCHOR ET L'ENGAGEMENT DU PEUPLE SÉNÉGALAIS
EXCLUSIF SENEPLUS - La justice sénégalaise sera-t-elle à la hauteur pour que ne soit pas faussée la volonté populaire et sapés les fondamentaux de la démocratie et de l'État de droi ?
La justice sénégalaise sera-t-elle à la hauteur pour que ne soit pas faussée la volonté populaire et sapés les fondamentaux de la démocratie et de l'État de droit, les seuls garants de la paix et de la stabilité ?
Nul doute que la justice reste et restera un idéal pour chaque individu et pour l'humanité, mais ce sont des femmes et des hommes magistrats qui rendent toujours compte à l'histoire, et parfois de leur vivant, de ce qu'ils ont fait de leur vie pour leur peuple dans la traque de cet idéal.
Il est des instants de l'histoire d'un peuple où ce dernier reprend de ses mandataires tout le pouvoir, lorsque la justice faiblit et n'est que parodie.
Le procès de Ziguinchor est important, mais il sera loin de trancher définitivement la radiation arbitraire de monsieur Ousmane Sonko des listes électorales et sa participation à l’élection du 25 février 2025 car, dans la pyramide judiciaire, tous ne miseront pas sur le passé, car ceux qui se battent contre le destin du peuple sénégalais aspirant à la liberté, à l'indépendance, à la souveraineté et à l'unité africaine, appartiennent au présent et à l'avenir.
Les regards sont tournés vers Ziguinchor et toutes les oreilles sont tendues vers la région de Casamance, une région symbole de la résistance au colonialisme, réfractaire à toute forme d'injustice, et génitrice d'hommes et de femmes qui n'ont jamais reculé devant les balles et les chars ennemis. Le colon ne me démentira pas.
Le monde s'accorde sur l’impérium de ses lois, même si celles-ci sont souvent transgressées par ceux à qui le peuple a confié en toute innocence son patrimoine commun, la force publique et le pouvoir de décision.
La justice est un pouvoir dont le rôle est de rétablir les équilibres désarticulés ou rompus. Elle est au-dessus de la mêlée et égale pour tous .
Il n'existe qu'une seule force à laquelle le juge intègre est soumis : la loi, qui est l'expression de la volonté populaire et la justice devrait toujours être rendue au nom du peuple.
Il est donc du devoir de chaque individu de s'intéresser à l'exercice du pouvoir, à la distribution des ressources confiées à l'exécutif, à l'application de la loi par les juges, ainsi qu'à la bonne administration de la justice par ces derniers.
Les Sénégalais, où qu'ils se trouvent dans le monde, ainsi que la communauté internationale, vivent des moments où l’administration sénégalaise mise en place par le seul pouvoir exécutif, déroule son agenda électoral, avec la volonté têtue et obstinée de ne pas organiser des élections inclusives, notamment avec la participation du leader de l'opposition, la personne la plus aimée, la plus populaire, et porteuse d'un projet de société africain libérateur de l'impérialisme et de tout hégémonisme.
Le temps des danses endiablées des affairistes, des oligarchies financières et maraboutiques, et militaires, ainsi que des compradores, ces liens ombilicaux avec ceux qui étouffent l'Afrique et la saignent à blanc, appartient au passé.
Gageons que ceux qui en doutent encore auront un réveil brutal.
Ciré Clédor Ly est avocat à la Cour, Dakar, Sénégal.
INVASION DE ZOMBIES
De ce spectacle sans queue ni tête, faut-il en rire ou en pleurer ? Toutes les deux options sont ouvertes. À force de plaisanterie, le rictus comme les larmes déforment et inondent des visages qui ne paient plus de mine.
De ce spectacle sans queue ni tête, faut-il en rire ou en pleurer ? Toutes les deux options sont ouvertes. À force de plaisanterie, le rictus comme les larmes déforment et inondent des visages qui ne paient plus de mine. L’état de santé de la démocratie est préoccupant. L’exception sénégalaise est bien en perte de vitesse. On est même en train de rater le train de l’histoire avec cette manie de tout désacraliser et de tout mélanger. Démocratie et anarchie. Candidat et scélérat. Le ballet inédit auprès des services en charge des élections choque et provoque un véritable malaise. Contrairement à ce qu’on entend, ce n’est pas le poste suprême que l’on profane. Clef de voûte des Institutions, le Président de la République a tous les pouvoirs chez nous. Avec ses grilles de fer, le palais reste et demeure la plus belle cour d’honneur qui soit. Bon nombre de ceux qui sont allés retirer des fiches se fichent du qu’en-dira-t-on. Sans illusion, ils savent qu’ils n’ont pas de destin national. Ils ne s’amusent donc pas avec les totems mais amusent seulement la galerie.
À leur corps défendant, il se peut d’ailleurs qu’ils n’y soient pour rien dans cette pagaille. La tâche leur a été facilitée. Dans un pays où il y a énormément d’aversion pour la discipline sur fond de crise d’autorité, on ne laisse rien passer. La vigilance doit être intraitable. Ce mot-valise d’inclusion à tout prix est à exclure et à bannir. Avec des gens de plus en plus incommodes, c’est à malin, malin et demi qu’il faut appréhender les situations.
Dans le convoi exceptionnel auquel on a eu droit, figurent des champions du contournement qui sont prêts à acheter des parrains. Les achats de conscience ont commencé avec la lame de fond de la détresse sociale et de la cupidité. Gouverner, c’est prévenir les événements et couper l’herbe sous le pied de ceux qui jouent aux plus tordus. Le cautionnement doit figurer au début du processus. Il devrait précéder le parrainage. Il arrive donc bien trop tard. On ne prône pas le moins du monde un système horriblement censitaire ou une ploutocratie où l’argent serait l’alpha et l’oméga. Mais il faut toujours surélever les barrières et garde-fous au lieu de les abaisser pour empêcher toute invasion de zombies. Tout de même, il faut édulcorer en n’étant pas sévère sur toute la ligne. Tout n’est pas mauvais dans cette explosion de candidatures qui finiront pour la plupart en mésaventure. Là-dedans, il y a aussi le mérite de la témérité et de l’engagement.
Quelqu’un comme Queen Biz, jeune starlette aux dents longues, a absolument le droit de tenter une reconversion si sa musique ne marche pas. Elle ne règne pas sur la chanson sénégalaise et ne sera pas la reine du Sénégal. Sa démarche est un manque de limites et de respect. Elle ajoute confusion et pollution qui nuisent gravement aux profils sérieux, compétents et structurés qui ne font pas de théâtre. Ce qu’on appelle démocratie ici est plus ce qui démolit la qualité au profit de la quantité. Fort heureusement, dans la brochette d’impétrants, la quantité de présidentiables n’est pas négligeable. On a relevé 206 candidats à la candidature à la date du 5 octobre. C’est un monde fou avec pour chacun une inspiration de fou. Sait-on seulement ce que c’est d’être Président de la République ? Apparemment non.
Après la sélection draconienne qui mettra les saltimbanques sur la touche, les choses sérieuses vont pouvoir commencer. Malgré les nombreux humoristes en mal de bonne blague, cette élection majeure à venir est partie pour être une masterclass, la classe de maî- tres où seront présents des noms clinquants. Ils pourraient valablement présider aux destinées d’un pays qui marche à tâtons. Organiser le scrutin est impérieux. Mais l’urgence absolue, c’est d’organiser le pays ravagé par le désordre, voire le libertinage.
OPÉRATION RECONSTITUTION DE LA GALAXIE KARIMISTE ?
Petit à petit Karim (re)fait son nid. L’opération « gnibissi » (retour) est en marche. Après Mayoro Faye, c’est Pr Kalidou Diallo, ancien de la Génération du concret chargé des enseignants, qui serait en route vers Karim.
Petit à petit Karim (re)fait son nid. L’opération « gnibissi » (retour) est en marche. Après Mayoro Faye, c’est Pr Kalidou Diallo, ancien de la Génération du concret chargé des enseignants, qui serait en route vers Karim. Historien, ancien ministre de l’Education sous Wade, il avait rejoint le président Macky Sall et mis en place le mouvement l’Alliance des leaderships pour l’émergence et le développement (Aled). Ce qui est sûr c’est que Bés bi a appris que Kalidou Diallo a démarré les consultations au niveau de certains des points focaux de son mouvement dans la banlieue et au niveau de certaines régions comme Matam, Saint-Louis, Kaolack, Zigunchor. À suivre...
Par Papa Assane TOURE
UN GOUVERNEMENT OU UNE OMBRE GOUVERNEMENTALE ?
Au sein de l’administration publique, l’expédition des affaires courantes constitue une règle non écrite, voire une coutume républicaine bien établie, quelquefois rappelée par des textes
Au sein de l’Administration publique, l’expédition des affaires courantes constitue une règle non écrite, voire une coutume républicaine bien établie, quelquefois rappelée par des textes.Il est assez courant, en période de remaniement gouvernemental, de charger les ministres démis de leurs fonctions «d'expédier les affaires courantes» jusqu’à la formation d’un nouveau Gouvernement . La théorie de l’expédition des affaires courantes est surtout convoquée lorsque tous les membres du Gouvernement démissionnent, quand le Premier Ministre est démis de ses fonctions ou lorsque le Chef de l’État met fin aux fonctions des membres du Gouvernement.
Récemment, le Président de la République, par un décret du 06 octobre 2023, a décidé de mettre fin aux fonctions des ministres membres du Gouvernement. Le Chef de l’État a, en même temps, décidé de mettre en place un nouveau Gouvernement sous la direction du Premier Ministre. Toutefois, cette mesure ne concerne ni le Ministre, Secrétaire général de la Présidence de la République, ni le Ministre, Secrétaire général du Gouvernement qui ne sont pas des membres du Gouvernement.
Au Sénégal, tout porte à croire que la période d’expédition des affaires courantes du premier Gouvernement dirigé par M. Amadou BA risque d’être très courte, en raison de l’imminence du remaniement ou du réaménagement gouvernemental envisagé.
Néanmoins, ce contexte politique particulier ne manque pas de relancer le débat relatif à l’étendue des pouvoirs du Gouvernement d’expédition des affaires courantes. En d’autres termes, comment délimiter les attributions des membres du Gouvernement délivrant les affaires courantes par rapport à celles du Gouvernement de plein exercice ?
Quoi qu’il en soit, à la lumière de la jurisprudence, les pouvoirs dévolus aux ministres chargés d’expédier les affaires courantes sont strictement encadrés (I) et les actes qu’ils posent, à ce titre, sont susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel (II).
I. Les pouvoirs encadrés du Gouvernement d’expédition des affaires courantes
Que faut-il entendre par «expédition des affaires courantes» ? Du point de vue étymologique, l'expression «affaires courantes» est enveloppée d’une certaine incertitude conceptuelle. Signifie-t-elle «affaires en cours» «affaires urgentes» ou «affaires de faible importance» ?.
Pour rappel, le ministre chargé d’expédier les affaires courantes n’est pas dans la même situation juridique que le ministre intérimaire. La circulaire n° 0004/PM/SGG/SP du 23 février 1996 relative à l’intérim des membres du Gouvernement énonce que l’intérimaire assure la pleine responsabilité du département qui lui est confié ; il est notamment appelé à signer les textes relevant de la compétence du ministre titulaire. De plus, le Conseil d’État sénégalais a déjà eu l’occasion de juger, dans son arrêt rendu le 31 août 1994 , que «dans le souci d’assurer la continuité du service public et l’expédition des affaires courantes, en cas d’absence ou d’empêchement d’une autorité administrative, il est désigné un intérimaire qui se trouve investi de l’intégralité des pouvoirs attachés à la fonction de l’autorité qu’il remplace provisoirement».
Ainsi, contrairement au ministre intérimaire, qui se trouve investi, de plano et à titre provisoire, de toutes les attributions dévolues au ministre titulaire, les pouvoirs du ministre chargé de délivrer les affaires courantes sont bien délimités. Les affaires courantes, qui permettent de garantir la continuité des services publics, peuvent être déclinées en plusieurs catégories.
La première catégorie est celle des affaires courantes par nature, qui relèvent du quotidien de la gestion publique, c'est-àdire la masse des décisions que les services préparent et qui ne modifient pas l'état du droit en vigueur. Ce sont des décisions qui sont tous les jours préparées par les administrations et soumises à la signature des ministres. Il peut s’agir notamment de l’imputation des courriers, de la signature des ordres de mission, du versement des salaires et des pensions de retraite.
Les affaires courantes par nature, qui relèvent de la routine de l’Administration publique, constituent le substrat d’action de l’État. En effet, en raison du principe de la continuité du service public, il est interdit au Gouvernement d’interrompre l’activité étatique.
En revanche, est exclue de cette catégorie toute nomination ou promotion d’une personne attachée à un titre quelconque. Cette restriction permet de lutter contre la pratique dite des «testaments ministériels», qui consiste, en quelque sorte, pour les ministres sortants, à «forcer la main» à leurs successeurs en nommant des proches à des fonctions administratives.
La deuxième catégorie d’affaires courantes concerne les affaires urgentes. Il s’agit de celles que l’État doit prendre en charge sans désemparer, puisque tout retard pourrait faire courir de graves dangers aux intérêts dont il a la charge . Dans l’urgence, le Gouvernement d’expédition des affaires courantes doit prendre rapidement toutes les mesures nécessaires qu’impose la gestion des affaires publiques. Il peut même prendre des actes qui modifient l’état du droit ou créent des droits subjectifs ou des obligations. Par exemple, en cas de survenance d’une crise sanitaire, d’attaques terroristes ou d’atteinte à l’intégrité du territoire, le Gouvernement de délivrance des affaires courantes peut et doit prendre des mesures justifiées par la protection de la santé publique, le rétablissement de l’ordre public et la préservation de la sécurité intérieure et extérieure de l’État. On peut lire dans les conclusions du commissaire du Gouvernement Jean ROMIEU sous la décision Saint-Just de 1902 que : «quand la maison brûle, on ne va pas demander au juge l’autorisation d’y envoyer les pompiers».
La troisième catégorie d’affaires courantes désigne les affaires en cours. Il s’agit de celles qui sont l’aboutissement normal de procédures déjà entamées lorsque les ministres étaient encore en fonction. Dans ce cas, le Gouvernement d’expédition des affaires courantes ne ferait que poursuivre des actions qu’il avait déjà engagées, sous le contrôle du juge.
II. Le possible contrôle juridictionnel des actes du Gouvernement d’expédition des affaires courantes
Faute d’être qualifiés d’actes de gouvernement, c’est-à-dire des actes insusceptibles de contrôle juridictionnel, ceux posés par le Gouvernement d’expédition des affaires peuvent être soumis au contrôle du juge administratif. Toutefois, si le Gouvernement se limite seulement à expédier des affaires courantes par nature, sans modifier l’ordonnancement juridique, tout porte à croire que le recours pour excès de pouvoir dirigé contre de telles mesures ne serait pas recevable.
En effet, selon l’article 74 de la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 portant création de la Cour suprême, le recours pour excès de pouvoir n’est recevable que contre une décision explicite ou implicite d’une autorité administrative. La jurisprudence sénégalaise exige que l’acte attaqué fasse grief, c’està-dire qu’il doit modifier l’ordonnancement juridique, par opposition notamment aux actes confirmatifs de décisions antérieures, aux mesures d’ordre intérieur et aux actes préparatoires. Or, les affaires courantes par nature ne sont pas, en principe, de véritables décisions administratives faisant grief
En droit administratif, un recours contentieux n’est possible que lorsque le Gouvernement déborde du cadre réduit des affaires courantes, pour prendre des mesures urgentes. Dans ce cas, le juge vérifie non seulement la réalité de la condition tirée de l’urgence, mais aussi l’opportunité de l’action du Gouvernement. En d’autres termes, plus qu’un contrôle de légalité, le juge effectue, de façon assez surprenante, un véritable contrôle d’opportunité des mesures gouvernementales, ce qui constitue une fonction éminemment politique . Tout se passe comme si le juge effectue un contrôle des circonstances et des motifs des actes gouvernementaux.
Au Sénégal, en matière d’expédition des affaires courantes, la jurisprudence administrative n’est pas très abondante
En France, le Conseil d’État a procédé au contrôle de l’opportunité des actes d’un Gouvernement d’expédition des affaires courantes, pour la première fois, en 1952, dans sa décision Syndicat régional des Quotidiens d’Algérie. Le juge a ainsi pris en compte des circonstances de fait et leurs conséquences pour invalider un acte administratif.
Ainsi, la haute juridiction administrative française a considéré qu’à défaut d'urgence, ne rentre pas dans la catégorie des affaires courantes, «si extensive que puisse être cette notion dans l'intérêt de la continuité nécessaire des services publics», un décret qui transposait à l'Algérie les règles d'une loi relative à l'expropriation de certaines entreprises de presse et prévoyait l'organisation de la dévolution de leurs biens
En définitive, la théorie de l’expédition des affaires courantes, qui permet de prolonger les compétences du Gouvernement après la cessation des fonctions des ministres, est une fascinante construction juridique donnant corps au principe fondamental de la continuité de l’action publique. Aussi, les ministres devraient-ils, pendant toute la période couverte par l’expédition des affaires courantes, assurer, avec diligence et efficacité, la continuité de l’action gouvernementale, tout en veillant à se conformer à leurs attributions.
Mohamadou Fadel Diop
LA CRISE SÉCURITAIRE EN AFRIQUE DE L’OUEST ET AU SAHEL EST AUSSI UN ENJEU DES NÉGOCIATIONS CLIMATIQUES
Bien que les épisodes de putsch, de razzia, de bombes explosives attirent le plus l’attention des médias, ils couvent subtilement une compétition féroce à l’œuvre pour sécuriser les minéraux stratégiques dont regorge le sous-sol africain.
Lorsqu’on s’arrête et qu’on prend un temps pour examiner les dommages collatéraux de la crise sécuritaire sur l’environnement, sur la vulnérabilité au changement climatique, sur la gouvernance des industries extractives, l’on se doute que cette situation nous coûte plus qu’aucun chiffre ne sera jamais capable d’estimer. C’est la capacité des pays africains à tenir debout et à marcher dignement à côté de leurs pairs dans la valse du monde qui est atrophiée. Et cette capacité n’a jamais été plus importante que maintenant, au cœur de bouleversements internationaux sans précédents, devant les menaces du changement climatique et les soubresauts du capitalisme.
Il est clair que le vent de révolte qui souffle en ce moment en Afrique de l’Ouest et du Centre n’est pas seulement causée par les limites de la gouvernance démocratique et sécuritaire. Parmi les autres facteurs inter-reliés, la problématique de la gouvernance des ressources naturelles est particulièrement significative. Elle l’a longtemps été ; mais aujourd’hui, la marche rapide vers « le Net Zéro » d’ici 2050 et la compétition autour des ressources minières qu’elle entraine laisse peu de temps aux Etats africains pour penser aux bonnes options afin de gouverner de manière souveraine leurs ressources naturelles sans condamner leurs peuples à la pauvreté, à la famine et à l’exil alors que le reste du monde jouit des bienfaits d’une planète écologique.
Bien que les épisodes de putsch, de razzia, de bombes explosives attirent le plus l’attention des médias, ils couvent subtilement une compétition féroce à l’œuvre pour sécuriser les minéraux stratégiques dont regorge le sous-sol africain. Le Sahel en souffre.
Les conflits en Afrique de l’Ouest et au Sahel se nourrissent des insuffisances de l’économie politique des ressources naturelles
Il est reconnu que le sous-sol ouest-africain regorge d’abondantes ressources extractives (pétrole, gaz, or, uranium, hydrogène naturel) tout comme des ressources renouvelables (solaire, éolien, hydraulique, biomasse, hydrogène artificiel, déchets urbains, etc.) et des ressources stratégiques pour la transition énergétique (lithium, bauxite, manganèse, zircon, cuivre, phosphates, etc.). Des pays comme la Mauritanie, le Mali, le Niger, la Guinée, le Sénégal possède des réserves en minéraux de transition équivalant à des centaines de milliards de dollars selon le Natural Resource Governance Institute (NRGI).
L’exemple du Delta du Niger suffit à montrer que l’exploitation de ces ressources naturelles, au lieu de permettre la prospérité, a engendré des inégalités consistantes que certains assimilent à une « malédiction des ressources naturelles ». Les velléités prédatrices des entreprises extractives ainsi que la construction d’Etats rentiers qui s’adossent à l’exportation des matières premières n’ont pas permis la diversification économique qu’il faut pour corriger ces inégalités. Au contraire, elles ont favorisé des comportements compradors, des flux financiers illicites ainsi que des décisions arbitraires qui ont nourri la frustration et la haine de beaucoup de populations défavorisées, faisant le lit des conflits, des rebellions et de la guerre.
Dans un passage qui confirme les liens entre les caractéristiques défaillantes de l’économie politique des ressources naturelles et la prolifération de l’insécurité et d’un sentiment de rejet en Afrique de l’Ouest, le philosophe camerounais Achille Mbembe explique bien comment, en Afrique, « les zones grises se sont multipliées et une course effrénée à la privatisation des ressources du sol et du sous-sol a été engagée. D’importants marchés régionaux de la violence sont apparus, dans lesquels s’investissent toutes sortes d’acteurs en quête de profit, des multinationales aux services privés de sécurité militaire.
L’exemple du Delta du Niger suffit à montrer que l’exploitation de ces ressources naturelles, au lieu de permettre la prospérité, a engendré des inégalités consistantes que certains assimilent à une « malédiction des ressources naturelles »
Leur fonction principale est de monnayer la protection contre l’accès privilégié à des ressources rares. Grâce à ces formes nouvelles du troc, les classes dirigeantes africaines peuvent assurer leur mainmise sur l’État, sécuriser les grandes zones de ponction, militariser les échanges au loin et consolider leur arrimage aux réseaux transnationaux de la finance et du profit ».
Dans ce contexte, la transition écologique peut-elle être la promesse d’un meilleur monde ?
Mais au-delà des Hommes, les institutions de coopération régionale comme la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale ou l’Union africaine sont fragilisées alors qu’elles devraient être les pierres angulaires de la réponse des Etats africains face au changement climatique.
D’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la plus grande autorité scientifique en matière de changement climatique, le Sahel et l’Afrique de l’Ouest sont parmi les régions les plus vulnérables aux fluctuations climatiques futures. C’est donc une terre riche en ressources naturelles, mais qui est en train de les perdre à cause de l’action de l’Homme, sans que celui-ci ait réussi à garantir la satisfaction des besoins essentiels des populations qui vivent sur cette terre. Des choses simples comme aller à l’école, donner à manger à son enfant, amener sa femme enceinte à l’hôpital, etc. Des choses simples.
Au Sahel, les revendications de justice climatique coïncident avec un temps de revendication extrême pour la justice sociale
Il semble que la marche du temps, la marche de l’histoire arrive bientôt à un carrefour où le besoin de repenser nos modes d’habitation sur terre croisent les aspirations de la jeunesse africaine pour échapper à la manipulation et à la pauvreté qui les guettent eux, ainsi que leurs futurs enfants et leurs futurs petit -enfants. Aujourd’hui, alors que le monde suit la marche de la transition énergétique, l’intérêt de sécuriser la gestion des minéraux stratégiques est crucial afin de permettre l’industrialisation, la création d’emplois et le développement économique des pays producteurs de ces minéraux. Il est aussi question pour ces pays d’avoir l’opportunité d’utiliser leurs ressources pour construire des sociétés sobres en carbone. Y parviendra-ton en Afrique de l’Ouest ? Pas si les questions sécuritaires et les questions climatiques sont perçues sur des terrains différents.
D’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la plus grande autorité scientifique en matière de changement climatique, le Sahel et l’Afrique de l’Ouest sont parmi les régions les plus vulnérables aux fluctuations climatiques futures
La crise sécuritaire en Afrique de l’Ouest et au Sahel ne devrait pas être en dehors de l’agenda des négociations climatiques internationales parce qu’au-delà des nombreux autres facteurs qui ont influencé la propagation de cet enfer, la question de l’autodétermination des peuples ouest-africains à jouir librement des bénéfices de leurs ressources naturelles est centrale.
Alors que se tient actuellement le Sommet Africain sur le Climat, mais bientôt aussi la COP28, les négociateurs africains discuteront avec divers représentants de la communauté internationale pour prendre des décisions sur l’avenir des ressources naturelles dans un contexte de transition écologique. Ils parleront de transition énergétique, de transition agro- écologique, de financement climatique mais en fin de compte ils reviendront pour appliquer les décisions qu’ils auront prises dans un Sahel en tourmente.
Dans cette région, les coûts de l’adaptation au changement climatique risquent de grimper en flèche si les risques sécuritaires ne sont pas pris en compte dans l’agenda climatique actuel, dans la planification et dans la mise en œuvre des projets. C’est le message que les deux côtés de la table ne pourront ignorer ou balayer avec des analyses éphémères.
Le contexte sécuritaire en Afrique de l’Ouest et au Sahel est un enjeu majeur des négociations climatiques, et il mérite plus d’attention, de recherche, d’analyses rigoureuses fondées sur des données probantes afin de garantir au mieux l’opérationnalité de l’agenda climatique au Sahel et dans le reste de l’Afrique de l’Ouest. Car la terre brûle, et le temps file.
par Patrick Chamoiseau
UN MATRI-PATRIMOINE MÉCONNU
Les Traces-mémoire, telles que je les devine, ne sont pas des monuments. Ce poécept englobe bien entendu, l’ensemble des dimensions immatérielles envisageables dans nos situations existentielles
SenePlus publie ci-dessous, le discours d'ouverture de Patrick Chamoiseau colloque international "Avec Sel et Piment, aux origines des cuisines de la Caraïbe et d'Amazonie" organisé les 3 et 4 octobre 2023 à l'Université des Antilles.
Permettez-moi quelques brèves considérations concernant la cuisine qui est la nôtre — celle des Antilles et des Amériques. Dans l’un de mes romans, intitulé Solibo Magnifique, publié en 1988, j’avais indiqué la recette du « Toufé-rétyen ». Cette chair de requin cuite à l’étouffée constituait un des plats emblématiques de l’époque. C’était aussi l’une des gourmandises préférées de ma mère. Je n’ai jamais raffolé du poisson et je ne suis pas un grand amateur de ce « Toufé-rétyen ». Seulement, je reste convaincu que cette recette méritait toute sa place dans mon exploration de l’imaginaire populaire de notre pays, mais aussi de notre créativité collective alors sous-estimée. Ce qui est intéressant, c’est que cette simple évocation avait déclenché une petite polémique. J’avais été accusé « d’auto-exotisme », pour ne pas dire de « doudouisme » par un philosophe martiniquais bien en vue à l’époque. Excusez-moi cette anecdote, mais elle est symptomatique de ceci : même si dans ces années-là, nous avions largement avancé dans la réappropriation de nos patrimoines oubliés — patrimoine de l’habitat, patrimoine de la mémoire orale, patrimoine de la danse, du tambour, de la musique des mornes —, la cuisine était encore considérée comme un symptôme du « localisme ». La citer dans un texte littéraire, constituait le symptôme haïssable d’une désertion de cet « universel » que glorifient sans précaution ceux qui se désertent eux-mêmes.
Le temps a passé, mais je crains que les choses n’aient pas vraiment changé. Notre art culinaire, notre gastronomie historique, sont largement méconnus, pour ne pas dire quelque peu négligés. Ce que nous savons d’eux se résume souvent à des compilations de recettes ou à une poignée de plats devenus passe-partout, akras, blaf, kolonbo, donbwé et tinen-lanmori qui remplissent nos célébrations militantes du bon-manger local. Je n’ai rien contre ces plats, mais on peut craindre qu’ils ne suffisent pas à résumer l’amplitude des saveurs qui nous viennent des labyrinthes de nos histoires.
Bien qu’elle soit bienveillante, cette minoration s’inscrit, à mon sens, dans deux problématiques que nous devons résoudre.
La première est celle de la notion de patrimoine.
La seconde concerne la production d’une culture savante.
La notion de patrimoine est toujours problématique chez nous. Quand on veut la définir et la valoriser, ce sont les structures monumentales qui spontanément font l’objet de notre attention. Les forts, les batteries défensives, les moulins, les ruines de pierre taillées, la Grand-case des vieilles habitations… sont nos balises en la matière. Le problème c’est que dans nos Amériques, les monuments les plus spectaculaires sont le plus souvent d’origine coloniale. Ils ne témoignent que d’une partie de nos histoires, évacuant alors la diversité et la complexité de ce que nous sommes. Ici, les trajectoires existentielles qui ne sont pas d’origine coloniale, n’ont pas atteint le stade monumental. Elles sont restées pendant longtemps, sans stèle, sans socle, sans édifices, dans les oubliettes de l’invisibilité. Nos patrimoines immatériels de la danse, de la musique, de la langue, des techniques, des savoirs populaires, savoirs-être et savoir-faire, sont largement sous-explorés. Pour réellement approcher notre réalité mémorielle, et deviner l’épaisseur de nos équations historiques, j’ai le sentiment qu’il faudrait ajouter à cette notion occidentale du « patrimoine-perçu-comme-monument », la notion de « Traces » qu’a proposée Glissant. C’est a la fois un éclat poétique et un axiome de lecture conceptuelle, ce que j’appelle un « poécept ».
Les Traces-mémoire, telles que je les devine, ne sont pas des monuments. Ce poécept englobe bien entendu, l’ensemble des dimensions immatérielles envisageables dans nos situations existentielles. Néanmoins, il dispose d’une vertu supplémentaire. Il peut s’appliquer à de petits vestiges, sublimer des objets ordinaires, magnifier un bout de paysage, réanimer jusqu’à l’éblouissement les restes ténus d’une pratique ancestrale. Les Traces sont à même de nous ramener, à connaissance sensible, les mémoires, les techniques, les savoirs de tous ceux qui ont contribué à la construction de nos Pays et qui se sont vus minorés — à commencer par les amérindiens désapparus, les africains jetés en esclavage, tous les immigrants venus de l’Asie et du levant, et, bien entendu, toute la diversité des « engagés » blancs et de ces colons originels qui camouflaient leur prédation sous le terme « Habitants ».
Un tambour, une danse, un mayoumbé, une flute de bambou, un coutelas, un geste de poterie, un « manger-mêlé », un vieux chanté créole, ne sont ni des monuments ni des densités immatérielles. Ce sont des Traces. Et c’est donc la mise à jour de ces Traces qui jalonnent notre histoire et subsistent parmi nous, c’est elle qui pourra contrebalancer non seulement les monuments coloniaux mais aussi nos minorations militantes et vertueuses. Le maillage de nos Traces, associé aux constructions monumentales, constituera enfin le récit horizontal de ces histoires qui se sont rencontrées dans le système des plantations, de ces mémoires qui se sont affrontées, qui se confrontent encore, dans l’explosive genèse de nos singularités. Ce sont toutes ces absences éclatées dans des Traces qui ont fait de chacune de nos îles, de la Caraïbe et de nos Amériques, un espace composite d’une grande modernité. Dès lors, il est évident que notre art culinaire nous a laissé d’innombrables Traces : des récipients, des ustensiles, des plats, des saveurs, des totems gustatifs, des associations inattendues, des gestes, des mélanges d’une simplicité restée indéchiffrable, des assaisonnements rituels, des racines, des tubercules, des plantes et des fruits qui a force de résister au temps sont devenus des poèmes symboliques…
C’est donc à ce triple titre — de patrimoine, de densité immatérielle et de Traces-mémoire — que notre art culinaire est à considérer comme une instance patrimoniale déterminante
Et c’est là qu’une deuxième problématique s’installe.
En préparant la série documentaire sur notre cuisine, j’ai acquis la certitude que la notion de patrimoine, dans son acception dominante, ne convenait pour définir ce gisement culturel. Le patrimoine est patriarcal. La vision masculine, les vieux réflexes machistes, ont toujours été les seuls à conter nos histoires, et donc à structurer nos imaginaires. Ils ont écarté, jusqu’à l’obstination, la présence, l’action et la créativité des figures féminines. Dans nos histoires culinaires, les hommes ont assumé une présence importante, mais il n’en demeure pas moins qu’une évidence s’impose : l’effervescence imaginative qui a donné naissance à la richesse exceptionnelle des cuisines de la Caraïbe et de nos Amériques, a essentiellement été mise en œuvre dans les canaris vides et les casseroles noircies que devaient sublimer les femmes — et cela à toutes les époques, depuis les antériorités amérindiennes jusqu’aux acculturations de nos urbanités portuaires. Toutes ces femmes, femmes de peuples génocidés, déportées jetées à l’esclavage, potomitan d’imposantes familles, marchandes ambulantes, matadors-cuisinières, servantes de grand-cases, toutes ces féminités indomptables qui ont dû, jour après jour, faire preuve de ruse, d’inventivité, de créativité cruciale, pour nourrir ceux qu’elles servaient, ou qu‘elles aimaient, sont à la base de ce que nous devons appeler : un matrimoine. Néanmoins, pour demeurer dans la complexité de nos situations humaines, je proposerais plutôt le terme de : matri-patrimoine.
La seconde problématique qui s’impose aux accomplissements de nos pays, est celle de la production d’une culture savante. Les traits structurants d’une culture proviennent toujours de la créativité populaire. Une culture, c’est avant tout des créatures anonymes qui, par leur génie, inventent au quotidien, des chemins praticables dans tous les défis de l’existence. Toute culture est le fait de créateurs obscurs qui, par le succès de leur création, initient ce qui va devenir une constante culturelle communautaire. Cependant, nos cultures créoles caribéennes ont échappé à l’archétype communautaire : elles sont par nature des cultures d’individuations relationnelles. Elle se sont sédimentées, nullement sur des bases collectives, mais dans la terrible rencontre de milliers d’individus de cultures amérindiennes avec d’autres milliers d’individus venus des autres cultures du monde. Cette alchimie (véritable choc d’individuations forcées et de communautarismes empêchés) s’est produite avec une zébrure vertébrale qui est celle de l’Afrique. Nos cultures caribéennes proviennent donc d’une créativité populaire diffuse qui, dans une même matrice épouvantable, a développé des logiciels de survies et de transmission débrouillarde que nous nous sommes efforcés de maintenir.
Comment avons-nous fait ?
Au mieux par du militantisme politique et culturel ; au pire par des sacralisations répétitives.
Conserver des dynamiques culturelles ancestrales par du militantisme ou par de la répétition sacrale aboutit nécessairement à une folklorisation. Dans les deux cas, on perd l’esprit profond, la vivacité secrète, qui fait qu’une singularité culturelle est un organisme vivant. Toute singularité culturelle se doit d’éprouver les évolutions imprévisibles du vivant. C’est pourquoi une culture vivante ne se fige jamais, elle se transforme pour bien se conserver, elle se conserve pour mieux se transformer, elle s’accomplit au rythme de ces échanges qui la changent, et elle s’adapte en continu aux écosystèmes qui la stimulent. Aujourd’hui, l’écosystème pertinent de toutes les singularités culturelles du monde, n’est autre que le monde lui-même – un monde fait de relations entre cultures, civilisations et individus, une entité hautement dynamique que Glissant a nommé le Tout-monde...
Tenter de préserver des abscisses culturelles par le militantisme ou par la répétition mécanique aboutit à leur stérilisation douce.
Hélas, cela nous est arrivé dans beaucoup de domaines.
Le seul moyen d’y échapper, c’est d’assurer le prolongement de nos gisements culturels par la production d’une culture savante. Chaque noyau culturel devrait, à mon sens, se voir enrobé d’un cytoplasme et d’une membrane de culture savante qui en assure à la fois la connaissance profonde et, par là-même, sa transmission la plus féconde et donc la plus inaltérable. Sans culture savante, les lignes culturelles populaires se folklorisent et meurent sous les bons sentiments. Nous avons pu développer cette culture savante sur notre langue, sur le tambour, sur la musique et la danse, grâce au travail de personnes formidables (je pense à l’association AM4, je pense à l’ethnomusicologue Jacqueline Rosemain, je pense à notre regretté linguiste Jean Bernabé... et à bien d’autres...) mais nous devons continuer à en produire pour toutes les variables de notre équation culturelle caribéenne, toutes les étoiles de notre galaxie américaine.
Alors voilà ma conviction.
Sans travaux de recherches, sans discussions, sans études, sans réflexions, sans projections imaginatives, sans colloques d’inventaires et de synthèse, sans esthétisation artistique exigeante, nous ne connaîtrons jamais comme il faut notre matri-patrimoine culinaire. Non seulement nous ne serons pas en mesure de le transmettre, mais nous ne pourrons pas en assurer la sublimation dans ses rencontres inévitables avec les autres esthétiques culinaires du monde. C’est donc, à mon sens, l’objet de ce colloque que d’inciter à ouvrir un champ permanent de recherches universitaires sur notre gastronomie, ses fondements, ses histoires, ses plats, ses pratiques, ses Traces oubliées, ses Traces à révéler, ses lignes de force et ses principes. De développer autour d’elle une culture savante capable de libérer les imaginations, d’exalter les imaginaires, et d’assurer ainsi à notre art culinaire une présence significative dans le renouvellement actuel. Aujourd’hui, de jeunes chefs de la Caraïbe et des Amériques —beaucoup d’entre eux sont ici avec nous — explorent avec notre richesse gastronomique. Nous implorons l’université de conférer une amplitude à leurs boîtes à outils.
Maintenant, une ultime remarque.
Lorsque l’on regarde l’espace de notre assise au monde (espace que les colonialistes ou que les universalistes auraient appelé « civilisationnel » mais que je préfère considérer comme simplement « relationnel »), on constate qu’il existe des cuisines antillaises, des cuisines sud-américaines, des cuisines de l’amérique centrale, des cuisines nord-américaines... Une diversité d’apparence chaotique. Cependant, si on y regarde de plus près, elles proviennent de la même matrice interactive, — à savoir : la présence-absence des peuples amérindiens ; la créativité inattendue qui résista aux système des plantations ; l’influence de l’Afrique explosée en des milliers de traces, et pour finir : les apports de toutes les immigrations qui ont nourri nos multiples surgissements. Il y a dans nos cuisines antillo-américaines des différences signifiantes. Malgré tout, dans ce magnifique arc-en-ciel de possibilités, il existe des lignes de force, des invariants déterminants, que nos réflexions à venir, aujourd’hui et dans les années qui viennent, pourront mettre en relief. Il nous sera clair alors que, si le choc relationnel ouvre à la diversité créative, cette dernière suscite, au cœur même de cette diversité, une unité dynamique et complexe, que nous avons l’obligation de deviner, de prolonger, de maintenir tout autant dynamique et tout autant complexe. Seule une culture poétique et savante peut assumer cette exigence.
Pour finir, je voudrais vous remercier à mon tour tous les participants à cette nouvelle page de notre accomplissement en tant que pays-frères. Remercier les services des fonds européens et particulièrement ceux de l’Interreg. Remercier tous ceux qui nous ont aidé pour la mise en œuvre de cette série documentaire. Mais je voudrais aussi remercier particulièrement M. Guy Deslauriers, réalisateur de films essentiels — L’exil du roi Béhanzin, La naissance de la biguine, le martyr d’André Aliker, la vision inconnue du Passage du milieu… et-cætera. — je le remercie d’avoir décidé de mettre son talent au service de notre matri-patrimoine culinaire.
Mèsi Misié !
Mèsi tout moun !
Mèsi anchay !
par Cheikh Omar Diallo
QUAND LE SÉNÉGAL S’ÉVEILLERA AVEC GUY MARIUS-SONKO
Tout concorde entre "Ousmane Sagna et Guy Marius-Sonko". Ce duo incarne une certaine forme d’espoir et de renouveau politique. Guy Marius-Sonko, ce bon faiseur de roi, pourrait posséder les clés du second tour
Guy Marius Sagna, 43 ans, activiste, député et travailleur social, candidat à la présidentielle, incarne incontestablement le reflet d'Ousmane Sonko. Il pourrait être la révélation et l'attraction de la campagne électorale de 2024 et il risquerait de porter malheur à ceux qui le sous-estimeraient.
L'avenir politique se dessine quelquefois dans les similitudes et les différences entre deux âmes complémentaires. Dans quelques semaines, Guy Marius Sagna pourrait bien se transformer en Guy Marius-Sonko. Ce trait entre les deux patronymes symbolise parfaitement l'union de deux fortes personnalités qui se complètent à tous égards. Leur identité de vue, leurs origines, leurs parcours, leur licenciement de la fonction publique, leur statut de député, et même leur première participation à la présidentielle.
Tout concorde entre "Ousmane Sagna et Guy Marius-Sonko".
Cette convergence de caractéristiques est une force qui pourrait bouleverser le paysage politique et électoral, dans la mesure où ce duo incarne une certaine forme d’espoir et de renouveau politique.
Sur une terrasse surplombant l'océan Atlantique, lors d'un week-end paisible, tandis que je peaufinais mon dernier ouvrage positionné dans les librairies, ce lundi 9 octobre, le hasard m'a fait croiser le légendaire El Hadj Diouf, l'ancien international qui avait fait rêver tout un peuple lors de la Coupe du monde 2002. Notre conversation s'est naturellement tournée vers l'élection présidentielle de 2024, un sujet brûlant d'actualité.
Au milieu des 200 candidats en lice, El Hadj Diouf m'a pris à part pour me faire une prédiction audacieuse. Selon lui, son candidat l'emporterait dès le premier tour. J'ai répliqué en affirmant que même si Macky Sall se lançait à nouveau dans la campagne, il serait difficile pour lui de gagner dès le premier tour. Cela signifierait que son candidat devrait conquérir toutes les grandes villes à fort potentiel électoral, de Dakar à Thiès, en passant par Mbour, Diourbel, Mbacké, Touba, Saint-Louis, Kaolack, Kolda, Ziguinchor, et bien d'autres encore. Puis dans une lecture latérale, je lui demandais de prêter attention au député Guy Marius Sagna, le parfait doublon d’Ousmane Sonko… Il m’a ri au nez. J’en ai souri.
Mais au-delà de cette conversation anodine, il faut dire que depuis la mise en quarantaine de Sonko, Sagna se démarque du lot. Cet improvisateur téméraire et parfois maladroit, ce débatteur brutal et puissant tire le maximum de son charisme physique. Immense acharné du travail, GMS n’est pas devenu cet animal de scène, cette bête vivante de l’hémicycle en dormant sur ses lauriers.
Sa réputation repose sur un engagement indéfectible dans la lutte contre l'injustice, une quête qui le pousse à persévérer, peu importe, les obstacles qui se dressent devant lui. La cinquantaine de fois où il a été arrêté et emprisonné atteste de sa détermination à dénoncer toute forme d'injustice. Bien qu'il puisse susciter des opinions tranchées, il est essentiel de regarder au-delà des apparences pour comprendre le show Sagna, ce "guerrier" moderne, dont la force d'âme égale celle de ses muscles.
Guy Marius Sagna n'est pas un acteur politique préfabriqué, mais plutôt un individu façonné par une histoire et une éducation politique profonde. Il a puisé dans les enseignements des grandes figures politiques telles que : Lénine, Mao, Trotski, Brejnev, Confucius, Tito, Gandhi, Majmouth Diop, Cheikh Anta Diop, et bien d'autres encore. Son environnement familial et éducatif l'a exposé très tôt à des idées et des idéaux révolutionnaires.
Son parcours à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), où il a brièvement étudié à la faculté de droit et des sciences juridiques, lui a offert une diversité de perspectives politiques. Sa chambre d'étudiant était devenue un lieu de débats intellectuels animés, décorée de posters de Lénine et de Karl Marx. Lieu de rendez- vous pour des discussions intenses sur la révolution et les mouvements politiques.
De plus, Guy Marius-Sonko est diplômé de l'École Nationale de Développement Sanitaire et Social (ENDSS). Tout au long de sa vie, ce travailleur social a milité pour de nombreuses causes sociales et politiques, notamment en tant que membre actif du Rassemblement des travailleurs africains/Sénégal (RtaS). En tant que rédacteur en chef du journal de gauche de ce mouvement, il a contribué à écrire des articles éclairés sur des sujets liés au Sénégal, à l'Afrique et au tiers-monde en général.
Guy Marius-Sonko pittoresque, imprévisible, menaçant, gouailleur, souffle alternativement le chaud et le show. Irrésistiblement, il en est venu à incarner la lutte intransigeante pour les idéaux nobles : la cause des travailleurs, des démunis et des faibles. Bien qu'il puisse être critiqué pour ses positions, il demeure fidèle à ses convictions et refuse de se compromettre. Son rejet de l'endoctrinement et sa détermination à rester un défenseur intransigeant de ses convictions font de lui une figure polarisante, mais indéniablement authentique.
Alors qu'il se présente à la présidentielle, il appartient désormais à la jeunesse de décider si elle est prête à soutenir au nom et pour le compte d'Ousmane Sonko, cet homme qui sait parler peuple au peuple. Il pourrait être le seul, à côté du grand favori Amadou Ba à compter des représentants dans tous les 16 000 bureaux de vote au Sénégal et dans les 750 à l’étranger, grâce à la machine d’Ousmane Sonko. C’est là la principale unité de mesure de la représentativité électorale d’un candidat sérieux.
Qu'il soit aimé ou détesté, Guy Marius-Sonko occupe désormais une place centrale dans l'arène politique.
Quoi qu'il en soit, Guy Marius-Sonko est un homme de rupture et de fracas prêt à affronter les défis qui se dressent sur son chemin avec une détermination inébranlable.
C'est pourquoi il pourrait être la révélation de février 2024.
Les chances de GMS d'être dans le trio de tête
Outre le fait que 13 députés vont le parrainer les yeux fermés, sa candidature à la présidentielle est une certitude quasi-mathématique. Ouvrons à présent, le chapitre de ses chances.
Soutien d'Ousmane Sonko : En tant que parfait doublon du chef de file de l'opposition sénégalaise, Guy Marius-Sonko bénéficiera de toute évidence de l'appui considérable du maire de Ziguinchor et de son aura politique nationale et internationale. Le soutien de Sonko depuis la prison peut élargir son électorat.
Réputation de défenseur des sans dents : Guy Marius Sagna a acquis une solide réputation en tant que défenseur des opprimés, des pauvres et des faibles. Cet atout pourrait attirer les électeurs qui cherchent un candidat engagé et déterminé.
Détermination inébranlable : Son historique d'arrestations et de lutte indique une détermination inébranlable à poursuivre ses convictions. Son discours de rupture pourrait inspirer les jeunes électeurs et renforcer sa crédibilité en tant que candidat.
Alignement sur la même ligne d’attaque : En adoptant les valeurs, les principes et les convictions politiques de Sonko, Guy Marius [ayant déjà montré qu'il pouvait donner sa vie pour son mentor] captera des centaines de milliers d'électeurs en tant que candidat de substitution. Et le leader de l’ex-Pastef sera pour les besoins de la cause, son directeur de campagne depuis la prison, au même titre que Macky Sall le deviendra pour Amadou Ba. « Le mortal kombat » entre les deux mastodontes continuera de plus belle.
Audience internationale : Ousmane Sonko est déjà une figure populaire adulée dans la diaspora et connue à l'échelle internationale, en raison de son « souverainisme social » et de la lutte anti-impérialiste. Dans le même sillage, le polyglotte Guy Marius-Sonko qui parle couramment anglais, français, diola, ouolof et créole, pourrait facilement capter l'attention des médias internationaux et des sympathisants de la diaspora sénégalaise. Il est en tournée internationale en France, en Italie, en Espagne et bientôt aux Etats-Unis.
Thèmes de campagne : En tirant le plein bénéfice de la dénomination de sa coalition « Guy-Sonko 2024 », [voir article L.123 du code électoral] et en prenant le contrôle des thèmes incitatifs tels que la lutte pour la libération de Sonko, la défense des intérêts nationaux, la lutte contre la corruption, la justice sociale, la souveraineté nationale et l’anti-impéralisme, Guy Marius-Sonko pourrait susciter un soutien populaire inattendu.
En résumé, sauf tremblement de terre dans le « Sonkoland », Guy Marius-Sonko, ce bon faiseur de Roi, pourrait posséder les clés du second tour.
Cheikh Omar Diallo est Docteur en Sciences juridiques et politiques.
par Abdoulaye Bamba Diallo
L'ELDORADO OU L'ESCLAVAGE
Avez-vous remarqué que si les enseignants ont toujours des choses à dire sur la démocratie et les libertés dans le pays, peu d’entre eux ne nous proposent des ouvrages didactiques ou pédagogiques à destination de nos élèves ?
Le Sénégal est un pays merveilleux, unique au Monde quelquefois, car étant le seul où détails et accessoires prennent souvent le dessus sur l’essentiel. Ainsi, les potaches ont-ils repris le chemin de l’école tandis que les politiciens professionnels, eux, les routes sinueuses des élections.
S’il est comptabilisé, déjà, plus d’une centaine de candidatures à la candidature pour la présidentielle de Février 2024, la rentrée des classes s’est-elle effectuée avec des écoles insalubres encore sous les eaux du fait de inondations et d’une végétation sauvage sans compter les abris provisoires qui, eux, souffrent d’un déficit de tables-blancs, de tableaux et même d’enseignants. Et cela ne semble interpeller personne ni choquer grand monde à l’heure où ailleurs sur la planète, on investit dans les nouvelles technologies de l’information avec une optimisation des possibilités qu’offre l’Internet et l’intelligence artificielle afin de mettre à niveau le système éducatif et obtenir ainsi des gains dans l’acquisition de connaissance, meilleur atout pour être compétitif dans l’économie de l’intelligence qui fonde la nouvelle richesse des nations comme l’a, déjà, dit Adam Smith.
Le paradoxe sénégalais étant que la faune politique qui a accaparé les destinées du pays est constituée dans une très grande proportion d’enseignants qui ont des leçons à donner sur la gestion des affaires de la cité et des politiques publiques mais jamais ne formulent des propositions sur les réformes à mener pour faire de l’école sénégalaise une école adaptée aux exigences de son époque.
Tenez, avez-vous remarqué que si les enseignants (et surtout leurs syndicalistes) ont toujours des choses à dire sur la démocratie et les libertés dans le pays, peu d’entre eux sinon personne parmi eux ne nous proposent des ouvrages didactiques ou pédagogiques à destination de nos élèves dont tout le monde s’accorde à reconnaître la baisse de leur niveau.
Le cimetière de l’Atlantique
Les Sénégalais sont ingénieux et dégourdis, c’est connu. Mais tout de même, il fallait une certaine perspicacité pour savoir que des conventions diplomatiques de libre circulation des personnes existent entre le Sénégal et le Nicaragua. Les nouvelles routes du Mbeuk-mi qui poussent notre jeunesse à aller à la recherche d’un eldorado au prix de leur vie viennent, ainsi, de remettre au goût du jour les routes du commerce triangulaire de la Traite Négrière. Traverser l’Atlantique par les airs pour essayer de rentrer aux Etats-Unis par la terre en passant par le Nicaragua et le Mexique n’est-ce pas un remake de la tragédie des Nègres marron cherchant la liberté à tout prix au point de subir les pires châtiments des esclavagistes et les conditions de vie les plus éprouvantes en cherchant liberté et refuge dans les îles volcaniques des Caraïbes ou dans les jungles meurtrières d’Amérique centrale et du Sud. Cette nouvelle route des Amériques qu’emprunte notre jeunesse n’est-elle pas un remake des routes de l’esclavage qui contribuent, ainsi et encore, à faire du Nègre le seul damné de la terre trois siècle après le début de la traite négrière et moins d’un siècle après la fin de l’esclavage.
Politiciens comme intellectuels, artistes comme membres de la Société civile regardent cette tragédie d’une jeunesse en quête de mieux-être qui a choisi de faire de l’Atlantique un cimetière comme une chose toute banale plutôt que de rester sur la terre de leurs ancêtres où l’espoir n’existe plus. Jusqu’où allons-nous continuer à nous vautrer dans la démission et la fuite en avant ? L’Afrique est malade des Africains.
La cour des miracles
Certes, le ridicule ne tue pas, aujourd’hui, dans notre pays mais la vanité, elle, est en passe de devenir la chose la mieux partagée par tous, partout et pour tout. N’est-ce pas un Général européen qui disait que l’ambition n’est pas un crime mais ne pas avoir les moyens de son ambition peut être un grand danger pour ceux sur qui cette ambition veut ou doit s’exprimer.
Il faut dire que ce crime tel que défini par ce vaillant défenseur du leadership est inconnu pour la classe politique sénégalaise. Chez nous n’importe quel quidam se croit autoriser à toutes les audaces et outrances sans retenue au point de valser entre le risible et le ridicule car usant de la transhumance et de la volteface au gré des situations et des conjonctures afin obtenir des sinécures. Le Sénégal, un pays de 201.000 Km2 avec 17 millions d’habitants, affiche plus de 400 partis politiques reconnus, une centaine de syndicats, une dizaine de centrales syndicales, une Assemblée nationale, un Haut Conseil, un Conseil économique et social, trois chambres accueillant chacune plus de 150 personnes formant ainsi une caste politique entretenue grassement. Excusez du peu, il faudra y ajouter, dorénavant, une centaine de candidatures à la candidature suprême.
Si la Démocratie n’a pas de prix, elle a tout de même un coût. Et au Sénégal, la politique me paraît être d’un coût prohibitif et exorbitant par rapport aux moyens du pays, aux capacités de l’Etat et aux besoins et attentes des populations. Les affaires politiques entraînent énormément de dépenses, perturbent en permanence la vie sociale car l’activisme politique a lieu toute l’année même en dehors des périodes d’élection. Il faudra bien un jour procéder à l’évaluation de ce nous coûte la politique et examiner avec précision ce qu’elle nous rapporte.
Néanmoins, on peut être d’accord sur le fait que l’économie nationale paie un énorme tribut de l’overdose de l’activité politique. Pour février 2024, près de deux cent prétendants au pouvoir suprême mais, pourtant, peu parmi eux peuvent se prévaloir d’avoir initié ou réussi une activité qui a été d’une utilité quelconque pour la communauté. Bien au contraire, on peut observer au sein de cette pléthore de candidats de nombreux hauts fonctionnaires et agents de l’Etat qui affichent des fortunes colossales et des moyens extraordinaires. De véritables nouveaux riches avec des comportements les plus ostentatoires faisant de certains d’entre eux des « jet-setteurs », coqueluches des musiciens en vogue et des animateurs des médias électroniques.
Le nombre de fonctionnaires appartenant aux régies financières de l’Etat (Trésor public, Impôts et Domaines, Douanes) affichant un train de vie de milliardaires est un fait notable à relever. Depuis l’alternance de 2000, force est de constater que la Fonction publique sénégalaise génère plus de nouveaux riches que le secteur privé national.
Présidents non grata
Sarkozy en France, Trump aux Etats-Unis, deux anciens présidents encore au pouvoir, il y a peu, font face à la justice de leur pays tout comme Daddis Camara vit pareille situation en Guinée depuis l’année dernière. Aly Bongo au Gabon et Mohamed Bazoum au Niger sont ou en résidence surveillée ou pris en otage comme Kaboré au Burkina et son tombeur Damiba est, lui, exilé de force au Togo. L’après pouvoir présidentiel paraît être une vie peu paisible. Mohamed Ould Abdel Aziz en Mauritanie doit méditer sur cela tout comme Uhuru Kenyatta qui a eu le malheur d’adouber comme dauphin et successeur celui que William Ruto a battu, lui aussi, vit les mêmes affres. Alors une question se pose : être un ancien président en vie est-il un risque ?