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29 novembre 2024
Opinions
Par Abdoulaye THIAM
AUCUNE OBJECTION
Les faucons de l’Alliance de pour la République, les adeptes du «Gatsa Gatsa» au sein du parti Pastef, sans occulter les pompiers pyromanes et autres auteurs d’articles sur commande, ont tous été groggys par ce verdict d’apaisement qui nous honore
Le verdict du procès de diffamation opposant Ousmane Sonko à Mame Mbaye Niang est tombé. Le leader de l’opposition sénégalaise a été condamné à deux mois de prison avec sursis et à verser 200 millions de francs CFA à l’actuel ministre du Tourisme et des Loisirs en guise de dommages et intérêts.
Nous saluons cette décision qui apaise le climat politico-socio-judiciaire extrêmement tendu depuis plusieurs semaines avec son lot de morts, de blessés, d'arrestations, de destructions de biens publics et privés, sans occulter des pertes incommensurables liées aux journées de ville morte.
Finalement, le droit a été dit, parce que Ousmane Sonko qui n’a apporté aucune preuve de ses affirmations, a été donc condamné. Par la même occasion, le juge Mamadou Yakham Keïta qui a vidé l’affaire, suite au désistement du président de la Première Chambre correctionnelle, Pape Mohamed Diop, récusé par Ousmane Sonko, a tenu compte du statut de ce dernier. En faisant preuve de clémence, il ne prive pas au président du parti Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) de ses droits civiques et politiques qui l’empêcheraient de porter sa candidature pour la présidentielle de 2024. La justice sénégalaise sort donc grandie d’un procès à hauts risques où tous les ingrédients semblaient réunis pour installer le chaos au Sénégal à 10 mois de l’élection présidentielle prévue le 25 février 2024.
La presse internationale avait déjà braqué ses caméras sur notre pays. Son statut de havre de paix, de démocratie chantée, jalousée même, fait qu’il occupe depuis plusieurs jours des plateaux en Afrique et dans le monde.
Au finish, le Sénégal est resté debout. Sa justice a tranché en s’appuyant sur les lois et règlements en vigueur. Les faucons de l’Alliance de pour la République (APR), les adeptes du «Gatsa Gatsa» au sein du parti Pastef et/ou de la coalition Yewwi Askan Wi, sans occulter les pompiers pyromanes et autres auteurs d’articles sur commande, ont tous été groggys par ce verdict d’apaisement qui honore notre pays. «La justice a respecté sa posture d’opposant (Ousmane Sonko, Ndlr) mais à censuré ses excès de tribun», dixit Pierre-Olivier Sur, avocat français de Mame Mbaye Niang. Une déclaration qui tranche d’avec celles de certains de ses collègues qui restent, eux, honteusement dans la dynamique d’attiser le feu avec des discours basés sur la haine, la provocation et non sur des textes de droit, la jurisprudence et/ou la doctrine.
Hier, la justice a marqué un coup, sans objection, aucune !
par Abdoul Mbaye
LA LOI ÉLECTORALE SÉNÉGALAISE EST CONTRE LA COMPÉTITION OUVERTE
Si le moindre procès d’un homme politique peut se transformer en événement, allant jusqu’à compromettre la stabilité du pays, c’est qu’il y existe une loi faite pour éliminer les opposants de toute compétition électorale dès la moindre condamnation pénale
« Il n'y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l'on exerce à l'ombre des lois et avec les couleurs de la justice. » (Montesquieu)
Seule la certitude d’aller à l’échafaud pourrait pousser un citoyen à refuser de comparaître ou à appeler à des manifestations violentes pour ne point se présenter devant un juge.
Il nous semble donc important d’éclairer l’opinion nationale et internationale sur le stratagème mis en place par Macky Sall pour utiliser la Justice comme traquenard lui permettant de priver ses opposants de compétition électorale.
Si le moindre petit procès au Sénégal d’un homme politique peut se transformer en événement national et parfois mondial, allant jusqu’à compromettre la stabilité du pays, c’est qu’il y existe une loi faite pour éliminer les opposants significatifs de toute compétition électorale, et ce indéfiniment, dès la moindre condamnation pénale.
Ainsi, dans la grande démocratie sénégalaise, une « peine d’emprisonnement avec sursis d’une durée supérieure à un mois » (Code électoral L29), sans perte spécifique de vos droits civiques retenue par le Juge, vous fait perdre vos droits d’électeur et ne vous rend plus éligible pour l’éternité.
L’article L29 du Code électoral sénégalais n’a pas été inventé par Macky Sall.
Mais on doit à celui que ses affidés qualifient de « génie politique » de l’avoir systématiquement utilisé pour éliminer des adversaires politiques.
Ses prédécesseurs avaient une idée de la démocratie sénégalaise bien supérieure à la sienne.
Leur conception de la joute électorale devait lui laisser un aspect chevaleresque que l’on ne retrouve pas chez Macky Sall.
Ce dernier a fait du L29 la pierre angulaire de sa stratégie de présence durable au pouvoir reposant sur l’élimination de ses rivaux les plus dangereux ou estimés dangereux.
Lorsqu’il ne parvient pas à les corrompre par nomination à des fonctions importantes, il a toujours eu recours au L29.
Même le délit mineur, comme l’est la diffamation dans le discours politique, associé à l’instruction donnée à l’Autorité judiciaire rend l’arme quasi-infaillible.
Avant le nouvel article L57 introduit en 2018 (loi n°2018‐22 du 04 juillet 2018), le code électoral limitait la perte automatique des droits civiques à ceux d’électeur.
Par la modification du Code électoral en son article L57, Macky Sall a étendu la perte des droits à ceux d’être éligible.
Consciente que de telles dispositions sont attentatoires aux droits fondamentaux et sources de gros contentieux susceptibles de mettre en danger la paix et la stabilité au Sénégal, l’opposition sénégalaise ne cesse de réclamer leur abrogation depuis lors.
Elle a d’ailleurs sur ce point reçu le renfort d’auditeurs indépendants ayant procédé à l’étude du processus électoral du Sénégal. L’article 34 du Code pénal sénégalais est pourtant très clair :
« Les tribunaux jugeant correctionnellement pourront, dans certains cas, interdire, en tout ou en partie, l'exercice de droits civiques, civils et de famille suivants :
1) de vote
2) d'éligibilité ; …….
Lorsque la peine d'emprisonnement encourue sera supérieure à cinq ans, les tribunaux pourront prononcer pour une durée de dix ans au plus, l'interdiction totale ou partielle des droits énumérés ci-dessus.
Lorsque la peine d'emprisonnement prononcée sera supérieure à cinq ans, l'interdiction définitive de tous les droits devra obligatoirement être prononcée.
L'interdiction prendra effet à compter du jour où la condamnation sera devenue définitive ».
Les articles du Code électoral aggravent donc la condamnation pénale de manière automatique en violation du principe de leur individualisation pourtant reconnu par notre Code pénal à la lecture de cet article 34.
Il peut en outre être retenu, au regard de la disproportion entre la légèreté de certaines peines d’une part et le caractère disproportionné de la double peine rendue automatique et donc systématique d’autre part, une violation du principe de nécessité reconnu par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Les violations de ces deux principes ont été sciemment organisées pour l’atteinte d’objectifs strictement électoraux. Le nouvel article L57 a été modifié dans sa rédaction en soumettant l’éligibilité au fait d’être électeur inscrit.
Ce faisant, Macky Sall a créé une seconde automaticité : la perte des droits d’électeur entraîne automatiquement celle d’être éligible, et donc de pouvoir le concurrencer à l’occasion d’une élection présidentielle.
Alors que la motivation de la réforme de la loi électorale intervenue en 2018 était d’y intégrer le parrainage citoyen, la rédaction de l’Article L57 a subi la réécriture suivante :
« Tout sénégalais peut faire acte de candidature et être élu sous réserve des conditions d’âge et des cas d’incapacité ou d’inéligibilité prévus par la loi » est devenue « Tout sénégalais électeur peut faire acte de candidature et être élu … »
Ainsi le rajout subreptice d’un simple mot (« électeur ») a permis un énorme recul de la démocratie sénégalaise et mis en danger l’équilibre de la Nation.
La loi ayant été ainsi modifiée, il ne reste plus qu’à obtenir de petites et parfois insignifiantes condamnations pénales, souvent téléguidées, pour obtenir l’inéligibilité automatique de plusieurs opposants et plus tard une victoire électorale acceptée par la communauté internationale.
Il appartient toutefois aux citoyens sénégalais de restaurer leur démocratie malmenée.
Aucun moyen de lutte ne doit être abandonné.
Mais il est temps d’accorder le plus grand intérêt à une proposition de loi visant a-minima la suppression du mot « électeur » dans le nouvel article L57.
Ainsi amendé, cet article effacerait la suspicion légitime de manœuvres organisées par le régime de Macky Sall pour obtenir l‘élimination d’un concurrent politique.
L’opposant acceptera sans difficultés de comparaître devant un tribunal pour se défendre.
Cette modification rendrait la loi électorale sénégalaise conforme aux principes de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui appartient au Bloc de constitutionnalité; elle laisserait au juge le soin de prononcer toute peine conduisant à une perte d’éligibilité et renforcerait l’indépendance du magistrat ; elle ne mettrait pas en contradiction Loi électorale et Code pénal ; elle permettrait une compétition élargie et des résultats acceptés par tous comme le furent ceux qui ont permis l’élection de Macky Sall en 2012.
Tout cela est source de décrispation et de retour de paix.
La configuration actuelle de l’Assemblée nationale devrait permettre de faire voter une telle proposition de loi.
Il suffirait pour ce faire de convaincre quelques députés de l’autre bord qui auront été sensibles à la défense de l’intérêt supérieur de la Nation, aujourd’hui et demain.
De nombreuses autres propositions demeurent indispensables pour restaurer la qualité de la démocratie sénégalaise.
Celle-ci est urgente pour ouvrir la compétition en 2024 ; elle est une solution bien plus simple que des amnisties à accorder.
CHRONIQUE D’UN NAUFRAGE ANNONCÉ, par ada pouye
DES MOTS POUR DISSIMULER DES MAUX
EXCLUSIF SENEPLUS - Que s’est-il passé depuis 2000 pour que le langage politique se transforme en un concert autant cacophonique que symphonique de violence inouïe aux limites largement dépassées ?
Depuis ma tendre enfance, le verbe m’a toujours fasciné pour ce qu’il représente comme facteur de sociabilité et de violence symbolique dans la trajectoire de vie d’une personne quels que soient son âge, son sexe et sa religion par ailleurs. Le verbe peut être le prolongement de l’arme de guerre dans la société traditionnelle ou une arme de médiation ou de résolution des conflits inhérents aux rapports sociaux. Le verbe (logos) s’est fait chair, il incarne et communique à la fois sens et substance selon Erick Auerbach ou la puissance du verbe. Le verbe devient une force de destruction ou de construction massive dans l’imaginaire des opinions publiques. Dans le discours politique actuel, des armes non conventionnelles sont utilisées pour détruire l’autre ou le neutraliser y compris sous la ceinture. Il en est de même pour les rapports amoureux où parfois la ligne rouge est vite franchie entre l’amour et la haine et transforme le lien initial en liaison fatale. L’inventaire du verbatim politique en vogue croissante au Sénégal renseigne sur la profondeur de la violence symbolique et physique qui en mine le champ politique.
« Je vais réduire l’opposition à sa plus simple expression », dixit Macky Sall, « Gatsa – Gatsa » (œil pour œil, dents pour dents), dixit Pastef ; Mortal Combat (titre de la presse) ; «j’ai déjà fait mon testament et je suis prêt à y laisser ma vie Ousmane Sonko» « il faut tuer Ousmane Sonko (SC) » Force va rester à la loi, je n’accepterais pas que des fauteurs de trouble dictent leurs lois » ; « le ministre de la Jeunesse qui appelle les jeunes à déloger Ousmane Sonko de chez lui pour le ramener au tribunal » ; Les policiers de la BIP qui cassent à deux reprises la vitrine de la voiture d’Ousmane Sonko pour l’extirper de force et l’amener au tribunal - image forte» ; « Si je dois donner mon point de vue sur le troisième mandat, je le ferais à mes partisans d’abord et après aux populations », dixit Macky Sall. « Celui qui essaie de jouer avec sa vie face aux forces de défense prend une option suicidaire GMF »
Ce décor des éléments de langage donne la mesure du changement de verbatim de la politique martiale que nous subissons et qui nous écrase tous les jours, amplifié sans réserve ni retenue dans les réseaux sociaux. Où sont les piques ludiques du défunt président Senghor à l’opposant Abdoulaye Wade l’apostrophant comme « Laye Ndiombor – le Rusé dont la tête ne peut retenir des cheveux rajoute la défunte Adja Arame Diene » et celles du président Abdoulaye Wade au président Abdou Diouf « M. Moulin, Mme Forage » ou celle plus cruelle interrogeant les jeunes en plein rassemblement du PDS « Combien parmi les jeunes qui sont ici présents ont un emploi ? » Comme une évidence, le public clame dès lors massivement :« Aucun de nous ! ». Ces joutes, c’était avant l’alternance de 2000. Que s’est-il passé entre 2000 – 2012 et 2012- 2023 pour que le langage politique se transforme en un concert autant cacophonique que symphonique de vulgarité et de violence inouïe dont les limites sont largement dépassées. Où sont passées toutes les soupapes de sécurité qui œuvraient pour la paix sociale ? Elles sont devenues subitement aphones, aux abonnés absents. Nous assistons à une forme de névrose qui donne la mesure de la psychose collective qui s’invite dans ce pays (Prof Serigne Mor Mbaye, tu permets). Notre société est à la croisée des chemins avec des troubles affectifs et émotionnels profonds au cœur du pouvoir et une violence multiforme dont les mots et les maux de notre souffrance collective en rendent compte tous les jours (féminicides, violence domestique, violence de voisinage, violence politique, étalage de vie privée dans le champ politique).
Les éléments de langage constituent aujourd’hui un enjeu stratégique dans la communication politique. Il apparait vital pour l’homme politique et les détenteurs du pouvoir de faire du bruit pour la conquête de l’opinion sans se soucier de la substance et du sens de leurs bruits. Les éléments de langage (EDL) sont considérés comme des messages pensés et construits à l’avance, pour organiser, à priori, le discours qui sera relayé par plusieurs intervenants dans les médias et sur les réseaux sociaux. Il sont des paramètres importants pour analyser et comprendre la température politique du moment. Abdoulaye Wade a dit de lui même qu’il est un homme politique nuancé qui justifiait le nom que lui avait donné Léopold Sédar Senghor. Il était tellement nuancé que le PDS était conçu comme parti de contribution puis comme parti d’opposition jusqu'à prendre le pouvoir. Le Waxx Waxeet (se dédire) pour le troisième mandat du président Wade aura été le clou de sa perte de pouvoir avec son fils. Conscient du poids des mots dans la société sénégalaise pour ne pas dire africaine, Macky Sall, à la question de savoir s’il n’est pas en train de se dédire pour ce qui concerne le troisième mandat contre lequel il s’était engagé lors de sa fameuse conférence de presse conjointe avec Sarkozy le 11 avril 2011 à l’Élysée et lors de la campagne électorale de 2019, a répondu à L’Express : « Je ne me dédis pas », en parlant de « conviction du moment ». « Celle-ci peut évoluer et les circonstances peuvent m’amener à changer de position ». Chercher la nuance entre je ne me dédis pas, mais les circonstances du moment peuvent m’amener à changer de position. what a hell diront les Anglais pour exprimer leur dépit dans leur langage. Sommes-nous devenus des demeurés pour gober cette entourloupe de mauvaise foi ? Il s’agit d’une posture pour inciter, voire exciter, ses partisans à poursuivre les appels pour sa candidature. Il s’agit aussi de mobiliser de foules folles sous forme de Ndeup pour lui demander tout bonnement de se représenter pour lui permettre d’apprécier l’évolution des circonstances politiques en faveur du mandat de trop. C’est détacher l’un de l’autre pour en faire une fracture symbolique et active de l’adhésion et de l’action. Les réseaux sociaux sont venus détruire à notre insu et à bon escient le monopole des producteurs de pensée sociale. Le doctorant, le professeur, le journaliste, le médecin, l’homme politique, le député, le président, le ministre, le parti politique sont bousculés dans la médiation du savoir par les nouveaux actionnaires individuels et isolés de la toile web et y imposer l’inclusion sociale. Les médias traditionnels (Audio, TV, presse écrite) qui avaient le monopole de la diffusion des informations politiques du pouvoir ont perdu de leur lustre au profit de nouveaux diffuseurs notamment YouTube, Twitter, LinkedIn et Tik Tok. L’inclusion sociale des acteurs sur la toile reste un vecteur à la fois de la démocratie et de la profusion des messages, malgré l’existence de la police du web (cybercriminalité) avec l’arrestation des activistes au Sénégal pour des propos irrévérencieux.
La légendaire démocratie sénégalaise citée partout comme modèle parachevé en Afrique est en train de craquer et de se morceler sous les coups de boutoir d’un pouvoir autoritaire et sans limite dans la volonté d’accaparement en utilisant la violence physique des forces de défense et de sécurité et symbolique comme une arme de destruction massive. Pays de la Teranga, seule exception à ne pas connaître le cycle des conférences nationales après le sommet de La Baule à l’occasion duquel le président françois Mitterrand réclamait le dividende démocratique pour tous les pays qui veulent continuer à bénéficier de l‘aide publique au développement de la France.
« Bien qu'il soit impossible de se passer du langage, il ne faut l'employer que dans la mesure où il est indispensable, et la seule chose importante est de stimuler chez ceux auxquels on s'adresse, un mode de pensée, d'idées, semblables aux nôtres, qui les entraînera par leur propre mouvement, plutôt que par une contrainte syllogistique…» ( Newman , Grammaire de l'assentiment, trad. franç., p. 250).
passage sous scanner du yérim nouveau, par Latyr Diouf
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, OGRE MALÉFIQUE OU BOUC ÉMISSAIRE ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Au Sénégal, tout serait de la faute de Macky Sall depuis 2016 et la grâce de Karim Wade. Tout lui serait imputable, notamment une fâcheuse tendance à emprisonner, à tour de bras, tout Sénégalais qui s’opposerait à son régime (4)
Cinq chapitres du livre de Cheikh Yérim Seck seront relus : Ces affaires Karim Wade et Khalifa Sall qui ont percuté la démocratie (p.169) ; Cette affaire Sonko qui fait l’affaire de Macky Sall (p.179) ; La délicate question Mimi Touré (p.189) ; Le Mbourok sow de mauvais goût avec Idrissa Seck (p.199) ; Le problème Amadou Bâ (p.207). Trivialement, il s’agit d’un condensé d’allégations sur les relations entre le président Macky Sall et tous ceux que l’analyse politique banale place au rang de ses plus probables rivaux. De son camp comme de l’opposition, les noms évoqués dans les chapitres 15 à 19 sont soumis à des interprétations qui peinent à s’élever jusqu’aux idéaux républicains. Les grands esprits discutent des idées ; les esprits moyens discutent des événements ; les petits esprits discutent des gens, disait Eleanor Roosevelt. Cette célèbre citation est commode pour clouer le bec à de potentiels pourfendeurs, mais sa pertinence est discutable pour qui se demande avec Nietzsche si le corps n’est pas l’instance suprême de nos interprétations.
Au Sénégal, tout serait de la faute du président Macky Sall depuis le référendum de 2016 et la grâce de Karim Wade. Tout lui serait imputable, notamment une fâcheuse tendance à emprisonner, à tour de bras, tout Sénégalais qui s’opposerait à son régime. Une propagande insidieusement et habilement entretenue soutient cet amalgame, qui, tout en nous déresponsabilisant, peut fragiliser notre pacte républicain. En effet, qui voudrait respecter un contrat social que violerait son plus haut garant ? Au-delà des slogans peu crédibles traitant le président Macky Sall de dictateur ou d’assassin, une kyrielle d’accusations farfelues vient compléter son pedigree de bouc émissaire ou d’ogre malfaisant. Or, à l’évidence, il ne peut pas être au courant de la plupart des paroles et des actes qui lui sont reprochés. On me traite souvent de naïf ou de partisan aveugle quand je refuse de croire que Macky Sall est l’alpha et l’oméga de toutes nos précarités dans un monde aussi profondément marqué par une crise de sens.
Certes, certaines déclarations politiques malheureuses, souvent prononcées dans des situations de communication particulières, peuvent facilement coller, définitivement, à la peau d’un chef d’Etat. Sans parler des grossiers excès d’un Trump traitant des pays d’Amérique latine et d’Afrique de « pays de merde », on peut se rappeler du « bruit et des odeurs » de Chirac au dîner-débat du RPR à Orléans, du discours de Dakar, de la racaille à nettoyer au karcher ou du « casse-toi pauv’ con » de Sarkozy, des « sans dents » de Hollande, jusqu’au terrible « pognon de dingue » destiné aux minima sociaux de Macron qui disait, aussi, avoir envie « d’emmerder les non vaccinés ».
Pour revenir chez nous, on se rappelle encore, trente-cinq ans plus tard, de la « jeunesse malsaine » d’Abdou Diouf et du « Wakh Wakhet » de Wade plus proche de « je vous emmerde » que de « je vous ai compris ». Le réputé très poli Macky Sall aura, à son tour, ses « rapports sous le coude », sa très taquine volonté de « réduire l’opposition à sa plus simple expression » et son humoristique « bayi na ndiouthie ndiathie ». Voir les solennités et les protocoles se fissurer pour livrer aux peuples leur roi nu est toujours un excellent régulateur social. Mais, plus sérieusement, c’est pour dire que les diabolisations peuvent aussi procéder de dérapages parfois anecdotiques. Le monstre fabriqué et jeté en pâture à l’opinion peut aussi servir à expier les frustrations.
Dépeindre Macky Sall comme un président dévoreur d’ambitions et d’idéaux républicains, antidémocratique, antipatriotique, incompétent, rancunier, autoritaire, versatile et méchant, est devenu, pour certains, un travail à temps plein sur les réseaux sociaux. Cette cabale vise à disqualifier sa vision, à ridiculiser ses initiatives et ses grands programmes, à invisibiliser ses réalisations très concrètes, et surtout, à l’exclure du jeu politique qu’il domine, sans coup férir, depuis plus d’une décennie. Elle a, considérablement, appauvri le débat national et s’est amplifiée avec l’irruption d’Ousmane Sonko sur la scène politique nationale. L’ogre Macky Sall tiendrait, d’une part, le bâton d’une justice répressive et non indépendante et, d’autre part, la carotte d’un népotisme débridé qui réduit au silence les plus intraitables citoyens sénégalais. Mine de rien, ces inepties sont devenues l’enjeu principal de la cité, au grand dam des échanges d’idées qui devaient faire l’honneur de l’engagement politique.
Tenez, lorsque Karim Wade, le fils du président Wade, en garde à vue le 15 avril 2013, est définitivement condamné le 23 mars 2015 à six ans de prison ferme et 138 milliards CFA pour enrichissement illicite (p.171), Cheikh Yérim Seck y voit un « ciblage qui ressemble fort à une vengeance personnelle » Pourquoi ? Parce que Karim, qui « fut le protecteur de Macky sous le régime de son père », sera le seul poursuivi sur les vingt-cinq cas figurant sur la liste rouge de la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicites (CREI) (p.170). Pourquoi ? Parce que le PDS l’avait désigné candidat à la présidentielle (p.171). Ainsi naquit l’image d’un président instrumentalisant le pouvoir judiciaire à des fins électoralistes alors que la reddition de comptes était la demande la plus prégnante du moment.
L’affaire Khalifa Sall, plus tard, en faisant presque abstraction de la gravité des faits, viendra au secours de la réputation d’un Macky Sall perfide et ingrat par un effet artificiel d’accumulation. Maire depuis 2009, Khalifa Sall, d’après Yérim, avait, financièrement, appuyé Macky Sall (qu'il appelait « doomou baay ») avec des fonds tirés de la fameuse caisse d'avance et avait recruté à la mairie Benoît Sambou, Abdou Mbow, Abdourahmane Ndiaye. Il l’aurait, aussi, présenté à des personnalités qui ont contribué à financer sa campagne victorieuse contre Abdoulaye Wade (p.176). Khalifa Sall a été jugé et condamné à cinq ans, révoqué de ses fonctions de maire par décret présidentiel, déchu de son mandat de député, pour l'éliminer, selon Yérim, avant la présidentielle, car, d’après Yérim, les sondages, unanimes prédisaient un second tour avec sa participation. Après cette analyse politique de café du commerce, l’auteur, péremptoire, conclut : « Voilà comment, dans une démocratie de type tropical, une justice aux ordres, bras armé d'un régime de mauvaise foi, peut faucher la démocratie et fausser le jeu politique » (p.176).
La fréquence de telles sentences, aussi courtes que gratuites, dans le débat démocratique sénégalais a, probablement, produit un effet anesthésiant sur les esprits critiques. Devons-nous, pour autant, les ignorer en silence ? Par exemple, dire la moindre vérité à propos d'Ousmane Sonko s'apparente désormais à une posture héroïque dont Yérim n'entend pas abandonner le monopole aux rares observateurs objectifs de la scène politique sénégalaise. Il se fait un devoir de constater, avec panache, que l'affaire Adji Sarr, n'est imputable ni à Macky Sall, ni à l'État (p.179). Il ajoute, fort justement, que personne n'a traîné Ousmane Sonko jusqu'à cette maison de passe. « C'est lui qui, un soir de couvre-feu, est sorti masqué, sans chauffeur ni garde du corps...Son argument de la douleur lombaire est ridicule » (p.180).
Lorsqu'Adji Sarr a porté plainte en février 2021, le président Macky Sall l'aurait appris le lendemain et aurait consulté des connaisseurs de la vie mondaine dakaroise comme Yakham Mbaye et Mame Mbaye Niang (p.180). J'espère que mon ami Pape Samba « Saloum Saloum bi » fidèle proche du président et baron noctambule incontestable n'en voudra pas à Yérim ou au Président de l'avoir exclu d'une aussi prestigieuse consultation.
L'analyse très superficielle de Yérim tient sur deux hypothèses. La première veut que des ennemis du leader du Pastef, touchés par ses déballages et attaques sanguines, aient encouragé Adji Sarr à porter plainte (p.180). La seconde reconnaît que Macky Sall n'a pas créé cette affaire mais affirme qu'il n'a rien fait pour l'arrêter, car elle ferait son affaire sur le plan politique (p.181). D’un journalisme d’investigation, on peut espérer plus que la reprise de suppositions confortant vicieusement la thèse du complot. La surenchère de Sonko dans la défiance face à l'État, à la justice et aux forces de l'ordre...fera mieux que toutes ces élucubrations. Les événements insensés de mars 2021, consécutifs à son hallucinante déclaration criant au complot politique contre sa personne et appelant à un Mortal Kombat, coûteront la vie à quatorze Sénégalais entre quinze et vingt-trois ans.
Le même chapitre, cependant, nous informe de la fermeté dont Macky Sall a fait preuve pour protéger, par deux fois, l’intégrité et la vie intime de celui qui se voulait son principal concurrent. Ce dernier, en compagnie d’une gambienne, aurait été trouvé en 2019 par une patrouille dans une position délicate à l'intérieur d'un véhicule garé dans un endroit suspect de la corniche ouest de Dakar (p.179). Une autre « affaire de mœurs impliquant prétendument Sonko et une femme résidant au Maroc » (sic, p.180) aurait été remonté au palais. Décidément, mou sel mi ! Mais, le Président aurait formellement interdit à son camp d’exploiter ces histoires privées pour décrédibiliser un adversaire (p.180). La même intransigeance sera, manifestement, de mise dans le maintien de l’ordre. Ce qui s’était passé en mars 2021 n’allait plus se reproduire, avait dit le Président (p.181). Cheikh Yérim Seck ajoutera que pas moins de 300 millions d'euros ont été dépensés pour équiper en engins, en armes et en munitions les forces de défense et de sécurité, afin d’imposer la supériorité absolue de la force publique légitime (p.182).
Deux émouvants paragraphes seront, enfin, consacrés à Adji Sarr « victime sociale et culturelle » de cette affaire (p.184). Le journaliste aurait pu, peut-être, faire œuvre utile en développant cette partie, au lieu de se contenter de souligner la tiédeur des féministes redoutant les insanités des insulteurs du Web (p.187). Il y aurait même de quoi en faire tout un livre, car cette belle jeune femme de vingt ans apparait comme un symbole abouti du chemin qu’il nous reste à parcourir en matière de violence et de discrimination sexistes. Un épais tabou recouvre les délinquances sexuelles (inceste, pédophilie, viol…) pourtant bien présentes dans nos sociétés. Et, lorsqu’un scandale éclate autour de la prostitution ou du viol, par exemple, c’est toujours la femme qui paye le plus lourd tribut, même en cas de condamnation de l’agresseur. Elle y laisse définitivement, aux yeux de croyances bien établies, son honneur, sa crédibilité, sa respectabilité et son intégrité morale. Cette terreur implacable d’une société mâtinée de superstitions religieuses de plus en plus marquées semble constituer le ferment de l’image idéale de la Sénégalaise, belle, pieuse, soumise, épanouie, discrète et toute dédiée à la vie familiale (bonne mère) et conjugale (bonne épouse). De la boue naît la fleur de lotus, dit une sagesse bouddhiste. Mais, Adji Sarr, devant les caméras, l’œil hagard, voile noir sur la tête, affublée d’une abaya à rayures jaunes, blanches et noires sous la surveillance intrusive de son avocat, a été un terrible camouflet à notre chauvinisme.
Pour en finir avec cette affaire, relevons le soutien de l’auteur à Pape Alé Niang. Il condamne sa détention qui, selon lui, ne peut que balafrer notre démocratie (p.185). Il arguera, ensuite : « Un journaliste, un activiste, un syndicaliste, un opposant...ne s'emprisonnent pas. Leurs excès peuvent être condamnables, mais ils sont excusables au nom d'un idéal de liberté ». L’intéressé, toutefois, assume être un politicien (p.185) à la différence du capitaine Touré radié pour faute lourde de la gendarmerie (p.186) non sans avoir jeté, selon le journaliste, le discrédit sur une institution aussi respectée et respectable (p.187).
Dix-sept minutes avant la cérémonie d’installation de la 14ème Législature, celle qui se voyait présidente de l’Assemblée nationale du Sénégal connaitra une terrible désillusion. Elle exprimera sur Facebook, le 12 septembre 2022 son refus de voter pour le candidat du Président qui, selon elle, privilégie les relations familiales au détriment du mérite militant. Elle ne votera pas, non plus, pour l'opposition après avoir dirigé la liste de la Majorité. « Je rentre chez moi tout simplement », conclura-t-elle (p.189). Telles sont les circonstances de la démission de Mimi Touré du groupe parlementaire de la Majorité et de sa candidature annoncée à l'élection présidentielle de février 2024. La véritable menace pour le Président n’est pas Ousmane Sonko, un personnage radical et clivant, cru de ses seuls partisans et qui a fini d’épuiser sa capacité de choquer à force de critiques acerbes et récurrentes, écrira Yérim (p.195). Tremblez d’effroi, Tata Mimi arrive !
Sa déconvenue serait due au résultat insuffisant obtenu aux Législatives de juillet 2022 (p.193) et son opposition à une troisième candidature du Président Macky Sall (p.194). Elle aurait, auparavant, subi une double blessure : la nomination en novembre 2020 de son adversaire Idrissa Seck à sa place comme président du Conseil Economique Social et Environnemental et l’entrée dans le gouvernement d'Oumar Sarr, transfuge du PDS et père de sa fille Dior, dont elle a gardé le souvenir d'une séparation douloureuse (p.191). Conclusion douteuse du journaliste : « S’étant sentie trahie, cette femme au tempérament masculin est devenue brutale, persifleuse, sanguine… » (p.192). Après quelques éléments biographiques soutenant le solide parcours idéologique et la forte personnalité de Mimi, Yérim nous apprend que le Président Macky Sall aurait tenté de la récupérer en envoyant deux émissaires pour lui proposer la présidence du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT). Elle aurait décliné l’offre non sans informer Aminata Mbengue Ndiaye du « coup tordu qu'on voulait lui faire » (p.196). L’hilarante brouille entre Gaston Mbengue et Malick Gakou (p.197) serait née de cette histoire.
« Idrissa Seck méprise Macky Sall. Macky Sall déteste Idrissa Seck », donc « le Mbourook soow est une vaste escroquerie intellectuelle » (p.199). Tout le chapitre 18 du livre de Cheikh Yérim Seck tient dans cette extraordinaire démonstration. Poursuivant ma lecture amusée de la généalogie des relations entre Idy et Macky, je fus interpellé par une révélation assez singulière, que l’auteur promet de développer dans le Tome 2 : Macky Sall aurait promis à Idrissa Seck de définitivement le sécuriser avec sa descendance (p.205). Sur la même page, Yérim dit avoir prouvé que Macky Sall et Idrissa Seck sont plus des adversaires cherchant à se neutraliser l'un l'autre que des alliés soucieux de se soutenir l'un l'autre. Assez de contradictions, allons voir le Premier Ministre !
Amadou Bâ serait un problème. C’est, du moins ce que suppose le titre du chapitre 19. L’explication magique tombe assez rapidement : Le président Macky Sall et le Premier Ministre Amadou Bâ « ne s’aiment pas et ne se font pas mutuellement confiance » (p.207). Le Président, sans autre choix que de choisir Amadou Bâ comme Premier Ministre, l’aurait informé de sa nomination le jour même 17 septembre, 2h avant qu’elle ne soit rendue publique (p.212). Le journaliste affirme qu’il serait isolé, surveillé et sans moyens suffisants pour un Premier Ministre. Il aurait un budget de 29,4 milliards en 2023, loin des 48,3 de son prédécesseur en 2018 et, ne disposant même pas de locaux, accusera du retard dans la formation de son cabinet (p.212).
J’avoue que c’est dans le livre de Yérim que j’ai appris qu’Amadou Bâ avait milité au Parti Socialiste sous la houlette d'Ousmane Tanor Dieng (p.207) et qu’il avait été actif au sein de la Génération du concret de Karim Wade (p.208). Ministre de l'Économie, des Finances et du Plan de 2013 à 2019, ministre des Affaires Etrangères et des Sénégalais de l’Extérieur en 2019-2020, le Premier Ministre est perçu par le commun des Sénégalais comme très fortuné et très réseauté. En bon terme avec des gens de tous bord, considéré comme un fils dans toutes les familles religieuses, disposant du plus grand nombre de patrons de presse et de journalistes influents dévoués à sa cause, comptant le plus grand nombre d'alliés dans la société civile et les syndicats (p.209), Amadou Bâ n’aurait, cependant, pas que des amis. Yérim cite Abdoulaye Daouda Diallo et Mahmoud Saleh parmi ses détracteurs (p.208), au même titre qu’Abdoulaye Diouf Sarr qui accuse le Premier ministre d’avoir saboté la campagne des Locales à Dakar avec la création de listes parallèles qui auraient fait perdre la capitale à la mouvance présidentielle (p.214).
Les divagations que l’auteur prêtent à des pourfendeurs du Premier Ministre deviennent hyperboliques à la page 210. La richesse présumée du Premier ministre serait un trésor de guerre pour la future présidentielle. Elle servirait à financer, tous les médias qui attaquent le régime, l'activité politique d'Ousmane Sonko et des activistes qui dézinguent la politique économique et financière de l'état. Amadou Bâ activerait tout son réseau au sein des institutions financières internationales contre le Sénégal, il pousserait les leaders syndicaux à la grève pour créer le chaos dans le pays (p.210). Concluons.
Les noms et les circonstances revus dans ce groupe de cinq chapitres montre la vitalité du monde politique sénégalais. Sa qualité me semble, cependant, considérablement altérée par l’illusion d’une omniprésence présidentielle coupable. Le bouc émissaire est plus probable que l’ogre malfaisant. Mais occire l’ogre ou sacrifier le bouc relèvent de la même impasse. Le Sénégal demeure une République et laisser croire à l’émanation politicienne de chacune de ses convulsions est l’une des plus grandes négligences de ses élites. Le manichéisme qui domine actuellement le champ politique sénégalais, à coup de violences urbaines ponctuées de points de presse sans contenu, est une régression démocratique.
À suivre...
par Ousmane Sonko
MAÎTRE OUSSEYNOU FALL, UN DE MES PRINCIPAUX AVOCATS SUSPENDU
Cette décision, qui n’a pour objectif que d’affaiblir ma défense à moins de 24 heures du procès, atteste du parti pris flagrant du bâtonnier et de l’Ordre pour la partie civile
Maître Ousseynou Fall, l'un de mes principaux avocats, vient de m’informer de sa suspension par le bureau de l’ordre des avocats du Sénégal, sur plainte du juge en charge du dossier, Pape Mohamed Diop, suite à des échanges lors de l’audience du 16 mars dernier.
Cette décision, qui n’a pour objectif que d’affaiblir ma défense à moins de 24 heures du procès, atteste du parti pris flagrant du bâtonnier et de l’Ordre pour la partie civile.
Un bâtonnier et un Ordre qui sont restés insensibles aux multiples agressions physiques dont ont été victimes leurs collègues, gazés et brutalisés par les forces de l’ordre sous les projecteurs des caméras du monde entier.
Le comble avec Macky, en fin de second et dernier mandat, c’est d’avoir quasiment réussi à asservir tous les secteurs, au grand dam de la démocratie et de la justice.
par Abdoul Aziz Diop
DES UNIVERSITAIRES DÉSIGNENT LEUR ENNEMI POLITIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Makhtar Diouf, Kader Boye et Jean-Louis Corréa réussiraient à mettre le pouvoir et l’opposition d’accord si leurs tentatives d’intimidation du Conseil constitutionnel suffisaient à exclure du processus l’ultime juge des élections
Résistant français de la première heure, Julien Freund obtint son agrégation de philosophie en 1949. Freund entreprit aussitôt de rédiger sa thèse de doctorat intitulée « L’essence du politique ». Mais le jeune doctorant dut faire face à un problème de patronage quand le philosophe Jean Hyppolite (1907-1968), entré à l’École normale supérieure en même temps que Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir et Raymond Aron, se refusa, du fait de son adhésion à l’idée de progrès, à assurer la direction d’un travail de recherche dont l’auteur soutenait qu’« il n’y a de politique que là où il y a un ennemi ».
Remplacé par Raymond Aron, Jean Hyppolite fut néanmoins membre du jury devant lequel Freund soutint sa thèse en 1965. Que les universitaires sénégalais cités dans cette tribune ait lu Julien Freund ou pas importe peu. Une chose est sûre : l’idée que la politique est le domaine par excellence de l’affrontement entre ennemis enchante, depuis la campagne pour le référendum du 20 mars 2016, bon nombre d’universitaires et d’intellectuels sénégalais. Nous aurions admis leurs conclusions de 2023 comme nous avions admis celles de certains de leurs pairs opposés en 2011 à la candidature du président Abdoulaye Wade si le Conseil constitutionnel qui autorisa Wade à candidater n’avait pas réussi, en janvier 2012, à mettre enfin tout le monde d’accord pour entendre le verdict des urnes. Pour leur part, les professeurs Diouf, Boye et Corréa réussiraient à mettre le pouvoir et l’opposition d’accord si leurs tentatives d’intimidation, à travers leurs tribunes, des 7 Sages du Conseil constitutionnel, suffisaient à exclure du processus l’ultime juge des élections.
Rien de mieux alors pour comprendre la persistance des trois universitaires à vouloir dicter leur droit que le rappel des termes – rapportés par Alain de Benoist dans le numéro de juillet 2008 du mensuel Le spectacle du monde – du dialogue entre Jean Hyppolite et Julien Freund pendant la soutenance de la thèse qui opposa les deux hommes. « Si vous avez vraiment raison, s’exclame Jean Hyppolite, s’adressant au thésard Julien, il ne me reste qu’à cultiver mon jardin ! » « Comme tous les pacifistes, rétorque Julien Freund, vous pensez que c’est vous qui désignez l’ennemi Or, c’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitié. Du moment qu’il veut que vous soyez l’ennemi, vous l’êtes. Et il vous empêchera même de cultiver votre jardin. »
Du moment que les auteurs cités dans ce texte veulent que le président Macky Sall soit l’ennemi, il l’est. Peu importe le sort que lui réserverait le Conseil constitutionnel s’il se portait candidat. Peu importe surtout ses exploits économiques, sociaux et diplomatiques et la grande habileté préventive dont il a fait montre face au terrorisme en Afrique de l’Ouest pour toujours plus de sécurité des biens et des personnes, l’intégrité territoriale et la paix.
Jamais alors le dialogue entre Hyppolite et Freund n’a autant tourné en faveur du second qu’aujourd’hui. La singularité de ce dialogue est de trouver sur le sol sénégalais les ingrédients d’une crédibilité philosophique comparable à celle de 1965. A cette date, un autre philosophe membre du jury, Paul Ricœur (1913-2005), trouva « géniale » la thèse de Freund patronnée par Raymond Aron. L’œuvre de Ricœur comporte, entre autres, une théorie de l’interprétation des textes encore appelée herméneutique. Ce pan des travaux de Ricœur, utile aux professeurs Diouf, Boye et Corréa s’ils décidaient de l’explorer, ne suffirait pas non plus à la mise à pied des membres du Conseil constitutionnel.
L’« inflexibilité de la morale » de Nelson Mandela dans le « règlement (...) des différends » ne serait-elle pas politique ? « Pour faire la paix, avec un ennemi, on doit travailler avec cet ennemi, et cet ennemi devient votre associé », écrit Mandela dans Un long chemin vers la liberté. Comme Freund, Mandela distingue l’ami de l’ennemi. Mais c’est avec ce dernier que l’ancien président sud-africain veut faire la paix considérée par Julien Freund comme un accommodement avec la belligérance du camp d’en face. Comprendre Freund c’est donc définir la politique par la possibilité d’un conflit sans tomber, comme les professeurs Diouf, Boye et Corréa du reste, dans le travers du mépris de l’ennemi. Celui des trois universitaires et de 104 autres intellectuels pétitionnaires s’appelle Macky Sall. Quel acharnement ! Pour ne se taper comme ami qu’un « grand diffamateur, grand colporteur de médisance » (68:11) doublé d’un « grand transgresseur » (68:12) de la loi générale.
Abdoul Aziz Diop est essayiste, auteur de « Gagner le débat… » (L’Harmattan Sénégal & Éditions universitaires européennes, février 2023)
par Mamadou Lamine Diallo
LE CHEDS TOMBE DANS L'ARBITRAIRE
Le Colonel Cheikh Tidiane Mbodji vient d’être licencié manu militari pour avoir expliqué dans un organe de presse, que pour être arrêté par les forces de sécurité, il faut soit un mandat d’amener, soit une réquisition d’une autorité administrative
Le très respectueux Centre des Hautes Études de Défense et de Sécurité de l’armée nationale, CHEDS, tombe dans l’arbitraire.
Le Colonel Cheikh Tidiane Mbodji vient d’être licencié manu militari, brutalement, pour avoir expliqué dans un organe de presse, que pour être arrêté par les FDS, il faut soit un mandat d’amener, soit une réquisition d’une autorité administrative, selon la loi.
Voilà les dérives liberticides qui risquent de plonger notre pays vers des lendemains incertains.
PAR Amdou Tidiane Diop
QUAND L'OPPOSITION MANIFESTAIT CONTRE WADE UN 3 AVRIL
La marche avait dans un premier temps été interdite par les autorités avant d'être finalement autorisée. C'était la veille de l' indépendance et des sommités mondiales étaient sur le sol sénégalais
De nombreux opposants au régime du président sénégalais Abdoulaye Wade ont manifesté sous haute surveillance policière, samedi 3 avril 2010 à Dakar, juste avant l'inauguration du monument controversé de la Renaissance africaine.
Une statue gigantesque plus haute que la statue de la Liberté de New York, construite par les Nord-Coréens et inaugurée, ce samedi même, à la veille du cinquantenaire de l'indépendance nationale. La marche avait dans un premier temps été interdite par les autorités avant d'être finalement autorisée samedi matin.
Ps: C'était la veille de l'indépendance et des sommités mondiales étaient sur le sol sénégalais. Cela n´avait pas empêché l´opposition de battre le macadam.
Par Samba SY
PRESERVER LA PAIX CIVILE, LA STABILITE DU SENEGAL ET SES CONQUETES DEMOCRATIQUES
Le Sénégal a connu des jours plus heureux. Une sourde tension, résultant de la conjonction de plusieurs facteurs, est en train de s’installer à mesure que l’échéance de 2024 se rapproche.
Le Sénégal a connu des jours plus heureux. Une sourde tension, résultant de la conjonction de plusieurs facteurs, est en train de s’installer à mesure que l’échéance de 2024 se rapproche. Comme si le temps des grands choix politiques tels que ceux d’une élection présidentielle, ne devait pas, au vu de la trajectoire historique du Sénégal, se vivre de façon apaisée.
Les sénégalais n’ont-ils pas donné, à plusieurs reprises, une éloquente illustration de leur totale souveraineté ? Notre peuple n’a-t-il pas, bien souvent, administré, par un vote résolu, la preuve manifeste qu’il savait choisir ceux emportant sa confiance pour une séquence temporelle déterminée ? Comment alors comprendre l’option, avant échéance, de prise de chemins de traverse avec, comme résultats, des destructions, du sang versé, des vies arrachées ? Les sénégalais devraient ils se convaincre que la vie démocratique se ramène dorénavant à l’absence de lois, c’est-à-dire à un état où chacun s’arroge le droit de faire ce qu’il veut, de dire ce qu’il veut, de pousser ostensiblement à la casse ou, pire, d’appeler au meurtre simplement par esprit partisan?
Pour le Parti de l’Indépendance et du Travail, il y a urgence à revenir à la raison. D’abord, parce que les compétitions politiques dans un pays n’ont de sens que si ce pays existe. Ensuite, parce qu’il n’y a pas de vie sociale possible si la décision assumée par un groupe relativement important c’est de ne respecter rien ni personne. Mais aussi parce que l’environnement international et celui sous régional imposent, de façon pressante, lucidité et discernement. Enfin, parce que nulle part au monde, ni la haine, ni le rejet de l’autre, encore moins l’appel au meurtre n’ont été de bons ferments pour bâtir de façon viable (ou consolider) une nation. Qu’un fils du Sénégal aspire à diriger, à titre principal, le Sénégal est d’une légitimité indiscutable.
Cependant, que cette prétention puisse être évaluée à l’aune d’exigences dûment éprouvées par des organes dédiées est indispensable. Voilà pourquoi toutes celles et tous ceux qui nourrissent un tel dessein doivent s’efforcer d’en remplir les critères non seulement de compétence -dans un monde de plus en plus exigeant- mais aussi de probité. Pour que rien, véritablement rien ne puisse, à bon droit, leur être reproché, de sorte à rendre leur prétention irrecevable. A cet égard, nul ne devrait, se prévalant de ses propres turpitudes, nourrir le dessein d’imposer sa volonté au reste de ses compatriotes.
Les citoyens sénégalais étant d’égale dignité, les droits de tous doivent être respectés. Ce qui ne peut se faire sans règles, sans repères, sans arbitres. Ensemble, nous devons avoir la volonté d’épargner notre pays de convulsions aux conséquences pas toujours nettement mesurées par la plupart d’entre nous. Pour ce faire, il est temps de nous accorder sur un socle minimal mais incontournable. D’abord, la souveraineté de notre peuple auquel il faut continuer à garantir les conditions d’une expression libre, la plus libre possible. Ensuite la reconnaissance et le respect des institutions. Mais aussi l’acceptation de la différence, l’admission que d’autres aient des préférences ou des options différentes des nôtres sans que cela ne soit synonyme de vilenie. Enfin, le respect des règles du jeu sans lesquelles aucune partie n’est envisageable.
C’est avec la volonté de respecter ces principes permettant de faire société que le PIT chemine tranquillement vers son congrès des 29 et 30 avril 2023. Ce congrès, entre autres questions importantes, se penchera sur la problématique de la présidentielle du 25 février 2024. En attendant d’en être là, une certitude. Fidèle à une tradition ancrée, l’option qui sera choisie par le PIT ira dans le sens de l’approfondissement des libertés, de la lutte résolue pour plus de justice sociale mais aussi pour la préservation des acquis démocratiques, de la paix civile et de la stabilité d Sénégal. Car, et pour le dire en un mot, ce dont il s’agit, c’est de préserver le Sénégal. Le pit en appelle aux jeunes, aux femmes, aux travailleurs, à l’ensemble des citoyen épris de paix pour faire front et dresser une barrière infranchissable à tout velléité de saborder notre si beau pays.
Par Mohamed Bachir Diop
DECEMBRE 2004, LA PEINE DE MORT ABOLIE AU SENEGAL
Avec les assassinats sordides qui se produisent dans notre pays depuis quelques années, de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer le retour de la peine de mort dans notre arsenal juridique. S’agit-il d’une bonne option pour décourager les criminels
Avec les assassinats sordides qui se produisent dans notre pays depuis quelques années, de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer le retour de la peine de mort dans notre arsenal juridique. S’agit-il d’une bonne option pour décourager les criminels ? Les avis sont partagés mais la question est toujours d’actualité. Les lecteurs jugeront d’eux-mêmes mais Le Témoin revient, pour rappel, sur les deux exécutions qui ont eu lieu durant le magistère du président Senghor. Il y a 22 ans la peine de mort existait encore au Sénégal. Ce qui explique grandement l’inscription de cette sentence dans notre arsenal répressif, c’est parce que le magistère du président Léopold Sédar Senghor avait été émaillé par deux évènements aux senteurs politiques. Il s’agit d’une tentative d’assassinat contre le premier Président du Sénégal lui-même et du meurtre de Demba Diop, ancien député-maire de Mbour. Respectivement, Moustapha Lô et Abdou Ndaffa Faye furent froidement exécutés. Le premier nommé avait plaidé non coupable jusqu’à son dernier souffle devant le peloton d’exécution. Quant au le second, qui avait froidement poignardé Demba Diop au sortir d’une réunion avec le gouverneur de Thiès, reconnu coupable devant un tribunal spécial, il avait connu le même sort qu’Abdou Ndafatte Faye. C’était en 1967, un an avant l’éclatement des évènements de 1968.
Affaire Moustapha Lô :
enaces surles libertés publiques et appelle à l’apaisement infos Generales 7 LE TEMOIN quotidien - n° 1846 - mercredi 29 mars 2023 Par Mohamed Bachir Diop Avec les assassinatssordides qui se produisent dans notre pays depuis quelques années, de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer le retour de la peine de mort dans notre arsenal juridique. S’agit-il d’une bonne option pour décourager les criminels ? Les avis sont partagés mais la question est toujours d’actualité. Les lecteurs jugeront d’eux-mêmes mais Le Témoin revient, pour rappel, sur les deux exécutions qui ont eu lieu durant le magistère du président Senghor. Il y a 22 ans la peine de mort existait encore au Sénégal. Ce qui explique grandement l’inscription de cette sentence dans notre arsenal répressif, c’est parce que le magistère du président Léopold Sédar Senghor avait été émaillé par deux évènements aux senteurs politiques. Ils’agit d’une tentative d’assassinat contre le premier Président du Sénégal lui-même et du meurtre de Demba Diop, ancien député-maire de Mbour. Respectivement, Moustapha Lô et Abdou Ndaffa Faye furent froidement exécutés. Le premier nommé avait plaidé non coupable jusqu’à son dernier souffle devant le peloton d’exécution. Quant au le second, qui avait froidement poignardé Demba Diop au sortir d’une réunion avec le gouverneur de Thiès, reconnu coupable devant un tribunal spécial, il avait connu le même sort qu’Abdou Ndafatte Faye. C’était en 1967, un an avant l’éclatement des évènements de 1968. Affaire Moustapha Lô : C’était le 22 mars 1967, jour de Tabaski. La cérémonie officielle de prière se déroulait sur l’esplanade de la grande mosquée de Dakar. Une tribune était dressée en l’honneur des plus hautes autorités du pays, ainsi que des chefs de mission diplomatiques accrédités au Sénégal. À la fin de la prière, alors que Léopold Sédar Senghor avait quitté la tribune et s’apprêtait à monter dans sa voiture décapotable, un homme s’était élancé vers lui, le pistolet au poing. Il appuie sur la gâchette. Et, selon les témoignages, comme ceux qui sont rapportés par Abdoul Baïla Wane, ancien directeur-adjoint de cabinet de Senghor, « on entendit par deux fois le déclic, mais le pistolet s’était enrayé. Un cri de frayeur s’éleva de la foule médusée. L’homme fut maîtrisé sur-lechamp, jeté dans une fourgonnette et conduit au commissariat central ». Qui était-il ? Il s’agissait de Moustapha Lô, membre d’une grande famille religieuse, et cousin de Cheikh Tidiane Sy, chef religieux alors mis en prison par Senghor. Une enquête est alors ouverte poursavoirsi ce jeune, aussi « courageux », n’avait pas été payé pour abattre le président Senghor. La machine judiciaire, mise en marche, avait arrêté plusieurs personnalités soupçonnées à tort ou à raison d’être complices de Moustapha Lô. L’unique question que se posaient les dignitaires du pouvoir socialiste de l’époque était : « pour le compte de qui travaille-t-il au point de vouloir assassiner le président Senghor ? ». Mais, celle qui grattait la cervelle du peuple, de manière générale, était plutôt : « est-ce que Moustapha Lô voulait vraiment tuer Senghor ? ». Devant la barre, l’accusé avait répondu à la seconde interrogation. Il avait soutenu devant lesjuges, les dignitaires du pouvoir et le peuple : « non ! ». Et de renchérir : « je n’avais pas l’intention de tirer sur Senghor. Je connais parfaitement le maniement de l’arme. Je voulais lui prouver que, malgré ses gorilles, il n’était pas à l’abri de la vindicte populaire ». Et, selon toujours Abdoul Baïla Wane, « rien dans son comportement, en prison, ne laissait voir en lui quelqu’un qui avait failli à sa mission ». Donnant des détails pour étayer son argumentaire, l’ancien directeur-adjoint de cabinet de Senghor de défendre urbi et orbi : « ni regret, ni déception ». Mais, pour Senghor, les choses étaient claires, car disait-il, « on ne fait pas de la politique avec un cœur de jeune fille ». C’est ce qui justifiait son refus d’accorder sa grâce à Moustapha Lô, malgré les interventions des chefs religieux de l’époque. Lô fut reconnu coupable de tentative d’assassinat contre le premier président du Sénégal. Le 15 juin 1967, devant le peloton d’exécution, le jeune Moustapha Lô, rapporte encore Abdoul Baïla Wane, fit preuve d’une sérénité et d’un courage peu communs. Après avoir prié deux rakkas, il s’était adressé à l’un de ses juges en ces termes : « je ne sais pas ce qui t’attend, mais moi je meurs la conscience tranquille, en martyr ». Après son exécution, les gens disaient : « man dal lii ! Xalé bou tutti bi ! Nga niko tëy ! Muni këp ; damaci sax për » (quelle affaire ! Un tout jeune ! Tu lui fais pan et il tombe. J’en ai vraiment peur).
Les regrets de Senghor sur les ondes de Radio France Internationale
Le Président Léopold Sédar Senghor avait fait des révélations de taille au lendemain de l’exécution de Moustapha Lô. Il semblait avoir laissé parler sa conscience : « pendant trois jours, j’ai eu des cauchemars terribles. Il ne s’agit pas de juger selon le point de vue de Dieu. Dieu seul peut juger dans l’absolu. Mais la peine capitale a encore un effet de dissuasion dans la société sénégalaise, malheureusement déculturée par rapport à l’équilibre harmonieux de la société négro-africaine et traditionnelle, et tout aussi malheureusement acculturée par rapport au déséquilibre de la société euraméricaine. J’insiste sur la déculturation. En effet, chez les socialistes démocrates d’Afrique noire, voire chez les marxistes-léninistes, qui restent croyants à 90 %, la foi l’emporte sur la pratique, car les ministres des cultes, imams ou prêtres prêchent beaucoup plus le dogme ».
Affaire Abdou Ndaffa Faye :
Son histoire a peu suscité une compassion populaire, tant l’acte avait été jugé ignoble. Pourquoi Abdou Ndaffa Faye avait-il froidement poignardé Demba Diop, alors député-maire de Mbour et ancien ministre de la Jeunesse et des Sports. Et dont un stade de Dakar et un lycée dans la capitale de la Petite côte portent le nom. Le député-maire de Mbour et président du groupe parlementaire de l’UPS (Union Progressiste Sénégalaise) a été assassiné au matin du 3 février 1967 à 10 heures, à coup de poignard, alors qu’il sortait d’une réunion avec le gouverneur de Thiès, en compagnie de ses collègues, les députés de Mbour Jacques d’Erneville et Ibou Kébé. Il est dit que Demba Diop avait été l’objet d’un guetapens. En effet, il était déjà danssa voiture et s’apprêtait à partir lorsque, d’après des témoins, le député Jacques d’Erneville, ayant à ses côtés Ibou Kébé, s’approche de lui et l’injurie. Demba Diop sort de sa voiture et un partisan de Jacques d’Erneville, Abdou Ndaffa Faye, se précipite sur lui et le poignarde en pleine poitrine, dans la région du cœur. Il fait quelques pas, perdant son sang en abondance sur l’asphalte du parking. Il meurt quelques minutes plus tard à 10heures 30, malgré les soins qui lui furent immédiatement prodigués à l’hôpital où il avait été acheminé. L’assassin fut maîtrisé par la foule, tandis que le député Jacques d’Erneville se présente de son propre chef devant le juge d’instruction. Une grande consternation gagne le cœur de tous les Sénégalais, surtout du président Léopold Sédar Senghor, de Lamine Guèye, alors président de l’Assemblée nationale et des parlementaires de manière générale qui venaient de perdre un brillant intellectuel âgé seulement de quarante ans. Une raison pour que Senghor déclare : « les coupables seront démasqués et frappés avec vigueur ». Un tribunal spécial est crée pour juger le meurtrier Abdou Ndaffa Faye et ses complices. Les juges, statuant sur le cas de ce dernier, avaient évoqué, à l’unanimité, un meurtre avec préméditation. Peu avant, les députés Jacques d’Erneville et Ibou Kébé avaient été exclus de l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS). Une sentence prononcée à l’unanimité par le bureau politique de ce qui était alors un parti unique ou « unifié ». Reconnu coupable du meurtre perpétré contre Demba Diop, Abdou Ndaffa Faye fut condamné à la peine capitale bien qu’il ait soutenu : « j’ai regretté mon acte et je n’avais pas l’intention de tuer Demba Diop ». Après quelques jours de détention à la prison centrale de Hann, il est exécuté le 11 avril 1967 à l’aube, au camp Dial Diop. Les deux députés, Jacques d’Erneville et Ibou Kébé, présentés comme les commanditaires du meurtre à cause de leur rivalité politique avec Demba Diop, sont respectivement condamnés à la prison à vie et à 20 ans de travaux forcés.
Rappelons que la peine de mort a été abolie au Sénégal le 10 décembre 2004. Mais la dernière exécution date de juin 1967. Abdou Ndaffa Faye : Né en 1922, il était l’ancien chef du village de Gandigal, arrondissement de Nguékokh.