Une résurrection miraculeuse ou comment un brillant magistrat est, en quelques années, passé de la roche Tarpéienne au Capitole !
Répondant aux questions de la presse à l’issue de la cérémonie de passation de service entre les procureurs généraux sortant et entrant de la Cour d’Appel de Dakar, le patron de l’Inspection générale de l’Administration de la Justice (IGAJ), Cheikh Tidiane Lam, a dit qu’à sa connaissance, l’enquête menée à l’époque sur des faits de corruption au sein de la magistrature n’avait retenu aucune faute disciplinaire contre le magistrat Ibrahima Bakhoum. Lequel vient, justement, d’être promu procureur général de la Cour d’Appel de Dakar au cours du dernier Conseil supérieur de la Magistrature. Une nomination à ce poste prestigieux, et donc très convoité, qui, on s’en doute, n’a pas plu à beaucoup de gens. Qui ont donc exhumé cette vieille affaire de corruption pour tenter de salir ce magistrat compétent, élégant et bien de sa personne au point de susciter beaucoup de jalousies. Un magistrat qui a souffert dans sa chair de cette affaire pour laquelle il a été injustement sanctionné…avant d’être blanchi beaucoup plus tard de toutes les accusations infamantes portées contre lui. En répondant aux confrères qui l’interrogeaient, le vétéran Cheikh Tidiane Lam a expliqué que, tenu par l’obligation de réserve, il ne pouvait pas entrer dans le fond de ce dossier tout en suggérant à ses interviewers de mener leurs investigations auprès de sources, notamment des avocats, qui peuvent parler et livrer la bonne information. Nous nous sommes essayés à l’exercice et avons découvert des choses intéressantes. A savoir, en particulier, la manière dont on pouvait ruiner la réputation de quelqu’un sur la base de faits inventés de toutes pièces rien que pour le plaisir de faire mal. Et comment aussi certains fonctionnaires profitent de leurs fonctions pour régler des comptes.
A l’origine directe des malheurs d’Ibrahima Bakhoum, la fameuse affaire de corruption qui avait eu pour cadre l’alors tribunal régional hors classe de Dakar à la suite d’un contentieux opposant les sieurs Momar War Seck et Mouhamed Guèye. Des enregistrements sonores largement partagés à l’époque avaient permis d’entendre des magistrats se lâcher et évoquer de sommes d’argent qu’ils avaient perçues aux fins de faire libérer l’un des protagonistes.
Pour résumer, une magistrate de la Cour de Cassation radiée depuis avait demandé une somme de 15 millions de francs pour « gérer » ce dossier en compagnie de collègues qui avaient reçu chacun sa part. Lorsque cette affaire s’est retrouvée dans la presse, l’alors Garde des Sceaux, ministre de la Justice, M. Cheikh Tidiane Sy, avait saisi l’IGAJ par lettre confidentielle en date du 06 juillet 2006. Extraits de ce courrier : « Il a été porté à ma connaissance que dans une procédure pendante devant le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar et opposant les nommés Momar War Seck et Mouhamed Guèye, un Magistrat de la Cour de Cassation aurait sollicité et obtenu pour le compte des Magistrats en charge du dossier, des sommes d’argent avoisinant les quinze millions de francs CFA. Il semblerait que les différentes transactions aient fait l’objet d’enregistrements sonores détenus par les personnes qui auraient assisté à leur déroulement.
De tels faits avérés, seraient d’une extrême gravité pour la crédibilité de la justice et je vous demande, en application des dispositions des articles 6 et 7 de la loi n° 98-23 du 26 mai 1998 instituant l’Inspection Générale de l’Administration de la Justice, de mener, toutes affaires cessantes, des investigations afin de situer les responsabilités et de me faire tenir à l’issue, un rapport circonstancié. Vous ne manquerez pas, lors de vos investigations, de me faire part du niveau d’information des deux chefs de juridiction, le Procureur de la République et le Président du Tribunal, ainsi que de leurs diligences dans cette grave affaire. »
Cité nulle part, Bakhoum suspendu avant même la saisine complémentaire de l’IGAJ
Dans ces enregistrements audio que les Sénégalais avaient pu écouter à l’époque tout en s’en délectant, des noms de magistrats étaient cités comme ayant reçu leur part de l’argent versé par le justiciable corrupteur. Il n’y était nullement question d’Ibrahima Bakhoum. En fait, lorsque ce dossier est arrivé au Tribunal, c’est bien lui qui l’a instruit avant d’initier une médiation pénale. Après quoi, il a été affecté ailleurs ce qui fait que, lorsque cette affaire de corruption a éclaté, il n’était plus au Tribunal régional hors classe de Dakar depuis longtemps. Et pourtant, dès le 14 juillet 2006, soit huit jours à peine après la saisine de l’IGAJ parle ministre de la Justice, il était suspendu de ses fonctions! Ce encore une fois sans jamais avoir été mêlé aux faits objets de la saisine de l’IGAJ.
Il y a mieux, si l’on ose dire puisque, se rendant sans doute compte que les mailles du filet de la première lettre de mission étaient trop larges et risquaient de permettre au poisson Bakhoum de s’échapper, on a jugé, au ministère de la Justice, qu’il fallait des mailles plus serrées. Car 11 jours après la première lettre, l’IGAJ était saisie d’une sorte de réquisitoire supplétif sous la forme d’une seconde lettre numéro 00239/MJ/CAB du 17 juillet 2006 dans laquelle on lui demandait « de faire la lumière sur l’ensemble du traitement de la procédure concernée, depuis la médiation pénale jusqu’à l’ouverture de l’enquête consécutive à la correspondance ci-dessus ». Il était aussi demandé à l’IGAJ « d’étendre les investigations à toute personne concernée sur qui des indices de corruption auraient été découverts ». Encore une fois, il fallait absolument ferrer le pauvre Ibrahima Bakhoum dans les mailles du filet des limiers de l’IGAJ. Lesquels ne se sont pas fait prier pour traquer en particulier leur collègue qui a fait l’objet à lui seul d’investigations durant une semaine. Et alors même que cela ne faisait pas partie du champ de l’enquête, le chef de la mission a adressé une réquisition à l’alors Société générale de banques au Sénégal (SGBS) pour demander qu’on lui communique tous les mouvements du compte bancaire d’Ibrahima Bakhoum depuis…l’an 2000 ! Pourtant, les faits visés par l’enquête se sont déroulés en 2006. A la réception de ce courrier, la banque n’avait pas voulu s’exécuter mais c’est Ibrahima Bakhoum lui-même qui l’a autorisée à transmettre toutes les informations demandées. De fait, il y a eu, dans ce compte bancaire, des versements anciens de 10 millions une fois, cinq millions une ou deux fois etc. pour des montants totaux gravitant autour de 25 millions de francs s’agissant en tout cas des grosses remises. Ah, ça y est, notre chef de l’IGAJ tenait son homme ! En réalité, Bakhoum avait sollicité et obtenu de la SGBS—dont le directeur général à l’époque, Bernard Labadens, était son ami personnel au même titre d’ailleurs que celui de votre serviteur — un prêt d’un montant de 150 millions de francs pour l’achat d’une villa à la cité Air Afrique au Point E. Un contrat d’ouverture de crédit sous seings privés avait été établi en bonne et due forme « entre M. Ibrahima Bakhoum, compte n°…., et la SGBS ». L’opération immobilière n’ayant pas pu se faire, l’emprunteur avait utilisé l’argent pour acheter un immense verger. Et après avoir décaissé une partie de l’argent, il l’avait reversée dans son compte en plusieurs tranches!
Bien que blanchi par l’IGAJ, le magistrat traduit devant le Conseil de discipline et lourdement sanctionné !
Après investigations, les inspecteurs de l’IGAJ ont conclu qu’aucune faute disciplinaire ne pouvait être retenue contre Ibrahima Bakhoum. Malgré cet « innocentement », comme aurait dit Claude Confortès, il fut décidé de le traduire devant le Conseil de discipline avec ses collègues mis en cause dans cette affaire de corruption et dont les noms, eux, étaient expressément mentionnés dans les audios. La comparution devait avoir lieu le 10 août 2006. A cette date, les autres furent « jugés » pas Bakhoum dont l’affaire fut renvoyée au 17 août au motif…qu’un nouveau dossier le concernant avait été transmis au même Conseil de discipline.
En réalité, il s’agissait de l’exhumation d’un vieux rapport établi suivant une lettre de mission n°00236/MJ/CAB du 25 juillet 2005 soit une année avant les faits de corruption pour lesquels Bakhoum et ses collègues étaient traduits devant le Conseil de discipline. Ce « nouveau » dossier produit dans les débats avait fait l’objet en son temps d’un classement sans suite. Malgré tout, l’infortuné Bakhoum a vu le couperet de ses collègues du Conseil de discipline s’abattre sur lui sous le prétexte de «manquements au devoir de loyauté, de neutralité et de dignité ». A défaut de corruption, il fallait bien trouver quelque chose ! Et les sanctions suivantes furent prises à son encontre : « Retrait de la fonction de Substitut Général près la Cour d’Appel de Ziguinchor juridiction non encore installée » et « Interdiction d’exercer des fonctions de Procureur de la République, de Procureur de la République adjoint, de Premier substitut, de Juge d’instruction et de Président de juridiction. Déplacement d’office ».
Bref, le pauvre Bakhoum était condamné à boire le calice jusqu’à la lie bien que n’ayant commis aucune faute. Ses juges avaient agi alors comme Ponce Pilate, ce procurateur romain qui, bien qu’ayant innocenté Jésus-Christ, l’avait condamné à mort… avant d’aller se laver les mains en s’écriant : « je suis innocent du sang de ce juste ! »
Ayant porté sa croix dignement, Ibrahima Bakhoum s’est quand même résolu à écrire à la Commission nationale de Lutte contre la Non Transparence, la Corruption et la Concussion (l’ancêtre de l’OFNAC) pour lui demander d’enquêter afin d’établir la vérité des faits sur la connaissance par lui, l’intéressement de sa part ou sa participation aux cas graves de corruption et d’usure qui lui valaient sa suspension. Après avoir enquêté, la Commission avait sans surprise blanchi Bakhoum et écrit au président de la République pour lui recommander de le rétablir dans ses fonctions ou de l’affecter à toute fonction que son grade et son expérience lui permettaient d’exercer. Bien plus tard, à son retour au ministère de la Justice, M. Cheikh Tidiane Sy avait reconnu avoir été induit en erreur à son propos et l’avait fait venir dans son cabinet pour en faire son conseiller technique numéro 1 jusqu’à la chute des libéraux en 2012. Pourquoi donc un tel acharnement contre un jeune magistrat à la carrière prometteuse ? L’explication pourrait se trouver dans la position courageuse prise par le procureur Ibrahima Bakhoum lors du procès d’Abdou Aziz Tall, ancien directeur général de la Lonase. Ce jour-là, prenant le contrepied des instructions qui lui avaient été données, il s’était levé et avait demandé la relaxe du prévenu ! Un réquisitoire à décharge qui lui avait valu, deux jours plus tard, une demande d’explication signée Abdoulaye Gaye…Procureur Général près la Cour d’Appel de Dakar. C’est-à-dire les mêmes fonctions que Bakhoum occupe actuellement ! Voici ce qu’il écrivait au procureur de la République de Dakar : « Suite à notre entretien téléphonique du mercredi 22 juin 2005 relatif à l’affaire visée en objet, je souhaite connaître le contenu des réquisitions du représentant du ministère public à l’audience, dans le cadre des débats sur cette affaire, ainsi que la réaction de votre Parquet, par rapport à la décision de relaxe qui a été prononcée par le Tribunal. Je compte sur une prompte réaction de votre part eu égard aux commentaires de certains organes de presse qui ont soutenu que la décision de relaxe est conforme aux réquisitions du Parquet ». Les ennuis lointains d’Ibrahima Bakhoum avec sa hiérarchie datent de ce moment-là. Une hiérarchie qui a volontairement oublié, s’agissant de ce réquisitoire dans l’affaire Abdou Aziz Tall que, comme le rappelait si pertinemment dans nos colonnes hier l’actuel président de l’UMS (Union des Magistrats du Sénégal), Ousmane Chimère Diouf, la plume est serve et la parole libre !
Mamadou Oumar NDIAYE
En post scriptum d’un éditorial paru en septembre 2013 dans ce journal et intitulé «Un gouvernement décapité », voici ce que j’écrivais : « L’image était très parlante. A côté de Mme Aminata Touré « Mimi », croisée de la traque aux biens mal acquis, se tenait Abdoul Aziz Tall, le nouveau directeur de cabinet du président de la République, et…ancienne victime de cette même traque du temps de libéraux ! Eh oui, au lendemain de l’arrivée des libéraux du Pds au pouvoir, ils avaient entrepris eux aussi une chasse aux sorcières. Pour cela, et pour prétendre lutter contre l’enrichissement illicite, ils avaient jeté en prison beaucoup de directeurs généraux d’entreprises nommés par le régime du président Abdou Diouf. Parmi ceux-là, précisément Abdoul Aziz Tall accusé d’avoir détourné des fonds à la Lonase dont il était le directeur général. A l’époque, Le Témoin avait dès le départ pris la défense de tous ces DG injustement emprisonnés d’après nous. Les faits nous avaient donné raison puisque la plupart d’entre eux avaient été blanchis par la justice. Aziz Tall, après avoir passé plus d’un an en prison, avait été relaxé purement et simplement. Son procès avait donné lieu à un coup d’éclat de la part d’un brillant substitut du procureur nommé Ibrahima Bakhoum. Ayant reçu des instructions pour requérir la condamnation d’Abdoul Aziz Tall, il s’était rebellé et avait demandé sa relaxe pure et simple ! Pour cela, il avait été sanctionné… »
Par Fatou SOW
LES ENJEUX DU FÉMINISME AU SÉNÉGAL
Le fondamentalisme culturel et religieux est rampant. Les femmes sont prises au piège. Trois domaines doivent être examinés pour leur pertinence : le corps féminin, le système juridique et l’organisation politique
Nous ne pouvons pas nous prétendre féministe, si nous n’en connaissons pas les principes et les règles, si nous les comprenons pas, si nous ne les déconstruisons pas, si nous ne les adaptons pas pour capter nos réalités et nos préoccupations qui peuvent être lointaines ou proches des celles du reste du monde. Nous devons lire, apprendre, discuter, réfléchir, échanger, participer aux débats (féministes ou veiller à les rendre féministes) de notre propre société et de notre continent (l’Afrique des femmes pense et bouge plus qu’on ne le croit), des femmes du Sud (des Caraïbes à l’Asie, de l’Amérique latine au Moyen-Orient dont nous partageons des expériences dont celles de la colonialité). Oui, comme Africaines et femmes du Sud global, nous avons nos débats particuliers. Nous devons faire le même exercice avec les femmes d’Occident (le terme est vague, car les différences peuvent être vertigineuses). Nous partageons le même espace humain ; ne leur laissons pas le pouvoir de dominer la réflexion et organiser l’agenda des femmes en leurs termes.
Préoccupations majeures
Parmi les inégalités inhérentes à la société sénégalaise, celle entre les sexes représente un défi primordial : les abolir est un enjeu capital de nos luttes. Ces inégalités sont évidentes et connues. Le sociologue Abdoulaye Bara Diop ne dénonçait-il pas, dans ses travaux scientifiques, « les systèmes d’inégalité et de domination » (1981) de la société wolof ? Le féminisme a fondamentalement pointé du doigt la construction sociale des rapports sociaux entre les sexes, comme rapports de pouvoir, leur construction politique dans les cultures africaines : hiérarchie des âges, des sexes, des ethnies, des castes, des classes, des formations sociales, etc. On a tendance à penser que l’égalité est une requête des féministes occidentales, qu’elle est une utopie. Mais cela nous empêche-t-il de mesurer ce que nous avons longtemps qualifié de pesanteurs de toute sorte, puis de discriminations et enfin d’inégalités imposées comme normes sociales, culturelles et religieuses. On a du mal à dénoncer ces dernières, de peur de déranger un ordre social et sacré, d’être inconvenante, de pécher, d’offenser, de blasphémer; il est des pays où l’on peut passer en justice pour blasphème, comme en Mauritanie ou au Soudan. Le fondamentalisme culturel et religieux est rampant. Ce que j’appelle fondamentalisme, c’est le supposé retour à la culture et à la religion dites authentiques et en appliquer les règles, alors que le monde change (Sow 2018).
Il est plus qu’urgent de rechercher à quel moment la culture devient source et lieu d’expression des fondamentalismes et se laisse happer parles dérives fondamentalistes qu’elles soient sociales, morales ou religieuses. Pour discuter des inégalités de genre et de l’influence des fondamentalismes, trois domaines doivent être examinés pour leur pertinence : le corps féminin (santé, sexualité, fécondité), le système juridique (code de la famille et autres lois et règlementations) et l’organisation politique (positionnement dans la prise de décision, parité dans les institutions).
Nous avons besoin de connaître notre histoire et nos valeurs sociales, tout en cessant « d’essentialiser », c’est-à-dire nous réduire à notre condition féminine qui est d’être enfant, épouse, mère et grand-mère/ancêtre qualifiée de Grande Royale, merveilleusement décrite par Cheikh Hamidou Kane (1961). Nous «essentialiser », c’est nous figer dans une identité figée d’un passé africain ; ceci nous empêche de contester les privilèges réels de la masculinité face à des sociétés qui « culturalisent » les inégalités entre les sexes, à des religions patriarcales (islam, christianisme) qui les « fondamentalisent » ou encore à des États qui se disent musulmans et chrétiens, qui les « légalisent », alors que leur constitution est laïque. Il faut toujours interroger le « avant, c’était mieux » et faire le tri entre nos différents héritages sociétaux d’avant la colonisation (période qui a ses défis), durant la colonisation et de la post indépendance, de nos conversions à diverses confessions religieuses et spirituelles.
Le patriarcat, comme donnée anthropologique universelle, a été largement décrié par la recherche africaine, alors que le mouvement féminin avance son impact, donc son existence, dans l’analyse des situations contemporaines des femmes. Auteur de L’Unité culturelle de l’Afrique noire (1982, 2° édition), Cheikh Anta Diop, théoricien du matriarcat africain, en fait la base de nos sociétés. « « Le matriarcat n’est pas le triomphe absolu et cynique de la femme sur l’homme; c’est un dualisme harmonieux, une association acceptée par les deux sexes pour mieux bâtir une société sédentaire où chacun s’épanouit pleinement en se livrant à l’activité qui est la plus conforme à sa nature physiologique. Un régime matriarcal, loin d’être imposé à l’homme par des circonstances indépendantes de sa volonté est accepté et défendu par lui » (p.114). Les principes fondamentaux ont été l’assurance de la filiation par les femmes, l’hérédité par la lignée utérine, transmission des droits politiques, etc. D’où un statut éminent des femmes. Diop montre que « le régime matriarcal est général en Afrique, aussi bien dans l’Antiquité qu’à nos jours et ce trait culturel ne résulte pas d’une ignorance du rôle du père dans la conception de l’enfant » (p. 69). C’est ce qui fait noter une certaine dualité mettant en parallèle lignages matrilinéaires et patrilinéaires et la place d’un patriarcat africain. Enfin les femmes occupent une place importante dans les représentations et pratiques religieuses, différente de celle des hommes. Ce sont l’introduction de religions nouvelles (ici, islam et christianisme) et l’intervention coloniale européenne qui ont imposé le patriarcat et ses hiérarchies.
Centrales mais pas égales
L’une des lignes importantes de fracture dans les analyses des femmes est à ce niveau. Tout un pan de la recherche des Africaines récuse la division sexuelle bio-logique des sociétés africaines, arguant du fait que l’idéologie du genre occidentale ne correspondait pas à leurs réalités. Les femmes pouvaient tenir un rôle masculin et diriger, de même que les hommes pouvaient endosser un rôle féminin, rôles masculin et féminin n’étant pas aussi rigides pour être sources de transgression. C’est la démonstration de l’ouvrage de Ifi Amadiume, Male Daughters, Female Husbands (1987), qui s’interrogeait sur les notions de sexe et genre dans la société africaine. Nombre d’Africaines, à partir de leurs histoires, reconnaissent cette base sociale illustrée par la place de la maternité dans la vie des femmes comme valeur sociale et obligation divine. Elles reconnaissent aussi l’importance de la transmission matrilinéaire de la filiation (naissance) et de liens spécifiques bâtis entre enfants sur cette relation utérine (doomu ndey). Il reste encore des indices de dévolution du pouvoir politique (appartenance requise à une famille maternelle pour qu’un homme accède au pouvoir), de transmission de certains biens matériels, culturels et spirituels, etc. Mais, nous posons cette question : ce rôle si essentiel donnait-t-il pour autant du pouvoir aux femmes, en dehors des Lingeer, femmes de l’aristocratie, et des personnalités féminines de l’élite politique ? Quelle sorte d’autorité et à quel niveau ? Si des tâches de gestion et de contrôle leur ont été attribuées, dans l’espace sénégalais, ce sont des hommes qui ont été au faîte du pouvoir. Ces souverains ou autorités ont porté des titres masculins : Dammel, Buur, Brak, Maad, Teeñ, Almaami, Lamaan, Jaraaf, etc. Le débat s’engage difficilement dans le féminisme sénégalais (et africain), alors qu’il est indispensable, car la place « exceptionnelle » du féminin, dans les sociétés précoloniales, est toujours agitée, avec plus ou moins de bonheur, face à ses revendications. Ne peut-on s’atteler une relecture du matriarcat, de la matrilinéarité, des faits et des valeurs en découlant, pour en comprendre l’impact sur nos sociétés d’alors et d’aujourd’hui ? Car, quel que soit le système, la masculinité y porte sa marque : rôles importants des frères et oncles, dans tous les cas de figure.
L’espace de cet article ne permet pas de développer la question. Je pense, personnellement, que la base matriarcale a laissé ses indice ; on est frappé de la centralité des femmes dans l’organisation sociale. Leurs contributions à la reproduction des familles, à leur entretien domestique, à l’éducation et à la transmission des valeurs culturelles, l’utilisation de leurs connaissances et compétences indispensables au développement économique des sociétés et leurs charges sociales et morales (leurs xew de toute nature organisent la société) ont occupé une telle place dans les structures précoloniales que celles-ci n’ont pu les marginaliser dans la gestion des affaires et du politique. D’où la présence de toutes ces femmes « fortes » et la valeur de notre « matrimoine », malgré leur invisibilisation dans les mémoires, la rivalité dans les précessions masculines. Les femmes ont été centrales, mais n’ont jamais été égales. Elles ont rarement accédé au niveau suprême du pouvoir. Mais, y-étaient-elles attendues ? La colonisation, avec sa logique patriarcale, les a marginalisées en instaurant de nouvelles institutions d’éducation et de gestion du politique, tout en utilisant leur force de travail pour nourrir et entretenir la colonie. Les pouvoirs indépendants, en maintenant les modalités coloniales de gouvernance, ont continué d’utiliser cette force, sans leur redonner plus de pouvoir. Les obstacles à cette conquête du pouvoir sont massifs.
Nous avons encore besoin, au Sénégal, de cerner et de déconstruire la domination masculine et toutes les autres formes de domination que forge le patriarcat qui en est la source ou en découle. Ces forces de domination peuvent être locales et/ou mondiales, comme en témoignent les interventions de la mondialisation sur tous nos systèmes socioculturels, économiques et politiques. Il est important de reconnaître que la domination masculine explique de très nombreuses situations d’oppression actuelles. On n’élargit pas les espaces de pouvoir des femmes, en niant ceux de l’oppression.
Nous avons besoin de reconsidérer, voire remettre en question, les rapports de pouvoir dans la famille, dans le monde politique (quelle parité ?), dans la société globale (lutte contre les inégalités et les discriminations). Les combats contre les inégalités dans le code de la famille ont été significatifs à ce niveau. Je n’en exposerai pas le débat, sauf pour dire que la lutte a été longue et que chaque point gagné est une victoire à préserver, car c’est un défi contre les abus des forces conservatrices.
Notre corps est politique. Il est l’objet de tant de normes, de règles, de règlementations, de tabous et de préjugés. Il est l’objet à la fois de contrôle et de violence que tout le monde trouve normales. Écoutez ou lisez ce qui se dit dans la société, à travers les media, les réseaux sociaux, les autres moyens de communication. Je prendrai quelques exemples d’enjeu, un peu en vrac.
Scolariser les filles est, reconnaissons-le, une ambition des familles et du politique. Leur scolarisation est en progression, selon les chiffres officiels. La SCOFI et les politiques d’éducation ont fait leur chemin. Mais cette scolarisation bute encore sur bien des obstacles, si ce n’est des discriminations. Scolariser une personne, c’est développer ses capacités intellectuelle et morale vers la connaissance, mais pour les femmes, c’est aussi leur apprendre le chemin vers la liberté sous tous ses aspects et l’égalité. Scolariser, ce n’est pas seulement créer l’autonomie des femmes (comme le veut un certain lexique du genre), mais c’est développer leur pouvoir (empowerment), les former à le gérer, à le renforcer pour leur position dans la famille, en société. Diverses contraintes continuent de peser sur elles. Les premières sont liées à des attitudes culturelles affectant leurs statuts et rôles des femmes dans la famille qui les empêchent d’accéder à l’éducation, à l’achever dans les meilleures conditions. Ce sont les difficultés de leur maintien à l’école, les mariages et les grossesses précoces, même si les derniers recensements montrent le recul progressif de l’âge d’entrée en nuptialité et en fécondité. Les conditions matérielles et financières (pauvreté des familles, insuffisance des infrastructures éducatives et précarité des niveaux d’enseignement), les maigres débouchés vers l’emploi, la préférence masculine à certains emplois et positions, la complexité des tendances de l’économie informelle qui est pourtant la plus grande pourvoyeuse d’emplois et d’activités rémunérées et regroupe la majorité des activités féminines), autant que les diverses crises climatiques, politiques et sanitaires sont sources de multiples contraintes et discriminations.
Requalification
Nous sommes dans des sociétés où le développement des femmes, bien que ces dernières constituent plus de la moitié de la population, crée une sorte de panique, sinon de gêne morale dans la société. Il leur est demandé de se développer, de grandir par la formation, sans pour autant changer et surtout ne pas déranger leur positionnement en société. Malgré leurs diplômes et formations, quel qu’en soient les niveaux, il leur est toujours exigé de prouver leur capacité en faisant plus d’efforts, de restreindre leurs ambitions audessous de leurs capacités et performances, de subir toutes sortes de préjugés sexistes dévalorisantes et d’actes de violences sexuelles qui visent soit à punir leurs ambitions soit à casser leur progression, droit de cuissage toujours en vigueur dans les facultés sénégalaises de toutes disciplines, harcèlement sexuel, viol, refus du congé maternité aux jeunes femmes médecins en spécialisation, etc. La liste n’est pas close.
Le féminisme force à revisiter les liens entre rapports familiaux et rapports économiques. Qui entretient les familles et quel pouvoir en retire-t’on ? S’agit-il de l’entretien domestique, de l’entretien économique ? Comment jauger les tâches domestiques des femmes ? Ligeey, dit-on en wolof ; c’est du « travail gratuit des femmes », renforcent les féministes. Le code la famille a fini par le reconnaître dans cette qualification et le compte dans la contribution des femmes au ménage. Comment gère-t-on les ressources naturelles dans les familles rurales : qui est responsable de l’allocation des terres ? Qui a accès à la terre ? Les tâches sont réparties dans les économies de la pêche, selon une répartition sexuelle du travail. Qu’en-est-il aujourd’hui ? L’approche habituelle de la femme lebu en fait une femme forte. En quels termes ? Comment devons-nous repenser ce rôle. En quoi devoir être « une femme forte » vulnérabilise les femmes? Nous avons tellement à faire à cause des débats incroyables sur la fécondité et l’exigence de maternité (valeur morale et religieuse sublimée de la femme). La maternité, par-delà le besoin d’enfant, est une obligation, à la fois sociale et religieuse. On attend des femmes qu’elles en assurent la fonction jugée « naturelle » et divine. Le non-désir d'enfant est vécu comme un sacrilège et un égoïsme féminin. Seules les femmes sont poursuivies en cas de néonaticide. N’oublions pas que la recherche en paternité est interdite par l’islam. La loi interdit dans la déclaration de naissance d'un enfant la référence au père incestueux. La femme stérile est incriminée pour ne pas avoir contribué à la « fabrication » de cette descendance (nombreuse) qui permet à l’homme d’assurer sa masculinité et d’asseoir son pouvoir social. Ce prestige, d’abord masculin, passe par le corps des femmes, dont la sexualité et la fécondité sont contrôlées par des règles sociales définies dans chaque groupe : virginité, circoncision, surveillance, dot, mariage, soumission au désir du conjoint, capacité de fécondité, gestion de la fertilité, durée et rituels contraignants du veuvage (coupe des cheveux, habillement spécifique, interdiction de se regarder dans le miroir, réclusion et absence de relations sexuelles), lévirat/sororat, etc…
Ce devoir de reproduction (devoir conjugal) peut renforcer la subordination des femmes, conditionnées socialement, idéologiquement, religieusement à assurer la reproduction physique du groupe, au prix de leur santé. Ce défaut de reproduction, qu’il s’agisse d’infécondité ou de stérilité, est d’abord imputée aux femmes. Ce sont elles qui s'inquiètent de la stérilité ou de la non-survenue de la grossesse socialement requise. Elles sont critiquées soit directement, soit par des allusions ou des conduites relationnelles spécifiques : angoisse, nervosité, mauvaise humeur, etc. Elles endossent la responsabilité de l'échec et, après le recours à diverses thérapeutiques laissent un membre de l'entourage ou le médecin aborder le problème avec le mari, alors que lui-même est impliqué dans cette infertilité. Les médecins le diront mieux que moi.
L’accès contrôlé à la contraception, ce qui est en parfaite contradiction avec la loi sénégalaise et le Protocole de Maputo et autres conventions signées par le Sénégal, ainsi que la criminalisation du droit à l’avortement rendent souvent problématique la santé des femmes. Que fait-on des femmes qui subissent descente d'organes et fistules à cause des grossesses répétées? Quel est le sort des enfants qui perdent leur mère morte de fatigue d'enfanter. Cette santé qui n’est pas seulement maternelle. On devrait plus s’interroger sur ce qui arrive à la femme, hors de cette période de fécondité. Quel est le vrai statut de la ménopause ? Quel est chemin pavé de lourdes conditions et d’embûches qui mène au statut de grande royale?
Il a fallu requalifier les actes de violences physiques, morales, symboliques et sexuelles autant qu’obstétrico-gynécologiques, etc. Se souvient-on encore du cas Doki Niasse, qui a fait marcher des centaines de femmes dans les rues de Kaolack et Dakar ? À cette occasion, les femmes et leurs mouvements (féministes ou non) ont été accusées de remettre en question le droit du mari à battre sa femme que l’on disait autorisé par la tradition et l’islam. N’est-il pas temps de penser les femmes en termes de droits sur la base d’un contrat social qui ne dépende pas de textes religieux, mais d’un contrat négocié, arraché sur la base de principes contemporains de justice et de liberté ? Le code de la famille se débat encore dans ses principes religieux. On a échappé, au début des années 2000, à un retour légal de la Sharia proposé par le CIRCOFS, délaissant le code actuel aux non-musulmans.
En conclusion
Les femmes sont prises au piège entre les préjugés ordinaires des communautés à leur égard, les argumentaires religieux de soumission, les décisions et attitudes paradoxales du politique, légitimés au nom de la culture et de la religion. Elles doivent faire face à leurs défis. Des droits à plus d’égalité et de justice sociale acquis de haute lutte au niveau local, national et international par le mouvement des femmes sont comme des espèces en danger, car subvertis par la remontée des fondamentalismes d’ordres divers. Aucune révolution culturelle, aucun retour aux sources ou à l’authenticité ethnique, religieuse ou nationale revendiqués par les groupes qui s’en réclament ne sauraient légitimer la persistance, imprégnée d’idéalisation, de valeurs dites traditionnelles ou ancestrales, porteuses de graves discriminations et d’inégalités. C’est un immense défi pour les femmes qui ont entériné culturellement et religieusement le discours patriarcal ou celui de la domination masculine, de les remettre en question. C’est une tâche immense pour les féministes de les en sortir pour transformer notre monde d’inégalités et de transformer le regard et le discours masculin qui dominent la scène politique, pour comprendre et porter les mutations nécessaires en cours au Sénégal, en Afrique et dans le monde.
* De la conférence prononcée en janvier 2023, au Musée Henriette Bathily, par Mme Fatou Sow, Sociologue CNRS, à l’occasion du lancement du Réseau des féministes du Sénégal, nous proposons une synthèse à nos lectrices, à nos lecteurs, en ce 8mars, Journée internationale de la femme.
1. SCOFI est le programme de scolarisation des filles, créé au Sénégal en 1994
2. CIRCOFS : Comité islamique pour la réforme du Code de la famille au Sénégal, créé en 1996 qui a voulu supprimer le code de la famille pour mettre la Sharia. M° Mbaye Niang, avocat, en était le président.
par Ellen Salvi
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MACRON EN AFRIQUE : LE RETOUR D'OSS 117
"Le chef de l'État français s’est adressé à Félix Tshisekedi comme un parent pourrait parler à son enfant. C’est un manque de discernement flagrant. Macron a voulu faire la leçon, mais il a oublié qu’il était invité en RDC"
Le chef de l’État a conclu sa tournée dans quatre pays africains par une conférence de presse avec le président de la République démocratique du Congo, à qui il a fait la leçon, sur un ton fort peu diplomatique. Sur la scène internationale, son attitude faussement « disruptive » continue de dégrader l’image de la France.
HubertHubert Bonisseur de La Bath a fait son grand retour, samedi 4 mars, lors d’une conférence de presse avec le président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi. Le personnage de fiction, plus connu sous le nom d’OSS 117, s’est soudainement incarné dans les traits d’Emmanuel Macron, qui a oublié, l’espace d’un instant – beaucoup trop long pour ne pas être gênant –, la promesse d’« humilité » qu’il s’était fixée, quelques jours plus tôt.
Le président de la République, qui concluait à Kinshasa sa tournée dans quatre pays africains, a d’abord pris le temps de livrer une leçon magistrale à son homologue congolais, en des termes relevant davantage du professorat que de la diplomatie française. « Depuis 1994, lui a-t-il affirmé, vous n’avez jamais été capable de restaurer la souveraineté ni militaire ni sécuritaire ni administrative de votre pays. C’est aussi une réalité. Il ne faut pas chercher des coupables à l’extérieur. »
Félix Tshisekedi attendait du chef de l’État français qu’il condamne clairement ce que le président de la RDC qualifie d’« agression injuste et barbare du Rwanda » contre son propre pays, par le biais d’un soutien logistique, financier et humain au groupe rebelle M23, comme l’a confirmé un récent rapport de l’ONU. Mais Emmanuel Macron a esquivé le sujet en expliquant que la solution ne « viendra pas de la France » – ce que personne ne demandait, du reste.
Pas de solution, donc, mais une série de recommandations : « Oui, pour faire la vérité sur l’histoire, non pour prendre tous les fardeaux, a ajouté le président de la République. Bâtissez une armée solide, construisez la sécurité et le retour de l’État partout sur le territoire, faites passer la justice transitionnelle pour que vous n’ayez pas des coupables criminels de guerre encore en responsabilité sur terrain, soyez intraitables avec tous les voisins de la région quand ils viennent vous piller et nous serons à vos côtés. »
Une position de surplomb, en Afrique comme en France
L’ancien sous-directeur chargé de l’Afrique de l’Ouest au Quai d’Orsay (2008-2013), Laurent Bigot, estime qu’il y a « trois conditions » pour tisser une relation nouvelle avec le continent africain : « Cesser l’unilatéralisme, c’est-à-dire arrêter de parler de l’Afrique comme si elle n’était pas là ; mettre fin à la politique des doubles standards en matière de droits de l’homme et de démocratie ; et changer notre attitude, en comprenant que nous ne sommes pas là pour façonner les Africains à notre image. »
Or, poursuit l’ex-diplomate devenu consultant indépendant, le discours du chef de l’État français à Kinshasa a prouvé que ces trois conditions étaient loin d’être remplies. « Il s’est adressé à Félix Tshisekedi comme un parent pourrait parler à son enfant, affirme-t-il. C’est un manque de discernement flagrant. Emmanuel Macron a voulu faire la leçon, mais il a oublié qu’il était invité en RDC. En diplomatie, on peut marquer des désaccords, mais il faut rester courtois. »
D’autant que, sur le fond, le bilan reste très maigre. En Afrique, précise Laurent Bigot, la perception de la France s’est en effet largement dégradée depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy, en adoptant une position de surplomb ne pouvant créer que des incidents diplomatiques. « La personnalité d’Emmanuel Macron a aggravé la situation, considère-t-il. Finalement, l’attitude qu’il adopte vis-à-vis des Africains, il l’a aussi vis-à-vis des Français. Dans les deux cas, ça ne passe pas. »
La mort vendredi à Dakar de Ibra Mamadou Wane clôt la saga d’une génération exceptionnelle d’hommes politiques qui ont marqué l’histoire du Sénégal.
Leur arrivée aux affaires a coïncidé avec l’indépendance de notre pays sous la houlette de dirigeants dotés de vision et non de visée, intègres et probes, soucieux de laisser pour la postérité une empreinte et non une trace avec en bandoulière le sens élevé de l’honneur, de la dignité (de charge et de rang).
Ils n’étaient pas boulimiques. Au contraire, toute leur vie durant, ils se sont imposé une conduite irréprochable mêlant droiture et mesure, obsédés qu’ils étaient de participer à la construction d’une nation en devenir.
Derrière la placidité, se profilait chez docteur Ibra Mamadou Wane la douceur d’une éminente personnalité nantie d’une riche mais discrète carrière jalonnée de hauts faits qui l’ont assurément rendu célèbre sans qu’il l’ait cherché ou voulu toutefois.
Un bel homme s’en est allé. Sa carrure et son élégance vestimentaire ont fantasmé les foules qui s’enhardissaient à chacune de ses tournées dans le pays profond. Son tempérament frisait la romance agrémentée d’une allure qui le rendait seigneurial.
Jamais pris en défaut moral, Samba Defa, comme on l’appelait familièrement, savait en tout garder la tenue et donnait de lui l’image d’un homme de vertu, équilibré entre passions et désirs. En un mot la sagesse l’a très tôt habité pour ne jamais le quitter.
Dès 1962 il est nommé Ministre de l’Education, le premier à ce poste d’ailleurs pour être plus tard remplacé, en 1966 précisément par Amadou Mahtar MBow, l’autre géant. Il aura néanmoins été la cheville ouvrière du fameux Festival mondial des Arts nègres de la même année avec un éclatant succès qui réjouit encore les témoins.
Un fait de l’histoire : lui et son frère (même père et même mère) Birane Mamadou Wane étaient à la même période de sémillants ministres dans les gouvernements du Sénégal et de Mauritanie… Ils ont travaillé au rapprochement économique et culturel des deux pays.
« Tout ce qu’il touchait se transformait en or », disaient de Dr Ibra Mamadou Wane amis et admirateurs, nombreux à lui reconnaître des qualités d’Homme d’Etat par les fonctions ministérielles occupées jadis et, devenu député six législatures durant, par son remarquable travail à la tête de la prestigieuse commission de Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.
Il conciliait avec un égal bonheur action et réflexion, se montrant à l’aise sur les terrains de lutte politique dans son Fouta natal qu’il arpentait (pistes boueuses, sablonneuses ou caillouteuses) à longueur d’année avec ses compagnons de route.
Chez lui, les sorties d’alors étaient à la fois un événement et un moment de pédagogie qui enjolivaient ses prestances face aux jeunes de l’époque, aux femmes et aux adultes. Il avait le sens de la répartie. Et de la pondération aussi.
Sans doute était-il tribun, mais il n’haranguait pas les foules. En revanche, l’enchaînement de ses mémorables poignées de mains en disait long sur son goût du contact, de l’échange ponctué d’un désarmant sourire chanté par les jeunes femmes sous les chaumières ou en clair de lune.
Combien de villages du Diéri ou du Walo a-t-il sorti de l’anonymat ? Combien de collégiens ou de lycéens vivant dans des bourgades reculées ont pu bénéficier de sa mansuétude pour poursuivre des études au-delà des espérances familiales.
Pour ce médecin de campagne, ancien des facultés de science et de médecine de Montpellier toute charge ou fonction requièrent de la dignité qui n’est respectée que par le dévouement qu’elle exige ou suggère.
Il transpose ce code voire ce sacerdoce en politique et parvient avec panache à devenir une figure tutélaire dans le remuant département de Podor face à de redoutables adversaires dont le plus proéminent n’était autre que feu Amadou Malick Gaye.
Les deux, malgré leur opposition frontale, entretenaient des relations franches servies par une exquise courtoisie dont l’exemplarité devrait être inspirante pour les générations politiques suivantes. Au terme d’une belle carrière, Dr. Ibra Mamadou Wane se retire en 1988 de la scène politique.
Cette année charnière était annonciatrice de mutations profondes de l’échiquier politique avec de nouveaux acteurs obsédés par l’idée de renverser les hiérarchies ou, à tout le moins, de bousculer l’orthodoxie qui prévalait encore.
Les grandes avancées démocratiques sont ponctuées de rencontres. De quel leg politique sommes-nous bénéficiaires aujourd’hui ? Il ne s’agit pas à proprement parler d’une dévolution successorale mais de la préservation d’acquis que le monde démocratique nous envierait.
Autant dire que les bâtisseurs de la nation ont forgé des instruments de cohésion qui ont transcendé le temps et l’espace, parvenant à asseoir dans la durée un esprit éclairé voué à « dissiper les ténèbres… »
Pour ces hommes d’ancrage et de racines, l’engagement avait une finalité émancipatrice. Dans leurs fiefs respectifs ils s’imposaient comme des figures emblématiques de la politique locale : Makha Sarr (Dagana), Valdiodio Ndiaye (Kaolack), Amadou Racine Ndiaye (Dakar), Mady Cissokho (Tambacounda), Emile Badiane, Ibou Diallo, Assane Seck (Casamance), Maguette Lo, Mansour Bouna Ndiaye (Louga), Demba Diop (Thiès). La liste est longue...
Sans toutefois verser dans la nostalgie inhibitrice, ces noms, et d’autres, avaient une puissance d’évocation légitimée par des parcours honorables au point de s’assimiler à de véritables épopées. Toute action à entreprendre était sujette à discussion. Il en était de même du propos à tenir.
En clair, la mesure était le baromètre pour observer l’évolution du temps, des mœurs et des comportements. Naturellement les quolibets foisonnaient à cette époque mais jamais de phrases assassines, de parjure, d’injures ou de déni de réalité.
Justement par réalisme, les politiques d’alors, savaient mettre en sourdine leurs divergences pour donner priorité à la logique de développement. Lequel n’est rien d’autre qu’un cumul de progrès. Qu’un lycée ou un hôpital soient construits ici ou là, avaient valeur d’acquisition au profit de la population sans discrimination aucune.
Ils inscrivaient leurs actions dans une longue temporalité moyennant des ajustements dictés par des considérations autres que politiciennes. En d’autres termes, les politiques d’alors avaient l’œil rivé sur les nouveautés aux fins de les adapter aux nécessaires évolutions, notamment les techniques agricoles, la vulgarisation, le machinisme et les bouleversement qu’il entraînait ou l’essor des organismes de crédit qui ont révolutionné les rapports des populations à l’argent ou aux biens.
Bien des évolutions ont eu pour cadre les coulisses où tout se jouait entre vice et vertu. La dignité recule quand se répand le déshonneur qui avilit, hélas ! Le déplacement du curseur entre-ouvre une grosse parenthèse d’incertitudes où l’empressement et le raccourci, érigés en dogmes, transfigurent notre société sens dessus dessous.
La disparition des figures interroge notre temps et notre monde, nos valeurs et nos rapports désormais empreints de violence. Certes le monde lisse est une page tournée. Mais la nouvelle page qui s’ouvre est truffée d’aspérités et de complexités. Le merveilleux se replie.
Par Abdoulaye S. SOW
TOI AUSSI, MONSIEUR HADJIBOU...
Ceux qui ont occupé les plus hautes responsabilités étatiques dans notre pays se sont systématiquement comportés de manière honorable après leurs fonctions, de manière à laisser immaculée leur image républicaine dans le récit national.
Le Sénégal a engendré de grands hommes politiques à la hauteur de notre réputation démocratique dans le monde, des hommes et des femmes contributeurs par leur posture à la trame historique héritée des anciens et que ceux aujourd’hui aux affaires entretiennent en l’écrivant avec responsabilité. Ceux qui ont occupé les plus hautes responsabilités étatiques dans notre pays se sont systématiquement comportés de manière honorable après leurs fonctions, de manière à laisser immaculée leur image républicaine dans le récit national, qu’ils aient fait le choix de continuer leurs activités politiques ou qu’ils aient préféré le retrait de la scène publique. En raison de leur vécu comme Chef du Gouvernement et de l’attendue sublimation des valeurs intrinsèques de l’individu à l’épreuve du pouvoir, tous nos anciens Premiers ministres, ont ceci de commun qu’ils ont posé des limites à leur discours et apporté un cadre référentiel sérieux à leurs interventions, s’abstenant de toute outrance au bon sens et à la vérité, malgré la solitude des fins de fonction, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, prenant soin d’être à la hauteur des charges qu’ils ont assumées et éviter ainsi de prendre part au sketch médiatique à peu de frais. Tous ont conscience du poids de leur parole et de ses probables implications, malgré la tentation du « micro ouvert », même au plus fort de leurs postures d’opposant, pour certains d’entre eux. Ces hommes d’Etat évitent tous de se faire poursuivre par la clameur publique par la faute d’une sortie de route imputable à une parole non maîtrisée. Tous, sauf un.
Personne n’aurait trouvé à redire si un ancien Premier ministre du Sénégal (juin 2007 – avril 2009) n’était pas l’auteur d’une affabulation grotesque qui a fait bondir de stupéfaction le pays tout entier, suscitant les interrogations les plus farfelues, avant que la réalité de la fourberie ne retombe aussi froide que cruelle, vide de sens, sans effets ni objets. Hadjibou Soumaré a adressé récemment au Président de la République une « lettre-ouverte » -en réalité un avis publié dans la presse- dans laquelle il lui demande de se prononcer sur un don de 7 milliards FCfa qu’il aurait fait à Mme Marine Le Pen, en marge de l’audience qu’il a bien voulu accorder à cette dernière lors de sa récente visite au Sénégal ! Vous lisez bien, nous sommes en mars 2023 ; nous ne sommes point dans une télénovela de « Netflix », une création d’un tik-tokeur en mal de vues ou une comédie récompensée lors du dernier Fespaco de Ouagadougou (tiens, tiens). Il parle bien du Président Macky Sall, Président de la République du Sénégal et que nous travaillons à faire rempiler le 25 février 2024 ; oui, vous ne vous trompez pas, l’heureuse bénéficiaire de ce don tombé du ciel, toujours dans ses rêves, serait Mme Marine Le Pen, chef du principal parti français d’extrême-droite, plusieurs fois candidate à la présidence de son pays.
L’impossibilité pour Hadjibou Soumaré de se faire élire ne serait-ce que comme chef de quartier de Randoulène, à Thiès, à fortiori de réunir assez de parrainages pour prétendre à un début de candidature à la magistrature suprême, ne saurait tout expliquer. Ce sieur n’est pas seulement un ancien Premier ministre, ne l’oublions pas ; il a aussi été désigné par son pays pour diriger la Commission de l’Uemoa (2011 – 2017), à Ouagadougou. Malgré ses études universitaires en économie, son brevet de l’Enam, sa carrière d’inspecteur du Trésor au ministère des Finances, son poste de ministre du Budget, avant celui de Chef du gouvernement, ses consultations à l’international, malgré son âge et ses 37 ans de carrière (1980 – 2017), Hadjibou Soumaré veut ouvrir un ultime chapitre dans sa vie publique en usant de la méthode du desperado qui, n’ayant plus rien à perdre, entend mettre le feu à la brousse qui l’entoure, altérant ce qu’il a représenté pour s’autoriser une telle funeste entreprise ; oubliant surtout que son champ ne survivrait pas à un tel incendie. Ses ambitions, jusqu’ici refusées par le parrainage citoyen, devraient trouver des voies d’expression plus raisonnables que l’affabulation. Il est à la peine, c’est vrai, mais cela ne l’excuse pas.
Le gouvernement a apporté hier un cinglant démenti aux allégations de M. Soumaré. Cette saillie inconvenante qui n’honore point son auteur, aurait été comprise si elle émanait de la nouvelle congrégation politique qui fait feu de tout bois actuellement dans les réseaux sociaux, celle du mensonge et de l’affabulation, celle de la désacralisation de nos institutions et du pillage de nos mémoires collectives par de fausses réécritures de notre Histoire. Mais elle émane d’un homme qui, en tant que Premier ministre, a assuré la permanence de l’exécutif lors des voyages à l’étranger du Président de la République d’alors ; un homme dont la signature avait puissance d’acte de pouvoir, qui assistait au conseil national de sécurité, qui prenait des actes engageant l’Etat en entier, bref d’un homme censé être responsable, mais qui au finish, se révèle être un pleutre ambitieux manipulable par le premier ragot. Il ne fait que révéler, sur le tard, sa nature profonde de fourbe, comme peuvent en attester beaucoup d’anciens responsables du Pds qui le voyaient souffler le froid le jour, et le chaud la nuit ; haut fonctionnaire désintéressé le jour, homme politique raté la, nuit. On comprend que le contexte soit à la surenchère, alors que la présidentielle de février 2024 occupe les esprits, et que les éclopés électoraux comme Hadjibou Soumaré perçoivent cette échéance comme celle de toutes les amères vérités pour eux. Mais, un enseignement est à tirer de cette mascarade. On sait que les enjeux de sécurité dans notre pays ont changé de nature. Aujourd’hui, le web 2.0 et les réseaux sociaux ont ouvert un nouveau monde et forgé de nouvelles citoyennetés numériques mais avec des de réelles menaces sur la cohésion nationale et notre commun vouloir de vie en commun. L’un des aspects de la prévention du terrorisme se trouve justement dans les opportunités offertes aux groupes clandestins pour déployer des campagnes de calomnies. On est en arrivé aujourd’hui à voir des individus porter des injures à nos guides religieux avec l’encouragement du sentiment d’impunité qui accompagne l’anonymat sur internet ! Par la désinformation, les fake-news altèrent la qualité du débat politique et exacerbent de vraies fausses tensions. Or, la bonne information du citoyen est le préalable à sa participation judicieuse à la vie de la Cité. Heureusement, le sort de tout mensonge est de ne pas résister au temps, implacable par la vérité qu’elle apporte. La nouveauté est que les officines de désinformation peuvent maintenant atteindre et faire dire des mensonges à des personnalités. A moins que ces dernières ne travaillent pour elles.
LA TRAQUE DES JOURNALISTES LIBRES, PAR LE REGIME LIBERTICIDE DE MACKY
Macky Sall continue inlassablement son funeste et diabolique projet consistant à utiliser l’appareil d’état pour diffuser la terreur, assujettir les sénégalais, faire taire les voix discordantes et imposer définitivement la pensée unique au Sénégal.
Après avoir organisé le pillage et le vol des deniers publics par une bande de mafieux placés au sommet de l’état, bradé l’économie sénégalaise au plus offrant, saccagé totalement la démocratie sénégalaise, perverti les institutions de la République, réduit la justice sénégalaise à sa plus simple expression avec la soumission de certains hauts magistrats devenus de simples pantins qui se comportent comme des valets, et dont l’indignité est proportionnelle à leur petitesse, Macky Sall continue inlassablement son funeste et diabolique projet consistant à utiliser l’appareil d’état pour diffuser la terreur, assujettir les sénégalais, faire taire les voix discordantes et imposer définitivement la pensée unique au Sénégal.
Après l’enlèvement spectaculaire du journaliste d’investigation Pape ALE NIANG, la confiscation de son passeport, doublée d’une l’interdiction de sortie du territoire national alors que son état de santé est préoccupant et nécessite une prise en charge immédiate (soins à l’étranger) ; la coupure du signal de WALF par le CNRA, un vulgaire torchon (organe moribond) à la solde de Macky SALL ; la privation de liberté du journaliste de WALF FADJIRI, Pape N’DIAYE constitue un énième coup de canif et un ignoble attentat contre la presse et la liberté d’informer. Une dérive de TROP inacceptable, intolérable et injustifiable.
Cette privation de liberté fondée sur des motifs totalement fallacieux de « diffusion de fausses nouvelles et outrage à magistrat » s’inscrit dans un contexte inédit d’arrestations arbitraires de citoyens ou d’activistes, et de traque des journalistes libres et indépendants ((journalistes molestés, saisies de matériel, gardes à vue, etc…). Un magistrat pourri est un magistrat soumis qui ne mérite ni respect, ni considération. Lorsque des magistrats agissent comme des malfrats, nettoyer les écuries d’AUGIAS devient un impératif car la Justice sénégalaise est dans un état de putréfaction avancée. Lorsque les actes d’un magistrat ne sont pas en conformité avec son serment, il faut le vilipender publiquement (la notion d’outrage est une fiction). Etre magistrat n’octroie aucune impunité, surtout quand on passe à violer la loi pour faire plaisir au Prince SALL.
Au Sénégal, pour un journaliste, désormais le critère fondamental n’est plus l’objectivité, la capacité à recouper les informations, à relater les faits ou la liberté de les commenter, mais l’aptitude à diffuser des informations tendant à faire la promotion du régime de Macky (d’où l’existence d’une presse corrompue appelée la presse du palais, dont les titres, le contenu et la ligne éditoriale sont définis depuis le palais avec des journalistes « affamés » qui ont vendu leur âme au diable pour quelques billets de banque).
Nous condamnons avec la plus grande fermeté l’arrestation du journaliste de WALF, Pape N’DIAYE et exigeons sa libération immédiate et inconditionnelle. Nous demandons aux journalistes sénégalais d’apporter un soutien total et sincère à leur confrère et parallèlement de rédiger un mémorandum destiné à Reporters sans frontières, à l’Union Africaine et à certains organismes internationaux de défense des droits de l’homme pour alerter sur les menaces dont ils font souvent l’objet, la situation extrêmement grave et les conditions dangereuses dans lesquelles les journalistes sont appelés à exercer leur métier au Sénégal. Aucune action, d’où qu’elle vienne ne doit faire fléchir leur détermination à dénoncer les crimes économiques, et les turpitudes du régime déviant et criminel de Macky Sall qui n’hésite pas à assassiner des sénégalais. Il est temps pour tous les sénégalais de l’intérieur et de la diaspora ainsi que l’ensemble des forces vives de la nation d’œuvrer sans relâche pour créer les conditions du départ de Macky SALL, qui est devenu un facteur de désordre et d’instabilité pour le Sénégal.
La puissance de la détermination d’un peuple est invincible. Peu importe le niveau d’armement des forces publiques ; lorsqu’une majorité de citoyens prend soudainement d’assaut lesrues, le régime s’effondre. Au Mali, l’opposition a réussi à dégager Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), après de semaines de mobilisation pour réclamer son départ.
Il faut initier et organiser des manifestations d’envergure dans toutes les localités du Sénégal, pour exiger la démission forcée de Macky SALL qui n’a plus aucune légitimité pour diriger le SENEGAL.
Macky SALL a franchi le RUBICON et a dépassé toutes les limites en matière de violation des libertés individuelles et collectives. Parce que ses actes irrationnels défient le bon sens, son départ est une œuvre de salubrité publique.
Ils bravent l’éphémère pour défier l’éternité. Sont-ils assez téméraires ? Ces candidats qui répondent déjà à l’appel et se dressent du haut de leur superbe malgré l’incertitude d’une bénédiction de l’arène. Dans l’impatience, d’autres se déclareront.
Ils bravent l’éphémère pour défier l’éternité. Sont-ils assez téméraires ? Ces candidats qui répondent déjà à l’appel et se dressent du haut de leur superbe malgré l’incertitude d’une bénédiction de l’arène. Dans l’impatience, d’autres se déclareront. Le long de leurs processions, certains n’hésiteraient pas à dénoncer des verdicts jugés injustes, inéquitables… Ces conseils qu’une mère prodiguait à son fils leur serviraient-ils ? « (…) Soit le champion qui terrasse et étreint ! Mais surtout reviens sans tiraillement. » (A. Raphaël Ndiaye, De la lutte traditionnelle chez les Sérères fondements mythiques, techniques et langages gestuelles, Peuples du Sénégal, Sépia 1996). Aussi faudrait-il leur parler du « pasiraagal (parité sociale) », cette autre règle du code de conduite des Peuls qui « se manifeste par le respect et la considération profonde d’une personne de même condition » (Mamadou Ndiaye, La Pulaaga d’hier à aujourd’hui, livre sus cité).
D’après M. Ndiaye, « c’est au nom du pasiraagal que Geelel accepte de détacher Gumalel (…). Les deux hommes se sont combattus avec acharnement (…). Quand après s’être mutuellement terrassé, Geelel a raison de son adversaire, il lui lie les mains puis le fait marcher devant lui. Gumalel se retournant lui dit alors : - Tu sais bien, pair, seules mes forces m’ont trahi, je ne manque pas de courage ! - Cela est vrai, en effet dit Yéro (Geelel) qui, joignant le geste à la parole, lui délia les mains, appliquant ainsi la règle du pasiraagal… (qui) incline à l’absence d’hostilité ». Seulement, sommes-nous suffisamment instruits de la réalité et de la culture de notre pays ? Des exigences du moment ne commandent-elles pas d’y puiser des matériaux de construction de notre vivre-ensemble dans cette diversité qui nous unit, des fondements d’une démocratie apaisée ? L’économie d’une connaissance sociologique du Sénégal n’explique-t-elle pas une certaine banalité dévastatrice des discours et autres actes politiciens ?
Réordonner l’avenir
Pour le sociologue Michel Maffesoli* (Du nomadisme), il faut « voir loin en arrière pour voir loin en avant. C’est ainsi que, d’une manière détachée, l’on saura faire une véritable archéologie de l’âme collective. C’est-à-dire que l’on saura comprendre ce qui meut, en profondeur, une époque en un moment donné… (…) Comprendre les archaïsmes qui, quoi que l’on en ait, fondent nos manières d’être, de vivre, de dire et de penser. Jusques et y compris dans l’actualité la plus brûlante… (…) En bref, on ne peut réordonner l’avenir qu’à partir du passé, et ce en s’appuyant sur une pensée du présent… ». Ne devons-nous pas sortir d’une certaine indolence ? « Oui, face aux facilités de tous ordres, l’exigeante vision de l’intérieur accompagne son objet. C’est la rumination méditante de Nietzsche qui savait « qu’il faut avoir mauvaise opinion de tout ce qui, à notre époque néfaste, connaît le succès immédiat…* ».
Ainsi parlait aussi Nietzsche : « Les hommes d’action roulent comme roule la pierre, conformément à l’absurdité de la mécanique. » Marc Halévy, dans Citations de Nietzsche expliquées, écrit : « L’homme d’action veut conquérir le monde afin de l’assujettir à ses caprices. Et ce faisant, il est victime de la « mécanique absurde » du monde même - des autres, des faibles, de tous ceux qui attendent tout des élites démagogiques qui les exploitent ; il n’est pas maître de sa soif de pouvoir ou de fortune. Il les subit. » Mais, ces candidats à la Présidentielle 2024 parleraient comme Joom Jeeri recevant le spectre royal : « Je souhaite être droit, devenir comme un rônier, ne craindre aucun regard, accomplir la justice. » Que feraient-ils de ces conseils du devin Baagumawel : « Ne soit ni dure pour les gens, ni méchant, ni coléreux. Marche avec douceur ; n’ordonne pas de tout faucher. Dans tes propos, ne laisse entrer nul mensonge : la fin de tout menteur est d’être corrompu. Le juste aura toujours raison même s’il est faible ».
Nietzsche n’avait-il pas dit : « Ce qui me bouleverse, ce n’est pas que tu m’aies menti, c’est que désormais, je ne pourrai plus te croire. »
Pouvons-nous croire que nous sommes libres si le jeu politicien doit encore être arbitré par l’Occident ? Cette stratégie ou manœuvre appelant des « maîtres blancs », souhaitant qu’ils fassent desserrer des liens de politique intérieure avant qu’ils ne se rompent, n’est-ce pas un étalage de limites politico-morales ? Une capitulation d’hommes et de femmes dont la mission historique est de s’affranchir et d’affranchir le Sénégal de toute tutelle étrangère ? Soixante ans après l’indépendance, si des politiques sont incapables de résoudre dans une perspective heureuse tous les problèmes qui se posent au Sénégal, ne sont-ils pas en faute par rapport à l’avenir ? Attendront-ils encore que des Occidentaux leur disent de passer par pertes et profits des morts de leurs soubresauts et de gérer le Sénégal pour la sauvegarde des intérêts des autres ?
Par Bougane Guèye Dani
M. LE PRESIDENT MACKY SALL VOUS N’AVEZ PAS CE DROIT
La transparence, simple filtre pour honorer votre conscience !» Cette phrase pouvait suffire pour rappeler au Président Macky Sall les règles élémentaires pour mener le bateau Sénégal au port de la transparence, de la bonne gouvernance.
«La transparence, simple filtre pour honorer votre conscience !» Cette phrase pouvait suffire pour rappeler au Président Macky Sall les règles élémentaires pour mener le bateau Sénégal au port de la transparence, de la bonne gouvernance.
Mais aussi et surtout de l’éthique et du respect des engagements, qui au-delà d’être personnels, engagent toute une nation. Monsieur le Président de la République, rappelez-vous vos prises de position lorsque vous cherchiez le pouvoir.
Monsieur le Président de la République, rappelez-vous vos appels, vos cris de détresse lorsque vous pensiez que le Président Abdoulaye Wade allait vous mettre en prison.
Monsieur le Président de la République, rappelez-vous vos sueurs, votre fatigue à combattre l’injustice. Monsieur le Président de la République, rappelez-vous vos moments d’intense combat pour vouloir redonner aux Sénégalais l’espoir d’une démocratie debout !
Monsieur le Président de la République, rappelez-vous du soutien constant du peuple sénégalais dans votre descente en enfer. Monsieur le Président, rappelez-vous de vos propos lorsque vous disiez que vous alliez déloger du Palais le Président Wade. Monsieur le Président, rappelez-vous lorsque vous appeliez les jeunes à mener le combat au nom de la révolution démocratique. Monsieur le Président, l’histoire est récente pour l’oublier.
Tout cela s’est passé entre 2007 et 2011. Malgré le fait d’avoir été le principal bras armé du régime libéral dans plusieurs dossiers, les Sénégalais vous ont pourtant pardonné en vous mettant au plus haut sommet de la pyramide.
Malheureusement, l’ivresse du pouvoir semble vous avoir détourné du pacte constitutionnel. Aucune règle de transparence n’est respectée depuis votre accession à la magistrature suprême. Toutes les règles sont bafouées et l’impunité dans vos rangs est devenue la règle. C’est véritablement le parti avant la patrie !
Comment dans un pays normal, les services de votre beau-frère peuvent-ils emprunter 98 milliards de francs CFA, au nom du Sénégal sans validation du ministère des finances, pire le trésor public n’a jusqu’ici pas vu la couleur de cet argent logé pourtant en toute illégalité dans le compte bancaire d’une société privée à Dakar, et que vous ne réagissiez point ! C’est grave monsieur le Président.
Comment pouvez-vous recevoir la cheffe de l’opposition de votre homologue français en catimini. Marine Le Pen pour la nommer, qui insulte l’Afrique et son histoire, qui travaille à rapatrier les noirs vivant en France, qui voue une haine viscérale à notre race a été honorée par vous.
Pire, l’ancien Premier ministre du Sénégal, ancien président de la Commission de l’Union économique monétaire ouest africaine (UEMOA), Cheikh Hadjibou Soumaré vous interpelle sur un cadeau que cette dame aurait reçu.
Et l’on parle de plus de 8 milliards francs CFA que vous lui aurait gracieusement offerts. Pourquoi ? La renforcer dans son opposition contre Emmanuel Macron ? La renforcer dans son combat contre l’émigration de nos compatriotes en France et des africains en général ?
C’est grave ! Et, monsieur le Président, vous n’avez pas ce droit. Vous n’avez pas le droit de fouler au pied les règles en matière de gouvernance économique. Vous n’avez pas le droit de violer le droit. D’ailleurs, vous vous préparez à le faire avec cette troisième candidature anticonstitutionnelle. Mais, retenez qu’elle ne passera pas. A vrai dire, vous n’en avez pas le droit. Vous n’avez également le droit de manipuler la justice.
Actuellement, des dizaines de jeunes opposants croupissent en prison. D’ailleurs, que leur reproche-t-on, si l’on sait que dans votre camp, quelques-uns de vos lieutenants ne cessent de remettre en cause notre commune volonté de vivre ensemble.
Qui a appelé à tuer un opposant ? Qui a accusé des opposants d’avoir attenté à la vie de deux éléments de nos forces de défense et de sécurité ? Qui a défendu qu’il mobilisera cinq milles jeunes pour ligoter un opposant et le mener au tribunal ? Monsieur le Président vous n’avez pas le droit d’orienter la justice. Vous n’avez ce droit, comme vous n’avez pas le droit d’essayer de museler des journalistes. Ça suffit ! Être Président, ne vous donne pas tous ces droits. Vous n’avez pas le droit !
par Mohamed Gueye
HADJIBOU SOUMARÉ DOIT ÉCLAIRER L'OPINION
Ce pays a-t-il encore une administration fiscale ? Il faudrait demander à Cheikh Hadjibou Soumaré où et par quels artifices le président a pu trouver plus de 7 milliards de francs Cfa à offrir à une personne, fût-elle la première opposante de France
Ce pays a-t-il encore une administration fiscale ? Si on y répond par l’affirmative, on pourrait alors demander à Cheikh Hadjibou Soumaré, qui a blanchi sous le harnais de l’Inspection du Trésor du Sénégal, avant de devenir ministre délégué au Budget du Sénégal, où et par quels artifices le président de la République a pu trouver, en une journée, plus de 7 milliards de francs Cfa à offrir à une personne, fût-elle la première opposante de France.
Cette question n’est pas anodine, quand on sait que ce monsieur, qui fait des déclarations de ce genre, a été le second personnage de l’Etat du Sénégal. On pourrait imaginer qu’il ne prononce pas de paroles à l’emporte-pièce sur des sujets aussi sensibles. Car l’argent dont il parle, en donnant plein d’exemples de ce à quoi il pourrait servir, n’a pas été inscrit dans le Budget. Et Macky Sall ne dispose pas de planche à billets. D’où le sortirait-il donc ? Même le président de la République doit faire valider ses frais à chacun de ses voyages, et M. Soumaré le sait. Un ancien président de la Commission de l’Uemoa, qui se «méfie des ragots et des médisances», devrait-il interpeller le chef de l’Etat de son pays sur la base de ragots et médisances ?
Mais au journal Le Quotidien, aucune sortie de Hadjibou Soumaré ne pourrait nous surprendre, nous qui l’avons déjà pris en flagrant délit de mensonge publique sur sa candidature à l’Uemoa.
Par Madiambal DIAGNE
LES PREMIERS ÉCHECS DE SONKO À ZIGUINCHOR
La grosse pomme de discorde entre l’État du Sénégal et la Mairie de Ziguinchor risque de venir de la question de l’adoption du budget de l’exercice 2023
Lui maire, Ousmane Sonko s’était juré de gérer la ville de Ziguinchor mieux que tout autre de ses devanciers. L’engagement était touchant et le nouveau maire, élu le 23 janvier 2022 avec 56,31% sous la bannière de la Coalition Yewwi askan wi (Yaw), a été installé le 10 février 2022. Un an après sa prise de fonction, force est de constater que le bilan qu’il pourra présenter à ses concitoyens est loin d’être reluisant. Les Ziguinchorois peuvent même se dire quelque peu désabusés.
La première promesse que Ousmane Sonko a trahie est celle d’être un maire résident, qui partage le quotidien de ses administrés. En tout cas, il ne semble pas faire de la ville de Ziguinchor sa priorité, alors que les Pastéfiens voyaient l’exemple de Ziguinchor comme leur laboratoire ou leur modèle de savoir-faire en gestion publique. Le maire avait battu sa campagne autour de ce principe, on ne peut plus logique, d’être sur place et de rester accessible aux populations. Mais les jours de présence de Ousmane Sonko au niveau de sa commune sont à compter, et les autres membres de sa famille, épouses et enfants, trouveraient difficilement le chemin de la résidence du maire de Ziguinchor dans le quartier de Néma. Les absences du maire sont surtout remarquées à l’occasion des grands évènements religieux ou sociaux. Le maire a manqué l’inauguration de la cathédrale Saint-Antoine de Padoue, ainsi que les différentes cérémonies de prières rituelles à la Grande mosquée lors des fêtes de la Tabaski ou de la Korité. Le célèbre humoriste français Guy Bedos, disait la belle formule qu’«être prêt à mourir pour le peuple, ça ne signifie pas qu’on est prêt à vivre avec». Le nouveau maire disait nourrir de grandes ambitions pour sa commune et avait décliné une feuille de route, certes controversée avec notamment son idée mort-née d’instituer une monnaie locale en Casamance. Mais le nouvel élan, qui avait fait naître beaucoup d’espoir, semble retomber, pour ne pas dire se briser. Le calendrier du maire dans sa ville est rythmé par ses activités politiques, pour briguer la présidence de la République ou pour organiser des marches. L’opposition avait fini d’introniser Ziguinchor comme sa nouvelle capitale et tous les grands rendez-vous des leaders s’y tenaient, et la ville abritait leurs marches nationales à l’occasion desquelles des biens publics et privés ont pu être détruits. Tout cela n’a aucune prise sur l’amélioration des conditions de vie des populations. Bien au contraire ! «Le maire n’a encore rien fait» est le maître-mot des habitants de Ziguinchor. Seulement, l’exaspération les gagne et même plus, certaines décisions soulèvent de la colère.
Les concerts de casseroles des étudiants et des commerçants pour huer le maire
Ces deux catégories de la population se sont le plus fait entendre dans une opposition bruyante contre certaines décisions de la nouvelle équipe municipale. Le maire a fait passer du simple au double, les taxes municipales relatives aux activités commerciales, notamment les taxes pour «occupation du domaine public». Le courroux des commerçants est d’autant plus vif que le maire a rompu avec la pratique établie par l’équipe de l’ancien maire Abdoulaye Baldé, d’une programmation calendaire des foires. Désormais, les foires peuvent être organisées à tout moment et en tout temps, pourvu simplement de s’acquitter des taxes instituées. Or, la fréquence des foires concurrence les commerces traditionnels établis dans la ville. Il faut relever que l’un des premiers actes publics posés par le maire, a été d’annuler une foire, le 11 mars 2022, parce que la promotrice Mme Ramatoulaye Sow aurait manqué de préciser dans les documents présentés à la mairie que la foire avait une vocation commerciale, alors que les services du maire lui avaient déjà délivré une autorisation en bonne et due forme et que les taxes exigées étaient acquittées. Mme Ramatoulaye Sow avait brandi ses différents documents devant les médias pour s’offusquer du tâtonnement. Le maire a dû renoncer à son idée d’instaurer une taxe exceptionnelle pour les débits de boissons, car ses proches lui ont fait comprendre que toucher à cette activité dans la ville pourrait susciter un mécontentement.
Des étudiants de Ziguinchor, inscrits notamment dans des universités à Dakar, avaient eux aussi exprimé leur mécontentement par un bruyant concert de casseroles, lequel s’était terminé par des échauffourées qui avaient contraint le maire à aller trouver refuge à la gendarmerie pour se sauver de leur furie. Le maire avait vite accusé ses adversaires politiques d’instrumentaliser les commerçants et les étudiants. Ces derniers protestaient, le 4 janvier 2023, contre la décision de leur maire d’annuler le contrat de location d’un immeuble qui les abritait à Dakar depuis plusieurs années. Le leader de ce mouvement de colère, Mamadou Badji, se verra agressé nuitamment par des hommes en scooter, lui occasionnant de nombreuses blessures.
Les relations entre le maire et les jeunes de la ville commencent à être heurtées. Les jeunes n’avaient pas accepté de participer à des travaux de curage des canaux de la ville et en guise de représailles, le maire refusa de libérer les subventions aux Associations sportives et culturelles (Asc) de la ville, alors que ce soutien au mouvement associatif est régulièrement prévu dans le budget municipal. La traditionnelle compétition de football baptisée Coupe du maire a aussi été supprimée. Le maire, dans une démarche nihiliste, a arrêté les activités du Programme d’appui aux communes et agglomérations (Pacasen), mises en œuvre par l’Etat dans la commune, et qui prévoyaient l’érection d’un complexe sportif, culturel et socio-économique baptisé Zig Center, sur le terrain du foirail des grands ruminants.
Il reste que les activités de curage des canaux n’avaient pas été réalisées l’année dernière et si cette situation perdure, des quartiers comme Belfort, Goumel, Santhiaba, seront exposés à des inondations récurrentes aux prochaines pluies.
Les jeunes dits «jakartamen», qui exploitent l’activité de mototaxis, sont aussi remontés contre les mesures d’augmentation de la patente et de la taxe municipale. Durant la campagne électorale pour les Locales, le candidat Ousmane Sonko leur avait promis la gratuité de leurs activités. Le licenciement d’une cinquantaine de jeunes travailleurs du Fonds d’entretien routier autonome (Fera) est une autre décision du maire qui fâche des populations. D’autres personnels de la mairie ont été licenciés. Ils appartiendraient au camp de Abdoulaye Baldé. Cela fait dire aux détracteurs du maire qu’il «nous avait promis le Burok (travail en langue Joola), mais nous découvrons le Buyok (la fatigue, le désespoir)». Au demeurant, le maire a institué un service civique communal où de nombreux jeunes engagés s’investissent pour la collectivité. Le maire avait baptisé son programme municipal «Burok», pour l’inscrire sous le sceau du travail et des réalisations. Les premiers camions de ramassage d’ordures qu’il avait réceptionnés dans le cadre d’un don fait par la commune catalane Vic (Espagne) à la ville de Ziguinchor, alors dirigée par le maire Baldé, ont été repeints aux couleurs de ce slogan.
Le 12 mai 2022, le maire a suspendu les lotissements des quartiers de Djibock, Kandialang et Kénia, au motif d’irrégularités qui seraient relevées. Des bénéficiaires avaient été convoqués à la mairie pour s’expliquer sur les circonstances dans lesquelles les terrains leur avaient été attribués. Ils attendent toujours le dénouement de cette affaire pour laquelle le maire avait menacé de déposer une plainte. Les populations espèrent voir se concrétiser la promesse électorale de l’électrification de certains quartiers périphériques. Le maire n’arrive pas encore à mettre en œuvre sa promesse de construire dans certains quartiers, des classes préscolaires communautaires et de recruter du personnel. Dans l’optique, dit-il, de rationaliser les dépenses, certains avantages sociaux pour les personnels municipaux, comme le paiement d’heures supplémentaires et les primes des agents de la mairie affectés dans les dispensaires, ne sont plus payés. Ces employés rouspètent. De même, le soutien au personnel pendant la Fête du travail du 1er Mai avait été supprimé en 2022.
Une gestion solitaire et inexperte de la mairie
Ils sont nombreux, les conseillers municipaux qui affirment n’avoir pas de contacts avec le maire, qui travaille en solitaire. Les réunions du Bureau municipal ne sont pas tenues et des adjoints au maire soutiennent que le maire ne les reconnaitrait même pas, faute d’occasions de les rencontrer. Les dotations de carburant allouées aux adjoints sont supprimées alors que le maire, à en croire certains conseillers municipaux, continue lui de percevoir régulièrement son salaire de 900 mille francs. Les adjoints touchent une indemnité mensuelle de 90 mille francs. Le 11 mai 2022, lors de la semaine citoyenne, Ousmane Sonko avait annoncé renoncer à son salaire de maire et à certains autres avantages comme la dotation mensuelle de carburant. L’information semble alors n’être pas bien passée quelque part.
De toute façon, la Cour suprême semble confirmer la situation d’une gestion non inclusive et conforme aux bonnes règles. Par des décisions en date du 7 décembre 2022, la haute juridiction a retoqué de nombreuses délibérations de la mairie de Ziguinchor, au motif d’irrégularités ou d’absence de convocation du Conseil municipal. La Cour n’avait pas besoin d’examiner l’affaire dans le fond. C’est ainsi que les décisions du 17 février 2022, de création d’une mutuelle de crédit, d’une coopérative d’habitat et de procéder au changement de nom de quatre rues, ou encore l’instauration d’un nouvel organigramme dans la mairie, ont été, suite à des recours du Préfet de Ziguinchor, invalidées par les juges administratifs. Le représentant de l’Etat avait demandé en vain une seconde lecture de la part du Conseil municipal, mais le bureau ne l’a pas suivi, l’obligeant ainsi à déférer les décisions pour annulation devant la Cour suprême. Reste à savoir : après ce revers survenu depuis le 7 décembre 2022, Ousmane Sonko se résignera-t-il à ravaler sa fierté et réunir le conseil municipal dans les règles, ou boudera-t-il la mise en œuvre de ses projets ainsi recalés ? La conduite du volet de la coopération décentralisée fait grincer les dents de certains conseillers municipaux. Par exemple, la mairie de Ziguinchor était pendant plusieurs années, membre de l’Association internationale des maires francophones (Aimf) et en était un vice-président, poste perdu désormais car Ousmane Sonko, qui était encore abreuvé aux idées de «France dégage», avait refusé la participation à l’Assemblée générale de renouvellement tenue à Abidjan. Il a en effet décidé de ne plus répondre aux invitations de l’Aimf. Par ailleurs, les autorisations de construire sont en souffrance dans le Cabinet du maire, faute d’avoir des ressources humaines compétentes pour traiter les dossiers. En attendant, les populations voulant construire se retrouvent bloquées.
Risque de blocage du Conseil municipal de Ziguinchor
La collaboration entre le maire de Ziguinchor et les services de l’Etat s’avère difficile, même si le ramassage des ordures ménagères est effectué normalement par une structure sous l’égide du ministère de l’Urbanisme, de l’habitat et de l’hygiène publique. L’Etat du Sénégal, estimant que les mairies des villes ne trouveraient pas les ressources suffisantes pour réaliser cette mission, se substitue aux collectivités locales. Toutefois, le refus absurde du maire de Ziguinchor de continuer de respecter la convention signée par son prédécesseur avec la commune d’Enampor pour se servir d’un site au village de Mamatoro comme décharge finale, ne manquera pas à terme de provoquer des difficultés pour le ramassage des ordures.
Mais la grosse pomme de discorde entre l’État du Sénégal et la Mairie de Ziguinchor risque de venir de la question de l’adoption du budget de l’exercice 2023. Le conseil municipal a voulu porter à 5 milliards de francs Cfa le budget qui était de l’ordre de 2 milliards de francs, soit une hausse de quelque 150%. Le préfet a refusé d’approuver le nouveau budget qu’il ne juge pas sincère. En effet, le maire compte sur des levées de fonds par des opérations de souscriptions populaires volontaires, qui semblent assez aléatoires. L’équipe municipale ne s’inscrit pas dans une logique de revoir sa copie et une fois la date du 31 mars 2023 passée, le Préfet aura la latitude de prendre une décision pour imposer un budget à la Mairie. Il n’est pas sûr que l’une ou l’autre partie acceptera de lâcher du lest, ce qui pourrait conduire à une impasse.