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1 décembre 2024
Opinions
Par Assane Guèye
ON NE PEUT ÊTRE FRAGILE CHEZ SOI ET ÊTRE RESPECTÉ AILLEURS
Le Président tunisien est l’illustration de la médiocrité chronique chez beaucoup de nos dirigeants en mal de charisme et d’intuition. Le discours qu’il a véhiculé sur l’afflux migratoire est agressif.
Le Président tunisien est l’illustration de la médiocrité chronique chez beaucoup de nos dirigeants en mal de charisme et d’intuition. Le discours qu’il a véhiculé sur l’afflux migratoire est agressif. Il tire tout le monde vers le bas, son auteur en premier. De Kaïs Saïed, il n’était attendu une quelconque conscience humaniste. C’est trop lui demander. Tout de même, il subsistait une lueur d’espoir de voir en lui un visionnaire. Être universitaire donne un a priori favorable. Ni vision ni clairvoyance. Il prît rendez-vous avec le populisme qui flatte les plus bas instincts. Son horizon empêche de voir loin et d’intégrer que le pouvoir sur soi qui est plus précieux que le pouvoir sur les autres. Le cœur dicte la pensée.
Porté au pouvoir en 2019, le candidat hors système est vite devenu un tyran local hors sol. Il n’a pas de projet pour son pays. À la place, il fait des projections funestes à l’encontre des allogènes. Arrogance au bec, dépourvu de style, il a pris plaisir à tirer sur la foule d’étrangers ayant trop de concentration de mélanine sur la peau. Il ne se contente plus de concentrer dans ses mains tous les pouvoirs. En matière d’ignorance, il est difficile de faire mieux. La race n’existe pas. Il n’y a qu’une seule espèce humaine. Quand on oublie les bonnes pratiques, la fraternité est reléguée au profit de la frilosité. À la suite de Ben Ali et de sa caverne d’Ali Baba, tout l’argent des Tunisiens avait été dérobé, 320 millions de dollars déposés en Suisse par le clan déchu par la révolution du Jasmin, la nouvelle ère promise et inaugurée par Kaïs Saïed après le passage d’autres énergumènes n’est en réalité qu’une grande farce et une misère faites d’appels aux pogroms à peine voilés. L’hystérie ne date pas d’aujourd’hui. Le père fondateur Habib Bourguiba a été victime d’un coup d’Etat médical en 1987. Les symptômes et le misérabilisme s’entrechoquent et abîment la Tunisie. Les États ont les hommes politiques qu’ils méritent.
Les Tunisiens n’ont pas tous des cœurs de pierre
Les mots et le visage du Président actuel de 65 ans ne dégagent aucune chaleur. Il est un apprenti-dictateur. Il a éclaboussé Tunis, la ville blanche, de ses propos xénophobes. Des manifestants autochtones qu’il faut saluer se sont inscrits en faux contre ses propos en disant que la Tunisie est une terre africaine. Au-delà de la crise politique, économique et sociale, le pays subit sa géographie et la géopolitique d’un monde déséquilibré. L’Eldorado supposé de Lampedusa n’est qu’à une centaine de km de ses côtes.
Alors que la plupart des pays mènent une politique de la porte fermée, les candidats au voyage ont fait de la Méditerranée un point de transit où les passeurs se promènent comme des poissons dans l’eau. Ils étaient 32.000 l’année dernière à avoir franchi l’Italie. La plupart sont du reste des Tunisiens. Kaïs Saïed a parlé au nom de son pays. La parole du Président a partout une valeur juridique. Il le sait car il est un juriste de renom. Mais il n’est pas la Tunisie. Il faut donc bien se garder de tomber dans le piège de l’amalgame. Les Tunisiens n’ont pas tous des cœurs de pierre. Le repli identitaire et l’élévation des frontières se diffusent partout. Les murs et barbelés électriques sont partout de retour. Les Africains sont assignés à résidence. Ils n’ont la paix nulle part. Les jeunes d’Afrique sont jetés en pâture. La terre est leur enfer. Les océans, leur cimetière. Les kleptocraties et le cancer de la corruption dans leur pays respectif leur brisent les omoplates.
Frantz Fanon et Kaïs
Ceux qui tirent sur les Tunisiens et leur Président pour se donner bonne conscience créent eux-mêmes les conditions de l’exode de leur propre jeunesse. Frantz Fanon qui parlait des Damnés de la terre en 1961, dans son tout dernier livre, y aurait ajouté les damnés de la mer du 21ème siècle. Les aventures des jeunes générations africaines alimentent les événements les plus tragiques de l’humanité. On a appris d’ailleurs que aventure et événement sont de la même famille. L’anticolonialisme sans concession de Fanon avait la vigueur de sa prémonition quand il parlait de la perte de la « sensation du sol natal sous la plante des pieds ». La Tunisie perd pied.
L’atmosphère est irrespirable. Les étrangers venus du sud du Sahara se calfeutrent chez eux attendant les ponts aériens. Quelque 1000 Sénégalais résident dans ce qu’on peut considérer comme étant la plus grande prison au monde à l’heure actuelle. Grand pays de par sa culture et son histoire, la Tunisie n’est plus une terre de promesse. Elle est forteresse, une consanguinité. Tout s’explique. Un grand acteur de cinéma l’a dit : « Ceux qui aiment le pouvoir finissent le plus souvent en dictateurs car le pouvoir exige des comportements inhumains afin de le faire perdurer ». C’est peut-être le portrait de Kaïs qu’il était en train de brosser.
par Nioxor Tine
DES PONTS SALVATEURS ET UN MUR D’INCOMPRÉHENSION
C’est bien d’inviter le MFDC à enterrer la hache de guerre ! Encore faudrait-il que les nervis infiltrés au sein des forces de défense et de sécurité s’abstiennent de faire des contrôles au faciès
Quand les heures deviendront rudes...,tel un pont enjambant l'eau trouble, je m'allongerai .../Bridge over troubled water (Simon & Garfunkel)
Contrairement aux apparences, notre pays n’est pas en train d’emprunter la dernière ligne droite devant mener à la présidentielle de février 2024. Il semble plutôt s’acheminer subrepticement vers des zones d’ombres, liées certes, en partie, à l’absence de clarté sur les perspectives politiques à court et moyen terme, mais aussi et surtout en référence au sens originel et géologique du terme qui renvoie au grand séisme sociopolitique, qui nous guette.
De fait, plusieurs entreprises de diversion sont mises en œuvre pour gêner la perception des variations du champ politique et des secousses annonciatrices d’une déflagration en gestation.
Des ponts enjambant l’eau trouble
Il en est ainsi de ces Conseils ministériels décentralisés, grandes messes politiques qui ne sont rien d’autre que des manifestations d’une pré-campagne électorale. On ne peut que se féliciter du fait que le président Macky Sall ait baptisé le pont de Marsassoum du nom de Famara Ibrahima Sagna, de la même façon qu’il avait donné, il y a quelques semaines, le nom du célèbre écrivain Cheikh Hamidou Kane à l’Université virtuelle du Sénégal.
Il s’agit d’actes forts contribuant à honorer des personnalités remarquables de notre pays, qui au sein de la mouvance socialiste d’alors, se sont toujours distingués par leur esprit de tolérance et d’ouverture, qui a pu leur faire jouer des rôles de médiations sociale et politique rappelant la démarche d’un Kéba Mbaye, figure de proue de la démocratie électorale dans notre pays.
À l’instar d’Amadou Moctar Mbow, dont le travail colossal n’a malheureusement pas encore bénéficié de la reconnaissance qu’il mérite, Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily de vieux bolcheviks ayant troqué le couteau (entre les dents) contre le rameau d’olivier, sont devenus des champions de la paix civile.
Avec Alioune Tine et les autres organisations de la société civile, qui tiennent haut le flambeau de la défense de la démocratie et de l’État de droit, toutes ces personnalités ont, à un moment ou à un autre, constitué, eux aussi, des ponts au-dessus des eaux troubles de la gouvernance wadiste.
Les solutions institutionnelles jetées aux orties
Après la survenue de la deuxième alternance de 2012, les ruptures attendues ne se sont pas produites. Pire, il y a eu les reniements retentissants sur l’application des conclusions des Assises nationales et des recommandations de la C.N.R.I ainsi que la mise en scène, avec la complicité de la "magistrature bananière", pour faire capoter la promesse de réduction de deux ans du septennat. Ensuite, toujours avec l’aide de juges véreux, on a assisté à l’éviction de plus d’une vingtaine de concurrents politiques au moyen de mécanismes divers (tripatouillage de la constitution, manipulation de la loi électorale, parrainage, instrumentalisation des procédures judiciaires ...).
Tant et si bien, qu’au lendemain du hold-up électoral de février 2019, source de réchauffement du climat politique, il a encore une fois fallu faire appel à de vénérables sages à savoir feu le général Mamadou Niang (Que Dieu l’agrée dans son paradis) et surtout, l’ancien président du Conseil Économique et sociale qui vient d’être justement honoré par la République.
Tout cela ne doit pas nous faire oublier que le dialogue national, dont il avait la charge s’est terminé en queue de poisson, faute d’appui de la part des pouvoirs publics et parce qu’il est maintenant avéré que le régime apériste ne montre aucune prédisposition pour des approches inclusives et de de dialogue politique.
Depuis lors, le peuple sénégalais a assisté à un durcissement de la gouvernance du président Sall, qui frise l’autocratie avec une judiciarisation outrancière de la vie politique se traduisant par une multiplication d’arrestations arbitraires et l’organisation délibérée de l’inéligibilité des ténors politiques de l’Opposition.
Un mur d’incompréhension
La tension politique qui règne actuellement dans notre pays, résulte précisément de l’érection par le président de la Coalition Benno Bokk Yakaar d’un mur d’incompréhension sur les gestes équivoques, qu’il pose ou ne pose pas.
Il refuse de stopper net les cris d’orfraie de certains de ses partisans, parmi les plus susceptibles d’être compromis dans des scandales politico-judiciaires, appelant à sa candidature pour un troisième mandat malhonnêtement dénommé deuxième quinquennat. Il faut dire que le flou qu’il entretient sur sa possible candidature en 2024 et son refus d’enclencher au niveau de son parti et de sa coalition la dynamique salutaire devant conduire au choix d’un dauphin ne sont pas pour apaiser le climat sociopolitique.
Mais les politiciens de la majorité doivent se convaincre que le contexte politique a radicalement changé. En 2019, le président pouvait compter sur une solide méga-coalition soudée par la perspective de prolonger les délices du pouvoir durant un second mandat de cinq ans et d’un atout de taille, à savoir la mythique prime au sortant.
Actuellement, chacun des opérateurs de la coalition présidentielle a fini de concocter son propre "business plan", tout en essayant de profiter du nectar du pouvoir jusqu’à la dernière goutte.
Certains évoquent à mots couverts leurs ambitions présidentielles remontant à des lustres. D’autres font semblant de se remémorer que dans un passé plus ou moins lointain, ils faisaient partie d’une famille politique dénommée gauche et qu’ils avaient pris une disponibilité de 12 ans pour se positionner, comme le dirait un ami espagnol, à l’extrême centre, au nom des progrès partagés avec leurs amis néo-libéraux.
Certes, le régime de Macky Sall a construit plusieurs ponts et développé le réseau routier, dans la continuité du projet sectoriel des transports (PST2), entré en vigueur en 2000.
Mais loin de mener une politique apaisée qui préserve la Nation contre les périls internes et externes qui la menacent, il adopte plutôt une démarche clivante, qui menace la stabilité et la cohésion nationales.
C’est bien d’inviter le MFDC à enterrer la hache de guerre ! Encore faudrait-il que les nervis infiltrés au sein des forces de défense et de sécurité s’abstiennent de faire des contrôles au faciès, en demandant aux jeunes manifestants de l’opposition leur origine ethnique.
De même, le peuple sénégalais préfèrerait qu’on soutienne et qu’on s’approprie les initiatives et démarches positives de nos aînés, qu’il s’agisse des Assises nationales, du dialogue national, de la bataille culturelle plutôt que d’en faire des parrains faire-valoir de politiques, qui ne sauraient les engager.
La guerre russo-ukrainienne entre dans une phase critique avec les déclarations guerrières de la Russie et le raffermissement du soutien militaire de l’Occident à l’Ukraine, que symbolise l’envoi de chars lourds. Le mot n’est pas encore lâché, mais au vu des développements récents, il est permis de penser que nous nous dirigeons tout droit vers un conflit militaire de dimension mondiale avec l’Europe comme théâtre des opérations, et en soubassement, des enjeux économiques mondiaux.
Nous voyons,sous nos yeux, l’organisation du commerce international centrée sur la devise américaine, la logistique de production et de transport des biens commerciaux, le réseau bancaire mondial de messagerie (Swift) duquel des pays comme la Russie et l’Iran ont été exclus, se fragmenter en plusieurs autres circuits pour la commercialisation des produits énergétiques comme le pétrole et le gaz essentiels à l’industrie occidentale, européenne en particulier.
Les BRICS et d’autres pays comme l’Arabie Saoudite, l’Egypte, l’Algérie, d’autres pays d’Asie du Sud-Est, semblent opter pour d’autres monnaies de paiement comme le rouble et autres devises nationales, ainsi que d’autres logistiques d’approvisionnement et de transport (routes chinoises de la soie).
La déconnexion de la Russie du réseau bancaire SWIFT a accéléré la création d’un réseau de messagerie bancaire parallèle, lequel, relié à la « roublisation » des transactions de pétrole et du gaz russe et l’acceptation d’autres monnaies nationales de pays importateurs, entraîne un dérèglement progressif de l’organisation du commerce international, en place depuis la fin de la guerre froide.
L’embargo sur le pétrole russe, l’exclusion de la Russie du réseau Swift et la mise de d’une batterie de sanctions sont le phénomène déclencheur de cette désorganisation qui exclut du commerce mondial l’essentiel des ressources (énergie, engrais) jusque-là indispensables à l’industrie européenne et à l’agriculture mondiale.
Cette crise localisée entre la Russie et l’Ukraine a fini par créer une fragmentation du système économique mondial, déjà perceptible avec la montée en puissance des BRICS, de la Chine et de l’Inde en particulier, marquant le début d’une nouvelle opposition entre blocs économiques concurrents, s 30 années après la disparition de l’Union soviétique.
A la veille d’un conflit mondial aux camps nettement identifiés, les protagonistes comptent leurs amis. L’Afrique, qui a jusque là affiché une neutralité, est interpellée par les anciennes puissances tutélaires pour un soutien clair à l’Ukraine.
Conscients que la tiédeur du continent africain dans cette affaire résulte de sa marginalisation systémique des flux du commerce mondial, les USA et l’Europe, la France en particulier, sont en pleine révision de leur modèle de coopération qui a fait faillite si l’on se fie aux résultats économiques engrangés et à la révolte de la jeunesse africaine.
Après l’Asie, le tour est venu pour l’Afrique de prendre son envol économique, a-t-on entendu ces dix dernières années en se basant sur des taux de croissance économique des Etats du continent supérieurs aux taux de croissance stagnants des économies occidentales, et sur le ralentissement de la croissance chinoise.
De quelle Afrique s’agit-il d’abord ? L’Afrique est un seul et même pays lorsqu’on l’évoque dans la macroéconomie mondiale. Dans une approche plus micro économique, les partenariats et accords bilatéraux sont signés avec des Etats distinctement identifiés. Or, les pays à l’origine du partage de Berlin et de la balkanisation savent bien qu’unir des Etats que tout sépare n’est pas chose aisée.
Le développement économique du continent ne peut s’adosser à une approche émiettée de sa réalité qui a jusque-là prévalu dans le but d’optimiser la prédation de ses ressources minières
La création d’espaces communautaires en Afrique de l’Ouest, comme la CEDEAO (1975) et l’UEMOA (1994) avec le tarif extérieur commun et les unions douanières n’a pu casser cette inertie économique qui ne fait participer l’économie du continent qu’à hauteur de 2 % pour la production mondiale et 3% pour le trafic commercial.
La raison des ratios insignifiants est connue ! L’énorme plus-value tirée de la transformation industrielle externalisée de nos ressources minières prive l’Afrique de la valorisation adéquate de ses exportations.
Du commerce international, nos pays ne recueillent que lesflux financiers marginaux tirés des ventes de matières brutes dont les cours sont de surcroît déterminés au gré des options de spéculation des traders de Londres et Chicago.
De la nécessité d’une industrie pour créer de la valeur ajoutée à nos produits !
Ousmane SONKO du PASTEF a récemment parlé du manque à gagner pour le Sénégal à exporter nos réserves de fer sises dans la Falémé sans transformation, en signalant que la disponibilité du gaz permettrait de produire de l’acier ou de l’aluminium à des prix compétitifs et encaisser la plus-value.
Bien entendu, cette question présuppose la disponibilité des ressources financières, le know how et le partenariat avec les firmes internationales sur des bases plus équitables que les partenariats public privé (PPP) financièrement mortifères.
La même observation peut être faite sur l’or dont le Sénégal a produit près 16 tonnes en 2021 essentiellement exportées sans transformation vers la Suisse et l’Australie pour une valeur de FCFA 390.7 milliards.
La part à réserver aux artisans nationaux reste à définir, selon les responsables de l’Association des bijoutiers du Sénégal.
Les flux commerciaux réalisés dans le cadre des organisations communautaires sus évoquées existent, certes, mais pour des quantités peu significatives au regard des statistiques officielles (les mouvements du secteur informel restent à être pris en compte pour l’exhaustivité des données)
Pour que l’Afrique constitue un ensemble économique homogène, il est indispensable que la transformation des matières premières se fasse dans le périmètre régional et dans les pays les mieux à même d’assurer la transformation compétitive de ses produits industriels.
Les yeux sont actuellement rivés sur la Zone de libre échange continentale africaine (ZLECAf) qui serait la solution à l’émergence économique du continent.
Cette nouvelle institution serait-elle un nouveau leurre ?
Une zone de libre échange conçue pour réorienter en interne les flux commerciaux du continent ne doit-elle pas être précédée, ou alors accompagnée, d’une industrialisation ?
Des ouvrages d’experts sur les échanges communautaires commencent à sortir. Le statisticien sénégalais Souleymane Diallo, dans son livre « Radioscopie des exportations sénégalaises en vue de la ZLECAF », met en relief la structure du commerce extérieur des pays membres, ainsi que les opportunités et les risques encourus par le Sénégal dans ce nouvel espace dont les règles vont se substituer à celles en vigueur au niveau de la CEDEAO, où « le Sénégal réalise plus de 40% de ses exportations de biens depuis 2007 ».
Dans cet ouvrage, on apprend avec étonnement que les exportations du Sénégal vers la Côte d’Ivoire ne représenteraient que 1 % des importations de ce pays, alors que leurs économies sont les plus fortes de l’UEMOA dont ils partagent la monnaie (FCFA) et le même environnement juridique harmonisé.
Dans la même veine, les exportations du Sénégal vers le Burkina Faso, ne représenteraient que 2% des importations de ce pays. Globalement les échanges entre pays de l’UEMOA ne dépassent pas 15 %.
À titre de comparaison, 60 % des échanges européens s’effectuent sur le continent même, tandis que ce taux s’établit à 40 % pour l’Amérique du Nord.
Cette distorsion de la structure des échanges signifierait que les besoins en biens de consommation et d’équipements des pays partageant ces espaces ne peuvent être satisfaits qu’à l’extérieur de ces derniers.
Dès lors, à quoi cela servirait d’avoir une monnaie commune si les échanges commerciaux sont si peu significatifs ? S’agit-il d’une vacuité d’offre industrielle, d’un taux de change monétaire défavorable aux pays exportateurs, d’un défaut de compétitivité ? Il doit y avoir un peu de tout cela.
Pour conclure, la crise géopolitique en cours a produit une fragmentation géoéconomique ou, comme certains l’appellent, une « démondialisation » avec comme principales manifestations la dédollarisation partielle du commerce des produits énergétiques et céréaliers, le contournement du réseau mondial de messagerie bancaire SWIFT, avec la Chine et la Russie à la manœuvre, et la substitution progressive des logistiques d’approvisionnement de transport et de livraison par les routes chinoises de la soie.
Le déficit de produits alimentaires, dont l’Afrique est importatrice nette, a induit une exigeante priorité, celle de la souveraineté alimentaire.
Dans une précédente contribution, nous évoquions les contraintes de l’agriculture sénégalaise, à savoir la question de la propriété foncière, la qualité des ressources en eau soumises à haute pression par les usagers, la dégradation de sols non régénérés, les coûts élevés des aménagements hydro agricoles et de leur réhabilitation, l’aversion des banques commerciales au risque agricole, et la faible dimension ainsi que la faible compétitivité des exploitations agricoles (1/2 hectare en moyenne), souvent de type familial, peu susceptibles de générer de la rentabilité et des économies d’échelle.
C’est avec une base d’exportation diversifiée, constituée de produits agricoles et industriels transformés qu’une politique monétaire à la hauteur de celles pratiquées par les pays d’Asie sur des monnaies en parfaite communion avec l’économie réelle, prendra tout son sens.
La création d’une zone monétaire couvrant la CEDEAO dans son ensemble serait à notre avis immédiatement improductive, si l’on tire les enseignements du fonctionnement actuel de la zone Euro, en proie à la disparité des structures économiques des pays du Sud comme la Grèce, l’Espagne et l’Italie, par rapport à celles du Nord et de l’Ouest
Aussi, la création de sous zones monétaires à l’échelle de pays compatibles en termes de structures économiques et de sensibilité aux chocs exogènes, devrait être étudiée, l’ensemble étant relié par une structure faîtière en charge de la gestion des réserves de changes essentielles pour le commerce extérieur.
Il faudrait, dans cette perspective, créer ou renforcer les pôles d’intelligence économique au niveau supra national (Agenda 2063), avec comme mission d’étudier en profondeur la question de la complémentarité des économies nationales et proposer des stratégies économiques, monétaires, industrielles et commerciales permettant d’y parvenir.
Enfin, en termes de positionnement géostratégique, le continent devrait privilégier le critère d’efficacité dans le choix des partenaires devant l’accompagner vers le développement industriel
L’industrie est, en effet, le secteur le plus lucratif dans le commerce international lorsqu’il est allié aux technologies de pointe pour la production de biens à haute valeur ajoutée.
Faute de capitaux propres et de know how, les investissements directs étrangers doivent y être encouragés mais sur des bases équitables favorisant le transfert de technologies
Le partenaire naturel de l’Afrique aurait dû être l’Occident au regard des liens souvent douloureux ayant prévalu mais des erreurs stratégiques ont été commises, incitant l’Afrique à multiplier ses partenaires économiques sur la base de ses stricts intérêts.
L’Asie a été préférée par l’Europe à l’Afrique en termes de délocalisation industrielle, alors que la proximité des matières premières stratégiques aurait dû représenter un critère déterminant.
Les gouvernants de l’Afrique n’ont pas cru bon de miser sur le capital humain, le savoir faire technologique, qui ont fait de l’Asie la destination prisée des investissement internationaux
Avec l’accroissement de ses coûts de production intérieurs, la Chine délocalise progressivement son industrie
L’Éthiopie est l’une des destinations privilégiée des investisseurs chinois parce que l’énergie y est moins chère et les salaires moyens faisant à peine 1/10eme des salaires d’un ouvrier chinois. Ces mouvements de délocalisation devraient être organisés à l’échelle des organisations africaines, de façon à bénéficier de plus-values tant financières que technologiques.
passage sous scanner du yérim nouveau, par Latyr Diouf
TONTON CHEIKH YÉRIM, TÉMOIN INTIME OU CONSEILLER OCCULTE ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Dire que Macky Sall est entré au palais par effraction, (p.23), c’est nier ou méconnaitre ses efforts et ceux de ses partisans (2)
Une introduction, vingt-deux chapitres, une conclusion. Telle est la composition du livre de Cheikh Yérim Seck, que j’avais absorbé comme une pizza tiède une semaine de grande déprime. En attendant le tome 2, la cérémonie publique de versement des recettes aux nécessiteux et les séries télévisées annoncées autour de l’œuvre, je vous propose de les déguster sous les titres suivants, en cinq actes :
Cette part regroupe les chapitres 2 L’entrée au palais par effraction, 3 Marième Faye Sall, atout ou boulet ?4 Macky Sall et la pratique du pouvoir et 22 Trois gros travaux que Macky Sall doit mener pour l’avenir du pays. Ayant tacitement pris le train de Macky Sall après son discours de novembre 2008, où il rendait tous ses mandats électifs acquis sous la bannière du PDS, et adhéré formellement à l’Alliance Pour la République en janvier 2009, avant de rejoindre la Convergence des Cadres Républicains en mai 2010, je m’étonne du traitement tendancieux de cet épisode. Dire que Macky Sall est entré au palais par effraction, par miracle (p.23), c’est nier ou méconnaitre ses efforts et ceux de ses partisans. C’est même paradoxal de relever ensuite qu’il a fait trois fois le tour du pays pour implanter son parti (p.31-32) et que la Convention d’investiture de Diamalaye avait rassemblé 100 000 personnes (p.34). Le libellé de ce chapitre 2 contredit ce qu’il narre : le mérite de Macky Sall et celui de ses militants dans la conquête du pouvoir, trois ans et trois mois seulement après la création de l’APR. Je me méfie, en outre, de cette phrase qu’on entend plusieurs fois par jour : C’est Dieu qui donne le pouvoir à qui il veut. Ses implications dans une République sont inquiétantes, quand on sait à quoi elle renvoie historiquement. Elle implique, par exemple, un retour logique à un ordre ancien où la roture ne pouvait être aussi audacieuse. Dans une nation comme la nôtre, on devrait éviter d’en abuser et œuvrer à promouvoir l’idéal d’une souveraineté apaisée émanant du peuple.
Marième Faye Sall, dépeinte en Lady MacBeth tropicale (p.40), népotique (p.47), aurait le chic de muer des « critiques acerbes à souteneurs hardis de Macky Sall » (p.50). Pour corroborer ces lourdes charges, Yérim risquera une généalogie des liens très forts entre le président et sa belle-famille (p.42). Je n’étais pas à Diourbel en l’an de grâce « 1992 » (p.41), quand se formait le couple présidentiel, mais en 2010-2011, quand on s’enorgueillissait, à qui mieux mieux, de notre proximité très sympathique avec le futur président de la République, à grand renfort de photos, de vidéos et d’anecdotes, un ancien du PDS m’avait dit (devant témoins) : « Tu perds ton temps, Macky méprise les intellos ; si tu veux devenir ministre, rapproche-toi plutôt de sa femme et dis-lui que tu es prêt à mourir pour son mari ! ». J’avais mis cela sur le compte de l’adversité politique et de la menace que l’opposant Macky représentait pour ses anciens camarades. J’avais eu, ensuite, quelques occasions furtives de parler avec la Première dame, en marge de leurs séjours parisiens, sans jamais vraiment trouver un moyen de lui faire part de mon intention de me sacrifier pour la défense de son auguste chéri.
Sans vouloir disputer à « Tonton Cheikh Yérim » son privilège de témoin intime de notre aventure politique et de la vie domestique du boss, il est possible qu’il soit resté sur le Macky ministre habile, qui pouvait dire à Wade, sans frémir du menton, que même Napoléon Bonaparte ne lui arrive pas à la cheville (p.28), le Macky fumant une cigarette (p.45), le Macky imitant les Américains, « Misteur présideunt, gayim is oweur, oweur, oweur… » (p.63). Ce Macky, « très taquin dans l’intimité » (p.62), nous l’avions fait danser au rythme du riti sérère, bien avant ses pas de salsa plus modérés au son d’un « combine beuré » remixé de Youssou Ndour. Alors tonton, c’est qui, qui vise le plus loin ?!
Le chef de l’État, reconnaitra toutefois Yérim, est « loin des rois fainéants nègres ; il prend son job au sérieux » (p.53). « Réputé regardant sur l’argent, voire avare » (p.55), ses premières années au pouvoir furent, réellement, sobres et vertueuses. Comme si c’était trop beau pour durer, l’auteur, visiblement pressé d’anticiper sur d’autres chapitres à charge, embraya sur une analogie avec Le Prince de Machiavel. Voici un concentré du tableau : « Cynisme et humour face à la transhumance, force brutale et ruse, « diay dolé » et « ndiouthie ndiaathie », nomination de politiciens incompétents dotés à maxima de bases politiques et à minima d’une langue de vipère, très forte politisation de l’administration (p.59-61) ».
Cette lecture pleine d’amalgames est, à mon avis, imposée dans l’opinion par la violente course à la soupe étatique entre fonctionnaires et militants promus. Les premiers, jaloux de leurs privilèges, méprisent, au mieux, les seconds, souvent de manière indifférenciée. Au pire, démotivés et amers, ils peuvent se livrer à des procédés dilatoires antipatriotiques dans l’exercice de leur fonction, sabordant ainsi leurs missions au service de l’intérêt général et leur obligation de réserve. Le cas d’école Sonko, détaillé dans un autre chapitre du livre, sera relu plus tard. Les seconds, dans leurs habits de nouveaux nommés s’emploient souvent, après une passation sans garantie de la continuité de l’Etat, à tout mettre en œuvre pour durer dans la fonction et en jouir pleinement. Le procédé le plus fréquent consiste à vouloir prouver, par tous les moyens, sa compétence et sa loyauté, tout en veillant à déployer une connivence mondaine hors norme (réseautage, fêtes religieuses, baptêmes, mariages, funérailles, restaurants, sans oublier les vœux de bonheur à tire larigot sur les tous les réseaux réseaux sociaux). Après cette phase d’intégration, place aux échanges plus discrets de bons procédés : comme larrons en foire, fonctionnaires et politiques rivalisent de largesses : recrutements sauvages de proches, marchés, voitures, carburant, argent, voyages en première…, souvent par une mue agile de lignes budgétaires. Ces enjeux de pouvoir, même à des niveaux modestes, expliquent pour beaucoup, l’hystérie qui s’est emparée de notre pays. La veulerie en vogue voudrait qu’on impute tous ces travers à Macky Sall qui, nécessairement loin de cette tambouille épicière, s’efforce de gouverner son pays au mieux de ses métabolismes (je lui emprunte ce terme) pour préserver les équilibres nationaux. Le don d’ubiquité qu’on lui prête est d’abord une vaste escroquerie de certains de ses partisans. Cela peut concerner l’officiel représentant du Sénégal dans une réunion mondiale qui, quels que soient le format et le thème de la rencontre, se débrouillera pour faire dire au président Macky ce qu’il n’a jamais dit. Le plus important sera de placer distinctement cette expression : « conformément à la vision éclairée du président de la République, son Excellence Macky Sall ». Cela descend, ensuite, à tous les niveaux : « Macky m’a dit », « c’est une commande du président », « le président vous félicite », « le président n’est pas content », « je vous le dis, le président sait tout, il va sévir ! », « li président mo len ko diokh ». Tout est fait et dit au nom du président. Pas étonnant que l’opposition radicalisée trouve en lui un bouc émissaire tout désigné.
Sans doute, pour tempérer l’image exagérée de l’ogre malfaisant qu’il a ravie à l’opposition, l’auteur enchainera vite avec un portrait moral plus doux du président : « Vrai froid mais faux méchant, orgueilleux mais pas cruel, homme sensible et humaniste, derrière le niangal (mine sévère) » (p.62)
Après ces séquences drôles et émouvantes aux allures des « Dans la peau de… » de Karl Zéro, Cheikh Yérim Seck, en Conseiller ou Expert, revient avec des recommandations. Il propose trois sentiers essentiels pour l’avenir du pays. Il s’agit de l’exploitation optimale du pétrole et du gaz, de la transformation numérique et digitale et de la répartition équitable des ressources issues des énergies fossiles (p.237). Peu enclin aux incantations, j’ai trouvé cette partie aussi fastidieuse que les rapports institutionnels. Vouloir répondre à l’injonction implicite aux solutions pousse au pragmatisme artificiel. Je disais souvent à nos réunions de « Cadres qui ne cadrent rien » (d’après Farba Ngom en 2010), que les mesures efficaces sont souvent en filigrane dans les constats bien énoncés. Car, oui, il y a encore beaucoup de pseudo-intellectuels qui exigent un chapelet fléché de solutions concrètes. Yérim a pensé à vous. Mais, au risque de ne pas rendre justice à son ingénierie, je ferai abstraction des explications, qui soutiennent les trois gros impératifs.
A propos de l’exploitation optimale du pétrole et du gaz, « il faut une nouvelle articulation de la carte universitaire et de la formation professionnelle et technique avec cette réalité économique (p.238). Il poursuivra : « En vue de doper le taux d’emploi et résorber le chômage de masse, le secteur privé national doit capitaliser sur cette importante manne financière ». A la page 240, pour finir avec le pétrole et le gaz, « l’exploitation du pétrole doit reposer sur un système de péréquation intégrant la prise en compte des générations futures, des groupes vulnérables et la lutte contre la corruption […] notre pays souverain doit veiller à ce qu’aucune multinationale ne puisse se soustraire aux obligations environnementales, ni à la fiscalité locale ou nationale ». Je suis d’accord. Tape-m'en cinq !
Le deuxième gros sentier pour notre avenir, d’après Cheikh Yérim Seck, c’est la transformation numérique et digitale. Pourquoi ? Eh bien, parce que « le numérique et le digital ont profondément bouleversé nos modes de consommation et de production » (p.241). La plus récente référence théorique, parmi celles convoquées pour étayer cette lapalissade, a plus de vingt ans ! Deuxième occasion de toper avec Yérim : « nos données sensibles ne doivent plus être stockés dans des data-center étrangers ». Sur la même page 245, et pour une révélation, ç’en est une, « le supercalculateur, acquis à 15 millions d’euros auprès d’Atos, installé en février 2020 à la Cité du Savoir de Diamniadio, le 3ème en Afrique […] a pris de l’eau de pluie dans le local où il a été abandonné… ». Det waay seugn bi ! Saa, Saa, Saa, criait-on en pays sérère, pour éloigner les mauvais présages.
Pour la dernière recommandation relative à la répartition équitable des ressources issues des énergies fossiles, je me payerai le luxe de l’analyser du bas vers le haut. Cheikh Yérim Seck, dans le dernier paragraphe de cette partie, utilise une comparaison forte pour préparer notre entrée dans l’ère pétrolière et gazière (p.248). En substance, il nous invite à veiller à être plus Qatar que Gabon, et surtout pas Nigéria, où l’arrogance des élites politiques aurait produit Boko Haram. La partie, qui précède cette puissante mise en garde, me plait beaucoup aussi, car elle liste des thèmes qui me sont chers : « relever des défis civilisationnels, s’interroger sur les valeurs et le format de société que nous souhaitons bâtir […] réflexion sur la démocratie politique, économique et sociale, sur les nouveaux paradigmes de gouvernance des politiques publiques, sur le poids de l’argent dans nos sociétés, sur la lutte contre la corruption et les trafics en tout genre… ». Le reste du chapitre, enfin, traite d’équité territoriale, d’inclusion sociale, de prise en charge des groupes vulnérables, des domaines sur lesquels il serait prétentieux de donner des leçons à Macky Sall.
EXCLUSIF SENEPLUS - Ils ont été à Canossa, se sont repus des bamboulas des nouveaux maîtres. Aujourd’hui, toute honte bue, au lieu d’une repentance pour leur trahison, ils tentent désespérément de ressusciter la vieille idée d’une gauche plurielle
« C’est dans le cadre du projet de Wade de maintenir les libéraux au pouvoir pendant 50 ans pour dépasser le temps que les concurrents socialistes ont passé au pouvoir, que Wade lui-même a planifié le programme comme suit : 2007-2012 à lui ; 2012-2022 à moi ; et au-delà les jeunes pousses de l’époque...», dixit Idrissa Seck (Walf 27 février 2023).
Mon Dieu ! Le Pape (du Sopi) se prenait pour Dieu et ses ouailles pour ses prophètes. Et nous autres, le peuple, des hordes de mécréants qu’on mène au paradis libéral que serait son royaume. Cette idée réactionnaire d’un Pape-dieu, guide d’un peuple d’ignares, pauvres gueux sans conscience politique ni sociale. Cette conception de prise et de conservation du pouvoir est au coeur des délires de l'héritier élu, Macky Sall, du rêve successoral du père Wade de faire de son fils (à marche forcée) son successeur désigné et béni des dieux. Dieu. Lui.
Mais voilà, il arrive que les dieux eux-mêmes perdent leurs sciences et leurs boussoles de direction. C’est Idrissa Seck qui le dit : « les perturbations qu’il a amenées ont dérangé ce programme ». Les perturbations en question, c’est le forcing pour le fameux troisième mandat et la déculottée électorale devant une des « jeunes pousses » programmée pourtant pour l’après 2012-2022 qui « revenait » au confident bavard, qui ne sait pas garder les secrets des princes.
Tout porte à croire que le scénario successoral divin du Pape 1er Wade est toujours d’actualité pour les héritiers, même si il a subi une réécriture : la «jeune pousse » Macky a sauté une classe en déposant le père et en mettant en résidence surveillée les héritiers putatifs programmés : Karim et Idy. Le premier manœuvre pour revenir dans le jeu politique via une hypothétique révision de son procès qu’il réclame urbi et orbi pour se soustraire du paiement de sa condamnation pécuniaire (145 milliards) ; Idy, grand manœuvrier devant l’éternel, a semble-t-il dealé avec le président Macky Sall pour candidater à sa place s’il retrouve la raison et accepte qu’il ne puisse pas faire un troisième mandat. Seulement, le grand manœuvrier découvre à son corps défendant que la jeune pousse a grandi trop vite et a appris les ficelles qui font les monarques : le reniement.
Reniement des engagements programmatiques, reniements de la parole donnée, reniements des deals noués avec des éclopés politiques en quête de rédemption. Mais voilà, même les dieux, surtout autoproclamés, peuvent voir leurs desseins contrariés par des mécréants surgis des enfers. Des humbles mortels qui s’en foutent des rêves des programmations successorales de faux papes. Les hordes sans culottes (chômeurs, laveurs de voitures, vendeurs à la sauvette et autres goor goor lou) de nos banlieues oubliées ; les étudiants futurs chômeurs certifiés, nos cadres encastrés dans des amphis-dépotoirs, « nos bonnes » que nos épouses piétinent parce que soupçonnant des infidélités avec leurs époux lubriques, et nos gardiens de nuit payés au lance-pierre. Toute cette faune interlope, pourtant force vive de nos sociétés oublieuses, croient avoir trouvé en un inspecteur d’impôts, un justicier, un Messie pour les mener vers la vie dont ils rêvent.
Mais la royauté qui n’aime pas les hérétiques ne connaît qu’une solution contre ces empêcheurs de régner en paix : la décapitation. Au propre si les autres supplices ne suffisent pas. Et c’est dans ce contexte que surgit une surprenante initiative qui ambitionne de « construire une nouvelle gauche plurielle, unie, démocratique, laïque et panafricaniste, ouverte et inclusive, autour des conclusions des Assises nationales... ».
Pourquoi une telle démarche ? Maintenant qu’ils ne pèsent pas (plus) grand-chose pour influer sur la marche du pays, il faut additionner leur « faible poids » d’une gauche défroquée par plus de dix ans de renoncement, de reniement, de fagocitage dans les différents attelages de différents régimes libéraux qui les ont fait imploser, les réduisant à leur « plus simple expression ». La droite, qu’elle soit libérale ou réactionnaire, n’a jamais comme objectif que de « tuer » les partis de gauche en les les divisant, en absorbant certaines factions, ou plus soft, en les intégrant dans leurs gouvernements, réseaux, pour qu’ils soient comptables devant leurs bases traditionnelles et plus généralement l’opinion publique, des politiques menées. C’est ce qui est arrivé à notre ex-gauche, aujourd’hui pute usée et délaissée par des macs impitoyables à la recherche d’autres chairs plus fraîches, donc plus rentables.
On a presque envie de pleurer (pas question de rire) quand on voit la liste des signataires iniateurs de ce projet de gauche plurielle. Cela va de ce qui reste de la gauche historique, avant-gardiste, combative que furent AJ, PIT, LD et les « socialistes historiques » issus du flanc du PS de Senghor, dont AFP, UDF Mbollo Mi, URD...
Aucune de ces formations politiques n’a échappé aux sirènes des délices des différents régimes libéraux de Wade et de Macky. Ils ont été à Canossa, se sont repus des bamboulas des nouveaux maîtres. Et aujourd’hui, toute honte bue, en lieu et place d’une repentance pour leur trahison, ils tentent désespérément de ressusciter la vieille idée d’une gauche plurielle et démocratique, attractive et alternative aux nouvelles variantes politiques du capitalisme : le libéralisme « social », voire populaire, sur les décombres des « gauches » sénégalaises, victimes de leurs rivalités infantiles et enfantines.
Le débat aujourd’hui est de savoir quel mouvement politique, quel parti, peut représenter les valeurs de gauche. Comment se situer par rapport à ces nouvelles donnes politiques. Moins de garder les œillères et le sectarisme du passé qui ont conduit à la débâcle actuelle de l’ancienne gauche, tout projet politique de construction d’une gauche de combat, d’une gauche avec les valeurs d’hier et qui sont toujours actuelles (la démocratie, la lutte contre la pauvreté et les inégalités, la corruption économique, financière et politique, ne peut ignorer le nouveau phénomène qu’est le Pastef...Aujourd’hui, la seule alternative crédible aux libéraux en place, au pillage des ressources, à l’inféodation de la justice, bref au projet de troisième mandat porteur de violences. C’est cette formation politique, avec ses forces, ses faiblesses.
Et curieusement, les initiateurs de ce projet de « gauche plurielle » ne disent mot sur le troisième mandat, encore moins que leur allié et bienfaiteur n’en a pas le droit. Alors, qui espèrent-ils bluffer ? Pour qui roulent-ils ?
PAR Palmira Telésforo Cruz
LA MALÉDICTION DU CONSEIL DE L’ENTENTE
Thomas vit dans chaque jeune du continent qui lève le poing pour se rebeller contre l’ordre de soumission et du silence, et qui ose conquérir son avenir au prix de sa vie
Au revoir, adieu, étoile de mes nuits
- dit un soldat, au pied d’une fenêtre
Je m’en vais, mais ne pleure pas mon ange,
Demain, je reviendrai demain.
L’au revoir d’un soldat. Domaine public.
Les tensions au sein de sa propre élite ont mis fin à Idriss, le maréchal des idiots. Le serpent s’est mordu la queue et est mort empoisonné par lui-même. Le vieil usurpateur est parti sans fermer la porte, sans dire au revoir, et sa petite vermine s’apprête à prendre sa place avec une dague dans une main et une mitrailleuse dans l’autre. Il est temps de parler, d’agiter l’eau, de faire couler les ruisseaux, d’écouter le vent glisser entre les épis du millet.
Le roi des idiots, ousmane, a pactisé avec blaise, lui a demandé la vie de Thomas en échange d’un sort qui lui confère des pouvoirs obscurs et imbattables. C’est ça, le prétexte. En réalité, les deux prévoient de livrer le pays à la France et à ses guérilleros et terroristes proxy, pour continuer à se remplir le gros ventre ; l’un avec des impôts réels et l’autre avec des aides au développement. Du travail, rien du tout. Ils sont frustrés et leur ambition réclame de l’espace. Ils ont peur de perdre du pouvoir, de l’influence et de l’argent, d’être forcés de travailler pour manger.
Aujourd’hui, nous avons décidé de nous habiller dignement et de prendre la rue, la place, la destination. Car ici, il semble que rien ne bouge, ni la poussière qui couvre les rues, ni les flaques visqueuses, ni les fissures dans les murs, ni la chaleur qui fend les peaux. Le temps devient fou enfermé dans sa redondance et nous emprisonne avec lui pour se venger de sa tiédeur insignifiante.
Il ne s’agit pas de demander beaucoup ou peu. Nous voulons vivre plus et mieux, exiger tout ce que nous n’avons pas eu en trente ans mais qui a été promis depuis les indépendances, chaque année, chaque mois, chaque jour une promesse. Rien n’arrive, rien ne change, ni les écoles, ni les emplois, ni l’eau potable, ni un hôpital, ni l’électricité. Les promesses, celles qui se transforment, s’investissent de modernité, restent éthérées mais deviennent trending topic.
Pendant ce temps, les seuls qui ont une voiture, de l’essence, de l’électricité, la santé, de l’argent, des bijoux, de la délicieuse nourriture, ce sont les militaires de l’élite du défunt qui se perpétuent en son fils lequel découpe et livre le pays aux enchères.
Pendant ce temps, les seuls qui ont la voiture, de l’essence, de l’électricité, la santé, de l’argent, des bijoux, des repas délicieux, ce sont le dictateur dans son luxueux exil et les membres de la royauté traditionnelle qui se perpétue dans les superstitions et l’ignorance.
Nous refusons les 30 années semblables aux autres.
C’est pour ça qu’on doit sortir.
Crier ce qu’il faut crier.
Nous ne voulons rien qui ne soit pas à nous ou qui ne soit pas possible : cesser d’être l’arrière-cour du G7. Et que les émergents ne cherchent pas à se succéder dans la spoliation. Et nos mains soient libres pour construire l’avenir par nous-mêmes.
Alors nous sommes sortis en groupe. Avec les mains et la voix haute. Deux à deux, dix à dix, cent à cent, mille en mille, hommes et femmes, garçons et filles, jeunes et vieux, fatigués de regarder, prêts à œuvrer pour un avenir plus dégagé et plus juste, avec un projet en mémoire, croyant qu’un autre monde est possible. Nous nous regardions les uns les autres pour nous rendre compte que nous sommes sans chemise, sans chaussures, aussi tristes que tristes que peuvent l’être ceux qui n’ont plus rien à perdre, sauf la vie.
Il y a une certaine douceur dans le délire. La lumière du soleil déverse une chaleur suave sur le corps. Dehors, il y a des voix, des cris, des pleurs doux, des gens qui expliquent qu’ils ne doivent pas bouger. Une torpeur douce et gélatineuse envahit le corps qui répand son sang chaud sur la terre et qui s’écoule lentement, mouille les plis de la peau et suit son chemin en un fil mince, interminable qui confond la langue, assombrit la lumière, empêche l'écoute, ternit les pensées... Certains ont couru et sont revenus en arrière quand ils ont réalisé que nous ne les suivions pas. Certains ont hurlé de douleur. D’autres sont plongés dans un silence atroce. Tous ont la peur implantée là où ils avaient récemment déposé l’espoir.
Un doigt indique la cible principale, puis glisse pour indiquer le reste. Un corps tombe avec le bruit amorphe de corps fracassant quand ils tombent. Puis un autre, et encore en comptant douze, treize corps détruits. Celui qui les regarde tomber a été payé pour porter sur ses épaules la passion de celui qui les hait, les craint et en a reçu l’ordre. Ici et partout la terre accueille les morts, les berce, les materne, les abrite, devient un vase d’argile pour les hommes intègres. Mais il existe une terre maudite par la trahison qui ramènera les morts qui portent les balles dans le dos. Ils reviendront pour affronter du regard les lâches.
Ce soir et tous les soirs, mahamat. Ce jour et chaque jour, je reviendrai te chercher. Pour te regarder dans les yeux et te demander si tu veux boire mon sang. Depuis la fosse ouverte dans les sables basaltiques du désert. Du fond de la rivière. De la tombe obscure de la prison.
Un drapeau couvre le corps maigre. L’enfant qui n’est pas minuscule, cependant, semble tout petit, couvert de ce chiffon dans lequel commencent à se former des caillots jaunes, rouges, bleutés, selon la couleur qui les saisit. Les gens l’entourent et un photographe prend une foule de pieds qui l’entourent, pieds nus, mains ensanglantées tenant des douilles et des bandages sur des corps sans vie.
Un drapeau couvre la petite urne de l’homme énorme qui devient juste un emballage fait à contrecœur pour le jeter dans un misérable trou, signe de la hâte qu’ont un roi grandiloquent, un vieux dictateur exilé et un empire décadent, pour enterrer la petite boîte en bois débordante de cette liberté qui les met en colère parce qu’elle s’enroule avec force dans leurs corps obèses, regrettables et corrompus. Les indignes ont peur de l’au-delà. Les tueurs pensent pouvoir enterrer leurs crimes.
Chaque nuit, le petit tyran continue de dévorer des adolescents, leur mord les viscères et mâche leurs os pour conjurer leurs. Et ne parvient qu’à se rétrécir toujours un peu plus, en agitant sa cloche, pervers au point de se transformer en tueur à gages.
Pour laver le sang de ses vêtements royaux, ousmane a construit une statue, et créera un parc, construira une tour, un mausolée, une salle de cinéma et une bibliothèque multimédia ; pour éviter d’être dépouillé des pièces d’or qu’il garde dans son caleçon, blaise restera caché sous son lit ; chirac et mitterrand continueront à pourrir comme ils le faisaient de leur vivant.
Les meurtriers de la liberté rencontreront les yeux de leurs victimes chaque aube et chaque nuit parce que le destin continue sa marche sur un sentier ouvert. Thomas vit dans chaque jeune du continent qui lève le poing pour se rebeller contre l’ordre de soumission et du silence, et qui ose conquérir son avenir au prix de sa vie. Aujourd’hui, maintenant, le monde, l’histoire, n’attendent pas : les hommes, les femmes, eux savent qu’ils doivent dompter la peur "jusqu’à ce que la dignité devienne coutume".
C’est vrai, on ne tue pas les idées ; les idées ne meurent pas. (TS)
Ne pleure pas mon ange, je reviendrai demain...
(NB : Les noms des personnes commencent volontairement en minuscule)
Par Moussa TAYE
LA THESE DU SECOND QUINQUENNAT, UNE SI FAUSSE TROUVAILLE
Certains partisans du pouvoir commencent à défendre la possibilité juridique d’un second quinquennat pour le président Sall. S’il s’agit de pauvres quidam vulgus, on peut comprendre et tolérer leur ignorance
Certains partisans du pouvoir commencent à défendre la possibilité juridique d’un second quinquennat pour le président Sall. S’il s’agit de pauvres quidam vulgus, on peut comprendre et tolérer leur ignorance. Par contre, s’il s’agit de ceux supposés connaitre la matière, cela s’appelle hypocrisie, opportunisme ou malhonnêteté. Malheureusement, des spécialistes troquent leurs toges contre le manteau d’hommes et de femmes politiques véreux. Dans la foire du droit, ils vendent et achètent des idées aussi saugrenues que contraires sous l’autel des intérêts immédiats. Le président Sall a épuisé ses cartouches. La loi est très claire.
Je me réfère seulement aux thèses des experts Ismaela Madior Fall, Ngouda Mboup, Mounirou Sy. Ils ont expliqué clairement que Macky Sall en est à son dernier mandat en distinguant formellement « la durée » et « le nombre » de mandats. Ismaela Madior Fall : « Je me rends compte que les gens ne lisent pas les textes. Si les gens continuent à dire qu’il est possible que le président fasse un troisième mandat, je me dis qu’on n’a pas lu les textes, notamment l’article 27 qui dit très clairement que « nul ne peut avoir plus de deux mandats consécutifs ».
La constitution ne laisse à aucune interprétation : nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs » Ngouda Mboup : « L’article 27 est clair. Il ne parle pas de principe, ni d’exception. Il stipule : ‘’Nul ne peut exercer plus deux mandats consécutifs » Mounirou Sy : « Dans le projet de décret, il ne s’agissait pas de se demander si c’est le mandat de 5 ou 7 ans qui est renouvelable. Ce qui était admis, c’est que le mandat présidentiel est renouvelable une fois. Le Président Macky Sall n’a pas jugé nécessaire de soumettre cette question au Conseil Constitutionnel parce qu’elle est devenue une évidence depuis 2008. Ce qui est intangible, c’est l’interdiction de plus de deux mandats consécutifs. »
Le problème est donc réglé. C’est une affaire de droit. Certains Sénégalais estiment aussi que des considérations morales, éthiques et même philosophiques empêchent le président Sall de déposer sa candidature en évoquant la sacralité de la parole. Ils ont raison. La parole est quelquefois plus valeureuse même que la loi et surtout lorsqu’elle émane justement du gardien des lois (le gardien de la Constitution, la Loi fondamentale). Les paroles d’un chef d’Etat ne sont pas celles d’un simple citoyen. Elles ne sont point banales. On accorde beaucoup de crédit aux propos d’un chef d’Etat. Toutes les religions révélées et les traditions insistent sur l’importance de la parole. L’Islam nous impose d’avoir une parole de vérité. Dans la sourate Al Baqara, il est clairement mentionné au verset 8 :« Parmi les gens, il y a ceux qui disent : "Nous croyons en Allah et au Jour dernier ! " tandis qu'en fait, ils n'y croient pas. ».
Le verset 10 donne la sanction : « Il y a dans leurs cœurs une maladie (de doute et d'hypocrisie), et Allah laisse croître leur maladie. Ils auront un châtiment douloureux, pour avoir menti. » La charte du Mandé en son article 19 consacre le respect de la parole prononcée sans contraintes.
Dans notre tradition marquée par l’oralité, on n’avait pas besoin d’écrire. Seule la parole donnée comptait. La parole est l’acte fondateur de la confiance. Elle construit ou détruit. Même dans la mafia italienne, il est admis que « entre gens d’honneur, parole vaut contrat » tandis que chez les turcs, « qui n’est pas homme de parole, n’est pas homme. ».
C’est justement par respect à sa parole que Lat Dior tomba sur le champ de l’honneur. Et justement, notre cher président affirmait clairement : « Tout au long de mon mandat qui s’achève, je me suis efforcé de traduire en actes l’essentiel des promesses contenues dans le Yoonu Yokutté et déclinées par la suite dans le Plan Sénégal émergent. Et cela, je l’ai fait en mon âme et conscience. Et me voici de nouveau devant vous en vue de solliciter votre confiance pour un second et dernier mandat. » in Le Sénégal au cœur, p. 165. Ce sont là ses paroles, les paroles du chef…
Les actes posés depuis un certain temps et les manœuvres en cours laissent penser que Macky Sall prépare une troisième candidature. Sous ce rapport précis, les sorties sporadiques de quelques zélés confirment les velléités de représentation de l’actuel locataire du palais. Sa tournée qui devrait être une tournée d’adieu est en réalité une pré-campagne déguisée.
Le président Sall doit partir en 2024. Faut-il le convaincre à partir ou le contraindre à partir ? Ses partisans devraient plutôt le convaincre à partir tranquillement pour éviter au pays une instabilité politique et sociale. En définitive, la question (troisième candidature) qui fâche est devenue une question qui lasse. Mais, quelle que soient les manœuvres, les nauséeuses combines et la répression, le peuple souverain fera face. Vox populi, vox dei… La thèse du second quinquennat est une hérésie. Cette si fausse trouvaille doit être oubliée. Et vite. »
par Elgas
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FRANÇAFRIQUE, IL FAUT SORTIR DU RESSENTIMENT
Alors que la France fait aujourd'hui l'objet d'un violent rejet sur le continent, il est important de comprendre comment la surenchère identitaire a avalisé une nécrose des idées au profit des forces les plus régressives et populistes
C'est l'histoire d'une douloureuse captivité. Les intellectuels, artistes et écrivains africains francophones ont tous à un stade de leur carrière été accusés d'être à la solde de la France. Dociles. Aliénés. Qu'il s'agisse de Léopold Sédar Senghor, académicien, poète et premier président du Sénégal postindépendance, Yambo Ouologuem, Prix Renaudot 1968, ou encore Mohamed Mbougar Sarr, Prix Goncourt 2021, tous ont dû subir ce procès en disqualification.
Parce que reconnus, primés, lus en France. Ils sont des exemples parmi tant d'autres d'une querelle ancienne et fratricide, d'un long malaise intellectuel et identitaire. Tout avait pourtant bien commencé. La rupture tant prônée avec la France est au départ porteuse d'espoir, énergie libératrice qui a lancé la dynamique des indépendances. Dans les années 1970, il y a là un élan postcolonial théorisé entre autres par Edward Saïd penseur palestino-américain, qui critique le dévoiement des Lumières françaises dans l'entreprise coloniale, sans jamais renier l'opportunité que la philosophie des Lumières représente, et ce qu'elles fondent de droits humains universels. Toutefois, interprétée hâtivement, surtout en France, la pensée décoloniale est dans une logique de rupture. Le courant de pensée originel est au fil du temps dévoyé au profit d'une logique qui s'acharne plus à traquer les ennemis qu'à rechercher des alternatives.
Cette dérive a condamné tout un continent à se renfermer dans une traque des « aliénés » qui ne pouvait déboucher que sur un ressentiment chronique contre la France. La logique des tenants de cette décolonisation nouvelle mouture est celle d'une impuissance qui mue en vanité, plaquant le schéma du bouc émissaire pour dissimuler sa faillite intellectuelle. Alors que la France fait aujourd'hui l'objet d'un violent rejet sur le continent, il est important de comprendre comment la surenchère identitaire a avalisé une nécrose des idées au profit des forces les plus régressives et populistes. Vrai du Burkina comme du Mali, ce front antifrançais cache pourtant des liens plus insondables et inavouables avec l'ex-colonisateur : la France demeure au cœur de tout, et bien souvent, elle finance le récit contre elle-même. Pointons ainsi la nature profonde de la blessure : l'état de captivité des penseurs décoloniaux dans des situations inconfortables. Et pour cause, une majorité des intellectuels africains francophones est elle-même captive du mentorat, voire du mécénat de son ex-tuteur colonial.
UNE VIE AU SERVICE DE L’ETAT ET DE LA PAIX SOCIALE !
« Big Fam » - Famara Ibrahima Sagna a fait ses études primaires à Ziguinchor où il est né en 1938 avant de les poursuivre à Dakar et à Paris pour le secondaire et le supérieur.
Famara Ibrahima Sagna a fait ses études primaires à Ziguinchor où il est né en 1938 avant de les poursuivre à Dakar et à Paris pour le secondaire et le supérieur. Dans la capitale française, il a suivi les cours de l’Institut des hautes études d’Outre-mer (ancienne Ecole nationale de la France d’Outre-mer)section « Administration générale » et a fait partie de la promotion « Charles de Gaulle » sortie en 1961.
Rentré au Sénégal l’année suivante, il a occupé aussitôt des fonctions d’autorité dans l’administration sénégalaise plus précisément sous les auspices de feu Me Valdiodio Ndiaye. Après différentes fonctions d’autorité, il est retourné, à sa demande, suivre une formation postuniversitaire en France et aux Etats-Unis d’Amérique. Après une spécialisation comme analyste au Centre d’études financières, économiques et bancaires de Paris (CEFEB), il a migré vers l’Institut du Fonds monétaire international à Washington DC. Il a suivi une formation de deux ans au sein de cette institution de Bretton Woods sise sur les rives du Potomac.
Rappelé au Sénégal par le président Senghor — dont on dit qu’il n’en était pas revenu lorsque l’administrateur civil Famara Ibrahima Sagna était venu lui demander un jour une bourse pour aller étudier encore ! —, il a atterri au ministère des Finances et des Affaires économiques alors dirigé par Babacar Ba. Après y avoir abattu un travail de titan, et notamment modernisé les procédures et mis en place plusieurs services, l’enfant de Ziguinchor est nommé Président directeur général de la Société nationale de Garanties et d’Assistance (SONAGA) puis directeur général de la Banque nationale de Développement du Sénégal (BNDS). Une banque liquidée dix ans après son départ et à la tête de laquelle, entretemps, deux autres directeurs généraux étaient passés. Enfin, Famara Ibrahima Sagna a été patron de l’Administration Autonome de la Zone Franche industrielle de Dakar (ZFID).
Une riche carrière ministérielle !
Après quoi, n’ayant plus rien à prouver en matière de gestion, il est entré au Gouvernement où il a occupé successivement les fonctions de ministre du Développement rural, puis de ministre du Développement industriel et de l’Artisanat. Par la suite, en tant que ministre de l’Intérieur, plutôt que d’user de la matraque et des grenades lacrymogènes, il s’est mué en médiateur discret pour favoriser un dialogue entre le président Abdou Diouf et son principal opposant qui l’empêchait de dormir : Me Abdoulaye Wade. Des discussions couronnées de succès puisqu’elles ont abouti à la formation d’un gouvernement de majorité présidentielle élargie dans lequel siégeaient des ministres du Parti démocratique sénégalais avec à leur tête le secrétaire général national Me Abdoulaye Wade comme ministre d’Etat sans portefeuille. Famara Ibrahima Sagna a aussi détenu les portefeuilles de ministre de l’Economie, des Finances et du Plan puis de ministre de l’Economie, des Finances, du Plan et de l’Intégration africaine.
Cet homme au caractère trempé provenant sans doute de ses origines royales fut l’un des principaux artisans de la chute de l’alors tout-puissant et redoutable Jean-Baptiste Collin, qui fut maître de tous les services de sécurité et de renseignements du pays. Mais aussi le véritable patron du Parti socialiste. Famara Ibrahima Sagna fut l’un des rares à lui tenir tête et à refuser de lui faire allégeance. De la même manière, ses relations étaient orageuses avec le Premier ministre Habib Thiam qui était pourtant l’ami personnel du président Abdou Diouf. Nommé président du Conseil économique et social, « Big Fam » a mis à contribution ses propres réseaux pour obtenir le financement nécessaire à la reconstruction, élargissement et modernisation de l’ancien bâtiment qui abritait cette institution. C’est aussi lui qui avait décroché de quoi l’équiper.
Enfin, comme ministre de l’Intérieur, c’est lui qui avait ouvert des négociations avec les quatre mousquetaires de la presse que nous étions alors, en 1990, c’est-à-dire feus Babacar Touré et Sidy Lamine Niasse mais aussi Laye Bamba Diallo et moi. Ce alors que nous menacions d’organiser une marche à la place de l’Indépendance avec nos employés et nos familles pour attirer l’attention sur les difficultés de nos entreprises. A la suite des négociations organisées par Famara Ibrahima Sagna dans les locaux mêmes du ministère de l’Intérieur où il avait convié plusieurs directeurs généraux de sociétés nationales concernés par nos revendications, nous avions décroché plusieurs acquis. Cerise sur le gâteau : il avait convaincu le président Abdou Diouf de nous payer exceptionnellement l’aide à la presse — un mécanisme figurant dans la loi de 1979 mais jamais mis en œuvre jusqu’alors — sur ses fonds politiques. Ce qui fut fait. L’année d’après, cette aide était intégrée dans le budget du ministère de la Communication.
par l'éditorialiste de seneplus, tidiane sow
ÊTRE DU BON COTÉ DE L’HISTOIRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le monde a changé mais l’Occident semble ne pas s’en apercevoir. Ils pensent toujours exercer un contrôle sur nous autres. Ils veulent recueillir de force notre coopération au nom de ce qu’ils croient bons pour l’humanité
Les Occidentaux croient toujours que leur pensée doit dominer le monde. Leur manichéisme atavique se manifeste encore une fois dans le conflit russo-ukrainien : « Si vous ne supportez pas ceux que nous supportons, vous êtes forcément contre nous ». C’est ainsi que tous ceux qui n’auront pas voté la résolution onusienne condamnant l’invasion russe de l’Ukraine, tous ceux qui ne qualifieraient pas d‘agression l’occupation russe, seraient des ennemis de l’Occident toute puissante.
Pourtant il y a quelques années de cela, Mandela avait fait la leçon à un journaliste américain prétentieux, qui l’avait apostrophé et lui reprochait des amitiés coupables avec le truculent leader libyen Mammouar Kadhafi. Mandela lui avait répondu sur un ton cinglant, qu’il avait le libre-choix de ses amitiés et que les ennemis des Etats-Unis n’étaient pas forcément les ennemis de l’Afrique du Sud. Il lui rappela en substance que la Libye était une amie de longue date et qu’elle avait soutenu l’ANC pendant la dure épreuve de l’apartheid. Ce qui n’était pas le cas des USA. Cela avait douché l’atmosphère !
C’est cette même histoire qui se répète : pour l’Occident, la Russie doit être l’ennemie de tous à partir du moment elle est déclarée ennemie de l’Occident. Pourtant le monde a changé mais l’Occident semble ne pas s’en apercevoir. Il se réfugie et se complait dans son déni. En son sein déjà, beaucoup de transformations ont eu lieu : les USA ont décidé de se recroqueviller sur eux-mêmes depuis la présidence d’Obama ; les Anglais de Theresa May et de Boris Johnson sont sortis bruyamment de la communauté européenne ; et la sacro sainte alliance entre la France et l’Allemagne bat de l’aile depuis que Merkel a raccroché. Ailleurs aussi, le monde a changé : l’Inde a ravi à son ancien colonisateur, le Royaume Uni, la 5e place du classement mondial des puissances économiques.
Les crises nombreuses ont favorisé le repli dans des régimes autoritaires, Lula est revenu au pouvoir au Brésil et les pays d’Amérique du sud et d’Afrique ne se sentent pas concernés par cette « guerre européenne » et ont décidé de ne pas choisir un camp.
Malgré ces changements, pour l’Occident, un colonisé restera toujours un colonisé, figé dans son statut éternel. Ils pensent toujours exercer un contrôle sur nous autres. Ils ne comprennent pas que nous refusions de choisir un camp, le leur. Ils ne comprennent pas que nous n’empruntions pas le chemin qu’ils nous indiquent. Ils ne comprennent pas que l’Afrique du Sud fasse des manoeuvres militaires au large de ses côtes avec la Russie quand eux, allègrement, peuvent les faire en leur sein sans explications d’aucune sorte. Ils ne comprennent pas que le ministre des Affaires étrangères russe Serguei Lavrov, soit bien accueilli en Inde et en Afrique, des pays qu’ils ont colonisés. Ils ne comprennent pas que des États africains ne fassent pas de la Russie un monstre. Ne menacent-ils pas de sanctionner désormais toutes les personnes qui feraient la propagande de la Russie ? Comme dirait un ministre indien : « l’Europe pense que ses problèmes doivent concerner le monde et que ceux du monde ne la concernent pas ». Ils veulent recueillir de force notre compassion et notre coopération au nom de ce qu’ils croient bons pour l’humanité. Oui, ils pensent être « du bon coté de l’histoire ». Ils veulent nous entrainer par force, dans cette rhétorique politique d’« être du bon coté de l’histoire » si chère aux démocrates américains. Ce qu’ils ne disent pas, c’est que ce sont eux qui déterminent le bon coté de l’histoire. Les droits de l’homme n’ont apparemment pas la même valeur au Tchad et en Ukraine, comme ils n’ont pas la même valeur en Palestine et en Ukraine. Pour l’un, on condamnera fermement l’invasion, et on voudra que toutes les voix du monde se joignent à vous et pour l’autre on détournera la tête, et on fermera les yeux.
La récente visite de Biden à Kiev, pour marquer le choix fort des Occidentaux dans cette guerre russo-ukrainienne, en cette date d’anniversaire de l’invasion russe, a démontré l’impuissance européenne sur son propre sol. Les Etats-Unis restent la locomotive dans l’effort de soutien militaire à l’Ukraine et la lutte contre la Russie. Du haut de sa tribune à Varsovie en Pologne, Biden a annoncé plus de crédits de guerre pour l’Ukraine. N’eut été le cuisant échec et la débandade en Afghanistan, il aurait du mal à résister à l’idée d’envoyer des troupes dans le Donbass. Les anciens pays du rideau de fer, pourtant affranchis par l’union européenne, se refugient en masse sous l’aile protectrice de l’OTAN. La défense européenne tant voulue par la France n’a jamais pu se faire. L’Europe est devenue une seconde zone. La guerre se passe chez elle et elle n’a pas les moyens d’être un acteur majeur dans son déroulement. Les véhicules de combat Bradley américains sont ceux qu’attendent l’Ukraine pour lancer sa contre-offensive.
Pendant que l’Europe perd de son pouvoir et donc de son influence, la Chine, l’Inde et dans une moindre mesure la Turquie gagnent du terrain. Elles ont de plus en plus leur mot à dire. L’Afrique, quant à elle se sait courtisée et donc elle fait la belle. Elle multiplie déjà ses sources d’approvisionnement et de coopération. La Chine, l’Inde et la Turquie sont devenues ses principaux partenaires économiques. Par ailleurs, sur le plan militaire elle se rebiffe. Le Mali et le Burkina ont emboité le pas à la République centrafricaine et ont demandé à la France de se désengager de leurs territoires. Nul doute que cette tendance à ne plus être la chasse gardée de l’Occident s’accélèrera de plus en plus. Le temps de ceux qui vivent dans l’opulence des dépouilles de leurs victimes est compté. Macron pourra toujours convoquer le roi perse Xerxès et bombarder la Russie coupable d’avoir dessillé nos yeux sur l’impuissance du maitre. L’Histoire se poursuivra inéluctablement.
C. Tidiane Sow est coach en Communication politique.