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29 novembre 2024
Opinions
PAR Marèma Touré Thiam
HOMMAGE-ANNIVERSAIRE À IBA DER THIAM
EXCLUSIF SENEPLUS - Iba Der Thiam n’a pas simplement conceptualisé et chanté les vertus cardinales de notre société ; elles fondaient son éthique et informaient sa conduite. Il en a été l’incarnation vivante (1/2)
L’inauguration, le 10 février 2023, de l’Université Iba Der Thiam de Thiès (UIDT), a été également, une célébration légèrement anticipée de l’anniversaire du parrain. Né le 26 février 1937 et décédé le 31 octobre 2020, le Professeur Iba Der Thiam aurait, effectivement, eu 86 ans en ce mois de février 2023. Je pleure encore le conjoint qui m’a traitée comme une épouse choyée. Je pleure l’époux qui m’a protégée comme un père l’aurait fait pour sa propre fille. Je pleure le compagnon qui m’a respecté comme un pair intellectuel. Je pleure le camarade respectueux qui n’a jamais douté de ma capacité de mener mes propres réflexions et de décider de mes propres choix !
Aussi, au moment où mes larmes s’estompent doucement pour laisser la place à la méditation, l’impératif de rédiger le discours du parrain, pour la cérémonie d’inauguration de l’UIDT, m’a imposé l’agréable devoir de rendre cet ultime hommage à l’homme exceptionnel dont j’ai eu la chance de partager la vie pendant vingt-quatre années.
En visite chez nous, le 4 novembre 2020, pour présenter ses condoléances, lors de la disparition, de notre regretté patriarche, le président Macky Sall s’était, en effet, saisi de l’occasion pour annoncer à un auditoire, déjà ému par sa considération, sa grande décision de donner à l’université publique de Thiès, le nom du Professeur Iba Der Thiam. Heureuse coïncidence ! Tout liait la capitale combative du rail, à l’ultime syndicaliste, qu’il venait, encore une fois, de glorifier !
Lors de sa dernière apparition publique avec le Professeur, le 2 août 2018, au cours de la cérémonie la remise des distinctions aux lauréats du Concours général, l’attitude filiale et le témoignage sincère du président Sall avaient marqué l’assistance. En sa qualité de grand maître de l'ordre national du Lion, il avait également élevé le Professeur au rang de grand officier, reconnaissant ainsi, la vertu et le dévouement du Grand Serviteur du Sénégal, dans les hautes fonctions qu’il a occupées.
Au nom de notre famille, je voudrais sincèrement remercier le président Macky Sall pour son assistance aux soins et tous ses gestes courtois et discrets dont le très obligeant Général Pr Mouhamadou Mbengue, son médecin personnel, pourrait témoigner. Son accompagnement et celui de son gouvernement à la réécriture de l'Histoire Générale du Sénégal : des origines à nos jours (HGS), qui était si cher au Professeur, ont également contribué à faire de ce projet une réalité désormais patente.
S’il est de notoriété que l’homme, que nous célébrons depuis sa disparition, a marqué des générations entières à travers son action publique connue et reconnue, je témoigne publiquement, que le Professeur Iba Der Thiam, a été avant tout, un père de famille exemplaire et un mari modèle. Il n’est pas facile d’aborder la trajectoire plurielle et l’œuvre multidimensionnelle de ce grand africain qui avait fait don de sa vie à sa communauté, à la nation sénégalaise, au monde noir et à la Ummah islamique.
Comme le dit si bien, le proverbe chinois « La lumière du soleil cache ses taches et ses éclipses montrent sa grandeur » ! Il faut nettement le dire, le militant Iba Der a été au cœur de toutes les nobles luttes de sa génération mais aussi de toutes les controverses syndicales et politiques qui les ont ponctuées. L’historien patriote a même été mêlé à un débat épistémologique passionné mais riche des leçons tirées de cette critique constructive, qui marqua son projet titanesque de réécriture de l’HGS. C’est le sens de l’exercice presque périlleux, qu’en témoin intime de la dernière partie de son existence, je voudrais m’essayer, pour éclairer de ma propre lanterne l’itinéraire complexe de ce grand serviteur du Sénégal.
Toutefois, dans ce premier jet de l’hommage global que je rends à sa mémoire, je voudrais m’en tenir à l’identité et aux valeurs de l’homme et revenir sur la pertinence du système de parrainage des établissements scolaires dont le ministre Iba Der Thiam a été le précurseur, en attendant de partager les parties relatives à ses trajectoires professionnelle, syndicale et politique.
De l’identité et des valeurs de l’homme
Aux étudiantes et étudiants de l’UIDT, je voudrais simplement confier que l’histoire de la vie de leur parrain est riche de leçons à retenir pour toute la jeunesse africaine. Cette existence est d’autant plus riche, au demeurant, que l’intéressé l’a totalement vouée à lutter pour la dignité de la personne humaine, la souveraineté de notre Continent et la fierté retrouvée du peuple africain.
L’identité intrinsèque de l’homme comme le combat permanent de l’intellectuel pour l’indépendance nationale, les libertés syndicales, l’unité africaine et l’édification d’une société juste, équitable et solidaire étaient fondés sur les valeurs cardinales de notre société. L’histoire était sa passion ; l’éducation et la culture, ses outils de transmission des vertus cardinales de notre peuple.
Pour comprendre la personnalité d’Iba Der Thiam et son attachement viscéral aux cultures africaines, il faut questionner l’environnement, qui a forgé l’identité de l’homme. Ressortissant du Baol, du Saloum et du Ndoucoumane, cet homme de la savane sahélienne portait dans sa stature et dans son âme les marques indélébiles de l’espace de son enfance qui a façonné son caractère singulier. Comme un chevalier arpentant les plaines sablonneuses du Sénégal, il laissait partout sa marque. Attaché aux promenades désertiques et aux vastes champs de son terroir, Iba Der avait un horizon infini.
Fier, altier, la tête toujours haute et le regard franc, même ceux qui n’ont pas été dans son intimité pouvaient deviner la rigueur morale qu’il imposait à sa personne aguerrie. Avec sa légendaire éloquence, son propos véridique, Iba Der Thiam a vulgarisé, à travers son attitudes les valeurs de Fit (la bravoure), de Kolleré (foi et fidélité en amitié), d’audace et de loyauté, si chères à notre société.
Dans un contexte où chaque peuple a besoin de références, de modèles, de symboles et de valeurs, pour éviter d’être phagocyté par le courant mondialiste sous ses facettes multiples, il offrit à notre jeunesse des points d’ancrage et des repères dont le seul exemple que je prendrais, ici, est la vidéo, devenue virale au lendemain de son décès, dans laquelle il définit le Ngor et le Jom.
Comme le miroir de son exposé sur le Jom, il portait en bandoulière les valeurs de fierté ; de refus du déshonneur ; de résistance dans l’oppression ; de courage dans l’adversité ; de stoïcisme dans la souffrance. Et au-delà de tout cela, il était caractérisé par sa volonté de relever tous ses défis ; la révolte légitime contre toute tentative d’humiliation par l’argent, la force, la puissance ; le refus de tout compromis ou de toute compromission ; le rejet de l’opportunisme, de la bassesse, du profit facile, des avantages non mérités ; et surtout la volonté d’être et de demeurer conforme à l’idéal que toute une société se fait de la seule vie qui mérite d’être vécue.
le Ngor dont il dit que : C’est une tension morale, une forme de sublimation de la dignité. C’est la résignation dans le dénuement. C’est le renoncement volontaire à tout ce à quoi on n’a pas droit. C’est le rejet de tout ce qui est petit, vil, mesquin, indigne ou dégradant. C’est une morale du devoir et une philosophie de la rigueur inflexible, permanente et souveraine qui n’accepte aucune concession avec sa conscience, avec ses faiblesses, avec ses passions, peut également être posé comme l’autoportrait de l’auteur de sa définition.
Le lectorat aura ainsi compris qu’Iba Der Thiam, n’a pas simplement conceptualisé et chanté les vertus cardinales de notre société ; elles fondaient son éthique et informaient sa conduite. Il en a été l’incarnation vivante !
Le combat ontologique du parrain de l’Université Iba Der Thiam de Thiès a d’abord été un combat pour la construction d’un leadership personnel ; un combat pour exister, être et demeurer dans l’excellence. Combat de fidélité et de reconnaissance envers tous ceux qui ont épaulé Adjaratou Ndiaye Sy, sa valeureuse mère, qui inculqua à son fils, l’art d’être un homme debout dans toutes les postures.
Cette dame dont la mythique élégance, lui auraient été léguée par son ascendante, la linguère du Ndoucoumane Codou Bigué Ndaw, a fait de son fils orphelin, un adulte sensible et humaniste. Un homme qui savait mobiliser sa force physique, son intelligence et son pouvoir, pour protéger les femmes placées sous son autorité, et accompagner les luttes nationales et continentales pour l’équité de genre. Mon défunt époux était un He for She, un modèle prémonitoire des concepts positifs qui émergent, aujourd’hui, du langage onusien !
Combat contre la fatalité d’une situation familiale qui l’a très vite privé de la figure paternelle, avec le décès prématuré de son père Abdou Kader Thiam, un symbole de loyauté. Son label de dignité, il le tient également, de son ancêtre paternel, Mbakhar Thiam, dont il hérita, sa légendaire bravoure.
Je voudrais associer à cet hommage, une autre femme qui a été centrale dans la trajectoire d’Iba Der, sa suprême épouse, Thérèse Jamilie Kattar, la mère de ses enfants Awa et Kader Thiam. J’ai, maintes fois, entendu Iba témoigner avec passion de la générosité et du dévouement de cette épouse modèle. Institutrice comme lui, Thérèse vécut son arrestation avec dignité. Elle accompagna son époux au détriment de sa propre carrière.
Avec une affection sincère, j’aimais lui dire que c’était elle la distinguée historienne, l’agrégée de l’ombre, qui avait généreusement, légué ses titres et ses grades à son leader syndical et époux chéri, pour qu’il jouisse de leurs diplômes et galons en son nom propre. Aujourd’hui, Jamilie et son homme reposent, côte à côte à Yoff pour l’éternité. Pour l’un comme pour l’autre mon admiration demeure ! A ces esprits exceptionnels, j’exprime, encore une fois, mon profond respect. Puisse le Seigneur les accueillir à Firdawsi, au plus haut de son paradis céleste. Paix à leurs âmes !
Son fils d’adoption Ibrahima Faye qui a été « son ombre » durant 28 ans, témoigne de la fidélité de l’homme. Ils ont été ensemble jusque dans la Mosquée de Liberté 4, où Serigne Mor Diop, son guide spirituel, s’acquitta magistralement du mandat qu’il lui avait confié, de diriger son rituel mortuaire. Leur séparation définitive n’adviendra qu’au cimetière de Yoff, où il le rendit à son Seigneur.
Panafricaniste convaincu, la renaissance africaine était son crédo ! Il avait pris acte du fait que, de nos jours, les dominants n’ont plus besoin, d’occuper ou de soumettre physiquement, un territoire, un peuple ou même un segment de la société. Il suffit, simplement, de l’influencer, économiquement, culturellement, mentalement, politiquement, aux plans linguistique et diplomatique, pour totalement l’assujettir, le coloniser ou même l’asservir. Nanti de sa claire conscience des enjeux contemporains, Der a combattu, tout le long de sa vie, les manifestations méta-souveraines du puissant mouvement d’uniformisation des peuples et sa visée de tailler toutes les sociétés sur le même patron. En toute lucidité, il résista à toutes les formes de domination, à toutes les forces internes et externes qui s’employaient à soumettre les catégories minorées de la société, comme les femmes et même les jeunes, à la loi du plus fort. Avec sagacité, il fit face aux courants standardiste, impérial, raciste et/ou sexiste qui font abstraction des spécificités culturelles et nient l’égalité de tous les humains quels que soient leurs pays, leurs sexes, leurs races ou leurs classes sociales.
Le parrain, la rectrice et la ville d’accueil de l’UIDT : des analogies notoires !
En nommant, la première femme rectrice de notre pays, le président Macky Sall a posé un acte civilisationnel[1], comme la nomination de Mame Madior Boye, première femme à avoir arborer, les atours de Premier ministre dans notre pays. En effet, en projetant une dame, le 4 mars 2001, à la tête du gouvernement, c’est l'ensemble des caractéristiques relatives à la gouvernance, foncièrement masculine, de l’État sénégalais moderne, que le président Abdoulaye Wade avait ainsi secoué. Pour l’université sénégalaise, également, l’installation de la Pre Ramatoulaye Diagne Mbengue, en décembre 2017, au rectorat de l’Université de Thiès, plus qu’un acte symbolique, venait clôturer un paradigme structurant. Une nouvelle ère, d’expérimentation de la mixité au sommet était ainsi ouverte pour ce temple du savoir.
Cette première est devenue un précédent historique avec la consécration, de la pionnière en Chimie des solutions et du Traitement des eaux, Pre Codou Mar Diop, comme Rectrice de l’Université Amadou Mahtar Mbow (UAM) jusqu’à son admission, en janvier 2020, à faire valoir ses droits à une pension de retraite. La nomination, en juillet 2020, comme Rectrice de l’Université du Sine Saloum El-Hadj Ibrahima Niass (USSEIN) de ma valeureuse petite sœur, Pre Coumba Toure Kane, spécialisée en Bactériologie-Virologie, résonna comme une consolidation d’une tendance que l’on pourrait considérée comme un germe d’émergence d’une « culture de la mixité » dans la gestion l’université sénégalaise.
Toutefois, à l’heure où nous saluons, la nouvelle règle imposée de haute lutte, qui exige que les recteurs et rectrices soient désormais élu-e-s par leurs pairs universitaires, il importe d’attirer l’attention de tous les « démocrates » que ce nouveau paradigme ne doit pas se traduire par le statu quo sur l’impératif de conserver l’équité de genre comme un cap pour l’élargissement fécond de la démocratie. Le « peuple des sachants » doit rester conscient que l’inclusion de toutes les sensibilités et perspectives est salutaire pour l’université. La dictature stricte du nombre ne joue, hélas, pas au profit des femmes dans cet univers qui, disons-le, reste encore fondamentalement acquise à l’idéologie patriarcale qui informe la société globale.
Pour revenir à l’UIDT, je me réjouis de constater que c’est la très affable et brillante, Pre Ramatoulaye Diagne Mbengue, une petite sœur de longue date, qui y assume, avec compétence et humanisme, les fonctions de Rectrice de l’UIDT. Il importe, également, de souligner que la saga du parrain se confond avec celle de la capitale rebelle qui accueille cette belle université. A l’instar du leader syndical, Iba Der Thiam, Thiès a été actrice des combats héroïques pour l’indépendance politique et les revendications syndicales dans notre pays. Le parrain et la ville d’accueil d’IUDT ont marqué de leurs empreintes, l’histoire des travailleurs du Sénégal, de l’Afrique et du monde ouvrier en général. C’est Iba Der lui-même qui, dans son mémoire de maitrise, relata « La grève des cheminots du Sénégal de septembre 1938» (Université-Dakar, 1972), et mît en exergue la singularité de la cité du rail, dans son interprétation de « La tuerie de Thiès » avec ses 7 morts et 125 blessés.
Je ne saurais survoler, ici, toutes les qualités qui font d’Iba Der Thiam une excellente référence pour notre pays. Autant de repères restent à surligner, mais on peut déjà retenir que sa philosophie existentielle, son style de vie, sa voix forte et écoutée ont toujours trouvé sens dans la camaraderie solidaire et la pugnacité qui ont marqué la trajectoire trépidante de ses 83 années d’action féconde au service du Sénégal, de l’Afrique et des causes justes dans le monde entier. Un tel bilan honore le prestigieux parrain de l’UIDT. Combien de personnes peuvent se glorifier d’un itinéraire si florissant et d’une contribution si significative à la cause des militants de l’égalité, de la justice et l’équité dans tous les domaines ?
Comme le parrain de l’UIDT, sa Rectrice a, à son palmarès une belle carrière qui l’a menée, de son statut initial de professeur de Lycée au sommet de la hiérarchie universitaire en tant que Professeure titulaire des Universités et aujourd’hui Rectrice. La personnalité de cette philosophe, dont la renommée suscite, au-delà du Sénégal, de ses collègues et des cercles féminins, une grande fierté, me revoie à l’ultime foi d’Iba Der dans la centralité et le leadership de la femme en Afrique où les patrimoines culturels sont, dans leur majorité des matrimoines.
C’est de la même manière, que l’historien du peuple faisait vibrer les salles du monde entier, chaque fois qu’il fallait dire l’histoire ou chanter la gloire des Africain-e-s, qu’il faisait résonner, sa voix puissante au débit saccadé, pour conter les batailles ardues menées par les femmes du Sénégal et du continent, pour payer leur part du Prix du combat pour l’égalité. Fort de sa fabuleuse mémoire, sa remarquable précision, sa faculté de donner une nette intelligibilité aux faits évoqués, pour que ses récits ne souffrent d’aucune équivoque, le Grand Professeur, retraçait les itinéraires héroïques de ces grandes figures féminines, qui inculquèrent à la société entière les vertus et principes inaliénables de nos communautés.
Comme le tribun hors pair, dont les collègues certifient que c’est avec autant d’aisance qu’il abordait l’épopée religieuse et l’épopée garmi, pour mettre un accent sur sa maitrise exceptionnelle des registres pluriels de l’histoire du Sénégal, de l’Afrique, et des Diasporas africaines, et l’éclectisme des répertoires qu’il pouvait réunir dans une même conversation, la Pre Ramatoulaye Diagne Mbengue qui est, à fois, Spécialiste de logique mathématique, d'épistémologie et de philosophie islamique se singularise également par l’éclectisme de son vaste champ de connaissances.
De mon point de vue, ce qui lie fondamentalement le parrain et la Rectrice de l’UIDT, c’est surtout leur commun attachement aux valeurs référentielles de notre société ; ces vertus cardinales qu’ils arborent tous les deux avec fierté et humilité, et dont aucun titre ou grade, n’a su aliéner les racines si solides. « L’humilité mon choix, l’excellence ma voie », la devise de l’UIDT, est si bien incarnée par son Parrain mais également par sa Rectrice, sa Ville d’accueil et de ses étudiant-e-s. Bon sang ne saurait mentir !
Iba Der Thiam et le système de parrainage des établissements scolaires, un lien intrinsèque !
Le palmarès d’éducateur du Professeur Iba Der a été couronné par sa nomination, en 1983, en tant que ministre de l’Éducation Nntionale, par le président Abdou Diouf. Il cumulera cette fonction avec celle de ministre de l’Enseignement supérieur de 1985 à 1988. Malgré sa posture de ministre, Iba Der demeura un enseignant engagé. Au sommet des lauriers et de la reconnaissance, en fervent militant de l’école publique, dont il était le produit et le serviteur par excellence, il mobilisa tout son génie et toute son énergie pour redorer le blason de ce système éducatif, dont ses seules qualités intrinsèques lui auront permis d’y avoir occupé toutes les fonctions. Son magistère de ministre a incontestablement contribué à l’instauration d’un nouveau paradigme de gestion démocratique du personnel, de recentrage des programmes et surtout de réconciliation de l’école avec son milieu.
A travers, le programme historique et très populaire de parrainage des foyers scolaires, qui joua un rôle à la fois symbolique et pédagogique, le ministre Iba Der, célébra les plus vertueux des fils et filles des terroirs d’accueil de ces établissements à qui il donnait leurs noms. Il permit aux populations de s’approprier l’institution scolaire et de contribuer à la production de l’histoire locale à travers les recherches biographiques sur les parrains. Aujourd’hui encore les familles de ces illustres personnalités sont restées en symbiose avec leurs écoles filleules.
C’est dans cette historicité que s’inscrit le geste grandiose des parrainages actuels ! En gravant sur les frontons de nos universités, les noms de personnalités de tous les terroirs du Sénégal, le président Macky Sall a bel bien raison d’élargir cette tradition républicaine forgée par Iba Der Thiam. Comme le souligne l’éminent philosophe Mamoussé Diagne, le savoir interroge l’identité du maître et de l’apprenant, mais avant tout celle du lieu de sa transmission. La carte scolaire, transformée en livre d’histoire et en récapitulatif de la culture, a enseigné à tous, la fonction essentielle de l’acte de baptême : élever au rang du symbole et de la culture, en l’arrachant à l’anonymat.
Nous avons assisté, le 10 février 2023, à l’inauguration, de l’université à laquelle le président a donné le nom d’Iba Der Thiam. Il y a quelques semaines, j’ai eu l’honneur d’accompagner la famille du patriarche Amadou Maktar Mbow au baptême de l’UAM à Diamniodio. En donnant à l’Université du Sine Saloum le nom de Vénéré El-Hadj Ibrahima Niass, le président Sall honore tous les intellectuels non europhones d’Afrique. Ils rejoignent ainsi d’autres fils du pays, qui ont porté au plus haut le flambeau du mérite national depuis leur illustre précurseur est Cheikh Anta Diop dont Iba Der n’évoquait jamais, le nom, sans dire « notre maître à tous ».
Quant à l’IUDT, je voudrais répéter que choix que le président Macky Sall a porté sur le parrain est d’une pertinence avérée. S'il fallait chercher un modèle de tous les temps à notre jeunesse, nous dit le Pr Mamadou Fall, l’exemple du Professeur Iba Der Thiam résonnerait des milles vertus d'une bonne référence. Il a donné à toutes ses charges et responsabilités un contenu plein qui frisait la perfection. Dans le rôle du père comme dans celui de l’instituteur, il portait avec fierté les palmes de l'excellence.
Ses élèves admiraient son courage, ses étudiants admiraient sa science, ses collègues de l’Université et de l'Assemblée nationale admiraient la courtoise éloquence d'un vrai tribun du peuple. Il a porté la toge du professeur comme une équipée du faiseur d’hommes qu’il a su rester jusqu'au bout de sa vie. On n’oubliera jamais comment il a porté le nom du Sénégal dans les cénacles du monde entre, l’UNESCO et tout le système des nations-unies, l'ISESCO ou l'Union africaine. La cause du Sénégal et de l'Afrique savait reconnaître sa voix de sincérité et de lucidité.
Sur les autres registres de sa riche existence, le grand Professeur a, également, donné au Sénégal des modèles qu’il incarna jusqu’à la fin de sa vie, sur l’engagement politique des intellectuels et la vertu dans l’espace public. Dans la terminologie de Gramsci, Iba Der Thiam serait la figure symbiotique de l’intellectuel traditionnel doublé de l’Intellectuel organique.
Député du peuple, il a donné à la vertu en politique son sens pratique par l’exemple. Il a également assuré une intelligibilité universelle aux concepts qui fondent la morale du devoir et la philosophie de l’action. Il a théorisé et s’est posé en modèle d’une philosophie de la rigueur inflexible, permanente et souveraine qui n’accepte aucune concession avec sa conscience, avec ses faiblesses, avec ses passions. La persévérance devant les obstacles et la résilience dans les moments difficiles ont fait de lui le parfait allié dans toutes les bonnes causes du Sénégal et de l’Afrique.
Sa loyauté en amitié et en compagnonnage en faisait toujours une cible distinguée qu'aucune intimidation ne pouvait ébranler. A ses élèves et étudiants, il a donné le modèle du travailleur infatigable, avec un don de soi sans réserves et sans conditions. Aux enseignants, il a donné l’horizon d’une école nouvelle rivée sur les vertus cardinales de notre peuple et ouverte aux vents fécondants d’une modernité maîtrisée. Au peuple du Sénégal et ses élites, il a servi jusqu’à son dernier souffle. Au Sénégal, il a balisé l’avenir sur le socle dur de son unité historique.
Le nom d’Iba Der Thiam rime, également, avec son appartenance sublimée à l’Islam et la Ummah. Tous ceux qui l’ont fréquenté ont été témoin de la ferveur exceptionnelle du musulman qui plaçait ses obligations religieuses au-dessus de tout. Ses relations avec toutes les confréries du Sénégal étaient excellentes. Tous les foyers islamiques du pays se sont rendus à notre domicile à l’annonce de son décès.
Dans toutes ses postures, la seule boussole d’Iba Der Thiam était le Sénégal. L’Afrique était sa patrie et la Ummah sa Communauté. Son engagement militant reposa sur la même sincérité et le même style engagé. C’est avec la même générosité qu’il défendait ses causes. C’est avec la même verve, qu’il parlait de ses camarades comme de ses adversaires. Désintéressé, qu’il était de toutes formes de prébendes, de richesses matérielles et même de prestige, son intégrité était reconnue de tous. Iba Der Thiam était un combattant à la foi inébranlable. En politique comme en religion, ce sont ses seules convictions, qui guidaient toutes ses décisions.
Aucune des vertus léguées par ses ancêtres, ne s’est estompée, entre les mains du grand serviteur du Sénégal. Pour paraphraser ce que Lamine Guèye, qu’il aimait tant citer, disait du Sénégal, le preux Iba Der Thiam, « n’était lui-même que dans la grandeur » !
Combien sont ceux qui, après avoir occupé toutes les fonctions qu’il a eues à exercer, n’ont laissé comme unique héritage matériel à leur famille biologique qu’une seule demeure dont l’acquisition remonte, au moment où il occupait sa position d’instituteur ?
Merci encore au président Maky Sall de l’avoir tant honoré. Je voudrais aussi étendre la reconnaissance de notre famille à ses prédécesseurs, les présidents Abdoulaye Wade et Abdou Diouf pour leur compagnonnage avec l’illustre défunt. Et également au président Léopold Sédar Senghor, qui malgré le contexte d’adversité, montrait toujours son respect pour l’homme et l’intellectuel.
Pour ne pas conclure, je rappelle que dans un autre jet, je reviendrais sur les autres aspects de la vie d’Iba Der Thiam et réitère mon engagement à fournir aux étudiantes et étudiants de l’UIDT, un livret entier qui rend compte de la vie de leur parrain.
C’est à vous étudiantes et étudiants de l’UIDT qu’il appartient, désormais et en premier lieu, de faire vivre les valeurs et de continuer l’œuvre de votre illustre parrain !
Repose en Paix Narou Adji Sy ; Kor Soda Libidor ; Thiam Mbakhar, tu as élargi ton héritage séculaire. « Sa Jan Waac na ». Que Janatul Firdawsi soit ta demeure éternelle !
Dre Marèma Touré Thiam est sociologue, veuve du grand Professeur.
[1] Pour paraphraser le jugement que l’éminent philosophe, Pr Djibril Sa,b, avait porté sur la loi sur la parité.
passage sous scanner du yérim nouveau, par Latyr Diouf
VOYAGE AU BOUT DE LA MUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Les plus grands défis de notre République se nichent dans les contentieux intimes (naissance, appartenance, fortune, ambition…). Ils s’habillent de tous les pompeux prétextes d’affirmation de soi et de subalternisation de l’autre (1)
Afrique : le spectre de l'échec (2001), La justice en Guinée (co-écrit avec Yaya Boiro, 2001), Kéba Mbaye Parcours et combats d'un grand juge (2009), Ces goulots qui étranglent le Sénégal (2014), Macky Sall face à l’Histoire Passage sous scanner d’un pouvoir africain (janvier 2023) : De ces livres du journaliste Cheikh Yérim Seck, je n’ai, véritablement, lu que le dernier. La principale raison de cet intérêt est qu’il surgit dans un contexte politique de profond marasme substantiel. Le titre, racoleur à souhait, et le documentaire de présentation, en deux parties, d’une durée totale de 4h17mn et 56 secondes ont, manifestement, vaincu mon indifférence empruntée. Car, oui, il n’est pas aisé, en toute bonne foi, d’ignorer ce personnage, qui a du « charisme, une aura, un peu de chien et du culot ». C’est ainsi que l’avait dépeint Elgas dans son Inventaire des idoles. Ce brillant portrait et une vieille Fiche personne sur Africultures, qui évoque, volontiers, sa réputation de mercenaire de la plume, auraient pu conforter ma dispense. Puis, l’abstention, au prétexte pertinent du lien étroit entre l’auteur et l’œuvre, me parut une paresse, en dépit du sulfureux pedigree public du journaliste.
Le 12 mars 2014, Cheikh Yérim Seck avait 45 ans et sortait de prison. Sa lettre de remerciement me prouva, violemment, que sauf caprice de la Providence, mon destin modeste d’anonyme solitaire était scellé. S’imaginer exclu de tant de sollicitudes, aussi prestigieuses qu’hétérogènes, est un marqueur d’une insécurité insoutenable dans une société à tendance communautariste, qui nie l’individu. Les réprouvés promis à cette enfer, plus redoutable que celui très improbable des monothéismes hégémoniques, sont toujours ceux qui refusent d’œuvrer ostensiblement pas au maintien artificiel de la cohésion sociale. Ils risquent, d’ailleurs, de louper le train de la révolution sans science et sans poésie quotidiennement invoquée. Ils ne manquent, toutefois pas, d’intelligence, de confiance, d’audace ou d’ambition. Ce n’est, même pas, de la fierté mal placée ou de la folie (à l’âge classique), mais une conscience aigüe de la contrepartie qu’exigent ces impressionnants élans de solidarité. Toute la subtilité de ce commerce repose sur la nature et la forme du compromis implicite, qui se pare de bienfaisance désintéressé ou de patriotisme. « L’hypocrisie prend toujours ainsi pour prétexte la courtoisie et la diplomatie. Elle s’aveugle de deux illusions : celle d’aimer tout le monde et celle d’être aimé par tous. » (Elgas). Quel bonheur, parfois, de se croire Diogène demandant à Alexandre Le Grand d’ôter son ombre tutélaire de son soleil !
Autre circonstance atténuante pour la tentation d’ignorer le livre : la mise de l’auteur, omniprésente, avant son retrait annoncé de la vie publique. Des goûts et des couleurs, on ne discute pas, et loin de moi l’idée de rejeter un choix vestimentaire dans le scandale du contre-nature (pour ne pas paraphraser Bourdieu). Pour rire à peine, qui peut, au pays de la téranga, accorder un crédit entier à un homme, qui semble pousser le narcissisme jusqu’aux extravagances typiques des « fashion week » ou de la Sape congolaise. La barbe, à une époque, teintée au henné, serait venue enrichir mes réserves ontologiques déconnantes, si je n’avais pas entendu, récemment, qu’elle procédait, sérieusement, de l’intouchable Sunna (tradition, modèle, règle, norme, usage, ou précepte du prophète de l’Islam). Enfin, dans un pays où l’habit fait le moine, disqualifier le travestissement serait un comble.
Un mois après la sortie du livre, une conférence de presse annoncée, mise en scène et diffusée en direct le samedi 18 février sur les réseaux sociaux, avec des artifices de com (voyez vous-même), qui contrastent avec la réception exceptionnelle prêtée au livre dans sa déclaration « luminaire » (sic). Oui, avant d’aller plus loin, c’est sûrement un lapsus, mais le style et l’élocution sont rédhibitoires chez Yérim. L’on s’étonnerait presque qu’un journaliste aussi coté dans le microcosme médiatique dakarois puisse trainer des lacunes de lecture et d’écriture aussi évidentes. Florilège : « Plus répressif que la répression » (p.18), « plus destructeurs que la destruction (p.20), « plus laxiste que l’impunité, plus répressif que la répression (p.58), « plus désastreux que le désastre (p.110), « plus dévastateur que la dévastation » (p.141), « plus hallucinant que l’hallucination » (p.159), « plus tragique que la tragédie » (p.176), « plus destructrices que la destruction » (p.195). Un « plus gentil que la gentillesse » ou un « plus beau que la beauté » aurait tempéré toute cette négativité alarmiste. Elgas avait déjà remarqué sa « rédaction monogamique », avant de poursuivre : « Ni un talent de plume, ni une enquête majeure, pas une science de l’analyse autre que la discussion sur des hommes, ni la perpétuation à l’échelle nationale d’un type de journalisme précurseur, ne semblent venir à sa rescousse ».
Pour en revenir un peu à la mise tapageuse, probablement palliative de l’indigence réflexive et rédactionnelle, Cheikh Yérim Seck était en trois pièces face à ses collègues : chemise blanche, gilet gris et costume bleu affublé d’une broche bleue émeraude et argentée. Cela paraitra un détail ou une critique facile et gratuite mais, dans ces petites intimidations, il y a un enjeu plutôt subtil de pouvoir. Les plus grands défis de notre République se nichent davantage dans les petits contentieux intimes (naissance, appartenance, fortune, talent, ambition…). Ils s’habillent de patriotisme, de défense de la démocratie, des libertés, de l’intérêt général, de notre identité, en somme, de tous les pompeux prétextes d’affirmation de soi et de subalternisation de l’autre. Exemples : Bouba Ndour, sapé comme jamais, disqualifie avec hargne le livre (qu’il n’a pas lu) par un plaidoyer scandaleusement anti-intellectuel et « pro-empirisme endogène ». Quelques jours plus tard, Yérim tentera de démontrer violement, que l’éloquence d’Idrissa Seck est une vaste imposture. Mame Matar Guèye sera, à son tour, étrillé à travers une mise à nu de son fonds de commerce : la défense de nos valeurs. Il n’est pas difficile de deviner ce que ces quatre personnages, et bien d’autres, ont en partage.
Sénégalais typiques, en quête permanente d’influence, potentiellement mystificateurs, avec un logiciel cognitif essentiellement citadin, ces profils règnent sur la « com » nationale. Leurs vrais maîtres ne sont pas à la fac de droit, d’économie, de lettres ou de sciences humaines et sociales. Ils sont dans les radicalités maraboutiques, dans la haute fonction publique (au mépris de notre vétuste ascenseur social) et dans des aspirations aristocratiques diffuses. Vraisemblablement grands lecteurs de romans de gare (Guy des Cars, SAS, L’exécuteur, San-Antonio, Coplan de Paul Kenny…) et de romans photos Nous-Deux au cours de l’indolente décennie 1980, ils tirent leur assurance de la méconnaissance des grands auteurs. S’ils avaient véritablement lu un seul des grands noms qu’ils mentionnent parfois, je crois qu’ils ne seraient pas aussi prompts à se voir aussi talentueux que Rousseau. Yérim ne parle pas plus français qu’Idrissa Seck, qu’il persifle. Jugez vous-même : « Une seule phrase n’a pas été servie au président à propos de son ministre limogé : « Amadou Bâ a accouché. » (p.210). Qui n’entend pas du wolof de commère derrière cette phrase ? Quant aux clins d’œil à son lectorat international, c’est du bluff. L’ancrage extérieur donne du prestige, de la légitimité dans l’esprit de ceux qui n’ont jamais pris l’avion. C’est du même acabit que tous ces gens qui disent rentrer pour bâtir le pays, alors qu’ils n’ont jamais réussi à attraper une mouche ailleurs. Quel Européen, par exemple, pourrait lire ou écouter Cheikh Yérim Seck narrer ses « sénégalaiseries » pendant 5mn ? Le journaliste-gourou ne s’adresse donc, au mieux, qu’à son peuple.
Sa mue silencieuse aura duré moins d’une année. Yérim explique son retour hâtif sur la scène publique par l’agression de la journaliste Astou Dione le 13 octobre 2022. Le livre (260 pages) est sortie le 13 janvier 2023, « pour tenter de contribuer à sauver ce pays, non point pour le mettre à terre » (p.10). Un lecteur exigeant n’aurait pas pu attendre l’annonce de ces motifs. Il aurait refermé le bouquin, après la page de dédicace aux allures de profession de foi. Affirmer une telle proximité avec son Prophète, son guide spirituel et Dieu, en méprisant vertement les autres civilisations, s’apparente à de l’intimidation. Réfractaire au terrorisme intellectuel, je pris une pause de trois jours, avant de poursuivre la lecture, en m’accrochant à la dernière phrase, banale et étriquée sur le fond, sobre et inclusive dans la visée : « A tous ceux et à toutes celles pour qui le Sénégal a du sens… ». Merci, Grand Yérim Seck ! J’ajoute, sans aucun brin d’ironie, qu’il y a quelque chose d’admirable dans la rédaction, la publication et la vulgarisation d’un tel ouvrage dans un pays démocratique.
Le Sénégal attise, certes, beaucoup de passions. Zone d’influence stratégique et symbolique pour fantasmes et nostalgies impérialistes, pays résolument sur la voie d’une croissance inédite sous l’angle du Plan Sénégal Emergent, destination paradisiaque, d’après 50’inside de TF1, société couverte, pour l’éternité, de la bénédiction de ses aïeuls confrériques et de leurs descendants et Nation très inflammable (du fait du pétrole et du gaz imminent), où chacun détient une boite d’allumettes, selon la formule du grand Ibou Fall ramassée de mémoire. Face à un tel tableau, la satire paraît plus saine que les alarmes, les leçons de morale et les prières. Le Sénégal est un magnifique pays à haut potentiel, célébré, essentiellement, par l’optimisme de la prospective (on finira bien par y raser gratis !), les regards institutionnels extérieurs et certains activistes opportunistes et lisses, hommes d’Etat en devenir. Tenter une analyse de ce fascinant paradoxe, entre la promesse de lendemains qui chantent et la profonde déprime nationale, qui va jusqu’à l’invocation explicite d’une barbarie salvatrice, serait, allez… épistémologiquement, plus stimulante.
L’option méthodologique de Cheikh Yérim Seck est plus populiste. Elle consiste, par exemple, à apporter de l’eau au moulin des allégations de détournements spectaculaires de deniers publics, qui alimentent toutes les palabres depuis la première alternance, il y a 23 ans. En intellectualisant la démarche par une structure rappelant quelques règles élémentaires du théâtre classique (sans l’unité de temps), la vraisemblance est renforcée. Des intrigues abondamment chiffrées, des caractérisations implicites des acteurs et quelques anecdotes pour illustration, viennent, ensuite, délester le lecteur profane de tout scepticisme. L’évidence simpliste et largement admise d’un Sénégal résolument à vau-l’eau procède, pour partie, de ce genre de mécanismes. Quand les opinions influentes d’une élite prétendument objective, rigoureuse, intègre et compétente rencontrent les rancœurs d’une population misérable, le contrat social se voit fragilisé. Il serait, toutefois, singulier de ne pas s’interroger sur les nombreuses révélations dont l’auteur est coutumier. Par exemple , qui n’aimerait pas connaitre l’épilogue de l’affaire Batiplus où le journaliste a été arrêté pour diffusion de fausses nouvelles et diffamation ? Il est souvent question de sommes vertigineuses à l’échelle de l’économie locale. Le plus frustrant c’est que ces scandales annoncés comme apocalyptiques restent souvent sans suite. Si notre grande démocratie et sa liberté d’expression proche de l’anarchie autorise ces délations, la justice doit veiller à les élucider et à poursuivre les coupables (accusés comme accusateurs, le cas échéant).
Mais, il est temps de passer l’objet sous scanner…
À suivre...
Par Docteur Ousmane Ba
AU SENEGAL, LA LUTTE TRADITIONNELLE EST UN PATRIMOINE D’INTEGRATION SOCIALE
Dans la tradition africaine, la lutte joue un rôle important dans le processus de socialisation des individus. Elle est en effet vue et perçue comme un lieu de formation et d’éducation des individus.
Dans la tradition africaine, la lutte joue un rôle important dans le processus de socialisation des individus. Elle est en effet vue et perçue comme un lieu de formation et d’éducation des individus.
Au Sénégal, dans le monde rural en général et dans la société Joola – une communauté de la région sud du pays – en particulier, la lutte constitue un patrimoine d’intégration sociale. La lutte a toujours occupé une place de choix dans les sociétés humaines.
Toutes les informations connues aujourd’hui sur la lutte traditionnelle africaine ont été obtenues par le circuit de transmission orale, par les griots, chargés de transmettre l'histoire des tribus et par les anciens. Dans le monde rural, la lutte permet de voir des rencontres amicales entre villages voisins. Car elle est une école de formation pour les personnes issues des différentes communautés.
Dans la société Joola par exemple, la lutte reste, à côté de l’initiation, un facteur déterminant de l'insertion du jeune adolescent dans la vie sociale. Il y découvre la stratification de la société, les limites de la hiérarchie, les différences fondamentales entre les cercles des hommes et des femmes. La lutte est le reflet de l'organisation de la société.
Les fonctions sociales de la lutte peuvent être précisées selon cinq axes : les rapports entre le lutteur et son entourage, les rapports entre la lutte et la parenté, les rapports entre la lutte et l'amitié, les anciens et la lutte, et enfin la contribution de la lutte au rapprochement des peuples. Au Sénégal, la lutte traditionnelle constitue un patrimoine culturel qui a pour vocation la socialisation des individus. Autrement dit, elle s’impose presque partout comme un moyen de valorisation de l’honneur à travers le culte de la bravoure et confère à ses champions de village ou de contrée, un important capital social à sauvegarder. Si les sources orales nous ont permis de connaître quelques faits marquants de notre histoire, elles souffrent souvent d’un manque réel de précision ou de référence.
Dès lors, en tentant d’approfondir nos connaissances concernant l’histoire africaine, nous nous heurtons à un manque quasi total de documents écrits dans bien des domaines, telle la lutte traditionnelle qui est l’objet de notre étude. Tout ce que nous savons de la lutte traditionnelle africaine en général nous est conté par les anciens qui ont constitué notre unique champ d’investigation.
Dans toutes les sociétés africaines la lutte, outre qu’elle servait de moyen pour régler des conflits entre rois par lutteurs interposés, était pratiquée sous forme de jeu récréatif, disaient les anciens. La lutte était une école de formation pour tous les jeunes garçons, et à travers elle les adultes mesuraient leur courage, leur volonté de vaincre et leur esprit d’abnégation.
UN PATRIMOINE CULTUREL A SAUVEGARDER
La lutte dans la société traditionnelle est une activité culturelle globale, expression naturelle d’une communauté ethnique, tribale ou classique. Elle fait appel à un ensemble de réalités caractéristiques d’un groupe social donné : réalités sociales, culturelles, techniques, ethniques et morales. Lutter dans la société traditionnelle, c’était manifester la vitalité d’un groupe, en polarisant toutes ses forces autour d’un personnage qui en est le représentant. Il y avait, dès lors, identification du groupe à son lutteur et par conséquent référence constante de ce dernier à son groupe. Ainsi donc, nous avions :
• La relation entre le lutteur champion et son groupe ou sa communauté : le lutteur puisait sa force dans le groupe qui, à sa manière, participait au combat que menait son champion. Il était de notoriété qu’un champion qui se coupe de son groupe perd une part de sa force.
• La société d’âge : elle représente les jeunes du même âge. C’est au sein de ce groupe d’âge qu’on peut mesurer la force d’un lutteur sur les autres.
• Le rôle de la mère, de la sœur et des « savants » qui se sentaient mobilisés plus particulièrement pour protéger leurs “fils” et assurer sa victoire. On luttait en endossant le pagne de la sœur, envoyé et donné par la mère, autant de symboles du « gonflement et du ressourcement » moral et physique.
REALITES CULTURELLES
La lutte au sein de la communauté sérère - les Sérères sont une communauté du centre du Sénégal -, c’est aussi une littérature, des rites, une fête. Le chant de lutte est un rythme qui est fonction du rythme du lutteur et du groupe participant, lent, silencieux, rapide, saccadé, enflammant, il est ponctué par les différents tambours. Il est histoire, référence, encouragement, enseignement, conseil et redynamisation, parlant directement au lutteur, mais aussi à tous les participants. Des chants comme « Les poitrines hurlent quand un grand lutteur terrasse, allons-y il fait déjà nuit ! », ou encore: « Je suis un habitué des arènes, mais je ne parcourrai pas les contrées à chercher des talismans, ma force me suffit » sont souvent entonnés par leurs supporters. La lutte n’est pas une simple pratique sportive, elle renferme un aspect socio-éducatif considérable.
FOCUS SUR LA LUTTE AVEC FRAPPE
La lutte traditionnelle est d’actualité car elle touche directement le patrimoine culturel de la société sénégalaise. Ce sport est un facteur d’éducation et d’intégration sociale qui forge et forme l’individu au travers la socialisation. Aujourd’hui, on note toutefois une faible présence de cette lutte au plan national car la plupart des gens ont tendance à mettre le focus sur la lutte professionnelle. A part le drapeau du chef de l’État– un tournoi national de lutte dédié au chef de l'Etat regroupant des lutteurs de toutes les régions du pays – , qu’organise le Comité national de gestion (CNG), la lutte traditionnelle semble être absente des projets et programmes de politiques culturelles du pays. Il est urgent pour le ministère des Sports et celui de la Culture de mettre en valeur tous les aspects positifs de la vie de la société traditionnelle sénégalaise tels que la lutte traditionnelle.
Docteur Ousmane Ba chercheur, Université Cheikh Anta Diop de Dakar
THECONVERSATION.COM
Par Assane Guèye
CEUX QUI DEMANDENT À MACKY DE SE REPRÉSENTER NE L’AIMENT PAS
L’ascension de Macky Sall a été fulgurante. La courte traversée du désert qui était la sienne a rendu son parcours encore plus net. Une bonne étoile a tissé son destin. Il est aujourd’hui adulé par les grands de ce monde.
Senghor a abdiqué parce que ses forces le quittaient. Le réveil a été brutal pour Diouf après être resté longtemps coupé de la réalité. Après s’être entêté, Wade a été battu à plate couture par son ancien Premier ministre. L’humiliation était si grande pour lui qu’il est le seul à avoir été évincé par un collaborateur déchu. L’ascension de Macky Sall a été fulgurante. La courte traversée du désert qui était la sienne a rendu son parcours encore plus net. Une bonne étoile a tissé son destin. Il est aujourd’hui adulé par les grands de ce monde. Il peut toutefois tout gâcher avec la tentation du mandat de trop.
À un an de l’élection présidentielle, le Président garde un silence énigmatique et stratégique sur ses intentions. Pour ne pas semer la zizanie dans son parti où la discipline n’est pas la principale force, il donne du temps au temps. Tout doit être mûrement réfléchi. Avec l’expérience accumulée, il sait qu’une maladie honteuse abîme la démocratie et ravage la société. L’absence de convictions et de colonne vertébrale est un symptôme bien sénégalais. Pour avoir lui aussi instrumentalisé la peste de la transhumance politique, il sait qu’il en sera un jour victime. On a beau être entouré de personnages vertueux comme de gens opportunistes, le jour où cet entourage insincère voit le premier orage arrivé, il n’aura aucun scrupule à tourner le dos. Le téléphone qui sonnait toutes les secondes le fera moins d’un coup. Les invitations sur fond de tapis rouge seront de plus en plus rares. En vérité, dans l’exercice du pouvoir, on est un homme seul en dépit des convois quotidiens qu’on voit défiler. « Il faut se méfier de ceux qu’on croise en montant, ce sont les mêmes qu’on croise en redescendant », dit la formule.
Ils n’aiment que les places, les commodités, les petits fours
Ceux qui s’agitent aujourd’hui à vouloir valider un non-respect de la parole donnée sont les ennemis de celui qu’ils prétendent défendre. Ils ne l’aiment pas. Ils n’aiment que les places, les commodités, les petits fours. Une sortie ratée et mal maîtrisée de leur champion ne les troublerait pas outre mesure car bien souvent personne ne sait quel type de sang chuchote dans leurs veines. Ils n’ont pas eu de veine non plus ceux qui se voyaient en recours au sein de l’Apr. Toute tête qui a essayé de dépasser a été aussitôt tranchée. Personne d’autre ne s’impose ou n’a été préparé. Nul signal n’est émis en ce sens. C’est le sentiment dominant. Il y a une forme de manque de générosité à la lecture des événements. Il ne faut pas que triomphe en fin de compte la sinistre phrase du « après moi, le déluge ». Le contexte est sans précédent. Il rend les choses plus complexes. Il n’est pas du tout facile de tourner le dos au pétrole et au gaz. On pèse très lourd à diriger un pays qui va figurer dans le gotha des producteurs d’hydrocarbures.
Face à cette perspective, le dilemme peut être grand. Mais l’homme d’Etat doit être capable de s’élever en empruntant les chemins les plus lumineux. C’est faire preuve de modernité en faisant ce qu’on a dit. « Ma parole est la lumière de mes pas », disent les textes sacrés. Ceux qui s’excitent ont mieux à faire que de gesticuler. On pense d’abord au ministre de la Justice à qui il faut rappeler que le Sénégal ne dispose pas d’un ministère de l’injustice. Le conseil le plus avisé est qu’il y en a pour qui il sera difficile de s’approcher de l’autorité constitutionnelle. Après avoir bâti des ponts, la sagesse veut plutôt qu’on lui aménage un pont de douceur pour la sortie en fanfare comme il était entré. La gestion est humaine. On arrive à un point où les idées ne sont plus claires. Où la lassitude et l’usure font qu’on est moins flamboyant. Le Président Macky Sall a positivement surpris son monde. Il a été plus compétent que prévu. Il va laisser un pays plus que jamais stable s’il part en bon ordre. Il a réussi à se débarrasser d’un voisin peu commode qui s’appelle Jammeh. Sous son magistère, les Sénégalais ont oublié les coupures de courant. Il y a une vie après l’exercice du pouvoir et son nom doit rester dans l’histoire.
Dans un an, les concitoyens espèrent une alternative et pas seulement une alternance qui depuis 2000 est synonyme de changement dans la continuité. L’élection à venir devra être inclusive. Ceux qui avaient perdu leurs droits civils devront être réhabilités au plus vite. Ceux qui l’ont encore ne doivent pas être l’objet d’épuration politique. Le dernier grand chantier, c’est de travailler à la commune volonté de vie commune en rassemblant tous les Sénégalais.
PAR Mouhamadou DIENG
OUI, DÉTHIÉ FALL PEUT BEL ET BIEN ÊTRE CANDIDAT EN 2024
Cher grand frère Bachir, dans votre post de ce jour, vous aviez tenté, avec un argumentaire juridique, de "démontrer" que le président Déthié FALL serait inéligible pour 2024. Eh bien Bachir, en toute modestie, vous vous êtes trompé.
Cher grand frère Bachir, dans votre post de ce jour, vous aviez tenté, avec un argumentaire juridique, de "démontrer" que le président Déthié FALL serait inéligible pour 2024. Eh bien Bachir, en toute modestie, vous vous êtes trompé.
Vous aviez fait référence aux articles L29 et L30 du code électoral. Eh bien, creusons davantage.
1. Je vous invite à lire, attentivement, l’alinéa 3 de l’article L31 dudit code électoral qui, dans sa substance, a été introduit dans le code électoral depuis 1992 avec le fameux code consensuel du feu juge Kéba MBAYE (paix à son âme).
L’alinéa 3 de l’article L31 dit ce qui suit :
« N’empêchent pas l’inscription sur les listes électorales :
3) les condamnations prononcées pour des infractions prévues aux articles 92 à 95 du Code pénal. »
2. Maintenant allons voir ce que dit le Code pénal.
Dans le Code pénal du Sénégal, au chapitre consacré aux attroupements, réunions et rassemblements ; à la Section première des attroupements, il est dit ceci.
Article 95
« Toute provocation directe à un attroupement non armé soit par discours proférés publiquement, soit par écrits ou imprimés, affiches ou distribués, sera punie d’un emprisonnement d’un mois à un an, si elle a été suivie d’effet et, dans le cas contraire, d’un emprisonnement de deux mois à six mois et d’une amende de 25.000 à 1 00.000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement. »
3. Rappelons la décision de condamnation de Déthié FALL.
Nous sommes le 28 juin 2022 !! Le Président Déthié FALL, en homme véridique, très courageux, avec un ton martial, a effectivement reconnu avoir été l’organisateur principal de la manifestation (qui n’a jamais eu lieu d’ailleurs.) ; un vrai nittou deugg. Par ce fait, le juge le condamne, en référence à l’article 95 du Code pénal, à six mois assortis de sursis.
4. Le rappel étant pédagogique, rappelons les dispositions de l’article L31 du Code électoral qui nous dit que n’est pas empêchée l’inscription sur les listes électorales toute personne (ici Déthié FALL) condamnée pour des infractions prévues à l’article 95 du Code pénal.
1+2+3+4=5. Faisons une lecture combinée de l’article L31 et de l’article 95 respectivement du Code électoral et du Code pénal.
Ce qui amène à conclure que Déthié FALL peut donc valablement s’inscrire sur les listes électorales.
6. Déthié FALL peut donc effectivement être candidat à l’élection présidentielle de 2024.
L’article 31 du Code électoral a sauvé Déthié FALL de la volonté non moins hideuse du pouvoir d’user de la justice pour l’écarter de la présidentielle de 2024 et de réduire sa candidature à sa plus simple expression. Eh bien, Déthié sera bel et bien candidat en 2024, In Sha Allah.
CQFD : Ce qu’Il Fallait Démontrer.
Amicalement, cher grand frère.
N.B : RV le 26 février 2023 au siège du PRP pour l’importante déclaration du Président Déthié FALL.
par Madiambal Diagne
MON SEUL REGRET AVEC LE QUOTIDIEN, EN 20 ANS
Je peux dire que Le Quotidien, en deux décennies, est un témoin privilégié de l’histoire du Sénégal. Il a abordé tous les changements majeurs de notre pays, éclairé la lanterne sur beaucoup de sujets d’intérêt, donné la parole à tous
Cher ami lecteur,
Le journal que tu as entre les mains a vingt ans aujourd’hui. L’aventure avait démarré le 24 février 2003. Ce jour-là, je t’avais interpellé à la deuxième personne du singulier, faisant le pari de la proximité, de la familiarité, de la constance et de la durée. 20 ans, c’est la consécration de l’âge adulte, mais c’est surtout le moment où l’impulsion de grandes réalisations d’une vie doit être effective.
Je voudrais faire acte de reconnaissance à ta fidélité, à ton soutien et surtout à la confiance toujours accrue que tu n’as de cesse d’apporter à ce journal. Notre équipe tâchera de mériter davantage de la confiance de ses lecteurs et annonceurs. C’est le lieu de féliciter l’ensemble de nos collaborateurs et leur témoigner notre gratitude. L’esprit Quotidien, la famille Quotidien disons-nous, est demeuré, en dépit des vicissitudes de la vie, des difficultés d’un environnement médiatique toujours plus précaire. Mais nous sommes fiers de pouvoir dire que nous avons réussi notre pari de tirer les choses vers le haut, non seulement pour renforcer l’offre médiatique avec un journal de qualité, devenu un journal de référence, mais aussi les conditions sociales et de travail de nos collaborateurs font envie.
Encore une fois, pour avoir vu tout ce que cette aventure est, et demeure, depuis la genèse du projet jusqu’à son positionnement comme une des références au Sénégal et en Afrique, je ne peux que saluer le parcours et louer l’ensemble des personnes qui ont contribué à faire de ce journal ce qu’il est. Beaucoup, à nos débuts, nous prédisaient un avenir sombre et une impossible survie dans un des secteurs d’activités les plus ardus. Après plus de 6000 éditions publiées et vingt ans à nous acquitter de nos engagements initiaux auprès des lecteurs, je ne saurais ne pas revenir sur ce qui fait la spécificité du Quotidien et ce qui fait cet esprit qui, malgré le temps, nous permet d’être toujours debout, en tant que témoin fidèle de l’actualité et de l’histoire du Sénégal, au jour le jour.
Le Quotidien, c’est un esprit fait de constance, de liberté, d’engagement, de courage, de respect de la différence et de promotion des idées. Nous avons pu mettre en place une rédaction où tous les collaborateurs sont mus par une obligation d’informer juste et vrai, quoi que cela en coûte. Les procès d’intention, les a priori et les calomnies ne peuvent pas manquer quand on choisit cette voie de la vérité et d’un journalisme objectif basé sur les faits, avec un commentaire fait de lucidité et sans complaisance. Tous ceux qui sont passés ou évoluent présentement dans la rédaction du Quotidien peuvent témoigner de cet esprit de liberté et de démocratie à l’interne, et que traduit bien la liberté de ton de nos articles. Je ne le dirai sans doute jamais assez, aucun de mes collaborateurs ne peut se lever pour dire avoir été manipulé ou chargé par le patron du journal pour écrire à l’avantage ou en défaveur d’une quelconque personne ou groupe ou obédience. Que tout le monde se le tienne pour dit ! Je ne me suis jamais réfugié derrière la signature d’un de mes journalistes. Si j’ai des choses à dire, je l’écris moi-même et le signe.
Je peux dire que Le Quotidien, en deux décennies, est un témoin privilégié de l’histoire vivante du Sénégal. Il a abordé tous les changements majeurs de notre pays, éclairé la lanterne sur beaucoup de sujets d’intérêt, donné la parole à tous les pans de notre société et porté une certaine idée du Sénégal partout. C’est un titre qui s’est fait un allié indéfectible de la vérité et de la démocratie, face à toutes les formes d’adversité. C’est un journal qui n’a cessé de lutter pour un mieux-être et une meilleure construction nationale. Le chemin a pu être éprouvant, mais on ne peut qu’être fier de le voir bien haut et constant dans son esprit de départ. Si nous avons pu nous faire une vigie de la République et de la démocratie, c’est de la confiance tirée en nos lecteurs et d’une pleine mesure de l’importance de notre rôle dans la marche de notre pays.
Après vingt ans, si je peux émettre un regret, c’est sûrement le retard accusé dans la numérisation de ce journal, avec l’offre d’une rédaction entièrement digitale. Le pari dès le début en 2003 était d’être présent en kiosque et en ligne. C’était réussi avec un journal qui paraissait sur internet en même temps qu’il était vendu dans les rues. Un projet, que d’aucuns avaient considéré comme trop ambitieux ou même prétentieux, voulait, face aux mutations dans la presse, faire embrasser au Quotidien une numérisation totale avec une web Tv et une rédaction digitale, dès le premier jour de sa parution. L’opposition de certains membres de la rédaction sur la base de revendications syndicales grippera cette initiative. Ils considéraient que cela ferait un double travail, un double emploi et en conséquence, nécessitait un double salaire. Nous ne pouvions pas nous offrir ce luxe, et le leur avions fait savoir. L’histoire finit par rattraper les médias pour faire comprendre que la panacée, pour garder des médias viables et forts, reste de se tourner vers le numérique ; ce que je proposais il y a vingt ans… Nous nous serions engagés plus activement dans ce créneau, presque avant tout le monde au Sénégal, que nous aurions pris une bonne avance ! Malheureusement, notre volonté était tombée à l’eau et par la suite, des sites agrégateurs de contenus ont vu le jour dans le paysage médiatique sénégalais et africain, faisant du contenu de ce journal un de leurs éléments de notoriété.
On pourra dire que nous avions raté un virage, mais il ne manque pas de ressources, d’ambition et d’énergie pour combler le gap. Cela, dans un esprit d’offrir du journalisme de qualité, du journalisme responsable, du journalisme véridique, à nos lecteurs de partout et de contribuer à notre manière à la construction de notre pays.
Nous n’avons pas tout réussi. Le Quotidien avait lancé l’initiative d’une édition du Dimanche, une première au Sénégal, mais l’expérience n’avait duré qu’une seule année, du fait que les vendeurs de journaux n’étaient pas très enthousiastes à travailler ce jour, d’autant qu’ils n’avaient qu’un seul titre à distribuer. Notre volonté de diversification, notre ambition, nous avaient aussi poussé à lancer d’autres titres et une radio, qui avaient fini par être emportés par des actes d’hostilité de pouvoirs politiques, mais aussi par de graves travers dans la gestion managériale. Nous sommes à chaque fois retombés sur nos pieds, pour nous dédier à sauver le navire-Amiral, Le Quotidien. Joyeux anniversaire ! Une promesse : le meilleur est à venir ! Une pensée pieuse pour d’anciens collaborateurs disparus : Ibrahima Sakho, Koudédia Mar, Pa André Diouf, Grand Birane Gning, Soro Diop, Ndèye Fatou Diop.
PAR EMMANUEL DIEDHIOU
SUR LES HAUTEURS DE LA MONTAGNE SAINTE
Le carême chrétien s’impose dans la marche liturgique de l’Eglise comme d’une piqûre de rappel qui inocule dans nos veines ce désir ardent de se retirer dans le désert pour faire le vide en nous et laisser Dieu nous parler et nous remplir de sa présence
Le carême chrétien s’impose dans la marche liturgique de l’Eglise comme d’une piqûre de rappel qui inocule dans nos veines ce désir ardent de se retirer dans le désert pour faire le vide en nous et laisser Dieu nous parler et nous remplir de sa présence au moyen d’une expérience personnelle et communautaire.
C’est aussi un moment fort de catéchèse où la sainte Eglise, avec une pédagogie toujours imitée mais jamais égalée, instruit ses enfants sur leur vocation véritable et le sens ultime de leur destinée comme héritiers du royaume. C’est du moins ce qui transparait dans les Messages circonstanciés du Pape et de nos Evêques du Sénégal pour le Carême 2023.
En effet, dans son traditionnel Message de Carême, signé le 25 janvier 2023, le pape François, s’appuyant longuement sur l’épisode de la Transfiguration au sommet du Mont Tabor (Mt 17/1-9), invitait à garder le cap et à considérer l’ascèse de carême comme un itinéraire synodal.
Une telle isomorphie trouve sa justification dans le fait que, Carême ou Synode, l’objectif poursuivi est partout le même : une transfiguration personnelle et ecclésiale ! Entrer en carême dans la mouvance du synode sur la Synodalité qu’il a lui-même convoqué en octobre 2021, pour trois années successives, c’est reprendre, ensemble, dans la communion qu’impose la Mission, les chemins de la foi et de l’espérance qui nous mènent en hauteur, au sommet de la montagne où Dieu parle au cœur qui écoute.
Cette anticipation de la gloire pascale, qui eut pour cadre le sommet de la montagne sainte, les trois (03) disciples, Pierre, Jacques et Jean, tels des privilégiés parmi les douze, l’ont vécue aux côtés du Maître ; à leur suite et à leur exemple, tel un alpiniste de l’espérance, en ce temps béni de carême, le chrétien est aussi appelé à emprunter le chemin exigeant, difficile parfois mais toujours salutaire du renouveau spirituel et de la conversion véritable.
Et pour atteindre ces hauteurs, la voie royale reste le jeûne, l’aumône et la prière qui sont les trois (03) instruments classiques que l’église, experte en humanité, donne pour anéantir nos penchants mauvais et tout ce qui conduit au péché, partager avec la veuve, l’orphelin ou l’étranger qui symbolisent le pauvre sans défense, mais également pour entrer en intimité avec Dieu, le Dieu de Jésus-Christ qui nous aime d’un amour de prédilection.
En proposant la fresque évangélique de la Transfiguration pour alimenter notre méditation et baliser notre chemin ascétique de carême, le Pape ne manque pas, cependant, de nous mettre en garde contre la tentation pressante de nous réfugier dans une religiosité faite d’événements extraordinaires, d’expériences suggestives, par peur d’affronter la réalité avec ses efforts quotidiens, ses duretés et ses contradictions.
Le carême chrétien n’a donc rien d’une fashion way, d’un mode de vie cyclique pour faire dans l’air du temps et paraitre aux yeux des autres comme un parfait dévot à la mine triste, au geste ostentatoire et au pharisaïsme répugnant d’hypocrisie ; il nous tient aux entrailles par des exigences pratiques de charité fraternelle auxquelles nous ne pouvons nous soustraire sans trahir notre identité de configurés au Christ, notre espérance et notre paix définitive.
Comment ne pas alors faire le lien avec ces mises en garde qui reviennent comme des ritournelles à chaque mercredi des cendres pour nous distinguer fondamentalement et nous définir le cadre de convenances et d’intelligibilité dans lequel nous devons inscrire notre démarche de carême : « et toi, quand tu jeûnes… et toi, quand tu fais l’aumône…et toi quand tu pries… ».
Oui, le garant de notre oblation totale et sincère, Celui qui seul peut jauger de la sincérité de notre démarche de conversion n’est pas le curé aumônier, ni le frère ou le collègue grand épieur devant l’éternel ; c’est le Dieu de miséricorde qui nous entraine au large et que nous servons chaque fois que, dans un élan de charité fraternelle, nous délions les liens de servitude qui plombent nos frères, nous relevons le pauvre abandonné, nous partageons le pain avec celui qui a faim, chaque fois que nous laissons nos œuvres témoigner de l’espérance qui nous habite. Et alors pour sûr, la nuit de nos combats sera lumière de midi…
Cette lecture intelligente de la lettre du Pape pour le Carême 2023 jette un faisceau lumineux sur les préoccupations pastorales de nos Evêques du Sénégal qui, le 12 novembre 2022, au terme de leur première session ordinaire tenue à Kolda, ont signé une exhortation somme toute prophétique intitulée « Soyons témoins de l’espérance qui habite en nous » (1P3/15) et insérée dans le Mandement de Carême 2023.
Cette exhortation (nous y reviendrons) mérite le détour puisqu’elle renseigne à suffisance sur la sagesse de nos pasteurs et la résilience de notre Eglise locale au beau milieu de la tempête que furent la Covid 19 et ses conséquences funestes sur notre triple rapport à nous-mêmes, à l’autre et à Dieu, le Tout autre !
par Mamadou Abdoulaye Sow
LA NÉCESSITÉ D’UN CONTRÔLE EXTERNE DES ACTIVITÉS DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT
La loi de la loi n° 2016-33 du 14 décembre 2016 ne nous parait pas « d’une clarté et d’une précision suffisantes pour fournir aux individus une protection adéquate contre les risques d’abus de l’exécutif dans le recours aux techniques de renseignement
La nécessité d’un contrôle externe des activités des services de renseignement qui ne sont plus hors-la-loi depuis 2016
« … sur le continent africain les moyens de renseignement sont essentiellement utilisés à des fins de surveillance de l’opposition politique et leur efficacité dans la lutte contre le terrorisme s’en ressent »[1]
« Dans les pays démocratiques, l’exigence éthique s’applique depuis longtemps aux activités de renseignement.Les fonctionnaires du secret ne sont pas des individus incontrôlables sans foi ni loi, faisant ce que bon leur semble au nom de la raison d’État »[2]
Avant 2016, il n’existait aucune loi spécifique définissant le cadre juridique légal des activités de renseignement. Conscient du fait que « cette situation (…) peut entraîner des abus et devenir dès lors un danger aussi bien pour les personnels des services de renseignement que pour les citoyens dont les libertés individuelles consacrées par la Constitution doivent être respectées », le législateur a adopté le 5 décembre 2016 une loi relative aux services de renseignement, promulguée le 14 décembre 2016 sous le numéro 2016-33. L’on ne peut que se féliciter de l’adoption de cette loi qui ratifie des pratiques de surveillance jusqu’alors illégales des services de renseignement. Selon l’exposé des motifs, « le renseignement doit jouer un rôle d’avant-garde dans le dispositif national de sécurité, surtout pour …la défense de la démocratie, de la liberté des peuples et des droits de l’homme ».
La loi nouvelle a comme objectif principal l’institution d’« un cadre juridique qui définit notamment les missions des services de renseignement, les moyens qu’ils peuvent mettre en œuvre pour les remplir, les mécanismes de contrôle de leurs activités, les règles spéciales applicables à leurs personnels ainsi que les infractions relatives au renseignement » [3]. Toutefois, il faut bien convenir que l’analyse du texte de la loi révèle des imperfections et lacunes. En effet, il est important que certains aspects importants de l’activité de renseignement soient codifiés « afin que le recueil, la conservation et l’exploitation des informations ne présentent pas de risques pour l’exercice des libertés individuelles et collectives disproportionnés avec les objectifs poursuivis [4]». A titre d’exemples, il y a l’accès aux données de connexion d’une personne par réquisition auprès d’un opérateur, la géolocalisation d’un téléphone portable, la localisation des personnes et véhicules et les interceptions de sécurité (enregistrement des communications téléphoniques des personnes ou de leur entourage).
On se bornera ici à exposer quelques commentaires du cadre général juridique du renseignement fixé en 2016 et à évoquer l’absence d’un dispositif de contrôle externe de la légalité de l’ensemble des techniques de renseignement autorisées par le législateur ainsi le défaut de contrôle politique des opérations de renseignement.
Commentaires du cadre juridique légal du renseignement
Des finalités du renseignement non définies de manière précise
Le législateur commence par rappeler, dans une disposition préliminaire (en dehors du dispositif normatif habituel), l’importance du « respect du droit international des droits de l’homme, des lois nationales et des libertés fondamentales reconnues aux citoyens pour la protection des intérêts supérieurs de la Nation » lorsque la communauté du renseignement mène ses activités de renseignement.
L’article premier définit les missions des services de renseignement. Ceux-ci effectuent « la recherche, le recueil, l’exploitation et la mise à la disposition des autorités de décision des renseignements relatifs aux menaces contre la sécurité et les intérêts fondamentaux de la Nation »[5]. Si on se limite à cette disposition, le législateur ne définit que deux finalités pour lesquelles les services de renseignement sont habilités à utiliser les procédés de recueil de renseignement : la sécurité et les intérêts fondamentaux de la Nation. A notre sens, la sécurité participe de la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation. En définitive, seules les menaces contre les intérêts fondamentaux de la Nation peuvent légitimer les opérations des services de renseignement.
La notion d’intérêts fondamentaux de la Nation n’est pas définiedans la loi[6]
Qu’entend le législateur de 2016 par intérêts fondamentaux de la Nation ? Non précisée, cette notion peut faire l’objet d’une interprétation extensive.
Les intérêts fondamentaux de la Nation ne sont définis en droit sénégalais par aucun texte [7]. Toutefois, dans la Constitution et le Code pénal, on peut retrouver plusieurs intérêts intangibles qu’il faut protéger parce qu’étant essentiels à la continuité de l’existence de l’Etat : le régime constitutionnel, l’indépendance nationale, la sûreté de l’Etat, la défense nationale, l'intégrité du territoire national, la forme républicaine de l’Etat et l’exécution des engagements internationaux. Au détour d’une phrase, on aurait dû réaffirmer la sauvegarde de ces intérêts fondamentaux dans l’exposé des motifs.
L’organisation de la communauté du renseignement devrait être règlementée par un décret pris après avis de la Cour suprême
La disposition préliminaire fait la distinction entre « les services spéciaux de renseignement » et « les autres services de l’Etat ayant dans leurs attributions une mission de renseignement » qui forment la communauté du renseignement.
En renvoyant à un décret pour fixer l’organisation de la communauté du renseignement, le législateur confirme le monopole de l’Exécutif sur l’organisation des services de renseignement. Ce décret, dont on ignore l’existence, doit désigner avec précision les départements ministériels dont les services sont susceptibles de pouvoir mettre en œuvre les techniques de renseignement prévues par la loi du 14 décembre 2016.
L’obligation de recueillir l’avis consultatif ou conforme de la Cour suprême devrait être exigée par le législateur avant la signature de tout décret portant application de la loi sur le renseignement.
La coordination politique et opérationnelle des activités de renseignement au niveau national est à réorganiser
La Délégation au Renseignement national ne devrait pas exercer des activités opérationnelles. Elle devrait se limiter à centraliser, recouper, analyser et transmettre au Président de la République et au Premier ministre les productions qui lui sont adressées par les services de renseignement des ministères et non venir les concurrencer. En bref, elle doit avoir le rôle d’un simple « façonnier du renseignement [8]».
L'incomplétude du cadre juridique en matière de protection des droits et libertés fondamentaux des citoyens, par rapport à la violation de la vie privée
Le législateur ne donne pas des garanties suffisantes en matière de protection des libertés individuelles. Il aurait dû énoncer clairement que le respect de la vie privée et de toutes ses composantes est garanti par la loi [9]. En effet, il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie l’article 67 de la Constitution et, à cet effet, il doit notamment « prémunir les sujets de droit …contre le risque d'arbitraire »[10].
Le législateur n’énonce pas clairement le champ d’application des techniques de recueil de renseignement
L'article 4 dispose de manière vague : « En matière de terrorisme, de criminalité organisée ou de trafics internationaux, les services spéciaux de renseignement peuvent procéder à des enquêtes judiciaires, ouvertes au moment le plus opportun, lorsqu’il résulte des renseignements et indices dont ils disposent une présomption de crime ou de délit ».
Au Bénin, l’article 6 de la loi du 05 février 2018 précitée précise : « Les techniques de recueil de renseignement sont applicables à toute personne sur laquelle il existe des raisons sérieuses susceptibles de permettre de recueillir des informations au titre des finalités citées à l'article 3, à l’exception des députés, des magistrats et des avocats dans l’exercice de leur mandat ou de leur profession, ainsi que des personnes qui, de par leur statut sont susceptibles de connaitre de dossiers de mise en accusation du Président de la République et des membres du Gouvernement.
L’exemption peut être levée par la Commission nationale de contrôle des renseignements en cas de poursuite judiciaire ou dans des conditions d'absolue nécessité ».
Des procédés de recueil de renseignement qui méritent d’être précisés et strictement encadrés par la loi
L’article 10 dispose : « Les services spéciaux de renseignement peuvent, lorsqu’ils disposent d’indices relatifs à l’une des menaces prévues à l’article 2 et en l’absence de tout autre moyen, recourir à des procédés techniques, intrusifs, de surveillance ou de localisation pour recueillir les renseignements utiles à la neutralisation de la menace ».
Que faut-il entendre par l’expression « en l’absence de tout autre moyen » ? Faut-il en déduire qu’en matière de renseignement, « tout ce qui n’est pas interdit est autorisé » ; principe qui, à notre sens, peut s’appliquer à des citoyens mais pas à des services de l’Etat.
Le législateur ne donne non plus aucune précision sur le sens des expressions « procédés techniques, intrusifs, de surveillance ou de localisation ». Cette imprécision porte « en germe un risque certain de banalisation du recours aux techniques de renseignement, là où seule une nécessité publique impérieuse devrait pouvoir justifier leur mise en œuvre [11]».
L’absence d’une définition est en porte à faux avec le principe de légalité qui exige que les moyens à utiliser soient clairement définis dans la loi. « La loi doit être d’une clarté et d’une précision suffisantes pour fournir aux individus une protection adéquate contre les risques d’abus de l’exécutif dans le recours aux techniques de renseignement [12]». (Nous mettons en gras).
L’absence de dispositions relatives au recueil de renseignement auprès des opérateurs de téléphonie et fournisseurs d’accès à internet
L’article 11 se limite à dire : « Requis en cas de besoin, (…) les organismes privés compétents fournissent sans délai aux services de renseignement le concours nécessaire (…) ».
La loi est muette sur le contentieux de la mise en œuvre des techniques de renseignement
L’autre particularité de cette loi, c’est son silence sur les recours que les citoyens sont en droit d’exercer lorsqu’ils font l’objet de mise en œuvre de techniques de renseignement. Or, les citoyens ont besoin d’être rassurés que « certaines techniques de renseignement mises en œuvre (ne sont pas) aux limites de la légalité voire en contradiction avec la loi pénale, sans (qu’ils) disposent de garanties réelles pour la préservation de leur vie privée puisqu'aucune condamnation pénale n'est prononcée, faute de poursuites ou de preuves »[13].
L’absence de disposition sur le contentieux tranche avec le vœu exprimé par le législateur de mener les activités de renseignement « dans le respect du droit international des droits de l’homme, des lois nationales et des libertés fondamentales reconnues aux citoyens ». Au Benin, « tout citoyen qui soupçonne qu'il serait l’objet de mise en œuvre de technique de renseignement peut saisir la Commission nationale de contrôle des renseignements qui devra procéder à des investigations. »[14].
La nécessité de mettre en place un mécanisme de contrôle externe des activités de renseignement.
L’adoption de la loi de 2016 nécessite en contrepartie l’organisation d’un dispositif renforcé de contrôle administratif interne[15] et de contrôle des moyens budgétaires ainsi que la mise en place d’un mécanisme de contrôle externe des opérations de renseignement.
Pour un contrôle effectif des moyens budgétaires des activités de renseignement
Combien de milliards de francs CFA sont consacrés à la politique du renseignement ? Il est impossible aujourd’hui de répondre à cette question en raison de l’opacité organisée qui entoure la gestion financière d’une partie du budget des services de renseignement.
L’emploi des fonds destinés aux services de sécurité et de renseignement doit faire l’objet d’un contrôle budgétaire et comptable qui « s’assure du respect de la destination des crédits par rapport aux objectifs fixés et mesure la performance des services en relation avec les crédits investis [16]».
Pour un contrôle externe de légalité et de proportionnalité de certaines techniques de renseignement
Le contrôle de légalité des moyens employés et de leur proportionnalité est prévu à l’article 9 qui dispose : « Pour l’exécution des missions qui leur sont assignées, les services de renseignement apprécient la consistance des moyens opérationnels à mettre en œuvre. Ils s’assurent cependant de la légalité des moyens employés et de leur proportionnalité à la gravité de chaque menace. ». La question se pose de savoir qui est l’autorité publique chargée du contrôle de légalité des moyens employés et de leur proportionnalité.
Une réflexion devrait être engagée sur la mise en place d’une Commission nationale de contrôle des renseignements sur le modèle de la Commission de Protection des Données à Caractère Personnel dite « Commission des Données personnelles » [17] et qui serait chargée du contrôle externe de légalité et de proportionnalité de certains procédés de renseignement.
Pour un contrôle parlementaire a posteriori des activités de renseignement
La loi de 2016 se limite à énoncer en son article 15 que « L’Assemblée nationale peut, devant la Commission de la Défense et de la Sécurité, entendre le Premier ministre ou les ministres responsables de services de renseignement sur des questions relatives aux orientations générales de la politique de renseignement, à l’organisation et aux ressources des services de renseignement ».
Le « contrôle politique » communément appelé contrôle parlementaire dont il s’agit ici n’est pas un contrôle des services de renseignement eux-mêmes mais un « contrôle externe de responsabilité, qui consiste à permettre aux élus de la Nation de vérifier la façon dont l’exécutif utilise les services de renseignement [18] ». Autrement dit, le contrôle souhaité est un contrôle de la politique du Gouvernement en matière de renseignement du fait que la politique de sécurité et de renseignement peut désormais être classée parmi les politiques publiques que l’Assemblée nationale est tenue d’évaluer ce qu’elle ne fait pas[19].
La nécessité d’évaluer le cadre juridique légal de 2016 applicable aux services de renseignement
La loi de la loi n° 2016-33 du 14 décembre 2016 ne nous parait pas « d’une clarté et d’une précision suffisantes pour fournir aux individus une protection adéquate contre les risques d’abus de l’exécutif dans le recours aux techniques de renseignement [20]». Pour l’heure, il apparait souhaitable que l’évaluation de son application soit effectuée par la Commission des Délégations de l’Assemblée nationale [21].
[1] Philippe WECKEJ, « La coopération internationale en matière de communication et de renseignement sur les activités de terrorisme » dans « Le contrôle parlementaire des opérations de sécurité et de renseignement », Colloque franco-tunisien organisé par la faculté de droit et science politique de Nice (CERDACFF), Tunis, le 18 mars 2016, LexisNexis, p.110.
[2] Éric Denécé, « L’éthique dans les activités de renseignement », Revue d’administration publique, 2011/4, n° 140, pp. 702-722.
[3] Le dispositif de la loi porte sur les activités des services de renseignement (article 1 à 15 du chapitre premier), les personnels des services de renseignement (article 16 à 25 du chapitre II) et des dispositions pénales (articles 26 à 31 du chapitre III).
En République du Bénin, la loi n° 2017-44 du 05 février 2018 portant recueil du renseignement est structurée en huit chapitres :
Chapitre I- Des dispositions générales
Chapitre II- De la commission nationale de contrôle des renseignements
Chapitre III- Des procédures applicables
Chapitre IV- Des renseignements collectés
Chapitre V- De l'organisme charge de recevoir les demandes de mise en œuvre des techniques de renseignement
Chapitre VI- Des opérateurs de communication
Chapitre VII- Du contentieux
Chapitre VIII- Des dispositions finales
[4] Christian Chocquet, « La structure administratives des services de renseignement » dans « Le renseignement français contemporain. Aspects politiques et juridiques », L’Harmattan, 2003, p.41.
[5] Selon l’article premier de la loi du 5 février 2018 précitée du Bénin, « le renseignement est l’action de mobiliser et de traiter l’information au moyen de techniques appropriées destinées à permettre aux pouvoirs publics d’anticiper, de prévenir et de gérer les situations qui peuvent être des sources de risques et de menaces d’insécurité ou d'atteinte aux intérêts vitaux de la Nation ».
[6] La disposition préliminaire fait référence à des intérêts supérieurs de la Nation alors que l’article premier mentionne des intérêts fondamentaux de la Nation.
[7] En droit français, « les intérêts fondamentaux de la nation s'entendent au sens du présent titre de son indépendance, de l'intégrité de son territoire, de sa sécurité, de la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à l'étranger, de l'équilibre de son milieu naturel et de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine culturel » (article 410.1 du Code pénal).
[8] Rémy Pautrat, ancien directeur de la DST et ancien conseiller sécurité du Premier ministre en France, « La coordination politique du renseignement : le Comité interministériel du renseignement suffit-il ? » dans « Le renseignement français contemporain. Aspects politiques et juridiques », L’Harmattan, 2003, p.87.Nous mettons en gras.
[9] Au Bénin, l’article 4 de la loi de 2018 indique très clairement que « l'autorité publique ne peut y porter atteinte que dans les seuls cas de nécessité d'intérêt public prévus par la loi et dans les limites fixées par celle-ci. ».
[10] Décision n° 2006-540 du 27 juillet 2006 du Conseil constitutionnel français.
[11] Olivier Desaulnay et Romain Ollard, « Le renseignement français n’est plus hors-la-loi. Commentaire de la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement », Droit pénal, Revue mensuelle LexisNexis jurisclasseur, septembre 2015, p.7.
[12]Le Défenseur des droits de la République française, « Avis du Défenseur des droits n° 15-04 », Paris, le 2 avril 2015.
[13] Rapport d'activité 2019-2020 Délégation parlementaire au renseignement.
[14] « La Cour d'Appel est compétente pour connaître, en premier ressort, du contentieux concernant la mise en œuvre des techniques de renseignement » et « la Cour suprême est compétente en dernier ressort » (articles 31 et 32 de la loi de 2018 précitée).
[15]Ce type de contrôle est prévu à l’article 14 de la loi qui dispose : « Les autorités administratives contrôlent la régularité et l’efficacité des activités des services de renseignement placés sous leur responsabilité. Elles veillent à l’exécution correcte des missions ainsi qu’à la réalisation des objectifs spécifiques pouvant être assignés par des directives ou plans de renseignement ».
La question se pose de savoir qui sont les autorités administratives compétentes pour contrôler les activités des services de renseignement et qui sont les autorités chargées de contrôler ces mêmes autorités administratives.
[16] Pauline TURK, « Le contrôle parlementaire des activités de renseignement » dans « Le contrôle parlementaire des opérations de sécurité et de renseignement » (Sous la direction de Riadh Jaidane et Christian Vallar), Colloque franco-tunisien du 18 mars 2016, LexisNexis, pp. 81-91.
[17] Créée par la loi n° 2008-12 du 25 janvier 2008 sur la protection des données à caractère personnel.
[18] Rapport n° 2697 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république, après engagement de la procédure accélérée, sur le projet de loi (n° 2669) relatif au renseignement, par M. Jean-Jacques Urvoas.
[19] Aux termes de l’article 59 de la Constitution, l’Assemblée nationale contrôle l’action du Gouvernement et évalue les politiques publiques.
[20] « Avis du Défenseur des droits n° 15-04 », Paris, le 2 avril 2015.Nous soulignons.
[21] Conformément à l’article 6 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, elle est chargée de l’évaluation et du suivi de l’exécution des lois ; une compétence qu’elle n’exerce pas.
Par Amadou Lamine SALL
NON, LES SENEGALAIS NE SERONT PAS DANS LES TRANCHEES !
Peut-il être permis et… pardonnable d’avoir de l’affection et de l’espoir pour son Président élu au suffrage universel, d’aimer son pays, son peuple, de respecter et de rendre un invincible hommage à la haute lutte et au courage des forces de l’opposition
Peut-il être permis et… pardonnable d’avoir de l’affection et de l’espoir pour son Président élu au suffrage universel, d’aimer son pays, son peuple, de respecter et de rendre un invincible hommage à la haute lutte et au courage des forces de l’opposition ? Peut-il être possible de décider de ne pas se laisser vaincre par la dictature de l’intimidation quand les réponses tournent les questions à l’envers, des injures aveugles fusant des réseaux sociaux certes contestés mais qui résolument célèbrent la liberté ? Méfions-nous de mettre la « clef dans la serrure et que la porte reste muette » ! Peut il être permis de dire que ce qui compte le plus, c’est d’abord l’unité de notre pays, un Sénégal dans la paix et la fraternité ? Si oui, lisez-nous. Si non, quittez cette page, jetez l’ancre ailleurs et que Dieu vous couve !
Ce pays n’aurait-il plus de portes mais rien que des fenêtres ? Et si elles se fermaient elles aussi ?
Il semblerait, dit-on, ne plus exister un seul enfant dans ce pays. Tous ont vite et mal grandi : Un seul meurtrier en serait la cause : la politique ! Ce pays, conte-t-on, est devenu tel, que nous sommes désormais condamnés à être élégants même avec les rats ! Refusons qu’il fasse froid dans nos cœurs. Dans nos corps faisons flamber les bûches de la foi et du respect de notre pays. Lapidons toutes nos peurs. Ceux qui veulent installer le mal et la mort ne voient pas qu’ils portent des dates de péremption et qu’ils sont déjà morts. Ils ne savent pas qu’ils ont choisi d’être le « génie de leur propre ruine » et non de leur « propre grandeur ». Chaque aveugle tient un miroir ! Chaque homme politique est même candidat à Miss Sénégal. L’essentiel est de paraitre ! Je sais que notre pays restera contre vents épineux et marées salées, plus qu’un pays : « un continent de l’esprit », une grande voix du cœur! Ce pays est une promesse ! Il est temps de reposer Dieu, de reposer notre tensiomètre et de travailler davantage ! Il est temps d’arrêter les divisions et de bannir la haine et le rejet de l’autre. Si chacun se bat avec ce qu’il considère comme sa vérité, c’est vérité contre vérité, c’est-à-dire l’impasse. C’est pourquoi Serigne Cheikh dit alors: préférez la paix à la vérité. La paix de part et d’autre aboutit à la paix et donne la paix.
Que personne ne cherche demain à humilier Macky Sall
Le peuple sénégalais l’a déjà élevé et pour le respect de ce même peuple, il sera protégé conformément à nos valeurs les plus élevées : le « soutoura », la mesure, la grandeur d’âme, la clémence, le respect, le pardon, le recours à la Générosité divine. Que personne, par ailleurs, ne cherche aujourd’hui à vouloir humilier coûte que coûte un quelconque leader de l’opposition. Chaque opposant est sacré ! Sinon, on aura humilié le Sénégal face au monde ! Il ne nous faut jamais imaginer ou programmer des vengeances d’État. Il ne nous faut pas des « Mozart assassiné ». Il ne nous faut pas une démocratie amputée de ses deux bras! Savoir toujours raison garder! Savoir que les hommes politiques meurent toujours deux fois : en rejoignant comme tout humain le fond d’une tombe. En disparaissant de la mémoire du peuple qu’ils ont mal servi.
Macky Sall n’est pas Toutankhamon et ne sera pas Toutankhamon ! Ni dieu ni roi ! Non plus, il n’emportera pas avec lui tous ses trésors : son pays, sa jeunesse, son gaz, son pétrole, ses poètes et écrivains, ses artistes, ses maitres, professeurs, enseignants émérites, ses infrastructures ! Monsieur le Président, demandez à Dieu de vous placer plus haut encore que ce que vous propose votre camp et plus haut encore que là où vos adversaires vous attendent. Écoutez les amis qu’aucun de vos décrets n’a donné un bol de riz. Fuyez les complices. Soyez celui qui sait s’asseoir sur un œuf sans le casser. Dieu en a élu quelques-uns ! Faites-en donc partie ! IL vous a déjà prouvé combien IL vous aimait en vous plaçant à la tête du Sénégal. Écoutez-LE, même à votre insu. Par ailleurs, le Seigneur accepte et tolère qu’on L’aime comme IL accepte et tolère qu’on LE haïsse. Sans sévir. Pourquoi alors Ses périssables et éphémères serviteurs seraient-ils le contraire de ce qu’IL est ? Ceux qui ont fait le pari de vous aimer sans jamais chercher ni vouloir vous rencontrer, selon leur éducation et principe de vie, ont droit de ne pas s’être trompé. Monsieur le Président, sachez que vous avez beaucoup, beaucoup travaillé ! Reste, dit-on, à desserrer l’étau autour de ceux qui cherchent la face du soleil. N’en faites pas des martyrs comme vous l’avez été vous-même ! Dieu vous a si choyé ,si élevé, si grandi! Soyez le meilleur pour l’histoire. Relevez les soldats blessés du camp ennemi !
Il est 1h du matin et je ferme les pages de « Oraisons funèbres et sermons » de Bossuet, chez les Classiques Larousse. Je cède un regard à la chaîne Africable où tourne un documentaire sur la vie de Nelson Mandela. J’apprends et cela me touche, que cet homme avait transformé sa prison en bibliothèque. En effet, on y entend Mandela dire à ses compagnons qu’il faut faire venir des livres, apprendre, se cultiver, se former, lire, pour connaître et connaître son ennemi pour mieux le combattre. Il a plus de 70 ans quand il sort de prison le 11 février 1990. C’est beaucoup ! Il nous confie trois leçons de vie que sa très longue incarcération lui a enseignées : savoir beaucoup écouter. Ne jamais prendre de décisions hâtives. Se battre pour l’équité pour tous, la dignité humaine, la liberté. Mandela dit qu’il faut arriver à la paix, renoncer à la violence sans rien céder à son engagement pour la liberté et la démocratie. Je pense alors à mon cher pays le Sénégal, à ses interrogations d’aujourd’hui, ses camps raidis et opposés, ses impasses démocratiques, ses rancœurs tenaces. Je pense plus encore au face à face de deux camps particulièrement radicalisés : celui de mon Président et celui de Ousmane Sonko. Ne risquons surtout pas de désigner l’offenseur. Nous serions hélas des médiateurs partiaux, des réconciliateurs déboutés et vite lynchés. La vérité, nous dira-ton, a menti. C’est ainsi. L’espace politique sénégalais est devenue une impasse sans fin !
Les deux camps doivent sortir de la crèche et grandir
Quelque chose de sombre pourrait menacer notre pays et dont nous avons déjà vécu quelques tristes et sanglants soubresauts. Une autre forme d’Apartheid, en effet, s’est dessinée : le camp présidentiel ostracisé, celui de l’opposition ostracisé. Bien sûr, aucune forme de menace de la part de l’opposition sur la stabilité de notre pays ne saurait être acceptée. Par ailleurs, aucune répression aveugle de l’opposition parle pouvoir en place, ne saurait être tolérée. Les deux camps doivent sortir de la crèche et grandir. Deux camps arc-boutés, droits dans leur botte, ivres d’eux-mêmes et des ambitions de leur parti se font face. Et cela ne sent pas bon. A chacun son odorat, certes, mais l’odeur et la densité des braises inquiètent. Qui pense le contraire est un Dieu beaucoup trop miséricordieux ! Cette ultime, probable ou improbable confrontation, nous devons nous y opposer de toutes nos forces. Je crois au pouvoir des femmes. J’en appelle à elles. Sortez pour clamer la paix des braves ! Vous portez une charge symbolique plus puissante que celle des hommes !
Autant le Président Sall est jugé comme raide et rude avec ses opposants, autant ces derniers sont raides et rudes avec lui et son pouvoir. Aucun gagnant de part et d’autre. Rien que des perdants et le Sénégal avec ! De part et d’autre, personne ne crèvera seul. D’ailleurs, des militants dopés parle Diable se le disent par camps opposés et invectives incendiaires. Comme des gosses! Mais l’inimaginable est dépassé quand, dans la rue et devant les micros, une certaine jeunesse tient ce langage terrifiant : « Nous acceptons de périr pour notre leader. Nos mamans feront d’autres enfants» !
Aussi loin que nous jetterons notre regard dans le futur, le Sénégal restera et les acteurs politiques d’aujourd’hui auront disparu avec armes et bagages. Rien ne restera de leur nom que ce qu’ils auront laissé de beau et de grand à leur pays, l’Afrique, le monde. Certains et parmi les plus nombreux aujourd’hui, ont une renommée qui ne dépasse même pas Bargny Sendou ! Avouons-le avec respect : nos hommes politiques ne font pas une belle vitrine pour le Sénégal! A l’étranger d’ailleurs, on a du mal à vous en citer deux noms! Sachons, en un mot, que « la place est petite que nous occupons en ce monde ! La figure de ce monde passe et notre substance n’est rien devant Dieu. ». Nous devons apaiser les esprits, nous réconcilier sur l’essentiel : la paix, la tolérance, le respect du suffrage du peuple. Qu’on le veuille ou non, c’est à la loi que le peuple a confié le respect de son suffrage. Voudrait-il le lui retirer, il passerait encore par la loi à défaut de la remplacer directement par lui-même. Le peuple est la seule vraie loi mais il l’exerce en la déléguant à la justice comme haute institution de la République, impartiale et respectable. A la vérité, ce n’est pas la République qui corrompt la justice, c’est plutôt la justice qui trahit sa mission, son idéal, le peuple, si elle cédait son pouvoir à la politique, comme une dépravée céderait son corps pour un billet de banque. Puisse cette justice n’être pas la nôtre, celle que nous aimons et à laquelle nous croyons, malgré les teigneuses et noires suspicions qui pèsent sur elle et la démembrent.
Quand on évoque un État de droit, ce sont plus les juges qui sont interpellés que le président de la République. Inflexibles, intouchables, inattaquables, ils doivent aider sinon forcer les chefs politiques à tenir la route droite. C’est eux qui rendent la justice et non le Président, même si c’est lui qui les nomme ! C’est la bonne compréhension d’une République normale. Les juges doivent être la citadelle imprenable. Le politique est plus fragile, ce qui ne saurait le dédouaner. Il apparait que le pouvoir judiciaire, partout dans le monde, garantit mieux la démocratie que le pouvoir exécutif. Ce dernier veille toujours jalousement sur son pouvoir possessif, même à son insu. Seul alors le pouvoir judiciaire peut se dresser comme arbitre central et comme arbitre de touche. C’est particulièrement par les fautes de touche non sifflées que les centres partent et que les buts sont marqués alors qu’ils n’auraient pas dû être validés. Il n’est jamais souhaitable que le peuple se substitue à la loi et l’exerce. Voilà pourquoi les hommes politiques de tous bords doivent raison garder ! C’est bien à la justice, quel qu’en soit le prix, de réguler et de donner le juste verdict applicable à tous. Si elle doute d’elle ou si elle laisse douter d’elle, elle périt.
Il n’y a aucune place dans ce pays où la foi est le sourire du cœur, pour la division, la haine. Il faut à tout prix aller à la paix. Abdoulaye Wade l’a fait face à Abdou Diouf. Macky Sall l’a fait face à Abdoulaye Wade. Mais ne rien lâcher. Être conquérant. Ne rien céder à l’injustice, mais toujours rester dans l’élégance, l’ouverture, la paix. Macky Sall ne pourrait déroger à cette belle règle de grandeur malgré l’adversité, le moment venu, face à son successeur, qui qu’il soit ! Dans la perspective des élections présidentielles de 2024, chaque opposant, en pré-candidat libre non encore reconnu par la Cour constitutionnelle, combat pour accéder au pouvoir si le peuple sénégalais le veut. Cela doit se passer ainsi, hors de tout hold-up, tricherie, supercherie, ruse. Senghor a quitté librement et volontairement le pouvoir, en démissionnant. Il a confessé, très tôt, être resté trop longtemps au pouvoir mais en donnant les raisons. Diouf a fini par céder le pouvoir dans la paix, seulement après que le peuple a arbitré. Wade a cédé le pouvoir après avoir d’abord résisté et passé les barricades, mais stoppé net aux portes des urnes par l’arbitrage de son peuple. Sall cédera-t-il le pouvoir avant les barricades ou après les barricades, devant les urnes de 2024 ou celles de 2029 ? Le Sénégal est en perte d’haleine ! L’Afrique et le monde attendent de voir la posture du Lamtoro !
Il n’y a pas deux Présidents du Sénégal, mais un seul : Macky Sall. Ce qui fait de lui le premier garant de la paix. Tout le reste fait partie de la macaroni politique. Mais celle-ci compte et il en faut, car elle est le miroir de toute démocratie ! En revanche, la loi doit rester à la loi et pour cela elle doit être infaillible, insoupçonnable. «Ne pas obéir à la loi cesse d’être un devoir, si celle-ci a failli » a-t-on écrit. Hélas, Macky Sall n’a plus à convaincre son opposition. C’esttrop tard, peine perdue, elle ne croit plus en lui. Convaincre l’adversaire déjà passé à l’eau bouillante, n’est pas aisé,rit-on dansles salons. Il lui reste à écouter et à convaincre le peuple qui l’a élu ! Et ce peuple ne se limite pas au nombre de partisans ou de majorité acquise. Il le dépasse. Et c’est justement ce qui dépasse, qui fait la différence.
A suivre
Amadou Lamine SALL
Poète, lauréat du Grand Prix Tchicaya U’Tamsi de la poésie africaine internationale; lauréat des Grands Prix de l’Académie française
par Benjamin Zebaze
BABETTE AHIDJO SAVAIT SE MONTRER EXEMPLAIRE
Je viens d’apprendre le décès de la première fille du président Ahmadou Ahidjo. Je présente à la famille mes très sincères condoléances.
Comme son papa et sa maman Ahmadou et Germaine Ahidjo, le Dr Babette Fadimatou Ahidjo, la fille aînée de l’ancien président, est morte de suite d’une crise cardiaque en terre sénégalaise après 41 ans d’exil. Très active auprès de sa défunte mère madame Germaine Habiba Ahidjo, pour le retour de la dépouille du 1er président du Cameroun et des funérailles nationales, elle a été enterré auprès de ses parents au cimetière Yoff de Dakar au Sénégal. Dans un texte publié sur les réseaux sociaux, le journaliste Benjamin Zébazé rend hommage à la fille du premier président du Cameroun.
Décès De La Première Fille Du Président Ahmadou Ahidjo
Je viens d’apprendre le décès de la première fille du président Ahmadou Ahidjo. Je présente à la famille mes très sincères condoléances.
C’est l’occasion pour moi de dire aux jeunes qui croient que la gabegie actuelle est normale, que la famille du président Ahidjo savait se montrer exemplaire.
Des Enfants Exemplaires
En 1974, je quitte mon Dschang natal pour m’inscrire en 5ème au lycée général Leclerc de Yaoundé.
A mon arrivée, je constate que c’est le lycée de référence de toute l’élite de la République: mais paradoxalement, leurs enfants côtoient ceux des plus pauvres et des plus indigents.
Les 2 filles du président de la République arrivent au lycée en Renault 4, la voiture la moins chère du marché: plus tard, en Toyota super saloon, une voiture moquée à l’époque et tout cela, sans garde de corps.
En comparaison, le paysan que j’étais, était accompagné en 504, la voiture phare des années 70-80.
Pendant la “récréation”, les enfants Ahidjo restaient en classe: parfois, la cadette en classe de 6ieme, s’asseyait sur un caillou du côté du terrain de basket ball avec une copine.
Les jeudis, juste à côté de chez nous au quartier hippodrome, la voiture des filles d’Ahidjo venait chercher leurs amis béninoises pour les conduire au palais présidentiel: pour nous, c’était banal.
Une Maman En Or
Un soir vers 18heures alors que j’accompagnais ma sœur aînée au célèbre magasin Printania, je suis surpris de voir Madame Ahidjo et ses filles en rang devant une caisse. Sa garde était tellement discrète qu’elle paraissait absente.
Au moment de payer, elle signe un chèque, comme ma sœur d’ailleurs car ce mode de paiement était accepté partout.
Des années plus tard, la défunte fille Ahidjo se retrouve au CUSS pour se former en médecine. Une classe la sépare d’une de mes sœurs aînées. Lors des stages à l’hôpital central de Yaoundé, comme n’importe quelle étudiante, elle prenait ses gardes la nuit en se couchant sur un vulgaire matelas, luttant contre les moustiques.
Lors de sa soutenance de thèse, madame Ahidjo est assise, sans aucun protocole, comme n’importe quel parent, dans l’amphi 700 à Ngoa Ekelle. Il fallait être particulièrement curieux pour remarquer que quelque chose de spécial se passait à l’intérieur de cet amphi.
Oui, nos enfants doivent savoir que même si le président Ahidjo a commis des erreurs, il a essayé de bâtir une nation en faisant tout pour que sa famille n’ait pas la main mise sur les affaires de l’Etat.