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23 novembre 2024
Opinions
Par Mohamed GUEYE
FINANCES PUBLIQUES, AU-DÀLA DES CHIFFRES
Il faut croire que ce sera la faute de ce pillard de Macky Sall si le Sénégal ne sait pas encore en ce moment, de quel budget va disposer son Etat l’année prochaine. Une situation parfaitement inédite depuis Senghor
En 2012, face à la perspective d’une défaite électorale qui le menaçait, Abdoulaye Wade avait prévenu que s’il perdait le pouvoir, il ne garantissait pas que les salaires puissent être payés dans les deux mois suivants. Et de fait, dès sa prise de fonction, Macky Sall a dû se rendre en France de toute urgence. On a appris, à la suite d’un communiqué, que le Président français Sarkozy a accordé au Sénégal une aide budgétaire de près de 180 millions d’euros pour permettre, entre autres, de payer des salaires.
Autre flash-back. Fin 2023. Quelques mois avant la fin de son second mandat, Macky Sall décide d’augmenter des salaires de l’enseignement public, de l’élémentaire au supérieur. Ce qui représente une grosse enveloppe de plusieurs milliards par année.
En ce moment, si l’on en croit les annonces faites la semaine dernière par le gouvernement, à la tête duquel le Premier ministre, le pays était déjà au bord de la banqueroute. Où Macky Sall et ses ministres trouvaient-ils l’argent pour payer tous les fonctionnaires chaque mois ?
Pire encore, ou mieux, ces faussaires ont trouvé le moyen de laisser plus de 300 milliards de Cfa dans les caisses de l’Etat en partant, comme indiqué dans le communiqué du Conseil des ministres. Une chose que le régime de BDF n’a pas démentie. Et pour montrer leur force, c’est à partir de leurs données et leur bilan que le régime actuel a pu lever plus de 450 milliards de Cfa d’eurobonds, même si à ce jour, on n’en connaît pas encore l’utilisation, étant donné que l’Assemblée nationale n’a pas eu le temps de voter une Loi de finances rectificative (Lfr) qui devrait intégrer cet argent dans le budget de cette année.
Parlant de budget d’ailleurs, il faut croire que ce sera la faute de ce pillard de Macky Sall si le Sénégal ne sait pas encore en ce moment, de quel budget va disposer son Etat l’année prochaine. Une situation parfaitement inédite depuis Senghor. L’ennui est que, du fait de cette situation, les Sénégalais ne connaissent pas encore les orientations politiques et économiques que le nouveau régime veut imprimer au pays. Jusqu’à présent, on nous parle de souverainisme économique, sans nous en donner le contenu.
L’action la plus tangible est la remise en question des contrats avec les compagnies étrangères évoluant dans le secteur minier. Un ministre a déclaré que cela visait à s’assurer que les intérêts du pays étaient très bien protégés et que le Peuple profitait pleinement de ce qui lui revenait constitutionnellement. Il faut prendre acte de cette volonté, et souhaiter que les actes ne tournent à la Bérézina pour le pays. Cette remise en cause des contrats signés et des engagements de l’Etat pourrait éventuellement rendre plus frileuses les entreprises étrangères qui ont accepté de mettre plusieurs milliards de Cfa dans «l’aventure» pétrolière, les inciter à retenir leurs financements jusqu’à plus amples informations. Souhaitons que leur revue de ces contrats se fasse avec plus de sérieux que ce qu’ils avaient consacré à dénoncer la gestion du pétrole et du gaz sénégalais. Les gens n’ont pas oublié que l’actuel Premier ministre, alors dans l’opposition, avait pondu deux ouvrages pour dénoncer la gabegie et le manque de transparence du pouvoir de Macky Sall dans la gestion du pétrole sénégalais. Dans ses déclarations, il était allé, ainsi qu’un autre politicien, par ailleurs éminent diplômé de l’Ecole des Mines en France, jusqu’à affirmer, avec tout le sérieux de leur rang, que des bateaux étrangers venaient rôder la nuit autour des plateformes pétroliers du Sénégal pour charger du pétrole sénégalais qu’ils allaient vendre en Europe.
Ça, c’était près de 5 ans avant que la compagnie Woodside n’annonce la sortie de son premier baril, faisant ainsi taire les rumeurs mortifères.
Mais il est temps d’aller au-delà des chiffres et des débats de spécialistes des Finances publiques. Aujourd’hui que le Premier ministre et son gouvernement nous annoncent, avant la Cour des comptes, que tous les calculs sur lesquels se basent les chiffres de nos performances économiques sont falsifiés, on est impatients de savoir comment ils vont redresser la barre. Toutefois, on peut estimer, avant la publication annoncée du fameux «Projet» la semaine prochaine, qu’ils ne devraient pas y avoir beaucoup de problèmes s’ils s’en tiennent à leurs déclarations d’avant l’arrivée au pouvoir. N’ont-ils pas basé leur postulat sur une économie d’auto-production ? Le Président Faye avait même déclaré vouloir relancer une industrie de substitution des importations. C’est sans doute pour cela que la dégradation de la notation du Sénégal ne les dérange pas trop. Ils ne doivent pas non plus être particulièrement choqués de voir des filiales étrangères quitter le pays. Le problème est de trouver des champions locaux qui prendraient leur place. Ou même mieux, qui vont investir dans des secteurs encore plus en pointe que ceux qu’occupaient les exploitants étrangers. Une très bonne idée, mais qui ne pourra être jugée que lors de sa mise en œuvre.
Dans ce domaine aussi, l’une des leçons à retenir est qu’un cordonnier ne peut se transformer en maroquinier du jour au lendemain. Un négociant en linge ne peut non plus devenir constructeur automobile en une quinzaine de jours. Si l’on veut promouvoir des entreprises à partir de la coloration politique de leurs dirigeants, on va diriger le pays vers un retentissant échec. Or, le Sénégal n’a pas de temps à perdre à des tâtonnements. La promotion de champions nationaux est quelque chose de très important et ne peut se baser sur les affinités que les dirigeants ont avec certains prétendus «capitaines d’industries». Tout le monde sait qu’au Sénégal, ils ne sont pas vraiment nombreux.
Le gouvernement a eu le temps, depuis sa prise de fonction, de se rendre compte que les déclarations d’avant les élections ne permettent pas de préserver ou de nourrir une popularité politique. La jeunesse sénégalaise notamment, souffre d’un mal-être qui ne se contente plus d’intentions. L’armée de chômeurs qui frappe à ses portes ne va pas regarder encore pendant longtemps des copains se partager le gâteau de l’Etat avec des coquins dont le mérite est d’avoir été parmi les plus bruyants lors de la traversée du désert. Il est passé le temps où l’on pouvait impunément rejeter toutes les fautes sur l’ancienne équipe et penser s’exonérer de toute faute.
Le Premier ministre a pensé qu’il lui suffisait d’affirmer avoir trouvé des données trafiquées pour gagner des mois de patience et d’indulgence pour son équipe. Il oublié uniquement que s’il a été élu, ainsi que son président, c’est pour avoir dit qu’ils avaient un «projet déjà tout ficelé» et qui n’attendait que sa mise en œuvre. Comparaison n’étant pas raison, on pourrait néanmoins rappeler au Président Diomaye Faye que Macky Sall avait dû, quasiment dès son arrivée au pouvoir, patauger dans les eaux à Sicap Foire ou Nord Foire, et dans la Zone de captage, et régler le problème. Il ne s’est pas défaussé en prétendant que ce n’était pas «son hivernage». Et même après, il ne s’est pas plaint que des saboteurs s’en prenaient à des ouvrages d’évacuation, comme à Keur Massar, pour des motifs politiciens.
Il en est de même des denrées de première nécessité, du loyer ou du tarif de l’électricité. Bien loin de vouloir se faire l’avocat de la gouvernance de Macky Sall, on peut affirmer que les premières mesures de sa gouvernance, même empreintes de populisme, ont été très efficaces, et toute la population y a adhéré, à la notable différence de propriétaires d’immeubles, ce qui est tout à fait compréhensible. Actuellement, il suffit de faire un tour sur les marchés du pays pour se demander par quel miracle certains de nos compatriotes parviennent à survivre. De même, avec cette rentrée scolaire qui n’est pas celle de Benno ou de l’Apr, comment les parents de familles nombreuses parviennent à satisfaire les besoins de leurs enfants ?
Avant de chercher à convaincre les Sénégalais qu’ils détiennent avec leur équipe, les clés du développement de ce pays, les dirigeants de ce pays devraient d’abord, et en toute urgence, se pencher sur leurs concitoyens. Les promesses qu’ils se préparent à faire au cours de cette campagne électorale devraient être concrétisées le plus vite possible
PAR THIERNO BOCOUM
LE TEMPS DE FREINER LA DÉMAGOGIE ET LE POPULISME
"Quelques petits extraits tirés du livre de Ousmane Sonko « Solution pour un Sénégal nouveau », bréviaire d’un « projet », nous révèlent de sa part une facilité à se dédire et à renvoyer aux calendes grecques les promesses faites aux populations."
Quelques petits extraits tirés du livre de Ousmane Sonko « Solution pour un Sénégal nouveau », bréviaire d’un « projet », nous révèlent de sa part une facilité déconcertante à se dédire et à renvoyer aux calendes grecques les promesses fermes faites aux populations.
«Pour tous les emplois supérieurs soumis au choix du Président, nous mettrons en place le mécanisme de l'appel à candidature permettant une pré-sélection sur dossier par un comité ad hoc spécialisé et sur des critères combinés d'ancienneté, de compétence et de probité. Et c'est seulement les trois meilleurs dossiers issus de ce tri qui seront soumis à l'arbitrage du Président de la République qui, quelle que soit l'option, n'aura pas cette marge de désigner selon son bon vouloir. »
Ousmane Sonko, « Solutions pour un Sénégal nouveau » P 96
«Il faut consacrer l'incompatibilité de l'exercice des responsabilités techniques de Directeurs, Directeurs généraux et secrétaires généraux de structures publiques et parapubliques avec toute implication dans la vie politique. Cela garantirait la neutralité de la fonction publique et éviterait, comme c'est le cas présentement, l'utilisation des moyens de l'État et des sociétés nationales au service d'un parti politique ou d'une coalition de partis.»
Ousmane Sonko, « Solutions pour un Sénégal nouveau » P 106
«L’'un des plus gros scandales dans la gouvernance de ce pays est la survivance de« fonds spéciaux » dont l'utilisation est laissée à la discrétion absolue du seul Président de la République. Dix (10) milliards, comment peut-on allouer autant de crédits à une personne, fût-elle la première institution de la République, sans aucun contrôle, ni a posteriori, ni a priori? Ces fonds échappent à tout contrôle de l'Assemblée nationale qui les vote, et des corps de contrôle (IGE, Cour des comptes...).
Ainsi, le Président de la République peut donner 25 millions aux cadres de son parti, 10 millions aux imams de telle localité, 40 millions aux militants de telle ou telle autre zone... Il peut en donner à son épouse pour des activités « caritatives » et qui en dispose à sa guise. On ne verra jamais un Président américain, français, allemand, etc. offrir aux siens aussi allègrement autant d'argent, jamais. Ces fonds ne sont en réalité que des fonds de corruption politique et d'entretien de militants alimentaires. Il faut les supprimer. »
Ousmane Sonko « Solutions pour un Sénégal nouveau » P 94-95
À l’épreuve du pouvoir, les militants se disputent pour de l’argent et se servent des postes sans aucun appel à candidature. Ils caracolent à la tête des directions et continuent allègrement de faire de la politique. Le 17 novembre prochain, il faudra freiner le mal avant qu’il ne gangrène définitivement notre pays.
par Ibra Pouye
PERMETTEZ-MOI D’ÊTRE UN DÉPUTÉ DU PEUPLE POUR BÉNÉFICIER D’UNE IMMUNITÉ PARLEMENTAIRE
Je m’appelle Sa Rondeur Sall, ancien petit dictateur et narcotrafiquant d’un doux pays se nommant le Sénégal. Je traine des casseroles et je sais qu’elles sont si grosses qu’elles ne pourront pas entrer dans une soute d’avion
Ma foi et si j’en ai une, que sais-je encore, un embrouillamini dans ma tête et je ne sais quoi raconter et au rythme où vont les évènements. Que vais-je devenir ? Ousmane Sonko et Emmanuel Macron, mes deux malheurs et sans oublier mon bienfaiteur, le roi de ce doux royaume chérifien où j’ai posé mes pénates et ma douce Marième, ma moitié, épouse et compagne des bons et des vieux jours.
Ousmane Sonko, sortez de mon corps, grassouillet et dodu. Je m’appelle Sa Rondeur Sall, ancien petit dictateur et narcotrafiquant d’un doux pays se nommant le Sénégal. Mais je ne suis guère un trafiquant de drogue même si mon nom dans l’imaginaire des Sénégalais, mes anciens sujets, est mêlé à tout. Un trafic d’armes auquel je suis mêlé, cela est vrai. En effet, mêlé à tout parce je régnais sur tout et ma personne était sanctifiée avant d’être chassée par le peuple sous la houlette d’un vaillant homme voire un démiurge. Répéter son nom dans ce testament me fait pousser des cris d’orfraie parce que je n’ai nullement envie de le voir en fresque.
De mon départ de ce pays, de gros cafards sortent des tiroirs et ternissent mon image et je ne sais quoi faire en ce moment. Je me sens abandonné. Les nuits sont longues et sont mon refuge. Fort heureusement que ma chère et tendre épouse est là pour me réconforter. Je me sens lâché par tout le monde et même par mon griot des temps modernes, grand voleur devant l’éternel. Oh mon Farba, t’es où, on t’interdit aussi de sortir du territoire. Mais bon tu pourrais traverser le fleuve et me rejoindre au Maroc, ce doux pays où vivre fait revivre et dans mon très joli riad des mille et une nuits.
Un jardin d’Eden fleuri et où se racontent les fables de Sa Majesté Sall Lamtoro Bur Guédé, cette lignée de guerriers, aimant la guerre et assoiffés de sang. Oh le pouvoir est grisant. Il m’a rendu très riche. Mais riche, je le suis quand mon mentor Wade m’a offert or et argent à mi-mandat. Ah Abdoulaye Wade, le généreux, le talentueux, l’homme qui a plusieurs flèches à son arc. Mais la trahison a été mon arme fétiche. En effet, je l’ai traîné dans la boue quand il a perdu le pouvoir. Cette jouissance de ce bas monde. Je me suis acharné sur son fils, un véritable pilleur de nos deniers publics. Mais bon, j’ai fait pire que Wade fils.
L’argent et moi, une vieille histoire. Je l’aime trop. Je le compte et même dans mes rêves. Face à l’argent, je perds le contrôle de tout et je peux même vendre ma douce moitié, elle le sait et c’est cela qui nous unit. Rire jaune. Face au pouvoir et à l’argent, je suis capable de vendre ma famille dont mon frère Aliou qui ne m’est d’aucune utilité, ce traitre ayant pris ses aises chez mon ancien Premier ministre. Lui-là, surnommé Amwang ou Bazoum, l’éternel mal aimé de la politique sénégalaise. Je le déteste mais il me fait toujours peur parce que trop riche. Après une batterie d’enquêtes, je me suis rendu compte qu’il volait autant que moi. Mais non, l’on ne peut être fonctionnaire dans ce très pauvre pays et être si riche comme Crésus. Me suis rendu compte qu’il n’est pas que moi qui faisais office de voleur de deniers publics.
L’histoire des 2750 kg d’or sortis du territoire par mon très cher homme lige, cela est de moi. Lui n’a eu que des commissions. Un fabuleux homme de paille même si dans une autre époque, on s’était pris le bec mais bon ma chère compagne a fait taire nos querelles de ripoux.
Vous savez, chers amis lisant ce testament, je risque d’être emmerdé jusqu’au cou. Je traine des casseroles et je sais qu’elles sont si grosses qu’elles ne pourront pas entrer dans une soute d’avion. Raison pour laquelle j’en ai laissé pas mal quand je filais à l’anglaise à la suite de la prestation de serment du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Ah bon Dieu, celui-là, ce sérère au sang noble, je peux prononcer son nom me rappelant ma chère et tendre épouse. Maman aimante. Mi-ange, mi-démon ma Marième et qui m’a fait voir de toutes les couleurs. Elle a bien profité de mon règne avec sa brochette d’amies et de griots. Un sacré morceau elle aussi. Une autre Simone Gbagbo des tropiques. Personnage riche et démesuré. Elle m’a aussi poussé dans mes fourberies et mes pitreries. Mais fallait-il tuer au moment de quitter ce doux pouvoir qui me consumait ? Quelques regrets mais bon comme me le répétaient à l’envi mon entourage et quelques amis présidents dictateurs africains, il était nécessaire de le faire.
Bon Dieu, cher peuple, j’ai tué et en pis j’ai massacré d’innocents citoyens à la tronçonneuse et surtout d’honnêtes gens à la fleur de l’âge. Espoirs et espérances fauchés. Le sang me faisait vivre. J’étais un monstre froid. J’avais des hommes de main tels Rambo M. Fall, ce général de l’armée, monstre froid et ne reculant pour rien devant quelques escouades de cette jeunesse présente et guerrière dans les moments de lutte. Mon Antoine Diome, mon ministre de l’intérieur, faisait le sale boulot et je me voyais un peu en lui. Aucune scrupule ces deux messieurs. Et sans oublier le tailleur de la Constitution Ismaila M. FAll, ce professeur des universités sans foi ni loi qui a troqué ses lumières avec de l’argent. Ces trois moins que rien m’appartenaient mais je ne pouvais les emmener avec moi à Marrakech. L’on dit que j’ai tué plus de quatre-vingt Sénégalais mais je sais que je ne suis pas seul dans ma tête, le chiffre dépasse plus d’une centaine d’individus. Des regrets, je ne saurais vous le dire vu que la vie est une foultitude de regrets amers et des souvenirs doux.
En effet, cette Constitution taillée sur mesure était à moi. A mon homme, ImF, mille mercis mais tu m’as mis dans un gros pétrin. Qu’il aimait l’argent et les ordres. Je n’avais pas trop confiance en ce sire parce qu’en travers lui, se dessine la traitrise. Mon vrai chien de garde était ce général sans grade et ni étoile. Lui-là, la folie risque de l’emporter mais n’oublions pas aussi mon cher J. Bandiaky, un vrai homme de main au ciboulot de prématuré. Une vraie tête de nœud, amateur de sports de combat et d’armes à feu. Et quid de son nom cité dans l’affaire des deux braves militaires disparus ? Mon nom revient sans cesse dans ce drame. Mais bon an mal an, mon ami M. Diagne, l’homme des officines lugubres y est pour quelque chose. Il me manque cet homme, chanteur de mes gloires sans gloriole. Un fieffé menteur doublé d’un cabotin et surtout dans l’affaire d’A. Sarr qui a mis ce doux pays à feu et à sang.
Mais pour me faire une virginité politique, mon parti ApR dilué dans la coalition contre nature Takku Wallu Sénégal, m’a placé comme tête de liste lors des législatives se profilant en novembre 2024. Je veux cette immunité parlementaire et peu me chaut. M’en fous des qu’en-dira-t-on. Je me nomme Macky Sall et m’en fous de tout. Et surtout des moqueries même si ce tandem Diomaye moy Sonko est en train de dérouler son agenda. Une politique de haute intensité qui va pousser sous peu bon nombre d’entre nous à la retraite. Le changement systémique du Sénégal même s’il est un chihuahua à travers leur chemin. Ce dernier, en l’occurrence B. G. Dany, homme d’affaires, patron de presse fauché, est sur une pente dangereuse. Je le sais très versatile et à la limite borderline.
En fait, ces élections ne seront pas de tout repos. Je veux renter au Sénégal et battre campagne mais me demande comment faire. Comme le font certains, je pourrais passer par la Gambie mais bon mon ami Adama Barrow ne m’appelle plus et je le comprends mais bon je pense aussi à la traversée du fleuve par la Mauritanie. Oh non pitié, je ne peux faire cela. Je suis de sang noble, un guerrier dans l’âme. Mais je sais que je risque gros. La prison n’est pas loin et quelques tarés vont essayer d’attenter à ma vie. Rester à Marrakech et aller prier de temps en temps à Fès avec Marième même si je ne suis pas un féru des écritures du Coran que je préfère au temple des lumières. Je ne veux pas terminer comme Mobutu du Zaïre mais cette terre natale que j’ai souillée à cause de mes turpitudes, voudra-t-elle de moi ? Seul Dieu sait mais bon autant rester au Maroc et prendre mes remords éternels pour seul refuge.
Je sais que n’aurai plus jamais le sommeil tranquille sur cette terre qui est mienne. Apparemment le duo Diomaye moy Sonko n’est pas encore tombé dans le guet-apens que je lui ai tendu et dans l’espoir qu’il ne dépassera pas les six mois chrono et que le peuple le chassera du palais.
Petit dieu Macron a rompu le contrat qui me permettait de parcourir le monde et me terrer au Maroc est la seule solution qui me reste. Mais bon sarap Macron !
Prenez acte de cette lettre testamentaire depuis Marrakech, le Maroc.
par Alioune Dione
LA TÉLÉVISION SÉNÉGALAISE, UN DANGER POUR LES LIBERTÉS
L’information est une arme nocive quand celui qui la donne la déforme à ses souhaits et intentions. Elle ne doit point servir d’instrument de diabolisation ou de production de sensation. L’apport des médias dans une société doit être décisif
Dès l’année 1995, K. Popper mettait en garde la société contre les dangers de la télévision pour la démocratie. Lieu par excellence du débat et de la contradiction pour faire jaillir la lumière sur les faits sociaux, les médias au rang desquels la télévision occupe une place particulière dans l’influence sociale sont devenus des instruments de propagande dénués de toute neutralité axiologique. La télévision sénégalaise au-delà de son impact sur la passivité citoyenne est devenue le lieu par excellence de la médiocrité et de la prostitution visuelle.
Des descendants de Goebbels qui font partout la propagande politique mais dénués d’intelligence et de charisme comme le fut le Volksaufklärung und Propaganda, des charlatans, des comédiens, des morues aux mœurs légères dont l’inculture froisse toute conscience avertie devenus analystes politiques ou économiques, suivis de partout par une classe sociale sans portée épistémique pour analyser le discours des médias. Popper disait qu’il ne peut y avoir de démocratie si on ne soumet pas la télévision a un contrôle, ou pour parler plus précisément, la démocratie ne peut substituer durablement tant que le pouvoir de la télévision ne sera pas complètement mis à jour.
Le pouvoir colossal des médias ne doit pas être affaibli mais encadré car une nation qui se veut forte et transparente ne peut recourir qu’à la force médiatique pour accéder au stade suprême de développement. Mais, le temps social appelle à un assainissement rigoureux des médias sénégalais. En effet, si le gouvernement sénégalais opte pour une rupture structurelle, il est appelé à prendre des mesures fortes pour rendre le milieu journalistique professionnel, de garantir une liberté d’expression aux médias dont les critiques permettent d’éclaircir les zones d’ombres des politiques et finances publiques, de bannir toute forme d’intox des médias politisés pour leurrer la masse.
Un État politique préfère la propagande à la critique mais un État-provident n’a pas besoin de médias propagandistes car ses actes se font ressentir socialement par le peuple, il préfère la critique constructive à l’éloge d’une flatterie destructive puisque quand les analyses politiques ou économiques pointent du doigts les manquements, incohérences ou les ambiguïtés de l’action gouvernementale, elles interpellent en quelque sorte le gouvernement non pas à la remise en cause mais à la vigilance dans ses faits et actes montrant qu’il y a des instances de contrôles sociales qui l’incitent à la transparence.
L’immense influence qu’exerce la télévision sur la conscience collective mérite une fois une épuration du milieu médiatique de toute personne dont la formation intellectuelle et journalistique n’est pas aboutie pour parler des faits sociaux, politiques ou économiques. L’information est une arme nocive quand celui qui la donne la déforme à ses souhaits et intentions. Elle ne doit point servir d’instrument de diabolisation ou de production de sensation. Il y a une nécessité absolue de retourner à une formation rigoureuse des journalistes pour la neutralité, la déontologie, l’éthique, les biais du narcissisme mais surtout l’acquisition des connaissances en sciences humaines et sociales. D’ailleurs, le retrait des accréditations des écoles privées de formation sur le métier de journalisme est une nécessité sine qua non pour la régulation du métier de médias. L’exigence de la visibilité comme le disaient les auteurs de l’ouvrage sous la direction de N. Aubert et C. Haroche a pris le dessus sur la pertinence de l’analyse des faits. La créativité artistique, intellectuelle et culturelle perd sa place dans les médias pour ne divulguer que du sensationnel, de l’insignifiance, des clichés mais surtout des stéréotypes qui peuvent porter atteinte à la cohésion sociale.
L’apport des médias dans une société doit être décisif enfin non seulement de conscientiser mais de donner les moyens et instruments pour diagnostiquer l’état socio-politique de la du pays comme étant un vecteur social d’analyse de l’état de développement. Malheureusement, le recrutement médiatique est devenu un concours de mannequinat et de vulgarité dont le corps et la fourberie sont mis en avant et non le savoir.
L’absence de perspicacité de nos médias reflète en quelque sorte le mal profond de l’état arriéré de notre construction sociale et de la précarité de nos institutions de socialisation (primaire et secondaire). Au fait, l’imaginaire médiatique a créé des types de référence dont le seul mérite est de déformer les faits pour plaire à une classe politique adulée par le peuple. Les médias ont cultivé dans les consciences collectives des adolescents une dévalorisation de l’intelligentsia qui a débouché à une prise de soin du corps et à la manifestation de la vulgarité au détriment de la fortification des facultés de la raison et de l’esprit.
Dans ce sillage, la télévision au Sénégal est considérée comme un lieu de divertissement, de charlatanisme, de militantisme politique…, rare que l’action citoyenne et patriotique y trouve sa place, de fait, elle est un instrument passif qui n’appelle pas toujours à la prise de responsabilité chez les jeunes, à la valorisation du mérite et à la stimulation des consciences dans la réflexion pour relever les défis auxquels le peuple est appelé à faire face. Responsabiliser citoyennement la société passe d’abord par faire de la presse une vitrine de démocratie et non un instrument de propagande car comme disaient N. Aubert et C. Haroche : « l’injonction à la visibilité semble concomitante de l’avènement d’une société de l’image, dont l’écran est le symbole majeur. Cette société ‘‘ qui met le monde sur écrans, prend l’écran pour le monde et se prend elle-même pour ce qu’elle a mis sur l’écran ’’ est une société de l’exhibition ou tout savoir est devenu tout voir », nous sommes passé du cogito ergo sum de Descartes au narcissisme de l’exhibition que l’on peut traduire par l’expression latine videor ergo existo.
Alioune Dione : Socio-anthropologue est auteur de : Afrique et contemporanéité.
Par Tabouré Agne
UNE NOUVELLE VISION DE L’EDUCATION ET L’AVENIR DU PRYTANEE MILITAIRE DE SAINT-LOUIS
Le lancement récent des Lycées Nation-Armée pour la qualité et l’équité (Lynaqe) par le ministère de l’Education nationale et le ministère des Forces armées du Sénégal marque une initiative ambitieuse dans le secteur éducatif
Le lancement récent des Lycées Nation-Armée pour la qualité et l’équité (Lynaqe) par le ministère de l’Education nationale et le ministère des Forces armées du Sénégal marque une initiative ambitieuse dans le secteur éducatif. Ces nouveaux établissements visent à répondre de manière novatrice aux défis éducatifs actuels en intégrant des principes d’excellence académique, de civisme et de patriotisme. Toutefois, leur création soulève des interrogations quant à leur similitude avec le modèle du Prytanée militaire de Saint-Louis et à la pertinence de maintenir cet établissement historique dans ce nouveau contexte.
Différences entre Lynaqe et le Prytanée militaire
Bien que les Lynaqe partagent certains éléments de conception avec le Prytanée militaire Charles N’Tchoréré, des distinctions importantes existent entre ces deux types d’établissements
Objectif et mission
Le Prytanée militaire de Saint-Louis, fondé en 1923, est un établissement d’enseignement secondaire à vocation militaire. Il allie rigueur académique et formation militaire, formant principalement de futurs officiers pour répondre aux besoins en cadres militaires et civils de l’Afrique occidentale française. En revanche, les Lynaqe se concentrent sur une éducation générale de qualité, accessible à un public plus large. La formation au Prytanée militaire comprend des éléments de discipline militaire intégrés à un curriculum académique rigoureux, incluant des formations pratiques au sein de l’Armée. Les Lynaqe, en revanche, proposent une éducation beaucoup plus axée sur les matières académiques. Ils visent une approche plus intégrée et moderne. Leur modèle ne se limite pas à la formation militaire, mais combine des valeurs militaires avec une orientation vers l’inclusivité, le numérique et le développement durable. Le projet des Lynaqe met également l’accent sur l’alliance entre l’éducation académique et la formation civique, en collaborant étroitement avec les Forces armées pour inculquer des valeurs telles que le patriotisme et la cohésion nationale.
Recrutement et sélectivité
A sa création, le Prytanée militaire était ouvert uniquement aux fils de militaires en activité, aux chefs de canton et autres notables. Aujourd’hui encore, il est reconnu pour sa sélectivité : chaque année, 50 élèves, exclusivement masculins, sont choisis parmi plus de 3000 candidats lors d’un concours national. En plus de ces 50, une quinzaine d’élèves étrangers peuvent également être admis. A l’inverse, les Lynaqe accueillent un public plus varié, souvent mixte, avec un processus de sélection qui peut différer selon les établissements.
Historique et évolution
Le Prytanée militaire a évolué d’une école d’enfants de troupe à un établissement militaire reconnu, ayant changé de nom et de statut à plusieurs reprises. Les Lynaqe, quant à eux, sont des établissements plus récents, conçus pour moderniser l’enseignement général et répondre aux besoins éducatifs contemporains.
L’enseignement dispensé aux élèves de l’Ecole des enfants de troupe (Eets) les préparait au certificat d’études primaires, suivi d’une formation supérieure. A l’issue de ce parcours, ils intégraient le peloton du 1er régiment de tirailleurs sénégalais, avec la création d’un peloton spécifique en 1926. En 1938, l’école fut rattachée à la Compagnie hors rang (Chr) sous le commandement du Capitaine Charles N’Tchoréré dont l’influence perdure encore.
En 1946, l’école fut transférée au camp de Dakhar Bango, renommé en 1992 en l’honneur du capitaine Dé Momar Gary, ancien élève. De 1949 à 1953, les classes primaires furent progressivement remplacées par des niveaux de collège, l’école présentant pour la première fois des élèves au Brevet d’études du premier cycle du second degré (Bepc). Elle changea de statut pour devenir l’Ecole militaire préparatoire africaine (Empa.) Charles N’Tchoréré, avec la devise : «S’unir, servir toujours France-Afrique.» En 1973, elle fut renommée Prytanée militaire Charles N’Tchoréré de Saint-Louis (Pms) et dirigée pour la première fois par un officier sénégalais, le Commandant Papa Assane Mbodj, en 1974.
Performance académique
Le Prytanée militaire est souvent en tête des classements académiques, remportant régulièrement des concours prestigieux, comme le Concours général. Il a remporté également le concours international de Génies en herbe en 1994 et 1995. Bien que certains Lynaqe peuvent afficher de bonnes performances, cependant leurs résultats peuvent varier selon l’établissement.
Gouvernance et gestion des enseignants
Au Prytanée militaire, l’encadrement militaire est intégré à l’équipe enseignante, avec des enseignants travaillant aux côtés du personnel militaire. Les Lynaqe, quant à elles, sont généralement composées d’enseignants civils, axés sur l’éducation académique. Un défi majeur de cette initiative est la gestion des enseignants dans un cadre militaire. Quel sera le statut des enseignants des Lynaqe ? Seront-ils détachés ou affectés à l’institution, comme c’est le cas pour ceux du Prytanée militaire ? Cette distinction est fondamentale et peut influencer la stabilité de l’institution. Une affectation garantit une certaine autonomie aux enseignants, leur permettant de maintenir des pratiques pédagogiques adaptées, mais également de participer à des mouvements sociaux si nécessaire. En revanche, un statut de détachement pourrait limiter cette autonomie, restreignant leur capacité à s’engager dans des mouvements sociaux. Ce qui favorise une stabilité, une paix sociale et un respect du quantum horaire permettant de renforçer la qualité de l’enseignement.
Dans ce contexte, il est essentiel de se questionner sur l’avenir du Prytanée militaire de Saint-Louis, qui semble en partie redondant avec la création des Lynaqe.
L’avenir du Prytanée militaire de Saint-Louis
Cet établissement bénéficie d’une riche tradition historique et d’une réputation bien établie. Cependant, l’émergence des Lynaqe nécessite une réflexion sur son avenir.
Maintien et réforme
Une possibilité pourrait être la réforme du Prytanée militaire pour le rendre complémentaire aux Lynaqe, en orientant ses programmes vers des compétences militaires spécialisées ou des formations avancées en leadership militaire, tout en préservant son héritage.
Spécialisation et excellence
: Le Prytanée militaire pourrait se spécialiser dans des domaines que les Lynaqe ne couvrent pas en profondeur tels que les carrières militaires spécifiques ou les formations d’élite. Cela lui permettrait de valoriser son expertise unique tout en répondant à des besoins spécifiques de l’Armée sénégalaise.
Conservation comme monument historique :
Une autre option serait de conserver le Prytanée militaire comme un établissement prestigieux, avec une mission plus symbolique, mettant en valeur son patrimoine éducatif et militaire, tout en développant des partenariats avec les Lynaqe pour une complémentarité dans la formation des jeunes Sénégalais.
Les Lynaqe représentent une avancée significative vers une éducation moderne et inclusive au Sénégal, tout en s’inscrivant dans des valeurs traditionnelles. Cependant, le Prytanée militaire de Saint-Louis, avec son histoire riche et ses contributions uniques, mérite une réflexion approfondie sur son rôle futur. Il est essentiel d’explorer des avenues qui préservent ses contributions tout en adaptant son modèle aux besoins éducatifs contemporains.
Par Hamidou ANNE
ET LES INTELLECTUELS PÉTITIONNAIRES SE TURENT…
Les récentes arrestations de journalistes et de patrons de presse, suivies de leur libération sans aucune charge, démontrent l’agitation stérile qui gagne les populistes, quand à leur incompétence technique s’ajoute leur faible hauteur morale
On apprend donc que ne pas accorder le moindre crédit aux chiffres donnés par le gouvernement au sujet de la situation économique peut valoir la convocation à la police. Curieux, car les documents de l’Etat du Sénégal et ceux de nos partenaires vont à l’encontre d’une certaine propagande véhiculée avec le même vocabulaire ordurier. Passant aux choses sérieuses, j’ai lu d’un homme d’Etat étranger, la semaine dernière, ceci : «La tentation illibérale, qui consisterait à faire divorcer la démocratie des principes constitutionnels et conventionnels qui la fondent, se solderait par une démonstration de faiblesse des détenteurs de l’autorité et aboutirait, in fine, à un abaissement…»
Le mot abaissement, qui a fait le titre de ma chronique la semaine dernière, renvoie à ceux-là inaptes aux fonctions qu’ils exercent, qui inspirent la médiocrité. En plus, je remarque qu’ils font preuve d’un manque flagrant de sérénité. Leur agitation, malgré leur arrivée au pouvoir, est symptomatique des hommes étrangers aux affaires qu’ils conduisent. Leur peur est compréhensible aussi parce que partout, les apprentis despotes craignent la détermination de ceux-là qui décident de leur opposer une résistance dont le socle est la liberté en toutes circonstances. Les récentes arrestations de journalistes et de patrons de presse, suivies de leur libération sans aucune charge, démontrent l’agitation stérile qui gagne les populistes, quand à leur incompétence technique s’ajoute leur faible hauteur morale. Qu’ils se le tiennent pour dit : avant-hier nous étions une dizaine à démasquer leur imposture et leur dangerosité ; hier nous étions une centaine ; aujourd’hui nous sommes des milliers ; demain nous serons des millions. La seule exigence du Peuple de l’arc républicain est de leur faire face.
Sur les actes empreints de légèreté et d’abus divers, je suis en revanche préoccupé par la disparition des intellectuels pétitionnaires qui ont animé le débat public entre 2021 et 2024. Devenus subitement aphones, ces ligues spontanées de grands penseurs de la démocratie, de l’Etat de Droit et des libertés ont préféré regarder ailleurs quand journalistes et hommes politiques sont convoqués et condamnés pour certains, pour des délits d’opinion. Même les deux laquais du parti Pastef, Alioune Tine et Seydi Gassama, et les activistes du mouvement «Y’en a marre» ont émis du bout des lèvres quelques timides réserves. C’est dire…
Je connais personnellement certains des signataires des nombreux textes, pour l’essentiel parus chez Seneplus de mon ami René Lake, site dont je suis un compagnon attentif et fidèle. Je peux même dire que parmi eux figurent des amis dont je ne doute pas de la sincérité dans l’engagement. Pour beaucoup, ils ont été victimes du puissant appareil de manipulation du parti Pastef, de leur manque de discernement et de leur incapacité à analyser les choses avec davantage de rigueur. Même les plus réputés universitaires peuvent être abusés par des semi-analphabètes en cravate, familiers des propos oiseux et des menaces et injures publiques.
J’appelle publiquement dans ces colonnes ces amis à leur responsabilité et à un exercice de cohérence et de constance dans la démarche. Je me fais ici le relais de nombreuses interrogations sur leur silence face aux dérives d’un pouvoir dont ils ont été hier les alliés objectifs au nom de la démocratie. Une autre partie des pétitionnaires, elle, était engagée en politique mais n’avait ni le courage ni l’honnêteté d’enlever le masque. Il s’agit d’une flopée de porteurs de serviettes, cachés derrière tribunes et pétitions intempestives, mais dont les seuls moteurs étaient un mélange de haine et d’opportunisme. Derrière toutes leurs gesticulations, ils ne cherchent au fond que la gloire, aussi éphémère soit-elle, les privilèges et la reconnaissance. Ce besoin de reconnaissance est une maladie des intellectuels sénégalais et leur fait perdre parfois le sens réel de leur fonction sociale de producteurs de pensées et de rempart face aux dérives d’où qu’elles surgissent.
C’est avec gravité que beaucoup parmi nous ont constaté la dérive de nombre d’intellectuels sénégalais fascinés par le fascisme, qui a exercé sur eux une étrange attraction. Cette adhésion sans cette réserve, voire cette prudence précautionneuse à un discours et des méthodes violentes, les a empêchés de considérer les phénomènes politiques avec rigueur et lucidité. Aussi, l’exigence de vérité a manqué à beaucoup d’entre nos pétitionnaires, car ils se sont mis dans une logique binaire jusqu’à promouvoir le chaos.
Ceux qui s’organisaient dans des cercles discrets mettaient en place des stratégies de lutte, recrutaient des collègues et allaient chercher des signataires étrangers pour mieux discréditer le régime précédent au nom de la démocratie et de l’Etat de Droit, voyaient leur crédibilité et leur prestige s’effondrer sur le lit de leurs accommodements avec le mensonge, la duplicité, la manipulation et la rhétorique de la violence et du chaos. Leurs petites frustrations ont nourri une contribution à l’avancée de la horde fasciste sans aucun égard pour la vérité des faits et la rigueur scientifique. Ils se disent démocrates, républicains, féministes, pacifistes, mais ont salué toutes les menaces sur la paix et le vivre-ensemble, et toutes les abominations dans les actes et les discours. Ont-ils signé une pétition quand l’autre a traité Mme Adji Sarr de «guenon victime d’Avc» ; quand il a appelé à traîner le président de la République dans la rue comme Samuel Doe ; quand il a dit aux jeunes «si vous mourez, votre mère enfantera à nouveau» ; quand il a traité l’armée de «mercenaires à la solde de la France» ?
Aujourd’hui qu’ils sont au pouvoir, je n’ai pas encore lu leurs pétitions sur les arrestations et emprisonnements pour des délits d’opinion, les interdictions illégales de sortie du territoire, les perquisitions sans mandat visible et les reniements sur les appels à candidatures, la composition du Conseil supérieur de la Magistrature et les menaces sur la laïcité de la République.
Non, ils n’ont rien dit, car certains sont lâches au point d’être terrorisés par des insultes sur internet, d’autres ne dansent que sur la musique de l’opportunisme politicien. Attendent-ils tels de vieux nègres leurs médailles de récompense pour services rendus. Récompense disais-je, celui qui se rêvait historien de la révolution a fini tête de gondole d’un comité Théodule sis à Thiaroye. Que le destin est facétieux !
Post-Scriptum : Traverses passe désormais au lundi. J’ai été honoré de me voir proposé de prendre la suite des «Lundis de Madiambal», après deux décennies d’exercice du fondateur d’Avenir Communication. Ce texte lui est dédié, en témoignage de ma solidarité devant les sordides tentatives de déstabilisation qui le visent. Elles seront vaines comme celles précédentes. Mais on le sait, la bêtise insiste toujours.
par Birane Diop
LE DERNIER DES ARTS DE FARY NDAO
Grâce aux pouvoirs de la littérature, notamment du roman, l'auteur soulève une réflexion sur la politique et ses implications, posant des questions philosophiques et existentielles : pourquoi la politique est-elle comparée à un art ?
J’ai lu Le dernier des arts, le premier roman de l’écrivain Fary Ndao. L’auteur du livre est ingénieur et économiste de l’énergie, travaillant au service de l’État sénégalais. Mais il est bien plus que cela : Fary Ndao est un hussard noir de la République, l’un de ces hommes valeureux dont parlait Charles Péguy, l’auteur de l’essai politique Notre jeunesse, car c’est un haut fonctionnaire qui a la mystique républicaine chevillée au corps, à l’ère du populisme omniprésent. De plus, c’est un intellectuel organique engagé pour la cité. Il a offert à son pays, et au-delà, au reste du monde, trois livres majeurs : Politisez-vous !, L’or noir du Sénégal et Le Dernier des arts, son œuvre la plus récente.
Que dire de ce livre édité par la maison d’édition Présence Africaine ? Le dernier des arts est un magnifique ouvrage, d’une grande érudition à tous égards, le tout enveloppé d’un humour percutant. Grâce aux pouvoirs de la littérature, notamment du roman, il soulève une réflexion sur la politique et ses implications, posant des questions philosophiques et existentielles : pourquoi la politique est-elle comparée à un art ? Cet art fait référence aux stratégies de communication déployées lors des campagnes électorales, où les partis présentent leur candidat et partagent sa vision économique, culturelle, sociale, écologique et sanitaire avec les électeurs, qui ont le dernier mot et sur qui repose finalement l’exercice du pouvoir. Ce don de soi, dont le
but ultime est de changer radicalement la vie des gens, requiert-il de la diplomatie, de l’humour — la « meilleure arme » de tout homme politique ? Peut-on réellement faire de la politique et conquérir le pouvoir sans être cynique, démagogue ou populiste ?
Toutes ces questions trouvent leurs réponses à travers les personnages qui peuplent ce roman. Sibi, figure principale et candidat à la présidentielle, fait comprendre à Coulibaly que la politique, c’est d’abord le peuple, c’est-à-dire une entité sociale sur laquelle s’exerce le pouvoir par le biais de ses représentants. Par conséquent, il faut être « proche d’eux », ne pas les prendre de haut, pour espérer gagner l’élection au soir du second tour. Sans leurs voix, ils ne seront jamais aux affaires sérieuses pour conduire les politiques publiques. Leur communication doit avoir deux objectifs principaux : convaincre et plaire, ce dernier étant souvent le plus décisif. C’est cela qui créera la différence entre leur approche et celle de leurs adversaires – le camp de la présidente Aminata Sophie Cissé. Qu’ils soient des populistes tout simplement, pour être dans l’air du temps.
De plus, un politicien aguerri est un diplomate drapé d’un humour exquis, quelqu’un qui a les talents d’un artiste, c’est-à-dire un génie qui inonde de bonheur et d’excitation le corps social par ses discours anti-élite, son rapprochement avec celles et ceux que les privilégiés appellent avec dédain, dans leurs discussions privées ou lors de dîners mondains : les petites gens, les invisibles, les sans-rien. C’est cela aussi la politique, Le dernier des arts.
Dans ce roman intimiste, à certains points, Sibi et Zeynab, après avoir partagé de bons moments de plaisir charnel, interrogent ce métier exigeant, éreintant et parfois ingrat à travers une dispute de haute intensité. L’activité politique doit-elle s’immiscer au cœur de la famille ? Comment faire pour qu’elle ne perturbe pas l’équilibre familial ?
Face à ces questions existentielles, tout homme politique est tiraillé, voire bouleversé, c’est le cas de Sibi. Sa femme Zeynab — la plume — est désormais la seule qui s’occupe de leurs deux enfants, notamment la petite Sarah Victorine Fall, qui voit son père comme un héros, un homme parfait. Mais ce père n’est jamais à la maison pendant les moments importants. Il a dédié sa vie à d’autres enfants qu’il ne connaît pas, pour apporter un peu de douceur à leur quotidien, pour que demain ils deviennent des transfuges de classe. Autrement dit, pour qu’ils n’aient pas des destins broyés par la misère, la souffrance et la douleur. Il veut faire vivre la promesse républicaine, celle de l’égalité des chances dans le cœur de chaque enfant. La politique, ce n’est pas une question esthétique, ce sont des enjeux de vie et de mort pour beaucoup de gens. Peut-être est-ce là le prix de l’engagement politique. Hélas.
Le dernier des arts est un chef-d’œuvre, un roman absolument passionnant par sa sensibilité, sa justesse et sa langue. La belle ode à la kora, cette musique qui envahit tout notre être pour réparer les blessures invisibles, nous perturbe ou nous fait oublier, le temps d’un instant, l’hystérie de nos sociétés, nous faisant voyager dans le royaume de l’enfance — l’époque de l’insouciance.
En lisant Le dernier des arts, on découvre un écrivain fertile, drôle, d’une grande culture. On trouve des références à Nicolas Mathieu, Boubacar Boris Diop, Albert Einstein, Cheikh Anta Diop, Spinoza, Aristote, Krishnamurti, Jack London, Balzac, Rûmî, Luis Sepúlveda Calfucura. Fary Ndao nous a offert un beau roman d’une grande érudition. C’est un livre sur la politique dans toute sa splendeur. Ici, même l’amour est hautement politique.
Bienvenue en littérature, Fary Ndao. Le dernier des arts, disponible dans toutes les bonnes librairies.
Post-scriptum : Ce passage du livre ci-après m’a fait penser à la meute inculte, médiocre et violente qui avait attaqué Mohamed Mbougar Sarr, brillant romancier sénégalais, quand il a reçu le Goncourt : « Notre pays avait changé. On y détestait désormais la culture, les idées nouvelles, la liberté artistique et la nuance, signe universel d’intelligence, sauf, évidemment, aux yeux des cons. Les conservateurs associés aux faux progressistes avaient plastifié notre imaginaire, préparant le terrain à des individus bien plus radicaux qu’eux : les djihadistes. »
par Salla Gueye
ALIOU CISSÉ, À JAMAIS LE PREMIER
Avec 60 victoires en 93 matchs et un sacre continental historique, son bilan parle de lui-même. Pourtant, le football est impitoyable, et même les héros peuvent tomber de leur piédestal
Aliou Cissé reste une figure emblématique du football sénégalais, tant en tant que joueur qu’entraîneur. Natif de Ziguinchor, il a connu une carrière de joueur notable, évoluant notamment en France et en Europe. Après sa retraite, il se consacre à l’entraînement et devient l’assistant de l’équipe nationale sénégalaise.
Cissé prend les rênes de l’équipe nationale du Sénégal en 2015, à un moment où l’équipe cherche à se réaffirmer sur la scène africaine et internationale. Sa nomination coïncide avec une période de transition, alors que le Sénégal possède un réservoir de talents prometteurs.
Ses débuts à la tête de l’équipe ne sont pas faciles. Les attentes sont élevées, surtout après les échecs lors des précédentes compétitions majeures. Cissé doit bâtir une équipe solide, capable de rivaliser avec les meilleures nations africaines. Il se concentre sur la cohésion d’équipe et l’intégration de jeunes talents comme Sadio Mané et Kalidou Koulibaly.
En 09 ans passés à la tête des Lions, Cissé a dirigé 93 matchs, pour un bilan de 60 victoires, 22 matchs nuls et seulement 12 défaites. En effet, sous sa direction, le Sénégal se qualifie pour la Coupe d'Afrique des Nations (CAN) 2017, où l’équipe atteint les quarts de finale. Cissé démontre ses capacités tactiques, mais également sa gestion humaine, créant un environnement où les joueurs se sentent valorisés et motivés.
Consécration
En 2019, il conduit le Sénégal à la finale de la CAN, marquant une avancée significative pour le football sénégalais. Bien que l’équipe s’incline face à l’Algérie, le parcours est salué et renforce la réputation de Cissé.
Le point culminant de sa carrière arrive en 2022, lorsque le Sénégal remporte la CAN pour la première fois de son histoire. Cette victoire, au Cameroun, est le fruit d’un travail acharné et d’une vision claire. Cissé est célébré non seulement pour sa stratégie, mais aussi pour sa capacité à gérer la pression et à unir l’équipe autour d’un objectif commun.
Il faut le dire, Aliou Cissé a su transformer l’équipe nationale en une force redoutable sur le continent africain. Son style de jeu équilibré, basé sur la discipline défensive et des attaques rapides, a séduit les amateurs de football. Il est devenu un symbole d'espoir pour de nombreux jeunes footballeurs sénégalais.
Cependant, à un moment donné, beaucoup d'experts et les Sénégalais de manière générale ne comprenaient plus son système de jeu. L'élimination par la Côte d'Ivoire lors de la dernière Coupe d'Afrique des Nations a suscité l'ire des supporters et des membres de la fédération. Aujourd'hui, il est limogé, et plusieurs noms sont déjà avancés pour sa succession à la tête de l'équipe nationale du Sénégal.
par Ibrahima Malick Thioune
ANALYSE CRITIQUE DU BUDGET 2024
L'utilisation de l'exposé des motifs comme outil de propagande politique et la manipulation des chiffres soulèvent des questions sur l'intégrité du processus budgétaire
Le budget de l’État est un document essentiel pour la gestion des finances publiques et un pilier de la gouvernance démocratique. Il s’agit d’une loi organique qui détermine, pour une année, les recettes et les dépenses de l'État. En tant que tel, le budget revêt un caractère juridique contraignant et informatif, fournissant aux citoyens et aux institutions une vision claire de l’orientation économique et des priorités politiques d’un pays. Sa préparation et son adoption sont encadrées par des principes stricts qui garantissent la transparence et la sincérité des prévisions économiques. En outre, le Conseil constitutionnel, compétent pour examiner la conformité des lois organiques, veille au respect de ces principes.
Le budget est ainsi défini comme un acte législatif qui prévoit et autorise les ressources et les charges publiques pour une période donnée, généralement une année. Cette définition implique que le budget doit être sincère, transparent et vérifiable. Il ne se limite pas à un simple outil technique de gestion des finances ; c’est aussi un document informatif qui sert de référence pour le contrôle parlementaire et citoyen. Les principes fondamentaux qui encadrent l’élaboration du budget sont les suivants : le principe d’annualité, selon lequel le budget s’applique sur une période d’un an ; le principe d’unité, qui exige que toutes les recettes et dépenses de l’État soient présentées dans un document unique ; le principe d’universalité, qui stipule que les recettes et les dépenses doivent être intégralement inscrites sans compensation entre elles ; le principe de sincérité, qui impose que les prévisions de recettes et de dépenses soient réalistes et fondées sur des hypothèses économiques vérifiables.
Parmi ces principes, le caractère informatif du budget est central. En effet, le budget sert à informer clairement et honnêtement les citoyens et les institutions publiques sur la situation financière de l’État, ses projets de dépenses et ses prévisions de recettes. La transparence budgétaire est donc un impératif démocratique. Toute dissimulation ou manipulation des données budgétaires remet en question la validité de ce document et viole les règles qui encadrent sa préparation.
Dans cette occurrence, le Premier ministre a pleinement joué son rôle en soulevant ce déni de transparence, en rappelant que l’inclusion du remboursement du capital de la dette dans les prévisions budgétaires constituait une violation des principes de sincérité et de transparence budgétaire. En dénonçant cette manœuvre, il a cherché à rétablir la vérité des comptes publics et à informer de manière juste et claire les citoyens et les institutions, conformément aux exigences de la loi organique. Sa prise de position visait à garantir que le budget de l’État reflète fidèlement la réalité économique et qu'il ne serve pas à masquer les véritables engagements financiers du pays.
Dans le contexte du budget de 2024, force est de constater que ces principes, en particulier celui de sincérité et de transparence, semblent avoir été largement ignorés. L’exposé des motifs, les prévisions irréalistes et l’inclusion d’éléments extra-budgétaires dans les recettes posent question et nécessitent une analyse approfondie des manquements du gouvernement.
I. Aspects de Forme : Une dérive politique sous couvert de justification juridique
L’exposé des motifs, traditionnellement dédié à l'explication rationnelle et technique des choix budgétaires, se transforme, dans le cadre du budget 2024, en un vecteur de légitimation politique même si Gaston Jèze écrivait en 1922 que "le budget est essentiellement un acte politique. […] Le budget est, avant tout, la mise en œuvre d’un programme d’action politique. Il constitue un levier majeur d’intervention de l’Etat dans les domaines économique et social ; l’objectif étant de réguler l’activité économique, d’assurer la cohésion sociale et de réduire les inégalités à travers notamment la fiscalité et les dépenses nécessaires au bon fonctionnement des services publics. C’est pourquoi, ce dévoiement du discours normatif révèle une volonté manifeste de sublimer les réalisations du pouvoir exécutif, au détriment de l'analyse économique rigoureuse et de la transparence exigée par la loi organique parce que et surtout le budget un instrument de pilotage et de maîtrise des finances publiques.
Ce glissement progressif, d’une approche juridique à un plaidoyer politisé, interroge non seulement la forme, mais également l’esprit dans lequel ce budget a été conçu. Derrière la rhétorique élogieuse se cache une tentative de renforcer l'image présidentielle, brouillant ainsi la frontière entre gestion des finances publiques et promotion politique. Une telle approche, loin d’être anodine, constitue une entorse aux exigences d’universalité et de généralité des lois, principes constitutionnels pourtant censés présider à l’élaboration d’un texte aussi crucial que celui de la loi de finances.
1.1. L’exposé des motifs : un instrument de propagande
Le budget de 2024 commence par un exposé des motifs, dont le rôle premier est de justifier techniquement et juridiquement les choix budgétaires opérés. Or, cet exposé dépasse largement cette mission en se transformant en un long plaidoyer pour le bilan du Président de la République. Loin d’être une analyse économique ou financière, il s’apparente davantage à une énumération des réalisations politiques, ce qui n’est ni la vocation ni l’objectif d’un document de cette nature.
Cette dérive est d’autant plus préoccupante que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°1 C1 2016 du 12 février 2016 (Référendum 2016), a rappelé que « l’exposé des motifs d’une loi ne doit pas contenir les réalisations répétées du Président de la République ». Le caractère général et impersonnel des lois, y compris des lois de finances, est un principe fondamental qui garantit l'objectivité du texte. En s'écartant de cette règle, le budget de 2024 compromet son impartialité et son sérieux, et soulève des questions quant à sa conformité juridique.
Le budget n’est pas un panégyrique destiné à exalter les mérites d’un homme ou d’un pouvoir, mais bien une loi organique à caractère général et impersonnel. Il ne saurait servir de tribune pour magnifier les réalisations d’un individu, aussi éminent soit-il, car son objet est de déterminer les ressources et les charges de l’État avec rigueur et impartialité. En ce sens, il doit être exempt de tout éloge personnel ou partisan, afin de préserver son caractère institutionnel et technique. Sa finalité première est d’assurer la gestion transparente et rationnelle des finances publiques, au bénéfice de l’intérêt général, et non de se faire l’instrument de valorisation politique. Il est donc impératif que le budget reste fidèle à sa vocation première : celle de fixer des règles budgétaires dans le respect des principes de sincérité, d'universalité et de transparence, sans tomber dans la personnalisation qui en dénaturerait l’esprit.
1.2. L’omission de la perspective juridique
De manière générale, cet exposé des motifs qui doit présenter les orientations générales du projet, reflète une tendance observée ces dernières années, où les lois de finances s’inscrivent de plus en plus dans une démarche politique plutôt que juridique. Cette approche affaiblit la force normative du texte et le soumet à des considérations politiciennes, en contradiction avec les exigences de la loi organique relative aux lois de finances. En conséquence, il est nécessaire de rétablir la rigueur juridique de ces documents, conformément aux standards fixés par le Conseil constitutionnel, pour assurer un processus budgétaire fiable et sincère. En effet, selon Gaston Jèze, le budget « n'est pas uniquement une évaluation arithmétique d'ordre financier ; il a une signification juridique ». La loi organique relative à la loi de finances (LOLF), souvent qualifiée de « constitution financière » du pays, établit les règles et principes fondamentaux qui encadrent le contenu, la présentation, l’élaboration, l’adoption, l’exécution et le contrôle de la loi de finances. Elle constitue ainsi le socle juridique sur lequel repose l’ensemble du processus budgétaire.
II. Aspects de Fond : entre manipulation des chiffres et fausse transparence
Sous l'apparence d'une présentation technique et chiffrée, le budget 2024 dissimule de profondes incohérences qui révèlent une approche douteuse quant à la sincérité des prévisions budgétaires. Derrière la façade d'un équilibre financier ostensiblement maîtrisé, se profilent des artifices comptables et des ajustements peu conformes aux principes de transparence et de rigueur qui régissent la loi organique relative aux finances publiques.
L’intégration d’emprunts parmi les recettes budgétaires, l’annonce de prévisions fiscales optimistes sans fondement tangible, et la dissimulation des véritables niveaux d’endettement traduisent une démarche qui, sous couvert de rationalité, trahit une manipulation subtile des chiffres. Il ne s’agit plus simplement d’une erreur technique, mais d’une stratégie de maquillage budgétaire destinée à masquer la réalité économique du pays. Ces pratiques soulèvent la question d’une possible volonté délibérée de désinformer les destinataires de ce document fondamental, sapant ainsi les principes de sincérité, de prudence et de responsabilité financière qui devraient en garantir l’objectivité. Cette pratique transgresse allègrement le directive n°01/2009/cm/uemoa portant code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l’uemoa qui rappelle avec force que « les acteurs publics qui pilotent et gèrent les fonds publics, élus ou fonctionnaires, acceptent des obligations d’intégrité et de rectitude particulièrement exigeantes, à mesure de la confiance qui leur est faite »
2.1. Sincérité douteuse des prévisions budgétaires
L’un des points centraux de notre critique porte sur le manque de sincérité des prévisions budgétaires pour l’année 2024. Selon les déclarations du ministre des Finances, le budget total s’élèverait à 7000,3 milliards de francs CFA. Cependant, cette estimation inclut 1248 milliards d’amortissements de la dette, qui sont des recettes hors budget. En effet, depuis la réforme de 2009, les emprunts ne sont plus comptabilisés comme des recettes budgétaires au sens strict, mais comme des recettes de trésorerie.
La loi organique 2020-06 sur les lois de finances est claire à ce sujet : seuls les intérêts de la dette, ici estimés à 578 milliards, doivent figurer dans le budget. En incluant les emprunts dans les recettes budgétaires, le gouvernement viole les articles 8, 11, 27, 28 et 24 de cette loi organique. En réalité, sans l’amortissement de la dette, le budget réel s’élève à 5755 milliards, et non à 7000,3 milliards comme annoncé.
La disposition de la loi organique 2020-06 relative aux lois de finances, qui stipule que seuls les intérêts de la dette doivent figurer dans le budget, signifie que l’État ne doit pas inclure le remboursement du capital emprunté dans les prévisions de recettes et de dépenses annuelles du budget. En d'autres termes, les sommes consacrées au remboursement du principal de la dette (amortissement) sont considérées comme des opérations de trésorerie, et non comme des dépenses publiques ordinaires. Les intérêts de la dette, qui représentent les frais financiers que l'État paie sur ses emprunts, sont, eux, des charges courantes à inclure dans le budget car ils affectent directement les finances publiques et contribuent au déficit budgétaire.
Le remboursement du capital, quant à lui, bien qu'il s'agisse d'un engagement financier, est classé hors budget car il relève de la gestion de la dette plutôt que des dépenses de fonctionnement ou d'investissement de l'État. Cette distinction vise à renforcer la transparence des comptes publics, en permettant de dissocier les opérations de gestion de la dette des dépenses budgétaires effectives. En ne comptabilisant que les intérêts, l’État présente une image claire de la charge réelle et immédiate que représente sa dette, tandis que l'amortissement, souvent financé par de nouveaux emprunts, reste une opération de trésorerie.
Cette disposition protège contre une illusion budgétaire où l'État pourrait prétendre inclure des ressources temporaires (par exemple, des emprunts) dans ses recettes annuelles, alors que cela ne reflète pas la solidité économique du pays.
Cette manipulation des chiffres constitue une violation des principes de sincérité et de transparence inscrits dans la loi. En faussant les prévisions, le gouvernement dénature l’information budgétaire, ce qui affecte la capacité des institutions, des investisseurs et des citoyens à évaluer correctement la situation économique et financière du pays.
2.2. Prédictions irréalistes des recettes fiscales
Un autre aspect problématique du budget de 2024 est l’annonce d’une augmentation des recettes fiscales de plus de 693 milliards de francs CFA, sans introduction de nouvelles taxes ou impôts. Le gouvernement justifie cette hausse par une meilleure gouvernance fiscale, via la mise en œuvre des programmes SRMT et PROMAD. Toutefois, cette prévision semble particulièrement optimiste, notamment en période électorale où, historiquement, les recettes tendent à baisser, comme cela a été observé lors des élections de 2012 et 2019.
L’absence de sincérité dans ces prévisions est non seulement une faute technique, mais aussi une violation explicite de la loi organique relative aux lois de finances, qui impose la sincérité comme principe fondamental. En gonflant les chiffres, le gouvernement fait preuve d’un optimisme douteux, mettant en péril la crédibilité du budget.
2.3. Un déficit budgétaire préoccupant et une dette insoutenable
Le budget de 2024 prévoit également un déficit de 840,2 milliards de francs CFA, un chiffre préoccupant dans le contexte actuel. Ce déficit est d’autant plus inquiétant que la dette publique atteint désormais 15 000 milliards, avec près de 100 milliards consacrés au service de cette dette. Cette situation illustre une mauvaise gestion des finances publiques et met en lumière l’urgence de repenser la stratégie de financement de l’État.
La loi de finances devrait viser à contenir l’endettement et à assurer une trajectoire financière soutenable. Or, avec un endettement aussi élevé, le pays s’expose à un risque accru de surendettement, ce qui compromet sa stabilité économique à moyen et long terme.
Le budget de 2024, tel qu’il est présenté, souffre de graves manquements tant sur la forme que sur le fond. L’usage dévoyé de l’exposé des motifs comme instrument de légitimation politique, couplé à des manipulations comptables flagrantes, met en lumière une gestion budgétaire empreinte de légèreté et d’opacité. En intégrant des emprunts parmi les recettes budgétaires, en gonflant artificiellement les prévisions de recettes fiscales, et en omettant de rendre compte de manière transparente du niveau d'endettement, le gouvernement semble s'éloigner des principes fondamentaux de sincérité et de transparence inscrits dans la loi organique relative aux finances publiques.
Ce budget, qui fausse délibérément la réalité économique, expose le Sénégal à plusieurs risques majeurs. Tout d’abord, en violant les principes de sincérité budgétaire, il compromet la confiance des investisseurs et des partenaires internationaux, qui fondent leurs décisions sur la stabilité et la fiabilité des informations fournies par l'État. Un budget artificiellement gonflé, reposant sur des prévisions économiques irréalistes, expose le pays à des révisions en urgence, à une dégradation de sa notation souveraine, et, potentiellement, à une baisse des investissements étrangers.
Ensuite, la manipulation des chiffres accroît le risque de surendettement. Avec une dette publique déjà considérable, atteignant 15 000 milliards de francs CFA, toute stratégie qui dissimule l’ampleur de la dette et des déficits pourrait précipiter le Sénégal dans une spirale d’endettement incontrôlé. Ce surendettement pourrait limiter la capacité de l'État à financer des projets structurants et à assurer les services publics essentiels, impactant directement le développement du pays.
Enfin, l’absence de sincérité dans les prévisions de recettes fiscales, couplée à des promesses non fondées de gouvernance fiscale améliorée, risque de créer un fossé entre les attentes budgétaires et les réalités économiques. Ce décalage peut entraîner des coupes budgétaires drastiques en milieu d’exercice, affectant des secteurs sensibles tels que l’éducation, la santé et les infrastructures. Ces ajustements forcés auraient des conséquences directes sur le bien-être des citoyens, surtout dans un contexte où les attentes sociales sont fortes.
En somme, loin d’être un simple outil de gestion des finances publiques, ce budget reflète une méthode de gouvernance qui, en faussant les données, met en péril la stabilité économique du Sénégal et mine la confiance des citoyens dans leurs institutions. Plus qu’une simple erreur technique, l'art de mal budgétiser devient ici un risque stratégique pour l’avenir du pays.
Dans ce sillage, il incombe désormais aux autorités compétentes de saisir le Conseil constitutionnel afin qu’il examine la conformité du budget aux dispositions constitutionnelles et organiques en vigueur. Le Conseil constitutionnel, en tant que garant de la légalité des lois organiques, notamment celles relatives aux finances publiques, est appelé à jouer un rôle fondamental dans la vérification de la régularité des choix budgétaires. Une telle saisine permettrait de lever toute ambiguïté quant à la conformité de ces dispositions aux principes de sincérité, d’universalité et de transparence, et de garantir que les engagements de l’État, notamment en matière de gestion de la dette, respectent scrupuleusement les exigences constitutionnelles.
Le rôle central des finances publiques dans la gouvernance de notre pays et leur impact direct sur la vie quotidienne des citoyens incitent à penser que la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière budgétaire et financière est appelée à se développer considérablement dans les années à venir. Cette évolution concernera non seulement le contrôle de constitutionnalité a priori des lois de finances, mais également des recours a posteriori, renforçant ainsi le cadre juridique et institutionnel de la gestion budgétaire. Cela contribuerait à consolider la confiance dans le processus budgétaire et à garantir que celui-ci reste aligné sur les exigences de la transparence et de la responsabilité démocratique.
par l'éditorialiste de seneplus, Amadou Elimane Kane
UNE ODE POUR LA RENAISSANCE AFRICAINE
EXCLUSIF SENEPLUS - Il est de notre responsabilité, nous les Africains où que nous soyons, d’œuvrer pour le rétablissement de nos valeurs, de notre conscience historique, de nos ressources culturelles, de nos créations
Amadou Elimane Kane de SenePlus |
Publication 05/10/2024
La renaissance africaine est une démarche qui propose un ensemble de valeurs en rupture avec les représentations euro-centristes et les négations de soi qui effacent et dévalorisent la conscience historique africaine.
Ce partage de résolutions communes doit s’accompagner d’une unité africaine avec pour levier un postulat qui permet d’œuvrer pour la renaissance : une unité culturelle avec la réappropriation du patrimoine historique et des valeurs africaines ainsi que l’exercice des langues nationales ; mais aussi une unité économique et monétaire avec une réelle exploitation des richesses naturelles du continent et enfin une unité politique d’où doit émerger une véritable démocratie participative qui aura pour fondement la pensée africaine le Ubuntu, la justice cognitive, la défense des droits humains fondamentaux et la lutte contre les corruptions, l’impunité et le népotisme.
Il est une de ces valeurs qu’il convient de mettre en lumière, celle de l’engagement politique qui doit être accompagné d’une intégrité sans faille.
Il s’agit ici de dénoncer les accessions au pouvoir qui ne sont pas acquises au moyen simple de la démocratie. Le suffrage universel doit être transparent et le pouvoir ne se conquiert pas à coup d’élections truquées, achetées. La conquête des plus hautes responsabilités d’Etat doit s’exercer par l’intelligence, par une exigence politicienne saine et par une vraie démarche intellectuelle. Un chef d’Etat est un homme tourné vers son peuple et qui doit mesurer, écouter et rendre possible les ambitions de celui-ci dans une cohérence républicaine et démocratique.
Certains gouvernants africains sont des usurpateurs qui tuent la créativité africaine. Ils sont les complices du grand banditisme international qui maintient le continent dans la misère crasse, le chaos, la guerre. Ils sont les assassins des forces vives du continent, de l’intégrité, de l’excellence intellectuelle et de l’entendement humain.
Comme le souligne l’ancien président Thabo Mbeki, grand défenseur de la renaissance africaine, « tant qu’il en sera ainsi, notre continent restera en marge de l’économie mondiale, pauvre, sous-développé et incapable de décoller. »
Et ce ne sont pas que des mots réservés à l’élite, aux cadres, aux intellectuels, c’est le cri de tous les peuples quels qu’ils soient.
Il ne s’agit plus de promesses, de discours pour mieux piller les États et leurs richesses. Il s’agit de rendre compte de ses actes et un homme d’Etat qui ne défend que ses intérêts personnels est un imposteur. L’Afrique n’est pas un continent mineur, des hommes et des femmes sont prêts à se battre pour son développement durable à l’échelle mondiale.
Cette prise de conscience doit s’accompagner de la réappropriation des richesses culturelles, historiques, intellectuelles de la pensée africaine. Nous possédons dans l’histoire antique des modèles d’intelligence et de démocratie en harmonie avec la société que nous voulons construire : les intellectuels du Moyen-âge, l’université des savoirs enracinée à Tombouctou durant des siècles, les savants africains de l’Égypte antique qui maîtrisaient les sciences physiques, spirituelles et sociales, « deux milles ans en avance sur les Européens de Grèce ».
Cinq cents ans d’esclavage et de pouvoir colonial ont réduit à néant ce fantastique héritage. Il est de notre responsabilité, nous les Africains où que nous soyons, d’œuvrer pour le rétablissement de nos valeurs, de notre conscience historique, de nos ressources culturelles, de nos créations qui sont exhibées de par le monde sans que l’on soit directement, sans intermédiaire crapuleux, impliqués dans la défense de ce patrimoine.
La connaissance de soi et l’ouverture du champ des possibles sont les seules issues pour recouvrer la dignité, la confiance et l’estime de soi.
La démarche de la renaissance africaine est une méthode de lutte perpétuelle contre les chefs d’Etat tyranniques, contre les népotismes, contre la misère intellectuelle, contre l’imposture, contre le crime organisé.
Nous ne pouvons pas rester les bras croisés et attendre encore que plusieurs générations d’africains soient sacrifiées au seul profit de quelques hommes illégitimes et malhonnêtes.
Hommes politiques, hommes de culture, savants, chercheurs, cadres, artistes, intellectuels, ouvriers, paysans, chômeurs, enseignants, revenons à la « terre mère ».
Hommes, femmes, jeunes de tout le continent et de la diaspora, rassemblons-nous pour créer l’unité africaine de demain qui ainsi constituée formera l’image belle et renouvelée du continent et que l’on nomme la renaissance africaine.
« Pour toi je bâtirai
Un continent de pleine lune
Avec des terres sans frontières
Sans castes
Sans propriétés
Sans mépris
Et sans haine
Où grandiront
De beaux nénuphars noirs
Fleuris par les soleils de nos libertés !
Et je foudroie l’envahisseur et ses valets
Tous les nouveaux
Chiens de garde
Avec pour force
Ma seule folie ensoleillée
Brodée de conscience historique
Comment voulez-vous
Que je me soumette »
Extrait La parole du baobab, poésie, éditions Acoria, Paris, 1999.
Amadou Elimane Kane est enseignant, poète écrivain.