SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
30 novembre 2024
Santé
PAR Lamine Diedhiou Dingass
LE CARE COMME MOYEN DE LUTTE CONTRE LA MORTALITÉ MATERNELLE
EXCLUSIF SENEPLUS - L’offre de formation doit insuffler, dans notre système de santé, les valeurs humaines. Nos hôpitaux doivent revenir à l’affectueuse inquiétude du soignant pour la souffrance d’autrui
Le 7 avril 2022, après avoir demandé en vain une césarienne qui aurait certainement sauvé sa vie, Astou Sokhna est morte en couches au service de la maternité de l’hôpital Ahmadou Sakhir Mbaye de Louga. Les inspecteurs de l’État qui ont été dépêchés sur les lieux pour mener une enquête sur ce décès évitable en ont conclu que la césarienne, rendue gratuite au Sénégal depuis janvier 2014, ne devait pas attendre dans un tel cas, d’autant plus qu’en 2019, suite au décès de sa fille née prématurément, une note a été consignée au dossier médical de la défunte qui indiquait expressément que le recours à la césarienne est à privilégier en cas d’un nouvel accouchement problématique.
Comme on le sait, cette affaire a provoqué un vaste émoi au Sénégal d’autant plus qu’elle est survenue quelques jours après l’annonce en pompe, à Keur Moussa, du ministre de la Santé et de l’Action sociale – M. Abdoulaye Diouf Sarr - de l’octroi d’un financement de 500 millions de francs CFA supplémentaires qui devait, selon ses termes, « assurer aux femmes toute la couverture nécessaire » dans la lutte contre la mortalité maternelle. Conséquences immédiates de cette triste affaire : le directeur de l’hôpital en question a été relevé de ses fonctions et, « agneaux du sacrifice destiné à faire taire la vindicte populaire » selon les termes de Bigué Ba Mbodj (présidente de l'Association des sages-femmes d'État du Sénégal), 7 sages-femmes ont été suspendues de leur fonction, dont 4 en garde en vue au moment où nous écrivons ces lignes et 2 en liberté provisoire parce qu’enceintes, elles aussi.
Il faut dire que le Sénégal n’en est pas à son premier grand scandale médicosocial qui a secoué l’opinion publique et la presse locale. Le souvenir est encore frais, dans la mémoire des Sénégalais, concernant les 4 bébés morts, le 24 septembre 2020, à l’hôpital de Ziguinchor. Mariama Magui Diémé, leur mère, avait fait cette révélation troublante à l’effet que, de 9 à 19 heures le même jour, alors qu’elle était en « travail » avancé, elle n’avait pas reçu une assistance appropriée, les deux sages-femmes de garde étant occupées à surfer sur WhatsApp plutôt que de s’occuper de sa santé et de celle de ses bébés en danger. Elle ajoutait qu’au bloc opératoire où elle a enfin été admise sur le tard, son médecin traitant lui aurait clairement dit qu’il ne pouvait pas, à un moment, s’occuper de son cas parce qu’il devait aller manger.
La mortalité maternelle : des statistiques alarmantes
Au-delà de ces cas qui s’ajoutent au dossier de maltraitance, les statistiques sont troublantes sur le nombre de décès en couches dans les unités néonatales sénégalaises. Chaque jour, ce sont au moins 5 femmes répertoriées qui perdent la vie en donnant la vie. En chiffres absolus, ce sont 791 décès maternels que le pays a enregistrés en 2020, soit 236 femmes et 21 petits bébés sur 100 000 naissances vivantes qui sont passés de vie à trépas dans les hôpitaux sénégalais, avec de fortes disparités régionales qui font que, par exemple, la région de Dakar a enregistré 99 décès la même année tandis que celle de Tambacounda (à l’extrême sud-est du pays) a affiché le taux le plus élevé de mortalité avec 102 décès maternels et 354 décès en unités néonatales. Comparés à la France où la moyenne de décès en couches est de 85 chaque année pour 811 510 accouchements, ces chiffres donnent froid au dos.
La faible tendance baissière du ratio de la mortalité maternelle au Sénégal (de 92 à 236 décès pour 100 000 naissances vivantes entre 2010 et 2017) ne doit, en aucune manière, être un motif de consolation pour le ministre de la Santé et de l’Action sociale ainsi que son gouvernement. Car, en vérité, au moins 50% de ces morts sont des morts de trop et des morts parfaitement évitables comme l’a reconnu, le 4 octobre 2021, lors du Forum des parlementaires pour l’instauration d’une journée nationale de lutte contre la mortalité maternelle, néonatale et infanto juvénile au Sénégal, Dr Amadou Doucouré, directeur de la Direction de la santé de la mère et de l’enfant (DSME), l’organisme chargé d’organiser et de coordonner les activités préventives et curatives concernant la santé et le bien-être de la mère, du nouveau-né, de l’enfant et de l’adolescent.
Aussi, les situations alarmantes dans les pays de la sous-région ouest-africaine ne doivent donner lieu à aucune forme de jubilation des Sénégalais, par comparaison au pire. En Côte d’Ivoire en effet, la mortalité maternelle est de 614 décès pour 100 000 naissances vivantes dont 18% relèvent des complications liées aux avortements clandestins. Ces chiffres placent ce pays, considéré pourtant comme la « locomotive économique » de l’Afrique de l’Ouest, parmi les quinze pays ayant un taux de mortalité maternelle qui se situe entre 500 et 1 000 en comparaison des pays occidentaux qui ont un ratio de mortalité maternelle souvent en dessous de 10 voire 5/100 000 naissances vivantes.
Inquiétudes moindres pour le Maroc où, selon l'Enquête nationale sur la santé de la population et de la famille (2003-2004) effectuée sur un échantillon 121 725 ménages répartis sur les 12 régions et 2 milieux (urbain et rural) du pays, le ratio de la mortalité maternelle a baissé de 72,6 % pour 100 000 naissances vivantes contre 112 en 2010, soit une réduction drastique de 35%. Les milieux urbain et rural ont enregistré une diminution respective de 39% et 25% dans ce pays où près de 89% des naissances sont assistées par des sages-femmes professionnelles dûment formées.
Les causes de cette baisse drastique de la mortalité maternelle et infanto-juvénile au Maroc ne relèvent pas du miracle divin. Dans la gestion des maternités, elles sont le fruit de mesures rigoureuses et contrôlées, et d’un sursaut national, qui doivent inspirer - et c’est le cas de le dire - le Sénégal, la Côte d’Ivoire et l’ensemble des pays subaériens d’Afrique qui traînent encore de la patte dans leur effort pour contrer ce phénomène insoutenable : recrutement massif de sages-femmes en partant du constat, empirique et terre à terre, selon lequel plus un pays regorge de sages-femmes professionnelles et plus les accouchements sont sécuritaires. Les autres causes sont la gratuité des soins en en milieu obstétrical, le niveau et la qualité des équipements dans les maisons d'accouchement, la formation des professionnels en structures néonatales et celle des médecins et infirmiers, particulièrement dans les zones rurales, l’augmentation des dépenses en santé, etc. À titre d’exemples, ces dépenses sont passées de 3,98% en 2000 à 5,53% du PIB en 2015 au Maroc tandis que, durant la même période, elles sont descendues de 4,63% à 3,97% au Sénégal et de 5,67% à 5,46% en Côte d’Ivoire, soit une montée au Maroc et une chute vertigineuse qui placent les deux pays subsahariens respectivement à la 45e et à la 28e place du classement de l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2015) des États africains par dépenses en santé au pourcentage du PIB.
Les causes de la mortalité maternelle
Toutes les enquêtes internationales réalisées sur ce sujet montrent, à l’évidence, que les femmes décèdent en couches en raison d'un incident obstétrical. Les causes directes les plus citées en lien avec ces décès sont les hémorragies du post-partum, les saignements qui surviennent au cours de la grossesse, du travail et après l’accouchement. Les causes indirectes sont les accidents thromboemboliques comme les embolies amniotiques, les accidents veineux graves, en particulier l' embolie pulmonaire, l'hypertension artérielle et les maladies contractées en amont de la grossesse.
On voit donc que, dans beaucoup de cas, la mort obstétricale n'est pas directement liée à la grossesse en elle-même, mais plutôt à des causes préexistantes comme l’âge, l’ethnicité, les accidents vasculaires-cérébraux, les maladies cardiaques, les difficultés respiratoires et les cancers dont la mère est porteuse en amont de sa grossesse. Ces causes vont plus ou moins aggraver la grossesse elle-même et engendrer des complications qui peuvent être fatales comme, par exemple, la pré-éclampsie, les infections et les complications d'anesthésie.
D’autres causes, liées ou non au système de santé, entrent en ligne de compte. Au nombre de ces causes figurent la lenteur de la prise de décisions relatives au recours aux soins dans les institutions médicales, les barrières culturelles, les représentations sociales de la maladie et de la grossesse et, naturellement, les soins qui sont liés à celle-ci. Il y a aussi, fait à ne pas négliger, la qualité du plateau technique dans les maternités, les barrières financières auxquelles sont confrontées les familles lorsqu’elles soignent une personne malade, la disponibilité des moyens d’évacuation des patientes, etc.
Toutes ces causes agissent comme de véritables goulots d’étranglement des systèmes de santé dans le monde. Leurs effets combinés sur la santé des femmes qui donnent la vie en Afrique sont dramatiques.
Or, comme on le sait, la santé est un besoin fondamental auquel aspire tout être humain. Elle est conditionnée par divers déterminants qui sont, entre autres, les déterminants génétiques (sexe, hérédité, âge, etc.), le mode d’organisation des soins (public, privé, intégration des soins en réseaux, etc.), l’environnement (physique et social), les habitudes de vie (culture, modes de vie, habitudes de consommation, pratique ou non de sports, etc.). Toute réforme qui vise l’efficacité et l’efficience des soins de santé commande, à la base, une prise en compte groupée de ces déterminants interreliés. Les réformes successives du système de soins au Sénégal, se sont-elles souciées de ce fait ?
Pour répondre à cette question, et faute d’espace, je me contenterai simplement de souligner que, durant la première décennie et demie de l’indépendance, guidée par l’État-providence qui caractérisait le « socialisme africain » du président Léopold Sédar Senghor, le Sénégal a fait preuve, plus que tout autre pays de la sous-région ouest-africaine, d’un effort réel de construction d’un embryon de système public de santé gratuit et accessible à tout le monde. Dans les villes comme dans les campagnes les plus reculées du pays étaient bâtis, parfois sous forme de vestiges du colonialisme, des hôpitaux publics ou des dispensaires de renom qui avaient, à leurs têtes, des médecins, infirmiers/infirmières et sages-femmes entièrement dévolus à leur métier.
C’est la crise pétrolière du milieu des années 70 et les difficultés économiques qu’elle a engendrées qui ont donné un coup d’arrêt fatal à cette politique d’investissement publique dans le secteur de la santé. Le gouvernement sénégalais, comme presque tous les gouvernements africains en crise réduisirent drastiquement le financement de son système de santé qui va ainsi tomber en décrépitude.
À la fin des années 80, sur injonction des institutions de Bretton Woods (FMI, banque mondiale) et plus tard, des mesures néolibérales inspirées du Consensus de Washington, la politique sanitaire du Sénégal (et de la plupart des pays africains) va connaître un virage à 180 degrés avec l’administration d’un remède de cheval sous forme de réformes au forceps, toutes orientées vers la « privatisation des soins de santé ». Le maître mot des dirigeants sénégalais (et africains) était les « soins de santé primaires » (prévention, traitement, réadaptation, soins palliatifs, etc.). Ces soins sont présentés à l’opinion publique mondiale comme la cheville ouvrière des solutions aux problèmes que traversent les systèmes de santé dans les pays du Tiers-monde en général et ceux d’Afrique en particulier.
Définie en 1978 et finalement adoptée en 1987, l’Initiative de Bamako recommande aux États africains d’accorder la priorité des soins de santé aux femmes et aux enfants. Les politiques de santé qu’elle préconise insistent sur le « recouvrement des coûts » et la « participation communautaire » des populations bénéficiaires dans la gestion de leur santé. Au plus fort du Programme d’ajustement structurel au milieu des années 80, le gouvernement sénégalais de l’époque, comme tous les gouvernements sous diktat, présentait cette politique comme le seul moyen devant conduire à la « démocratisation de l’accès aux soins de santé ». Le recouvrement des coûts s’inscrit aussi dans le nouveau contrat de participation au financement de la santé entre l’État et ses citoyens. Il vise aussi l’accès du « contribuable » aux services cliniques de base par le versement de frais lors de l’achat de médicaments génériques dans les dépôts de pharmacies et les postes de santé. Finie donc la gratuité des soins présentée comme une assistance chronique qui ruine considérablement les systèmes publics de santé ! Désormais, c’est ce principe de l’« utilisateur payeur » qui va être mis de l’avant et qui va servir de toile de fond aux réformes qui seront adoptées un peu plus tard.
Au Sénégal, le Plan national de développement sanitaire et social (PNDSS) reconduit ce principe. L’objectif visé par cette réforme est de mettre en place plusieurs autres réformes dont, entre autres, la réforme relative au fonctionnement des hôpitaux et des structures sanitaires, les modalités de gestion des pharmacies d’approvisionnement en médicaments, la mise en place de systèmes d'information sanitaire et du système de financement de la santé, la réorganisation du ministère de la Santé et, enfin, la coordination des interventions. Le Programme de développement intégré de la santé (le PDISS) qui va suivre quelque temps après couvre d’abord la période 1998-2002 pour la première phase, et 2004-2008 pour la seconde phase. Un des objectifs majeurs de ce plan est de réduire la courbe de la mortalité maternelle et infantile trop élevée et de maîtriser celle de la fécondité. Le suivi de l'exécution du PIDSS avait pour but d’augmenter graduellement le budget de la santé à 9% pour, petit à petit, atteindre la cible annuelle de 15% que recommande le Protocole d’Abuja de 2001. Sur ce fait, il est intéressant de noter qu’entre 2001 et 2015, par exemple, au lieu d’augmenter comme promis à Abuja, les dépenses publiques de santé ont diminué dans 21 pays africains, y compris le Sénégal, notre pays.
L’autre réforme majeure adoptée en 1998 par le Sénégal est la Réforme hospitalière. Inspirée de concepts tirés du vocabulaire du néolibéralisme en vogue, cette réforme fait du « partenariat public-privé » et du « management participatif » son principal cheval de bataille. Son but clairement exprimé est d’améliorer les performances des hôpitaux aussi bien au plan de la gestion du système que celui de la qualité de l’offre de soins, le tout en combinant l'offre du service public incarnée par les services administratifs avec l'« esprit d'entreprise » inspiré de la vision libérale classique du rôle du privé dans les performances de l’économie.
La Réforme hospitalière part du principe selon lequel le patient est au centre des priorités de l’hôpital réformé. Ce patient est un « client » qui a droit à une information juste et éclairée sur sa maladie, et au respect de ses droits inscrits dans la Charte du malade. L’établissement public de santé avec lequel il « fait affaire » est tenu de mettre à sa disposition un « dossier du patient » qui a pour rôle de faciliter l’organisation de sa prise en charge, depuis l’accueil en passant par la coordination des actes, jusqu’à la sortie planifiée ou l’accompagnement en cas de décès.
Le management et la gestion des services reposent, avant tout, sur l’existence d’un projet d’établissement et d’orientations stratégiques clairement défini pour chaque institution hospitalière. Ce projet est complété par des politiques de gestion des ressources humaines ou de fonctions logistiques (équipements, approvisionnement, maintenance, sécurité, hygiène, restauration, blanchisserie, etc.), mais, également, par un système d’informations précises sur le cas spécifique de chaque patient.
En outre, la Direction des établissements de santé (DES) chargée de piloter une telle politique a le pouvoir de suspendre ou de retirer des autorisations d’activités, ou de modifier leurs contenus dans les établissements publics et privés de santé avec, comme seul but, d’assurer le bon fonctionnement des services de santé. Ses moyens ? Une planification hospitalière qui passe par l’émission de cartes sanitaires établies en fonction des besoins de soins propres à chaque milieu, une décentralisation qui assure une proximité de l’offre de soins aux patients, une autonomie hospitalière plus ou moins grande, des rencontres de concertations entre autorités sanitaires régionales, conseils régionaux, collectivités locales et services déconcentrés. Les activités de ce réseau « tricoté serré » ont pour visée de mener des opérations intenses d’évaluation et de réorientation des pratiques locales en vue d’une plus grande efficience de la santé et des services sociaux.
Le recrutement du personnel : le talon d’Achille de la Réforme sanitaire
La présence de plus en plus forte de ce personnel atypique va entraîner des modifications importantes de la structure globale du personnel hospitalier. Dans les Comités de santé où il occupe une place centrale, ce personnel va avoir un réel pouvoir de décision. Il va influencer le recrutement d’autres personnels comme le personnel de soutien, les préposés chargés du nettoyage, du gardiennage, de la vente des tickets et des médicaments dans les pharmacies et les dépôts de pharmacies, etc. Ce personnel hétéroclite va devenir, progressivement, la « clé de voûte » du système de santé. Très vite et par un rapport de pouvoirs en sa faveur, il déborde ses champs de compétence pour occuper les espaces de soins délaissés par le personnel qualifié, lui-même débordé par les problèmes auxquels il fait face dans l’administration des soins aux malades qui fusent de partout.
En repoussant l’infirmière/infirmier qualifié dans les tâches périphériques (paperasserie administrative, soins curatifs, promotion de la santé, etc.) et en valorisant la participation communautaire directe dans l’administration des soins aux « agents communautaires » et aux « médiateurs », la décentralisation du système sanitaire sénégalais a produit un monstre qu’il va avoir de la peine à exorciser de sitôt: la présence massive d’agents qui se forment sur le tas au métier des soins et qui assurent la continuité des services en prenant en charge les tours de garde et les consultations médicales. Malgré le fait qu’ils ne respectent pas souvent les normes en matière de manipulation des équipements de protection et posent aussi des gestes techniques parfois non conformes aux prescriptions des manuels de procédures harmonisés, ces agents vont acquérir une légitimité populaire d’autant plus grande qu’ils s’occupent des activités de soins dévalorisées et délaissées par le personnel qualifié (soins aux tuberculeux, aux malades de sida, vaccination, consultations pré et post natale, accouchements, etc.). En s’investissant massivement dans les activités de soins au même titre que le personnel qualifié, ce personnel non qualifié, véritables « agents à tout faire » et souvent mal rémunérés, va redéfinir les statuts et les fonctions du métier de soignant au Sénégal. Il brouille aussi les normes et règles de fonctionnement sur lesquelles est bâti tout le système de santé en imposant une hiérarchie qui nivelle par le bas.
Comme on le voit, la Réforme hospitalière repose sur des prémisses conformes à l’évangile néolibéral dans son combat acharné contre l’État providence considéré comme trop obèse. Qu’on soit pour ou contre cet évangile, force est de constater - dans les faits - que dans un pays sous-développé comme le Sénégal où le secteur privé national est encore très fragile et les mentalités essentiellement fondées sur les stratégies de débrouille et le bricolage quotidien, cette énième réforme va générer de nombreux goulots d’étranglement et conflits qui vont gripper la machine du système de soins.
Au vu du mécontentement général qu’il génère et qui a pris de l’ampleur ces dernières années, au vu aussi des accusations de maltraitance contre lesquels se plaignent les patients, le président de la République a fini, comme il l’a annoncé lors du Conseil des ministres du mercredi 20 avril 2022, par « mettre la santé sous surveillance rapprochée ». Il est en effet urgent que l’État reprenne le contrôle de ce système et explore de nouvelles pistes de solutions aux problèmes qui gangrènent ce secteur.
Le care : une partie de la solution
Une de ces pistes qui me paraît importantes est, l’octroi d’un financement récurrent, proportionnellement au renchérissement des coûts des équipements sanitaires dont l’hôpital sénégalais a besoin pour relever le niveau de développement de son plateau technique. Pour mettre fin au « xar mat » (travail dans le secteur privé pour arrondir les fins de mois) des médecins et bloquer les velléités du maraudage du personnel public de santé, le gouvernement du Sénégal doit élever le niveau des salaires des médecins, infirmières, sages-femmes et personnel de soutien. Il doit également mettre fin au recrutement clientéliste du personnel soignant, recrutement que dénoncent régulièrement les acteurs du milieu. Il doit former et recruter, en grand nombre et proportionnellement à la montée de la courbe démographique, du personnel qualifié en mettant en place une offre de formation du personnel soignant basé sur des règles et pratiques communes qu’il doit définir plus clairement en concertation avec les acteurs du milieu. Cette offre de formation doit se baser sur le principe du care qui est, en ce moment, la clef de voûte de l’efficience des soins de santé dans les hôpitaux des pays développés où les oligarques africains préfèrent aller se soigner.
Le terme care signifie « s’occuper de », « faire attention », « prendre soin », « se soucier de … ». Dans son étymologie il renvoie à caru, cearu qui signifie soins, souffrance, douleur, chagrin. Il a donné aussi « to cure » qui vient du latin curare qui, lui-même, a donné « to care for » ou « take care for » qui signifient « se préoccuper de », « prendre soin de ». Le care construit la pratique infirmière à partir « de petits gestes », de « petites choses » qui ont chacune une résonnance particulière pour le malade ou la personne en situation de détresse qui a besoin de soins.
L’application du care aux services des soins n’est pas si difficile que ça.
La littérature consultée indique que la mise en œuvre du care intègre les quatre éléments suivants auxquels correspondent quatre valeurs éthiques qui contribuent sans doute à l’efficacité et à l’efficience des soins prodigués aux malades : attention (correspond au « caring about »), responsabilité (correspond au « taking care of »), compétence (correspond au « care giving »), réceptivité (correspond au « care receiver »).
Sous ce rapport, le care n’est pas le cure. Le care est un déploiement de valeurs éthiques que l’on retrouve chez les personnes qui se soucient concrètement des autres et qui ciblent essentiellement les diverses vulnérabilités auxquels est confronté une personne qui souffre. A contrario, le cure est un acte tout simplement biomédical. Il fait appel à la technicité et à la technicalité impersonnelle du geste curatif désincarné qui manipule, en milieu de soins, des techniques et des technologies impersonnelles (machines de toutes sortes, outils de radiodiagnostics, ordinateurs, analyse de composantes chimiques, etc.). Ce type de soins s’accommode très peu de sentiments moraux, de sympathie ou d’empathie pour le patient qui souffre de mille maux. C’est le contraire du care qui est conçu comme un ensemble de valeurs morales de compassion qui habitent profondément le soignant dans sa pratique des soins et dans ses relations sentimentales avec les plus vulnérables. Le care draine un ruisseau de valeurs fondées sur la sollicitude et l’attention particulière dont fait preuve le soignant dans sa relation intrinsèque avec la souffrance et les fragilités de la personne malade à qui il prodigue des soins. Dans la sphère domestique, le care est l’équivalent de l’attention qui guide la grand-mère dans l’administration des soins coutumiers d’entretien et de continuité de la vie qu’elle administre aux membres de sa famille.
Le care n’est donc pas un ensemble de solutions techniques instrumentales qui favorisent la guérison du patient, lui-même perçu comme l’acteur principal de sa propre guérison. Par l’empathie et la force du lien à autrui, il répare des vies brisées en morceaux et libère les circuits d’écoulement de la vie à l’intérieur d’une personne malade et des membres de sa famille. Pour tout dire, dans le paradigme du care, « soigner » ne consiste pas à « traiter » machinalement, c’est-à-dire avec des solutions techniques toutes aussi machinales, un patient malade. « Soigner » revient donc à prodiguer des soins dans une totale congruence avec le système symbolique et les représentations sociales dont se sert le malade pour s’expliquer sa maladie, les causes de sa maladie et concevoir les moyens de sa guérison. « Soigner » implique donc, de la part du soignant, une attitude d’écoute et d’empathie qui le rattache solidement à la singularité de l’individu malade, mais aussi à sa famille et à son entourage social qui sont tous coacteurs de la maladie et des moyens qui favorisent la guérison de la personne malade.
Bien trop absent dans nos hôpitaux (les témoignages sont nombreux en ce sens), le care doit être une composante fondamentale de l’offre de formation du personnel de santé dans toutes les institutions d’enseignement et de formation en soins. L’énoncé de compétence qui orientera cette formation nécessaire doit cibler, en priorité, le développement de savoirs, de savoir-faire et des savoir-être (en termes d’attitudes concrètes) dans le traitement des patients. L’offre de formation doit surtout insuffler, dans notre système de santé qui en a bien besoin, les valeurs humaines dont le manque criant est à l’origine de drames évitables comme celui de Louga, de Ziguinchor et de maints autres endroits du pays. Nos hôpitaux doivent revenir à l’affectueuse inquiétude du soignant pour la souffrance d’autrui.
Pour cela, les ressources existent autour de nous. Nos sociétés sont des sociétés en transition clinquante vers le capital transnational et son éthique centrée sur l’individu. Malgré ce fait, elles regorgent encore de normes et de valeurs communautaires encore présentes (kerca, masla, mougn, yereumendé, etc.) qui doivent nous inspirer, pendant qu’il est encore temps, pour accomplir la mission de refondation et de recentrage de nos institutions de santé.
Il appartient à notre État, mais également à tous les États africains, d’élaborer de nouveaux agendas de formation qui remettent en selle l’altruisme, la compassion et la solidarité dans l’administration des soins de santé à aux patients malades. En annonçant, lors du Conseil des ministres du 20 avril 2022, son intention d’accompagner les « importants investissements » financiers dans le secteur de la santé par « un changement de paradigme qui se traduit par le respect du patient et la satisfaction des usagers », le président de la République du Sénégal a-t-il bien pris la mesure de l’urgence d’humaniser les soins dans notre pays ? Le temps nous le dira.
Lamine Diedhiou Dingass est Professeur/sociologue, Canada
GRÈVE POUR UNE REVALORISATION DU SECTEUR PUBLIC DE LA SANTÉ
Au Sénégal, les travailleurs de la santé ont appelé à une journée de "grève générale". Ils ne veulent pas être les boucs-émissaires de la déliquescence des services de santé
Au Sénégal, tout est parti du décès en couches d'une patiente, Astou Sokhna, dans un hôpital public de Louba. Cette femme est décédée le 1er avril, quelques heures seulement après son admission à la maternité. Six sages-femmes sont poursuivies dans cette affaire pour négligence, quatre d'entre elles ont été placées mardi [19.04.22] sous mandat de dépôt pour non-assistance à personne en danger. Les sages-femmes mises en cause dans l'affaire du décès d'Astou Sokhna seront jugées le 27 avril. Le directeur de l'hôpital où la patiente est décédée a été relevé de ses fonctions à la mi-avril.
C'est donc pour protester contre ces poursuites et le "lynchage médiatique" des sages-femmes que leurs collègues se sont mis en grève. Mais ce mouvement est aussi l'expression d'un malaise plus profond des acteurs du secteur de la santé, d'après le docteur Mohamed Lamine Ly, médecin à Dakar et membre d'une coalition pour la santé et l'action sociale au Sénégal.
Les pharmacies de la région de Louga (nord) ont suivi à 99,5 %, vendredi, le mot d’ordre de grève lancé par le Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal (SPPS), en guise de soutien au docteur Aïcha Goundiam Mbodji
Louga, 22 avr (APS) - Les pharmacies de la région de Louga (nord) ont suivi à 99,5 %, vendredi, le mot d’ordre de grève lancé par le Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal (SPPS), en guise de soutien au docteur Aïcha Goundiam Mbodji, a déclaré à l’APS un responsable local dudit syndicat, Seydou Koulibaly.
La propriétaire de la Grande Pharmacie dakaroise s’est vu retirer sa licence par le ministère de la Santé.
Pour la soutenir et dénoncer cette décision ministérielle, les pharmaciens privés ont décidé de ne pas vendre des médicaments, ce vendredi, entre 8 h et 15 h.
Selon le docteur Seydou Koulibaly, l’un des responsables du SPPS à Louga, le mot d’ordre de grève a suscité une importante mobilisation des pharmaciens.
‘’Nous avons fait le tour de l’ensemble de la région de Louga, grâce à nos représentants’’, a-t-il dit, soutenant que les pharmaciens privés étaient en grève aussi bien dans la ville de Louga qu’à Guéoul et Ndande (département de Kébemer), Linguère, Dahra et Sagatta.
Selon M. Koulibaly, 99,5 % des pharmacies concernées ont respecté la consigne du syndicat.
‘’Seules deux pharmacies de la région n’ont pas encore suivi le mouvement’’, a-t-il soutenu, précisant que l’évaluation qui sera faite à la fin de la journée permettra de savoir si elles ont été en grève ou pas.
Le 11 février dernier, le ministre de la Santé a décidé d’abroger l’arrêté autorisant Aïcha Goundiam Mbodji à exploiter la Grande Pharmacie dakaroise, située dans le Plateau, le quartier du centre-ville de Dakar.
Pour protester contre cette décision, le Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal a décidé de fermer ses officines ce vendredi, pendent sept heures.
‘’Aujourd’hui, la principale revendication, c’est qu’on puisse rétablir dans ses droits une consœur qui a été lésée. C’est malheureux, dans un pays de droit, que des gens qui doivent protéger et réguler (…) bafouent les règles’’, a dénoncé Seydou Koulibaly, de la pharmacie Mame-Sam-Mbaye, à Louga.
‘’La lutte ne fait que commencer’’, et les pharmaciens la mèneront ‘’jusqu’au bout’’, a-t-il prévenu.
M. Koulibaly dit avoir déploré les désagréments causés à la clientèle des pharmaciens. ‘’Nous présentons nos excuses à la population (…) Cette grève affecte tout le monde. Nous mènerons ce combat, quel que soit le prix à payer’’, a-t-il dit.
QUAND L’AFFAIRE «ASTOU SOKHNA» OUVRE LA BOITE DE PANDORE DES PLAINTES ET DES ACCUSATIONS FANTAISISTES
Mauvais procès contre les médecins et les sages-femmes, Pour quelques brebis galeuses, ces vaillants corps méritent-ils d’être conduits à la potence ? L’instruction à décharge du « Témoin »…
L’affaire de la dame Astou Sokhna est un vrai drame survenu en milieu hospitalier. Car ce décès par négligence médicale a ému tout le peuple sénégalais. Malheureusement, certains patients profitent de cette histoire pour faire un mauvais procès aux médecins, aux sages-femmes et aux infirmiers. D’autres menacent de porter plainte contre des personnels de santé parce que tout simplement leurs parents ou proches sont décédés dans des circonstances similaires à celle où la dame Astou Sokhna a perdu la vie à Louga. Autrement dit, la boite de Pandore du lynchage des blouses blanches et roses est ouverte. Cloués au pilori, ces médecins, infirmiers et sages-femmes ont pourtant donné — et ne cessent de donner — tant de satisfaction et d’espoir en sauvant des vies souvent dans des situations désespérées. Pour quelques brebis galeuses, ces vaillants corps méritent-ils d’être conduits à la potence ? L’instruction à décharge du « Témoin »…
Pour mieux camper ce triste débat, il faut encore déplorer la mort tragique de la dame Astou Sokhna, 34 ans, à la maternité de l’hôpital régional Amadou Sakhir Mbaye de Louga. Un vrai drame dû à une négligence médicale et qui a ému à juste titre tout le peuple sénégalais. En effet, les premiers éléments de l’enquête interne ont fait apparaître une série de défaillances au niveau de la prise en charge de la patiente : mauvaise qualité des soins, sous-estimation des risques, insuffisance de diagnostic, manque de surveillance etc. Ces graves manquements professionnels dont ont fait preuve certains membres du personnel de l’hôpital de Louga ont suffi pour vouloir conduire à l’abattoir tout le personnel de santé de notre pays. C’est sans doute pour étancher la soif de sang du peuple que quatre des six sages-femmes de garde au moment du drame ont été inculpées et placées sous mandat de dépôt. Et pour dompter la clameur publique, le ministre de la Santé a pris une mesure conjoncturelle de sanction alors même qu’il est question de trouver des solutions aux problèmes structurels de nos établissements hospitaliers.
Abdoulaye Diouf Sarr a donc relevé de ses fonctions le directeur de l’hôpital de Louga, Dr Amadou Guèye Diouf, qui va servir de bouc-émissaire en même temps que les quatre sages-femmes emprisonnées. Avant cela, le ministre de la Santé avait condamné le personnel de garde de l’hôpital Amadou Sakhir Mbaye et l’a jeté en pâture avant même d’attendre les conclusions de l’enquête judiciaire. Or, le courage et l’élégance auraient voulu que, devant un tel drame dû à la défaillance de ses services, qu’il rende le tablier pour mettre à l’aise le président de la République. Toujours est-il qu’en jetant la première pierre au personnel placé sous son autorité, Abdoulaye Diouf Sarr a ouvert la boîte de Pandore du lynchage de tout ce qu’il y a comme médecins, infirmiers et sages-femmes dans ce pays. Tenez !
Au lendemain de ce drame de Louga, de nombreux patients ont profité de la vindicte populaire pour faire un mauvais procès aux médecins ainsi qu’aux sages-femmes. Des membres de familles de défunts, surgis du bois, ont menacé de porter plainte contre des personnels de santé. Ce au prétexte que leurs parents ou proches disparus seraient morts dans des circonstances similaires à celles ayant entraîné la mort de la dame Astou Sokhna. « Le Témoin » a en effet appris que, ces derniers jours, des médecins, des sages -femmes et des infirmiers ont fait l’objet de menaces de plaintes, d’intimidations, de harcèlements de la part de certains patients et autres parents de personnes décédées. Ce sous l’accusation d’ « erreurs » ou de « défaillances » médicales. Une avalanche de récriminations et d’accusations souvent fallacieuses que des cadres et agents de santé ont signalées auprès de leurs syndicats respectifs. A ce propos, qu’on nous permette de raconter cette vieille affaire de décès d’une patiente qui remonte à 2017. Un jour de cette année-là, une parturiente sur le point d’accoucher avait été évacuée à la maternité d’un poste de santé de Dakar.
Dans la panique et la précipitation, les accompagnants de la dame avaient sans doute oublié d’amener le carnet de consultations prénatales. Or, dans les normes de prise en charge des accouchements, la présentation du carnet de santé est obligatoire. Un des accompagnants était donc retourné chercher le carnet de santé à la maison. Avant son retour, la parturiente avait accouché d’un enfant mort-né. Un décès mis par les parents de la femme sur le compte de la volonté divine. Cela s’est passé il y a sept ans.
Des « négligences » à tout prix…
Vous croyez que l’affaire avait été oubliée ? Erreur ! Car, dès qu’a éclaté l’affaire Astou Sokhna de Louga, le poste de santé où s’était déroulé l’incident de la parturiente arrivée sans son carnet de santé avant d’accoucher d’un mort-né a reçu l’appel d’un homme demandant à parler à la sagefemme dont il se souvient très bien du nom. Au téléphone, l’homme, un « modoumodou » vivant en Espagne, s’est d’abord présenté comme l’époux de cette malheureuse maman dont la sage-femme ne se souvenait évidemment plus ! Néanmoins, l’appelant a tenu à rappeler un douloureux événement de mort naissance survenu en 2017 et qu’il qualifie de « négligence médicale ». Morceaux choisis : « Ce fameux jour, vous avez tué mon bébé pour avoir fait perdre à ma femme trente minutes consacrés à la recherche d’un carnet de merde ! » s’est défoulé l’émigré. Avant de verser dans les menaces : « Vous ne perdez rien pour attendre car je serai au Sénégal durant la Tabaski. Et dès mon arrivée « dinguéne kham lep deugue la »…Je vais porter plainte ! »
Ceci c’est qu’un exemple parmi d’autres du déluge de complaintes qui s’abat ces jours-ci sur les personnels de santé. Comme quoi, il est permis à tout patient ou parent de malade décédé de remémorer le moindre fait ou geste détecté lors de l’admission de celui-là à l’hôpital ou au centre de santé pour ensuite le lier rétrospectivement à une défaillance médicale supposée ! De l’avis d’un médecin gynécologue-obstétricien, qui se désole de cette situation, on assiste à une « dérive à l’américaine » de notre société. Autrement dit, du risque de voir se développer une judiciarisation de celle-ci dans laquelle les médecins, les sages-femmes, les infirmiers et les ambulanciers chercheraient davantage à se prémunir des procès ou des accusations qu’à apporter des soins de qualité à leurs patients. Par contre, d’autres voient dans cette vague de procès une remise en cause salutaire de l’impunité et du laisser-aller des médecins, sages-femmes et infirmiers pour qu’ils améliorent la qualité de l’accueil et de la prise en charge dans les hôpitaux, surtout au niveau des « urgences ».
Le Sames en colère !
Toujours est-il que le Syndicat autonome des médecins pharmaciens et chirurgiens-dentistes du Sénégal (Sames) semble avoir flairé les effets de l’ouverture de la boite de Pandore des plaintes et des complaintes voire du lynchage médiatique et même physique des personnels de santé. Car, dans son communiqué relatif à l’affaire de Louga, cette organisation syndicale dit avoir constaté un « acharnement médiatique sans retenue sur le personnel socio-sanitaire, consécutif au décès de Madame Astou Sokhna à l’hôpital de Louga». Pour le Sames, le décès d’Astou Sokhna est regrettable comme les 717 autres décès maternels enregistrés en 2021 dans l’ensemble du pays. « Ce malgré tous les efforts de médecins et pharmaciens pour les éviter. Donc le décès d’Astou Sokhna doit être étudié avec le professionnalisme et la sérénité nécessaires, sans aucune influence politique ou populiste pour en tirer les enseignements utiles.
Afin de prendre des mesures permettant d’éviter la reproduction de pareils drames à Louga et dans d’autres structures de santé ». Voilà ce qu’avait souligné le Sames tout en appelant les travailleurs de la santé à se tenir prêts pour la défense de leurs camarades de Louga « lâchement jetés en pâture par tous les aigris de la République voulant casser de la blouse blanche. Nous n’accepterons plus qu’un agent de santé soit le bouc émissaire d’un système défaillant alors que le premier responsable de ce système est le président de la République, gardien de la Constitution qui garantit le droit à la santé aux populations » tonnaient encore les syndicalistes.
Quoi qu’il en soit, force est de reconnaitre que, de tout temps, nos braves médecins, infirmiers et sages-femmes et sages-femmes ont fait preuve d’abnégation pour soigner leurs parents, ont sauvé et continuent de sauver des milliers de vies. Et quoi que l’on puisse dire également, force est de constater que le personnel hospitalier ou sanitaire sénégalais, composé d’hommes et de femmes compétents et expérimentés, a fait ses preuves dans toutes les spécialisations. Ce, malgré un plateau technique et un système de santé défaillant. Et aussi des salaires particulièrement bas. Encore mieux, l’expertise sénégalaise est tellement avérée au point que la plupart des patients désespérés des pays voisins (Gambie, Mauritanie, Cote d’Ivoire, Guinée Bissau, Guinée Conakry etc.) viennent au Sénégal pour se soigner. Aujourd’hui, nos médecins, pharmaciens, sages-femmes et infirmiers sont jetés en pâture et livrés à la vindicte populaire comme s’ils étaient des bouchers qui passent leur temps à abréger nos vies. Toujours est-il qu’en s’empressant de faire sauter des fusibles et procéder à des sanctions expéditives dans l’affaire de Louga, le ministre de la santé s’est exposé à de grandes complications. Car, là où des usagers ont, souvent à juste titre reconnaissons-le, fait un mauvais procès aux médecins, infirmiers et sages-femmes, ces derniers aussi ont mis à nu les défaillances de notre système de santé à tous les niveaux. Et qui mieux qu’eux est à même de dénoncer ces défaillances puisqu’ils sont les principaux acteurs du même système ? Pour dire que le seul combat qui vaille, c’est celui de se pencher au chevet de notre système de santé afin que des drames pareils à celui survenu à l’hôpital Amadou Sakhir Mbaye de Louga ne se reproduisent plus…
UN MOT D’ORDRE BIEN SUIVI, LES PATIENTS DANS TOUS LEURS ÉTATS
Une décision qui fait suite à l’arrestation de quatre sages-femmes et de la mutation du directeur de l’hôpital de Louga après le décès de la parturiente Astou Sokhna à la maternité de l’établissement.
L’appel des syndicats de la santé du public d’observer une journée sans soins, ni accouchement dans les maternités du pays a été largement suivi dans les structures de santé visitées hier, jeudi, à Dakar dont certains ont tout simplement fermé les portes. Une décision qui fait suite à l’arrestation de quatre sages-femmes et de la mutation du directeur de l’hôpital de Louga après le décès de la parturiente Astou Sokhna à la maternité de l’établissement.
Ils étaient très nombreux à se rendre hier, jeudi, dans les structures de santé pour des soins ou encore pour honorer leur rendez-vous médical. Comme à l’accoutumée, beaucoup de patients ne se doutaient pas qu’ils ne seront pas reçus à cause d’une grève générale. La sécurité devant l’entrée des structures de santé était la limite pour plusieurs malades. Le mot d’ordre était partagé au niveau des agents de la sécurité à savoir : « les médecins n’ont pas travaillé, ils sont en grève ainsi que les prestataires de soins ». D’autres ont préféré se rendre à leur service de soins pour constater l’acte posé par les acteurs de la santé de visu. A l’intérieur, tout comme à l’extérieur de certains hôpitaux, les patients veulent connaitre le motif de la grève des acteurs de la santé. Les mieux informés tentent d’expliquer les profanes. Un débat qui va dans tous les sens s’installe. Par contre, certains ont cherché à se rabattre dans d’autres structures de santé du public dans l’espoir de trouver un répondant pour soulager leurs maux. Seules les urgences sont fonctionnelles et là encore, ce n’est pas tout le monde qui peut se faire soigner. Dans les maternités, l’accueil est fermé. Pas de consultation, ni d’accouchement dans plusieurs structures sanitaires de la place. Les césariennes programmées ont été tout bonnement reportées si ce n’est une véritable urgence. Un mot d’ordre largement suivi à Dakar, comme l’a préconisé le secrétaire général du Syndicat autonome des médecins du Sénégal, Dr Yéri Camara, porte-parole du collectif des syndicats de la santé qui a vu le jour avec l’affaire Astou Sokhna. Pour ce dernier : « nous demandons aux agents des différents syndicats de travailler la main dans la main pour lutter contre le manque d’équité dans le traitement des agents de la fonction publique au détriment des agents de santé ».
UNE JOURNÉE DE FRUSTRATION
Les patients n’ont pas manqué de ruer hier, jeudi, dans les brancards après la journée sans soins décrétée par tous les syndicalistes de santé pour manifester leur mécontentement après la mise sous mandat de dépôt de quatre personnels de santé dans l’affaire Astou Sokhna, décédée dans la maternité de l’hopital de Louga. Pour les patients qui se sont rendus dans les structures de santé, c’est un manque de respect et de considération à leur égard. « Les médecins ont fait le serment de soigner les malades en toutes circonstances. Ce n’est pas normal, qu’ils vaquent en même temps les services. Ils doivent tous être poursuivis pour non-assistance à personne en danger », a lancé un homme, la cinquantaine révolue et souffrant d’une maladie chronique. Salimata Sow est-elle accompagnante, elle a amené son fils en soins pédiatriques. Selon elle, son enfant est mal en point et souffre de pathologies respiratoires. « Je suis stressée. Le personnel de santé de l’hôpital Cto n’a pas travaillé et mon fils souffre. Une réalité que la prise en charge fait défaut dans les structures de santé mais il faut aussi reconnaitre que les meilleurs soins sont aussi procurés dans ces lieux », a-t-elle avancé. Tout en demandant au gouvernement de trouver un consensus pour une reprise des soins.
LES CLINIQUES ET DISPENSAIRES PRIVÉS FONT LE PLEIN
Au niveau de l’hôpital Idrissa Pouye de Grand Yoff tout comme dans d’autres établissements comme Samu municipal, Abass Ndao ou encore le centre Gaspard Kamara, les références se font à la porte par les agents de sécurité. Des malades qui ne peuvent pas attendre sont obligés de recourir dans le privé et ce sont les agents de sécurité qui viennent à leur rescousse pour les guider ou les renseigner. Si certains qui ont les moyens ou une prise en charge choisissent d’aller se faire consulter dans les cliniques, d’autres par contre ont pris d’assaut les dispensaires des bonnes sœurs. Selon une infirmière dans un établissement de santé catholique, ils ont enregistré du monde. « Débordés, nous l’avons été. Jusqu’à 14h, il y avait beaucoup de patients en attente de soins. Nous avons fait appel à l’administration et tout le monde a porté la blouse pour répondre à la demande qui allait de simples consultations à une hospitalisation temporaire, des visites prénatales à la vaccination des enfants entre autres » a-t-elle renseigné.
par Fadel Barro
AU-DELÀ DU CAS ASTOU SOKHNA
Chaque jour et au quotidien nous sommes témoins de laisser-aller et d’injustices sans que cela nous mobilise. On attend qu’il y ait des morts pour s’indigner le temps qu’un autre drame nous happe et éveille nos émotions
Le cas Astou Sokhna est révélateur d’un problème beaucoup plus complexe. Notre pays souffre de maux profonds : laxisme, fatalisme, irresponsabilité organisée, compromis injuste, mensonges et laisser-aller. Indignation sélective.
On méprise l’essentiel au profit de l’anecdotique.
Chaque jour et au quotidien nous sommes témoins de laisser-aller et d’injustices sans que cela nous mobilise. On attend qu’il y ait des morts pour s’indigner le temps qu’un autre drame nous happe et éveille nos émotions. Et on finit par s’accommoder du pire.
L’état dans lequel se trouve nos infrastructures sanitaires est un scandale quotidien ! L’insalubrité, l’état des toilettes…. C’est juste innommable.
Les services d’accueil dans les hôpitaux sont un autre scandale.
Les personnels de santé y sont livrés à eux-mêmes et sans moyen.
Maltraités par leurs administrations, ils ne peuvent renvoyer à leur tour que du mépris, de la condescendance, aucune compassion.
Certain.e.s soignant.e.s tiennent héroïquement bon, ils tentent individuellement de faire face, envers et contre tout.
La dernière pandémie a mis le monde à l’arrêt, afin d’éviter d’avoir à trier les malades à sauver. Ce tri est déjà la réalité quotidienne de nos hôpitaux, hors de tout contexte pandémique. Notre système de soins en est là. Je le sais, je l’ai constaté et vécu, comme la plupart des familles sénégalaises de Kaolack, Touba, de Kolda…
Parfois le patient, en plus d’être malade a l’impression d’être coupable de quelque chose tellement il est méprisé. Les accompagnateurs eux sont harcelés parfois terrorisés et chassés au moment où ils ont juste besoin d’être rassurés et orientés. Surtout quand vous arrivez sans argent ! Vous ne récolterez que du mépris.
Tout cela nous le vivons tous les jours et nous avons fini par l’accepter comme si nous méritions un tel traitement. C’est devenu une normalité, il faut ravaler son orgueil et se soumettre à un système de santé implacable et inefficient. Et quand ce même système produit mort d’homme, tout le pays se lève comme si on découvrait l’ignominie. Quelle hypocrisie !
Je soutiens toute initiative citoyenne visant à apporter du soin à nos populations vulnérables.
Tous au sit-in ce samedi 23 avril à 10 heures à la Place de la Nation pour alerter sur les patients en danger.
Allons pour une marche. Allons encore pour une énième dénonciation. Mais ça doit aussi commencer par une remise en cause individuelle.
Fadel Barro est coordonnateur Jammi Gox YI
LES TRAVAILLEURS DE LA SANTE DEPOSENT TOUT
24 heures sans blouses ! C’est le mot d’ordre des travailleurs de la santé et de l’action sociale qui seront ce mercredi en grève générale. Ils ont tenu un point de presse hier, pour dénoncer le traitement de l’affaire Astou Sokhna,
24 heures sans blouses ! C’est le mot d’ordre des travailleurs de la santé et de l’action sociale qui seront ce mercredi en grève générale. Ils ont tenu un point de presse hier, pour dénoncer le traitement de l’affaire Astou Sokhna, précisément la sortie du ministre de la Santé, le limogeage du directeur de l’hôpital Amadou Sakhir Mbaye et l’emprisonnement des agents de santé.
Le Collectif des travailleurs de la santé et de l’action sociale (Ctsas) s’aligne sur la logique des agents de santé pour dénoncer le traitement de l’affaire Astou Sokhna. « Nous estimons qu’il est injuste de vouer aux gémonies toute une catégorie socio-professionnelle. Le personnel de la santé et de l’action sociale s’attendait à un minimum de sérénité et de discernement de la part de nos autorités étatiques et des professionnels de la communication. Hélas ! nous avons constaté face à la clameur populaire, une volonté des autorités étatiques de trouver rapidement un ou des coupables à sacrifier en lieu et place de la présomption d’innocence », a d’emblée décrié le collectif qui faisait face à la presse hier.
Le porte-parole du jour estime que la sortie du ministère de la santé, à travers un « réquisitoire au vitriol digne d’un procureur est très inquiétante ». Cette démarche des autorités de la République, selon Amadou Yéri Camara, « expose » le personnel de la santé à la « vindicte populaire dans un pays où la violence devient de plus en plus banalisée ». Il estime qu’au lieu de mener des enquêtes impartiales, et prendre des mesures conservatoires, les autorités « se précipitent à designer le personnel de santé coupable de négligence pour des calculs bassement politiciens ». C’est, souligne-t-il, une manière « d’attiser le feu et d’apeurer » le personnel de santé qui pourrait devenir « fragile, désarmé devant les insultes gratuites des populations », a déploré Amadou Yéri Camara.
« L’audit des décès maternels n’est pas fait pour désigner les coupables » !
Concernant le rapport d’audit du décès lu en grande pompe devant les médias, « il a fini par décrédibiliser une activité de management qui a permis de prendre plusieurs mesures salvatrices pour sauver des femmes enceintes en rapport avec la disponibilité du sang, la nécessité de formation en soins obstétricaux et néonataux d’urgence et la rapidité du transport par les ambulances médicalisées », a décrié le syndicaliste. Amadou Yéri Camara d’ajouter : « Non Monsieur le ministre, l’audit des décès maternels n’est pas fait pour désigner les coupables ! Ce rôle est celui de l’enquête après un genre de mort dûment établi après une autopsie ». Pour lui, le bien-être des agents de santé dont certains sont contractuels depuis plusieurs années semble être « très loin » des préoccupations de l’Etat du Sénégal qui ne parvient plus à garder ses praticiens « malgré sa déclaration d’intention pour le développement du capital humain du Pse ».
24 heures sans blouses
Face à cette situation, le collectif décrète ce jeudi 21 avril 2022 une grève générale de 24 heures sur l’ensemble du
territoire avec respect des urgences et du service minimum. Une « journée sans blouses » avec un avertissement : « La durée de la lutte dépendra du sérieux dans le traitement de cette affaire et celui de nos plateformes revendicatives par l’Etat du Sénégal. Nous nous battrons pour nos droits, notre dignité et le respect de notre noble métier ». Selon le Ctsas, le parquet vient de commettre une dernière « forfaiture » en plaçant sous mandat de dépôt 4 des 6 sages-femmes poursuivies. Les deux autres ont été libérées pour leur état de grosse avancée. « Il sera tenu pour responsable de la santé de ces dernière et leurs enfants », a-t-il avisé. Elles seront jugées le 27 avril prochain.
LA PIQÛRE DE RAPPEL DE MACKY SALL À ABDOULAYE DIOUF SARR
Le secteur de la santé est en effet fortement secoué par l’affaire Astou Sokhna du nom de cette parturiente morte à l’hôpital Amadou Sakhir Mbaye de Louga dans des conditions non encore élucidées
La zone de turbulence traversée par le secteur de la santé préoccupe au plus haut point le chef de l’Etat, Macky Sall, qui s’est longuement appesanti sur la question, hier, en réunion de Conseil des ministres.
Le secteur de la santé est en effet fortement secoué par l’affaire Astou Sokhna du nom de cette parturiente morte à l’hôpital Amadou Sakhir Mbaye de Louga dans des conditions non encore élucidées même si, apparemment, c’est du fait de négligences que la pauvre dame a perdu la vie. Le secteur est aussi secoué par de multiples grèves des syndicats de la santé pour réclamer la satisfaction de diverses revendications catégorielles. C’est sans doute la raison pour laquelle le chef de l’Etat a mis l’accent sur l’impérieuse nécessité d’accélérer les réformes en vue de la professionnalisation des personnels et de la transformation de la gestion des structures sanitaires pour parachever la modernisation du système de santé dont, selon lui, la pandémie de Covid 19 a révélé la résilience.
Macky Sall a soutenu que depuis son avènement à la magistrature suprême du pays, en 2012, « des ressources budgétaires conséquentes et sans précédent ont été mobilisées pour notamment mettre à niveau le système sanitaire». Il en est ainsi, selon lui, de la réalisation d’hôpitaux de dernière génération à l’instar de celui dénommé Cheikh Ahmadou Bamba de Touba (niveau 3), bâti sur une superficie de 10 000 m2 avec une capacité de 300 lits pour un coût de 40 milliards et inauguré le samedi 18 septembre 2021, du Centre hospitalier régional Thierno Birahim Ndao de Kaffrine (niveau 2), qui couvre une superficie de 15 000 m2 avec une capacité de 150 lits, du Centre hospitalier régional Amath Dansokho de Kédougou d’une capacité de 150 lits et du Centre hospitalier de Sédhiou qui dispose d’une capacité de 150 lits. Ces trois infrastructures de dernière génération ont coûté pas moins de 95 milliards de F CFA.
Outre le relèvement de certains plateaux médicaux, Macky Sall, qui entend améliorer la situation de toutes les catégories d’agents de santé, a rappelé le recrutement à titre exceptionnel, sur la période 2020-2021, de 500 médecins et 1000 professionnels de la santé. «Ces importants investissements doivent être accompagnés d’un changement de paradigme qui se traduit par le respect du patient et la satisfaction des usagers » a martelé le chef de l’Etat en référence à la clameur qui a suivi la mort tragique de la dame Astou Sokhna à Louga. Il a, dans le même ordre d’idées, demandé au ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, de finaliser l’audit de la gouvernance des structures de santé (en particulier la réforme hospitalière de 1998), en vue d’accélérer les réformes nécessaires à la mise en œuvre optimale du programme d’investissement (2020-2024), pour un système de santé résilient et performant.
Également, le chef de l’Etat a demandé à Abdoulaye Diouf Sarr de « lui faire parvenir un rapport exhaustif sur la situation globale des structures de santé du pays et de finaliser, dans les meilleurs délais, un plan d’optimisation de la carte sanitaire et des offres de service de santé». Pour le président de la République, il est fondamental « de renforcer les inspections des établissements de santé et d’assurer la qualité de la formation du personnel médical par un contrôle et une régulation des écoles de formation dédiées».
Ainsi, il appartient au chef du département de la Santé et de l’Action sociale d’engager, dès à présent, «la généralisation des processus de certification qualité des hôpitaux et de mettre en application les manuels de procédures harmonisés pour les autres structures de santé (Centres de santé, Postes de santé)». En ce qui concerne le Centre hospitalier national Aristide Le Dantec, le chef de l’Etat, relativement à l’alerte de la Commission médicale dudit centre sur la vétusté de l’infrastructure et le manque notoire d’équipement, a annoncé le lancement des travaux de reconstruction intégrale de l’hôpital à partir de septembre 2022 sur son site actuel.
L’HÔPITAL ARISTIDE LE DANTEC SERA RECONSTRUIT
Le président de la République a informé, meecredi, le Conseil de sa décision de faire engager les travaux à partir de septembre 2022 - COMMUNIQUÉ DE PRESSE
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué du Conseil des ministres du 20 avril 2022.
"Le Président de la République, Son Excellence Macky SALL a présidé le Conseil des Ministres, ce mercredi 20 avril 2022, au Palais de la République.
A l’entame de sa communication, le Chef de l’Etat a présenté les condoléances de la Nation à la Ummah islamique, en particulier, à la Khadria, suite au rappel à Dieu, à Nimzatt (Mauritanie), de Cheikhna Cheikh Aya AIDARA, Khalife général des Khadres.
Le défunt Khalife a fortement contribué au renforcement des liens de fraternité, d’amitié et de solidarité entre le Sénégal et la Mauritanie.
A l’occasion de la célébration de la fête de Pâques, le Président de la République adresse, à nouveau, ses félicitations à la communauté chrétienne.
Abordant la question liée aux impératifs de modernisation du système de santé, le Chef de l’Etat indique que la pandémie de Covid 19 a révélé la résilience de notre système sanitaire, mais également, l’urgence d’accélérer les réformes en vue de la professionnalisation des personnels et de la transformation de la gestion des structures sanitaires.
Le Président de la République rappelle que, depuis 2012, des ressources budgétaires conséquentes et sans précédent, ont été mobilisées, pour notamment mettre à niveau le système sanitaire, réaliser des hôpitaux de dernières générations (Touba, Kaffrine, Kédougou et Sédhiou), aux standards internationaux ; relever le plateau médical des structures ; recruter à titre exceptionnel, sur la période 2020-2021, 500 médecins et 1000 professionnels de la santé et améliorer la situation de toutes les catégories d’agents de santé.
Le Chef de l’Etat souligne que ces importants investissements doivent être accompagnés d’un changement de paradigme qui se traduit par le respect du patient et la satisfaction des usagers.
Le Président de la République demande, dès lors, au Ministre de la Santé et de l’Action sociale, de finaliser l’audit de la gouvernance des structures de santé (en particulier la réforme hospitalière de 1998), en vue d’accélérer les réformes nécessaires à la mise en œuvre optimale du programme d’investissement (2020-2024), pour un système de santé résilient et performant.
Le Chef de l’Etat invite, au demeurant, le Ministre de la Santé et de l’Action sociale, à lui faire parvenir un rapport exhaustif sur la situation globale des structures de santé du pays et de finaliser, dans les meilleurs délais, un plan d’optimisation de la carte sanitaire et des offres de service de santé.
Le Président de la République insiste, particulièrement, sur l’impératif de renforcer les inspections des établissements de santé et d’assurer la qualité de la formation du personnel médical par un contrôle et une régulation des écoles de formations dédiées.
Le Chef de l’Etat demande, également, au Ministre de la Santé et de l’Action sociale, d’engager, dès à présent, la généralisation des processus de certification qualité des hôpitaux et de mettre en application les manuels de procédures harmonisés pour les autres structures de santé (Centres de santé, Postes de santé).
Le Président de la République informe, enfin, le Conseil de sa décision de faire engager, à partir de septembre 2022, le lancement des travaux de reconstruction intégrale de l’hôpital Aristide le Dantec sur son site actuel.
Revenant sur la 4ème séance de "JOKKO AK MACKY", tenue le samedi 16 avril 2022, avec les populations de Guédiawaye, le Chef de l’Etat rappelle sa volonté de faire de la Localité une Ville moderne et durable, à partir de ses potentialités économiques et de la créativité multisectorielle de ses populations.
Dans cette perspective, le Président de la République demande, aux Ministres sectoriels concernés (Education, Santé, Urbanisme et Cadre de vie, Infrastructures, Culture, Jeunesse, Emploi, etc.), de prendre toutes les dispositions en vue de finaliser les actions en cours et d’initier, dans le consensus, des projets publics pour améliorer le bien-être des populations.
Le Chef de l’Etat invite, enfin, le Ministre des Collectivités territoriales, du Développement et de l’Aménagement des Territoires, à finaliser avec les ministères et acteurs territoriaux, les actions d’urgence, pour consolider le développement durable du département de Guédiawaye.
Sur le climat social, la gestion et le suivi des affaires intérieures, le Président de la République a insisté sur les points suivants :
1- le renforcement du rôle des Chefs de villages et des Délégués de quartiers dans l’administration des territoires : sur ce point le Président de la République a informé le Conseil de l’audience qu’il a accordée à une délégation de l’Association nationale des chefs de villages, pour asseoir un dialogue permanent avec ces auxiliaires de référence et ces relais de proximité de l’Administration.
Le Président de la République souligne que les chefs de villages, qui ont vu leur statut amélioré depuis 2021, doivent être davantage distingués (par des attributs spécifiques – drapeau, insigne, décorations et carte officielle) afin de mieux contribuer à la consolidation de l’Autorité de l’Etat et à la mise en œuvre efficace des politiques publiques.
Le Chef de l’Etat invite le Gouvernement, notamment, le Ministre de l’Intérieur, à accompagner l’exécution du plan d’actions de l’association nationale des chefs de villages.
Le Président de la République demande, en outre, au Ministre des Collectivités territoriales, de proposer, dans la même lancée, un programme de renforcement (revalorisation) des missions et fonctions de Délégué de quartier, au regard de la transformation notable de l’habitat et des établissements humains dans nos différentes localités.
2- le financement de la mise en œuvre optimale du programme zéro bidonville : à ce sujet, le Chef de l’Etat demande au Ministre de l’urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique, de poursuivre avec l’ensemble des acteurs publics et privés impliqués, les avancées significatives notées avec l’intensification des actions de la Société d’Aménagement foncier et de la Restructuration urbaine (SAFRU) et du Fonds pour l’Habitat social (FHS) en vue de la réalisation du programme des 100.000 logements.
Le Chef de l’Etat demande également au Ministre des Finances et du Budget, au Ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique, en liaison avec La Secrétaire d’Etat au Logement, d’intensifier le processus de facilitation du financement des programmes de logements en accord avec les institutions financières.
Le Chef de l’Etat a, par ailleurs, adressé ses félicitations au Ministre auprès du Président de la République en charge du Suivi du Plan Sénégal Emergent (PSE) et aux équipes du Bureau opérationnel de Suivi (BOS) pour le travail remarquable et les résultats exceptionnels du Sénégal, confirmés par la qualité de la revue annuelle 2021 de l’exécution des projets et réformes phares du PSE.
Le Président de la République a clos sa communication sur son agenda diplomatique et sur le suivi de la coopération et des partenariats.
AU TITRE DES COMMUNICATIONS
- Le Ministre, Secrétaire général de la Présidence de la République a fait le point sur le suivi des directives et instructions présidentielles ;
- Le Ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur a fait une communication sur la situation internationale ;
- Le Ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural a fait une communication sur la campagne de commercialisation de l’arachide ;
- Le Ministre de l’Elevage et des Productions animales a fait une communication sur le processus de recensement national de l’élevage et sur le programme de modernisation des infrastructures d’abatages et des services de l’élevage ;
- Le Ministre de l’Emploi, de la Formation professionnelle, de l’Apprentissage et de l’Insertion a fait une communication sur l’état d’exécution du programme "XËYU NDAW ÑI" ;
- Le Ministre auprès du Président de la République en charge du Suivi du Plan Sénégal Emergent a fait une communication sur la revue annuelle 2021 de l’exécution des projets et réformes phares du PSE
AU TITRE DES TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES
Le Conseil a examiné et adopté :
- Le projet de décret relatif au visa de localisation.
AU TITRE DES MESURES INDIVIDUELLES
Le Président de la République a pris les décisions suivantes :
Monsieur Abdoulaye COLY, Spécialiste en Développement communautaire, est nommé Président du Conseil d’administration de l’Ecole nationale des Arts et Métiers de la Culture ;
Monsieur Salif DIEDHIOU, Docteur en Histoire des Sciences et des Techniques, est nommé Directeur général de l’Ecole nationale des Arts et Métiers de la Culture ;
Monsieur Magatte CAMARA, Enseignant-chercheur, est nommé dans les fonctions de professeur titulaire, spécialité : Chimie des matériaux inorganiques, à l’UFR des Sciences et Technologies de l’Université Assane SECK de Ziguinchor."
LES TRAVAILLEURS DE LA SANTÉ EN GRÈVE GÉNÉRALE, JEUDI
Le Collectif des travailleurs de la santé et de l’action sociale (CTSAS) a annoncé mercredi vouloir observer une "grève générale" de vingt-quatre heures, jeudi 21 avril.
Dakar, 20 avr (APS) - Le Collectif des travailleurs de la santé et de l’action sociale (CTSAS) a annoncé mercredi vouloir observer une "grève générale" de vingt-quatre heures, jeudi 21 avril.
"Nous décrétons, pour ce jeudi 21 avril 2022, une grève de vingt-quatre heures sur l’ensemble du territoire", a déclaré, lors d’une conférence de presse, à Dakar, le secrétaire général du Syndicat autonome des médecins du Sénégal (SAMES) et porte-parole du CTSAS, Amadou Yéri Camara.
Malgré la grève, les professionnels de la santé vont s’occuper des urgences médicales et assurer un "service minimum", a-t-il précisé.
Le CTSAS dit vouloir observer cette grève en raison du "manque d’équité" des pouvoirs publics au détriment de ses membres et des poursuites judiciaires menées contre des sages-femmes de l’hôpital Amadou-Sakhir-Mbaye de Louga (nord), après la mort en couches d’une patiente.
"Nous demandons aux agents des différents syndicats de travailler la main dans la main pour lutter contre le manque d’équité (…) de l’Etat au détriment des agents de santé", a soutenu Amadou Yéri Camara.
Le CTSAS regroupe le SAMES, le Syndicat des travailleurs de la santé, le Syndicat autonome de la santé, le Syndicat des travailleurs de la santé des collectivités locales, l’Association nationale des sages-femmes d’Etat du Sénégal et d’autres organisations syndicales.
Le Collectif des travailleurs de la santé envisage de poursuivre la grève au-delà de la durée indiquée.
"La durée de la lutte dépendra du (…) traitement de cette affaire Astou Sokhna et de celui de nos plateformes revendicatives par l’Etat du Sénégal. Nous nous battrons pour [le respect de] nos droits, notre dignité et le respect de notre noble métier", a soutenu M. Camara.
"Au lieu de mener des enquêtes impartiales et de prendre des mesures conservatoires, les autorités se précipitent pour tenir le personnel de santé coupable de négligence", a-t-il ajouté.
"C’est une manière d’attiser le feu et d’apeurer le personnel de santé, qui pourrait devenir fragile", a dénoncé Amadou Yéri Camara.
Il soutient que "le parquet vient de commettre une (…) forfaiture en plaçant sous mandat de dépôt quatre des six sages-femmes accusées, dont deux sont enceintes et l’une atteinte de cardiopathie".
Quatre sages-femmes de l’hôpital Amadou-Sakhir-Mbaye ont été placées sous mandat de dépôt, mardi, pour non-assistance à personne en danger, à la suite du décès survenu le 1er avril, dans cet établissement public de santé, d’Astou Sokhna.
Elles seront jugées le 27 avril devant le tribunal des flagrants délits de Louga, en même temps que deux autres sages-femmes inculpées mais remises en liberté, selon un de leurs avocats, Abou Abdoul Daff.
Le mari d’Astou Sokhna accuse des agents de santé de l’hôpital Amadou-Sakhir-Mbaye de non-assistance et de négligence envers son épouse.
Après neuf mois de grossesse, son épouse avait été admise à la maternité de cet hôpital, le 31 mars, où elle est décédée en couches, plusieurs heures plus tard.
Le 13 avril, le directeur de l’hôpital Amadou-Sakhir-Mbaye, Amadou Guèye Diouf, a été relevé de ses fonctions et remplacé par Abdallah Guèye, un administrateur hospitalier.
Cheikh Seck, le secrétaire général du Syndicat démocratique des travailleurs de la santé et de l’action sociale, affirme que le CTSAS "suit avec beaucoup d’attention la situation à Louga et apporte son soutien total à l’intersyndicale" des travailleurs de la santé.
"Ce premier plan national sera suivi par d’autres (…), jusqu’à ce qu’un traitement équitable soit obtenu pour nos camarades", a-t-il prévenu lors de la conférence de presse.
"Nous estimons qu’il est injuste de vouer aux gémonies toute une catégorie socioprofessionnelle", a poursuivi M. Seck, dénonçant "le lynchage médiatique" dont les professionnels de la santé seraient l’objet à la suite du décès en couches d’Astou Sokhna.