IL FAUT VOIR LA COMPLICITE DES IMPOTS ET DOMAINES ET DE LA JUSTICE
Invité du Jury du dimanche sur iRadio, le coordonnateur du Forum social sénégalais dénonce ces pratiques. Mamadou Mignane Diouf parle aussi du foncier, des lanceurs d’alerte, des appels à candidatures pour certaines fonctions
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La publication des rapports des corps de contrôle occupe l’actualité ces derniers jours. Plusieurs autorités du régime du président Macky Sall ont été épinglées pour diverse infractions. Invité du Jury du dimanche sur iRadio, le coordonnateur du Forum social sénégalais dénonce ces pratiques. Mamadou Mignane Diouf parle aussi du foncier, des lanceurs d’alerte, des appels à candidatures pour certaines fonctions.
Détournements de deniers publics, surfacturations, violations du code des marchés publics… C’est, entre autres griefs sortis des rapports de la Cour des comptes et de l’Ofnac. Invité du Jury du dimanche (Jdd) sur iRadio, le coordonnateur du Forum social sénégalais (Fss) s’indigne qu’il y ait «beaucoup d’avaries, d’anomalies et d’injustices». «C’est quand même inquiétant et très frustrant de constater que ceux qui étaient engagés en politique et qui nous disaient ‘’confiez-nous votre vie, vos biens, vos budgets, votre sécurité’’ qui sont indexés», a dit Mamadou Mignane Diouf. Pour lui, «les causes et les solutions sont politiques». Et dans ces solutions politiques, estime-t-il, «il faut de la volonté politique de ceux qui dirigent, de ceux qui sont chargés de sanctionner». Mais aussi savoir encourager positivement. M. Diouf est d’avis que seule la justice doit s’occuper des dossiers liés à la publication des rapports. «Mais tant qu’on essaiera de régler un compte à un ancien adversaire, ça va faire une roue tournante tout le temps», a-t-il dit.
«Cet accaparement des terres aussi, c’est la faute de l’Etat»
Le coordonnateur du Forum social sénégalais a évoqué l’arrêt des opérations foncières et domaniales décidées par le nouveau régime. Mais Mignane Diouf n’exclut pas l’implication des fonctionnaires. «Je donne à quelqu’un l’autorisation de venir construire pour y habiter ou faire habiter. Cette personne qui a donné cette autorisation est à la fois aussi fautive que celui qui a construit. Et il faut les trouver dans l’administration, parce qu'ils existent. Et ce sont eux les premiers coupables, les premiers bourreaux pour notre bien commun», souligne-t-il. Parlant du déplacement du Président Diomaye Faye sur les terres de Thiès, il a rappelé que les promesses électorales étaient aussi dans ce sens. «Le président Diomaye Faye avait dénoncé cet accaparement des terres lors de sa campagne en rappelant d’ailleurs le cas de Ndingler. Mais c’est aussi la faute de l’Etat. Si l’Etat avait gardé les options des années 60- 70 où la terre était construite par des sociétés dites nationales, la Sicap et les HLM, on n’aurait pas dû faire appel à des privés, des promoteurs privés qui courtisent l’Etat, les agents de l’administration des impôts et domaines pour disposer des surfaces importantes du domaine dit national», a-t-il expliqué. Mignane Diouf estime donc qu’en se déplaçant à Mbour 4, le Président Diomaye Faye a touché du doigt le mal. «Sans doute, il y a eu Mbour 2, Mbour 3, Kaolack 1, Kaolack 3, Diamniadio, etc. Il faut s'arrêter et faire le point sur tout ce mal. Et savoir comment est-il possible que sur le même site, quelqu'un puisse avoir deux ou trois parcelles, ou même plus. Au moment où l’État veut faciliter la construction d’habitats sociaux pour les populations. C’est quand même un paradoxe qui ne peut pas continuer. Il reste maintenant à ce que désormais le reste du travail soit fait par les services compétents. Les services des impôts et domaines, la justice sénégalaise, pour voir qui sont les complices et jusqu’à quel niveau chacun est complice de ce qui est arrivé et comment faire de sorte que plus jamais cela ne se reproduise», a-t-il plaidé.
«Les appels à candidatures sont tout à fait faisables»
Le régime de Diomaye Faye est confronté à la réalité du pouvoir. L’application de la procédure d’appel à candidatures pour certaines fonctions tarde à voir le jour après les premières nominations. Le coordonnateur du Forum social sénégalais admet que l’on gouverne avec ses amis et ses hommes de confiance. Il estime, cependant, que parmi les hommes de confiance, il y en a qui ne sont pas dans le landerneau politique et qui méritent une confiance pour leur «sincérité, leur engagement patriotique et leur expertise». Il considère qu’il faut «savoir aller les chercher et les associer si on veut faire des ruptures dans le système. Donc les appels à candidatures sont tout à fait faisables». L’essentiel, pour lui, c’est que le jury aussi qui dépouille tout ne soit pas un jury partisan, mais un jury de patriotes, un jury d'experts, un jury non partisan. «A mon avis, il est possible de marcher sur les deux pieds. Voir dans le dispositif administratif quels sont les postes où on a besoin vraiment d’une expertise au-delà de la camaraderie. On a exclu beaucoup de gens uniquement parce qu’ils n’applaudissent pas un parti politique, une coalition. Donc, c’est un gâchis énorme et ce pays est rempli d’experts, de cadres, hommes et femmes capables de contribuer positivement au développement du pays».
«Il faut éviter que des mécontents politiques se convertissent en lanceur d’alerte»
Le président de la République a évoqué dans son discours à la nation du 3 avril dernier l’idée d’une «protection des lanceurs d’alerte et la divulgation des bénéficiaires effectifs de la propriété réelle». Le coordonnateur du Forum social sénégalais rappelle qu’il fait partie de ceux qui avaient initié en Afrique et dans le monde des groupes où on pensait qu’il fallait protéger les lanceurs d’alerte. «On a mis cette affaire-là en marche dans beaucoup de pays en Afrique depuis quelques années et on a même essayé de voir dans ces lanceurs d’alerte comment faire de sorte à les protéger. Ce n’était pas vraiment une proposition institutionnelle de l’Etat, mais une démarche citoyenne. Comment est-ce que nous pouvons arriver à protéger ceux qui dénoncent la mal gouvernance, l’accaparement des biens et des services, les détournements des deniers publics ? Il faut éviter que des mécontents politiques se convertissent en lanceur d’alerte et essayent de faire atteindre l’adversaire politique dans le département, dans la commune ou dans le territoire national. Le lanceur d’alerte est une option de militance citoyenne ou d’adversaire», a dit Mignane Diouf.