LE VIOL, UNE RÉALITÉ TABOUE POUR LES HOMMES AUSSI
Viols, agressions sexuelles, attouchements forcés... Si les principales victimes restent les femmes, des hommes aussi subissent ces violences de la part de l'autre sexe. Trois rescapés brisent le silence sur ces traumatismes
(SenePlus) - Dans une enquête publiée par Le Monde le 10 mars 2024, trois hommes ont accepté de briser le tabou en témoignant des violences sexuelles qu'ils ont subies de la part de femmes. Ces récits bouleversants interrogent nos représentations genrées des rôles dans la sexualité.
"Il m'est arrivé un truc de fou", lançait souvent Pierre, 33 ans, aux hommes qui l'écoutaient, quand il racontait comment à 19 ans, une femme l'avait forcé à la pénétrer après une fellation imposée. À l'époque, barman à Toulouse, il valorisait cet "exploit" auprès de ses amis, dans un milieu où les femmes étaient vues "comme de la viande".
Pour Clément, 30 ans aujourd'hui, la soirée de ses 21 ans fut un "imprévu", un "accident" quand sa colocataire s'est pénétrée avec son sexe alors qu'il était réticent. "Je ne savais pas comment lui dire que je ne voulais pas coucher avec elle", confie-t-il au Monde. Comme Pierre, il a eu une érection malgré son manque de désir, un réflexe physiologique qui ne signifie pas consentement.
En 2016, Cyriel, 19 ans à l'époque, n'a cessé de dire "non" à une amie qui le caressait et tentait de le déshabiller. "Toi, tu n'as peut-être pas envie, mais ton sexe, oui", lui a-t-elle rétorqué, illustrant la croyance tenace que l'homme a toujours envie.
"Les femmes sont les principales victimes de violences sexuelles", rappelle l'enquête "Virage" de l'INED en 2015, citée par Le Monde. Mais pour ces hommes, le fait qu'une minorité soit agressée par des femmes n'en rend pas l'expérience moins traumatisante.
Derrière leurs témoignages affleure "l'ombre des stéréotypes de genre", estime Le Monde, citant la philosophe Manon Garcia qui dénonce un "modèle hétérosexiste" où "les hommes ne peuvent pas être violés, les femmes ne peuvent pas être à l'origine de rapports sexuels".
Pierre, Clément et Cyriel ont d'abord minimisé leurs agressions, avec humour et désinvolture, par peur d'"invisibiliser la souffrance des femmes", plus nombreuses à être violées. Mais comme l'explique la sociologue Lucie Wicky à Le Monde, interroger ce tabou permettrait aussi de "rebattre les cartes des rôles sexuels" et d'enjoindre les hommes à être davantage à l'écoute de leur propre consentement.