LES CARRIERES D’EXTRACTION DE SABLE, DES CATASTROPHES ECOLOGIQUES ET… HUMAINES
Visite de presse du Forum africain des journalistes (African journalists forum - AFJ), les 18 décembre 2019, au niveau des carrières d’extraction de sable des communes de Sandiara (Département de Mbour) et de Tattaguine (Département de Fatick).
Le Forum africain des journalistes (African journalists forum - AFJ), dans le cadre de la mise en œuvre de sa Plateforme d’alerte sur le péril environnemental, a organisé une visite de presse, le 18 décembre 2019, au niveau des carrières d’extraction de sable des communes de Sandiara (Département de Mbour) et de Tattaguine (Département de Fatick). La descente sur les dits-lieux a permis de constater l’état de dégradation de l’environnement, à cause de l’extraction de sable dans les carrières. Cette sortie vise à pousser les décideurs à prendre des mesures pour mieux protéger l’environnement. En plus, l’interdiction de l’extraction du sable marin a fait naître d’autres conséquences. Le phénomène est apprécié de manière universelle dans les deux communes et des mesures envisagées pour trouver des solutions durables. Un expert environnementaliste conseille une requalification des sites en bassins de rétention pour y développer pisciculture et en espaces maraîchers.
Le Docteur Serigne Guèye Diop, maire de Sandiara, interpellé sur la question des carrières d’exploitation de sable, s’est déchargé sur l’ancienne Communauté rurale qui avait affecté un site pour l’extraction de sable sur une quarantaine d’hectares, défigurant l’environnement. Selon lui, la nouvelle équipe municipale sous sa conduite a arrêté, dès sa prise de fonction, les carrières. Il propose ainsi de replanter des arbres sur les anciennes carrières pour leur réhabilitation, en relation avec le service départemental des Eaux et forêts.
Les besoins en matière de construction d’une soixantaine d’usines, de lycées et des habitations à location modérée (HLM) ont poussé à la réouverture des carrières pour amoindrir les coûts. Le sable provenant des autres communes devenait trop cher. Son souci, avec l’installation de 2000 poubelles, c’est le traitement des ordures gisant dans l’ancienne carrière et de mettre en place, une usine de traitement des ordures, entre autres solutions envisagées. Pour Docteur Serigne Guèye Diop, la zone de Sandiara a une autre vocation que d’exploiter des carrières.
Ousmane Diome, le président de la Commission domaniale de la commune de Sandiara a fait le point sur la carrière privée de Ndioukh-Médoune s’étendant sur plusieurs hectares. Présent sur le site, il a expliqué le processus ayant abouti à l’exploitation de la carrière. A l’en croire, les propriétaires des terres l’ont cédé à des promoteurs qui vendent un cubage aux camionneurs. Le principe retenu est de faire de l’exploitation manuelle, permettant à des manœuvres habitant la commune de Sandiara d’avoir un revenu quotidien compris entre 7000 et 10.000 francs Cfa. Si un camion de sable vend la charge à 40.000 francs Cfa, il défalque 10.000 francs Cfa pour le gasoil.
POUR UNE RECONVERSION DES ANCIENNES CARRIERES EN CHAMPS DE MARAICHAGE ET DE PISCICULTURE
Le sous-préfet de Tattaguine se réjouit de la fermeture de la carrière bien avant sa venue. Il explique que la décision de fermeture de la carrière a été prise par le gouverneur de Fatick suite à de multiples complaintes des habitants du terroir déplorant des désagréments comme la mort du bétail piégé par des dénivellations remplies d’eau en hivernage. Il a, en outre, évoqué la dégradation de l’environnement suite à une exploitation abusive de la carrière.
L’appât du gain s’est invité, les cultivateurs tentés de gagner rapidement de l’argent ont rappliqué pour brader des terres tout autour, étendant la zone d’extraction du sable. Le sous-préfet pense à une possibilité de reconversion de cette ancienne carrière, avec le concours de l’Etat ou de partenaires. A l’en croire, des activités comme la pisciculture et le maraîchage peuvent être envisagées sur ce site pour fixer les jeunes dans leur terroir, car elles (ses activités) sont génératrices de revenus.
Ndick Diouf, le chef de village de Tattaguine-Sérère est revenu sur les raisons profondes de la fermeture de la carrière de Tattaguine. Selon lui, le rythme effréné de vente des terres de culture à des privés pour l’extraction de sable a abouti à un désastre. Car tout le monde s’y investit, des champs et des terres de parcours du bétail ont été vendus à grande échelle, entrainant des conséquences multiples. En premier le bétail (bœufs et petits ruminants), tenté de s’abreuver dans les mares et lacs intermittents remplis d’eau avec l’hivernage, a péri en grand nombre suscitant la grogne des paysans. Leurs complaintes ont poussé le gouverneur de la région de Fatick à fermer la carrière. Son souhait c’est la conversion de l’ancienne carrière envahie par des eaux saumâtres. Aussi désire-t-il l’érection d’installations pouvant limiter la remontée d’eau salée envahissant le site pour permettre le maraîchage. En attendant, des gens y ont aménagé des bacs pour élever du poisson.
SI LE CAHIER DE CHARGES DE L’OUVERTURE DE CARRIERES ETAIT RESPECTE, ON N’EN SERAIT PAS LA
Diop Mo Hary, environnementaliste et expert en décentralisation chargé de programmes de développement, sur le site de la carrière de Tattaguine, a répondu aux questions de la presse sur la situation. Se réjouissant d’avoir été associé à la visite de cette ancienne carrière, il a fait remarquer que l’urgence se conjugue au présent, avec la dégradation de l’environnement et le couvert végétal, la morbidité animale et les réactions des populations environnantes qui ont quitté ces terres devenues dangereuses pour elles.
Pour lui, la volonté des autorités à travers l’ouverture des carrières, c’est d’apporter des gains additionnels dans le but de participer à l’amélioration des conditions de vie des populations. Si le cahier de charges de l’ouverture conçu par l’Etat était respecté, relève-t-il, l’on ne devrait pas en arriver à la situation tant décriée sur le site de Tattaguine. Les études d’impact environnemental doivent se faire avant d’octroyer des permis d’exploitation. Si les textes sont excellents, bien conçus, il se pose un problème d’application. Au bout du compte, les dispositions ne sont suivies à la lettre ; une fois les autorisations données et le démarrage de l’exploitation effectif, tout est remis en cause avec un cortège de non-respect des règles.
Il a salué la démarche consistant à sensibiliser sur des situations pénalisant les populations dans leur environnement et cadre de vie. Il a approuvé également la mesure du gouverneur de Fatick ordonnant la fermeture des carrières mais, à son avis, il faut bien travailler à adopter des mesures d’atténuation.
ERRIGER UN BASSIN AQUACOL POUR UN OBJECTIF ALIMENTAIRE ET REGLER LA QUESTION ENVIRONNEMENTALE
Diop Mo Hary a rappelé le devoir des exploitants de prendre des mesures d’accompagnement à l’endroit des populations tout autour des carrières pour moins impacter sur leur quotidien de manière négative. Pour la viabilisation de l’ancienne carrière, il revient à l’Etat qui peut y ériger un bassin de rétention pouvant permettre de faire l’aquaculture d’apprécier. L’aquaculture, selon lui, va permettre d’atteindre un objectif alimentaire avec l’approvisionnement en poissons et régler la question environnementale avec les aménagements. Une autre activité naitra avec la commercialisation du poisson.
Docteur René Massiga Diouf, président de AFJ a indiqué que l’exploitation des carrières d’extraction de sable a pris des proportions importantes et inquiétantes, malgré l’existence de lois l’encadrant. Le non-respect des règles entrainant des conséquences graves, des populations abandonnées à elles-mêmes ne jouissant plus des potentialités de leur terroir et de la protection de l’environnement. L’écosystème quasiment détruit, selon le docteur Diouf, pose la problématique l’exploitation des carrières ; d’où la visite de terrain des sites affectés avec les journalistes pour sensibiliser les décideurs à prendre conscience du phénomène et des mesures idoines.