UNE CRIMINALISATION DU VIOL À DEMI-MESURE
« Il n’y a pas de relèvement du délai de prescription qui empêche les victimes de pouvoir porter plainte et se faire reconnaître d’abord en tant que victime et ensuite de commencer à être réparée. »
En Conseil des ministres le 27 Novembre passé, le président Macky Sall avait annoncé un projet de loi devant criminaliser le viol. Une nouvelle qui avait été bien accueillie par les militants de cette cause. Le projet de loi (lire l’intégral) est prêt. Le ministre de la Justice devra le présenter aux députés. La nouveauté est la qualification de l’infraction c’est-à-dire de viol simple et de viol aggravé. Selon l’expert en droit pénal Abdoulaye Santos Ndao, « elle devient une loi pénale de fonds plus sévère qui aggrave la qualification de l’infraction ». Mais l’article 320 définit toujours le viol comme : « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». Une disposition qui ne change pas car l’emprisonnement reste de 5 à 10 ans. Le viol devient toutefois un crime si des circonstances aggravantes ont été établies. En d’autres termes, cette « nouvelle loi n’en fait pas un crime sauf lorsque le viol est suivi de la mort de la victime. », lit-on dans l’exposé des motifs.
En plus des dispositions relatives à l’article 432, dans ce présent projet, « le viol est puni à une réclusion criminelle de dix à vingt ans sans possibilité de réduction au-dessus du minimum :
– s’il a entrainé une mutilation, une infirmité permanente ou s’il est commis par séquestration ou par plusieurs personnes
– si l’infraction est commise sur un enfant au-dessous de 13 ans ou sur une personne particulièrement vulnérable en raison de son état de grossesse, de son âge avancé, ou de son état de santé ayant entrainé une déficience physique et psychique. » La détention pourra aller jusqu’à la perpétuité dans ces cas. Cette loi sur le viol passe d’une peine délictuelle à une peine criminelle dans le but de protéger les mineurs et les personnes sans défense.
La prescription, le principal hic
Il aurait pu être parfait si ce projet de loi prenait « en considération les conséquences psychologiques sur une vie entière de la personne violée » selon la psychologue Khaira Thiam qui estime que la mouture telle que présentée « ne punit pas à la hauteur de la gravité de l’acte ». Au Sénégal, la prescription en matière de viol est de 3 ans. Ce qui veut dire que vous avez 3 ans pour porter l’affaire devant la justice. Au-delà ce n’est plus possible. Un bémol dans ce projet de loi relevé par la psychologue pour qui, « il n’y a pas de relèvement du délai de prescription qui empêche les victimes de pouvoir porter plainte et se faire reconnaître d’abord en tant que victime et ensuite de commencer à être réparée. ». 3 années, une marge jugée petites car « les victimes peuvent mettre entre 12 et 20 ans à oser parler de ce qui leur est arrivé et cela d’autant plus lorsque la victime mineure a pu être contrainte de vivre avec son agresseur et contrainte par le groupe familial au silence. Alors que ça n’est pas son souhait et qu’elle a besoin pour se construire que la société puisse lui dire que son agresseur n’avait pas à faire ce qu’il lui a fait »ajoute-t-elle.
Désormais la balle est dans le camp des députés de l’Assemblée pour revoir certains points notamment le relèvement du délai de prescription. Même s’il faut noter certaines avancées qui visent à durcir la répression du viol. Un texte qui prévoit également de nouvelles sanctions au sujet des violences commises contre les enfants.