«LE BASKET SOUFFRE D’UNE PLAIE PROFONDE»
L’ancienne internationale Nathalie Sagna n’est pas du tout contente des contre-performances du basket sénégalais.
L’ancienne internationale Nathalie Sagna n’est pas du tout contente des contre-performances du basket sénégalais. Selon elle, cette discipline traverse des difficultés auxquelles il urge d’apporter des solutions. Dans l’interview qu’elle nous a accordée, l’ancienne meneuse de l’équipe nationale et de la Jeanne d’Arc est largement revenue sur les problèmes qui minent ce milieu non sans proposer des solutions de sortie de crise.
Quel bilan tirez-vous de la participation du Sénégal au dernier Afrobasket féminin ?
C’est un bilan positif puisque l’équipe n’était pas attendue en finale. Donc si elle parvient à décrocher la médaille d’argent c’est une bonne chose.
Pourtant le Sénégal a toujours été favori dans cette compétition.
Oui. Mais il faut souligner que depuis quelques années notre basket a régressé là où celui des autres est en progression. Des pays comme le Mali et surtout le Nigeria ont fait des pas de géant. Ce qui n’est pas le cas pour nous. D’ailleurs les Nigériannes sont à quatre trophées d’affilée. C’est pourquoi il y a du travail à faire si nous voulons retrouver notre place d’antan en Afrique. Toutefois je félicite les joueuses et l’encadrement technique d’avoir décroché le titre de vice-champion d’Afrique puisque malgré un début catastrophique, ils ont pu aller jusqu’en finale.
Mais la place du Sénégal ce n’est pas la finale. C’est le titre de Champion. Qu’est-ce qui explique cette régression?
Pour le dernier Afrobasket je trouve que l’équipe était composée presque d’expatriées. Ce qui ne donne pas toujours une bonne équipe puisque si vous ne disposez pas de temps de jeu suffisant dans votre club cela peut pénaliser le groupe surtout au plan physique. Le basket est un sport qui demande à la fois la rapidité, la technique, le réflexe, une bonne préparation physique... Donc s’il y a des errements quelque part ça se paye cash.
Vous voulez dire que l’équipe n’était pas bien préparée ?
Au-delà de l’équipe nationale c’est toute la discipline qui souffre d’une plaie profonde qu’il urge de localiser avant de penser à y apporter des soins
En tant qu’ancienne pratiquante qui suit de près le basket que faut-il faire pour y apporter des solutions ?
Il faut d’abord travailler dans la petite catégorie en y mettant les moyens qu’il faut. Les clubs qui gagnent sont ceux qui investissent chez les jeunes ou qui ont la possibilité de recruter des joueurs pour leur apporter un plus. Un club qui n’a pas ces moyens ne peut rien gagner. L’autre problème c’est la deuxième division qui ne déroule presque pas. C’est lié au fait que certains clubs n’existent que de nom. Leur seule raison d’être c’est de participer au vote pour le renouvellement des instances de la fédération. Il y a également des personnes qui évoluent dans le milieu et qui sont plus intéressées par les privilèges. Je fais allusion à ceux qui travaillaient chez les garçons et qui ont fini par transhumer chez les filles pour pouvoir bénéficier des récompenses en cas de titre continental puisque ce sont elles qui font de meilleurs résultats. Alors que la gestion entre filles et garçons diffère. Ce sont là autant de problèmes qui font que les choses n’évoluent pas.
Donc le mal est très profond ?
Mais c’est plus profond que cela. Vous savez moi je ne mâche pas mes mots. Quand je parle c’est pour le bien du basket qui m’a tout donné et à qui je dois tout. C’est pourquoi quand je donne mon avis c’est toujours dans le sens de bien faire. Malheureusement lorsque vos propos n’arrangent pas une minorité ils sont orientés dans le mauvais sens. Je n’ai pas envie d’attaquer des personnes. Ce n’est pas mon genre. Mais il y a des comportements qui portent entrave au développement du basket. Si nous voulons retrouver notre leadership en Afrique, il faut qu’on accepte les critiques objectifs. C’est cela qui nous permettra d’avancer et non pas les querelles de bas étage.
De quelles attitudes faites-vous allusion ?
Tant qu’on ne se dit pas la vérité le mal va persister. Je pense que le premier problème du basket c’est Babacar Ndiaye l’actuel président de la fédération. Voilà quelqu’un qui, au lieu d’être au service de la discipline qu’on lui a confiée cherche à diviser pour mieux régner. Sa connaissance du basket est limitée ou alors il se soucie peu de son avenir. Ce qui l’intéresse, c’est de trouver les moyens pour se maintenir dans son fauteuil. Lorsque Tapha Gueye en qui j’ai beaucoup de respect a été choisi comme entraîneur je n’étais pas d’accord puisque le poste ne pouvait pas être cumulé à celui de directeur technique qu’il occupait. Ce sont deux rôles différents. Je connais bien l’homme. Il a beaucoup de qualités et a fait ses preuves partout où il est passé. Il a du mérite. D’ailleurs j’avais plaidé à sa faveur pour le poste de DTN. Aujourd’hui son départ ne m’a pas surpris. Babacar Ndiaye est habitué des faits. Il a l’art de propulser quelqu’un pour ensuite lui mettre les bâtons dans les roues. D’autres entraîneurs ont été victimes de ses manœuvres. Même avec les journalistes, il cherche toujours à les amadouer pour ne pas subir des attaques. Mais je veux être claire. Il y a certains de vos collègues de la presse qui font du bon travail et qui sont respectueux des règles de la déontologie. Je leur rends hommage et les encourage. Mais par contre d’autres ont accepté d’être à son service pour des intérêts personnels. Et c’est malheureux.
Selon vous à quel niveau il faut travailler dans l’immédiat ?
Il faut penser à la relève. A un moment les joueuses prennent de l’âge. Je prends l’exemple du Mali qui domine chez les jeunes. C’est un pays qui a beaucoup investi dans cette catégorie. Il y a également des tournois de la sous -région qui opposaient le Sénégal, le Mali, la Guinée pour préparer les compétitions internationales. Je me rappelle aussi du temps de Bonaventure Carvalho le championnat d’Afrique se préparait au moins un an avant. De ce fait les lundi, mercredi et vendredi on s’entraînait en équipe nationale et les autres jours avec nos clubs.
Est-ce que vous serez prête à intégrer les instances du basket pour apporter votre expertise ?
Je dois d’abord préciser qu’on m’a souvent posé cette question. Mais à chaque fois je dis que je ne suis pas intéressée par quoi que ce soit à part le développement du basket. Quand je parle ce n’est pas pour occuper un poste mais pour attirer l’attention des responsables. Moi je suis une femme de principe. Et je ne serai jamais quelqu’un qui occupe le banc de touche ou un poste pour applaudir ou me taire. Je dis ce que je pense même si parfois je peux ne pas avoir raison. Tout ce que je souhaite c’est que le basket retrouve son lustre d’antan. Et pour cela tout le monde doit être impliqué car en définitive chacun à des idées qui peuvent être positives. Il est temps que tous les problèmes soient mis sur la table afin d’y apporter des solutions. Il faut accepter les critiques, écouter et impliquer tout le monde, se dire la vérité. Les filles commencent à trainer les pieds, les garçons ne gagnent plus depuis 1997. Il est temps qu’on se mette au travail. Toutefois je ne cherche pas à faire du mal à qui que ce soit. Si j’ai tenu des propos qui ont offensé certains je m’en excuse. C’est ma nature de parler sur ce ton.