“FAUTE DE MOYENS, LA VIE DE 150 JEUNES SENEGALAIS MENACEE A FANN”
DR OUSMANE DIÈYE, SPÉCIALISTE DES MALADIES DU COEUR ET DES VAISSEAUX
150 jeunes sénégalais sont en danger de mort au Centre de chirurgie thoracique et cardiovasculaire de l’hôpital Fann. Leur vie est menacée par le manque de moyens dans ledit centre qui entraîne des lenteurs sur les listes d’attente pour les soins, selon le Dr Ousmane Dièye, du cabinet de cardiologie SAKINA. Dans cet entretien avec EnQuête, le spécialiste des maladies du coeur et des vaisseaux lance un SOS et donne des conseils pratiques pour lutter contre les accidents vasculaires cérébraux (AVC).
Ces dernières années, on a noté un accroissement des maladies cardiovasculaires au niveau mondial et au Sénégal. Qu’est-ce qui explique cette tendance dans notre pays ?
En effet, les maladies cardiovasculaires constituent la première cause de mortalité dans le monde (environ 17 millions de personnes, soit 30% de la mortalité totale mondiale). Environ, la moitié de ces décès est attribuée à l’hypertension artérielle par ses conséquences, notamment l’accident vasculaire cérébral (AVC), la maladie coronarienne dont l’infarctus du myocarde (IDM) et l’insuffisance rénale chronique (IRC). L’hypertension artérielle est le principal coupable et concerne 1 milliard de personnes dans le monde et environ 1 sénégalais sur 4. Au Sénégal, comme partout ailleurs dans le monde, les facteurs de risque modifiables identifiés sont la sédentarité (inactivité physique), le stress, la mauvaise alimentation et le tabac, à l’origine de l’hypertension actuelle, du diabète, de l’augmentation du cholestérol sanguin, de l’obésité. Et cela fait le lit des complications cardiovasculaires citées plus haut.
Comment lutter contre les maladies du coeur ?
Pour ces maladies cardiovasculaires, il est important de lutter contre les facteurs de risque modifiables tels que le tabagisme, le manque d’activité physique, la mauvaise alimentation (trop grasse, trop sucrée, trop salée), le stress, mais également organiser le dépistage et le traitement de l’hypertension artérielle, du diabète et de l’hyperlipidémie.
Dans le contexte sénégalais, les conséquences de la maladie cardiaque rhumatismale qui endommage les valves du coeur est une réelle préoccupation au service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire de l’hôpital Fann, où 150 jeunes sénégalais sont en attente d’une intervention chirurgicale coûteuse. Sa prévention passe par la bonne prise en charge de l’angine streptococcique par un traitement antibiotique précoce. La cardiopathie rhumatismale atteint les valves du coeur et à pour origine une angine mal traitée. Ces angines peuvent donner le rhumatisme articulaire aiguë qui attaque les valves du coeur et, à terme, les détruit.
A partir d’un certain moment, les patients ont besoin d’être opérés du coeur sinon leur vie est menacée. C’est un problème endémique dans notre pays et les cas qui doivent être opérés se retrouvent au Centre thoracique et cardiovasculaire et, à l’heure actuelle, ces jeunes doivent bénéficier de cette intervention qui coûte au-delà de 2 millions de F Cfa.
Pour faire face, l’hôpital a besoin de moyens, en particulier le centre thoracique et cardiovasculaire, qui est unique au Sénégal et, par conséquent, doit être épaulé. Je lance vraiment un cri du coeur en faveur de ces jeunes. Il faut que les autorités étatiques et les bonnes volontés apportent leur soutien pour que la situation se décante.
C'est une urgence ?
Il faut vraiment organiser une chaîne de solidarité pour venir en aide au centre et ce sont les autorités étatiques qui doivent poser les premiers actes. Malheureusement, les organisations humanitaires dans les pays développés arrivent à opérer des enfants âgés de moins de 20 ans. Audelà de 20 ans donc, lorsqu’on fait face à une telle situation, on a d’énormes difficultés pour se faire opérer si on n’a pas assez d’argent. Ou même si on a de l’argent, parfois les difficultés que rencontre l’hôpital où le centre font que les interventions ne peuvent pas se faire à plein régime et donc la liste d’attente est longue. Ces jeunes sont âgés de 20 à 40 ans ; c’est pendant cette période que sévit beaucoup la cardiopathie rhumatismale au stade de l’intervention chirurgicale.
En cette période de ramadan, on note aussi beaucoup de cas d’accident vasculaire cérébral (AVC). A votre avis, c'est lié à quoi ?
Les effets d’une mauvaise alimentation, du tabac, l’usage abusif de l’alcool, le manque d’activité physique peuvent se traduire chez les individus par une hypertension artérielle, une hyperglycémie, une augmentation du taux de lipides dans le sang, le stress, le surpoids et l’obésité. Ces facteurs de risque
intermédiaires sont responsables de 80% des AVC.
Donc le lien concerne surtout les facteurs de risque cardiovasculaire au premier desquels l’hypertension artérielle. Cette dernière est endémique dans le monde et constitue une affection sournoise qui ne se manifeste pas et qui, lorsqu’on la néglige, peut entraîner l’accident vasculaire cérébral.