ÉBOLA, CETTE GROSSE PESTE
L’Etat ivoirien ayant fermé ses frontières avec la Sierra Leone, la tenue du match "Eléphants"-"Lone Star", prévu le 6 septembre, reste encore incertaine. Ne pas recevoir les Sierra-Léonais expose les "Eléphants" à de lourdes sanctions : une amende, une élimination de la compétition et une suspension pour la Can-2017.
Les choses viendraient-elles à changer pour voir les autorités lever le verrou ? Des questions subsistent, que le commun des Ivoiriens se pose, mi-sérieux, mi-rigolard : les pros vont-ils accepter de venir jouer contre des adversaires supposés à risque ? Leurs clubs ne s’y opposeront-ils pas, le cas échéant ? Et si y match la mem, qui va aller tacler l’aut’ la, hein ? Qui est fou ? Match la, c’est vrément gaa’té…
La liste d’Hervé Renard tombe ce jeudi et l’on verra bien pour la suite.
On pensait que rien ne pouvait arrêter un ballon qui roule. Et voilà que l’épidémie causée par le virus Ébola ramène la toute puissance du foot à de simples futilités. Tout le monde pense à la Can-2015, mais personne ne sait ce qu’il en adviendra. Les intérêts financiers liés à cette compétition vont sans doute pousser la Caf à ne pas reculer, mais le fléau qui plane sur l’Afrique se pose en question de "vie ou de mort".
Devant les guerres, les catastrophes naturelles ou les grands malheurs, jouer a souvent été un moyen d’oublier, de dépasser les traumatismes ou tout simplement de convenir que "The show must go on" (le spectacle doit continuer).
Ainsi dit, on ne compte plus les drames qui n’ont jamais pu arrêter la logique du jeu. Il suffisait de parler d’hymne à la vie et au courage, de défi à l’adversité, pour que la puissante machine déroule sans coup férir.
Aujourd’hui, tout devient si futile, si aléatoire.
On s’était indigné de voir les Jo Munich-72 se poursuivre après le massacre d’athlètes israéliens par un commando de Septembre Noir. En 1985, le coup d’envoi de la finale de la Coupe d’Europe des clubs champions, Liverpool-Juventus, avait été donné, alors que dans les tribunes 39 personnes venaient de mourir, étouffées par les bousculades. La liste aurait pu s’allonger sur ces drames que les compétitions ont couverts de leurs rires et de leurs bonheurs.
Aujourd’hui, rien n’y peut. Ni la dictature de la Fifa, encore moins la puissance dérivée de la Caf. Le dernier mot appartient au virus Ébola et nul ne sait de quoi demain sera fait.
L’ampleur du drame actuel, massif, rapide et brutal, semble sans commune mesure avec les plaisirs du jeu. Déraisonnée ou non, on ne peut juger les peurs des autres. Devant les effets collatéraux d’une épidémie qui mettent à l’épreuve les Etats et les communautés, le sport semble dérisoire. On a l’impression de replonger dans La Peste de Camus, quand on sentait la condition humaine si fragile devant les coups du destin, la détresse et les frayeurs collectives.
Le casse-tête est énorme pour les responsables du football continental. Qui sera à la Can-2015 ? A l’allure où vont les choses, la carte sanitaire des pays risque d’être plus déterminante que leur valeur sportive. Entre matches délocalisés ou annulés, les premiers et deuxièmes tours des qualifications prévues dans une dizaine de jours restent enveloppés d’incertitudes.
Forts de leur souveraineté, certains Etats ont baissé la barrière de l’exclusion devant les pays où l’infection s’est installée. La fraternité sportive a ses limites et l’on commence à l’éprouver là où d’autres segments socioéconomiques ont été déjà bouleversés par l’épidémie funeste.
En juillet dernier, les Seychelles avaient refusé d’aller jouer contre le "Lone Star" à Freetown, se faisant ainsi éliminer de la course vers Maroc-2015. Depuis lors, le virus a ajouté quelques dizaines de morts au bilan macabre de la Sierra Leone. On se demande ce qu’il en sera en octobre et en novembre prochains, quand il s’agira de s’engager dans le deuxième et le dernier round des qualifications.
Lors des Championnats d’Afrique de karaté organisés il y a trois semaines à Dakar, les Marocains, Algériens et Tunisiens avaient refusé de se présenter. La peur de l’épidémie n’aurait pas été étrangère à ce forfait d’ensemble. Dans ces conditions, le Maroc acceptera-t-il d’organiser la Can et d’accueillir tout le monde en janvier 2015, si le foyer de la maladie devenait encore plus ardent et plus étendu sur le continent ?
Les "pestiférés" d’aujourd’hui le seront peut-être davantage demain. D’autres pourraient venir s’y ajouter. Guère bons à aller visiter, encore moins à recevoir. Et même à rencontrer sur terrain neutre.
Dans sa circulaire diffusée il y a quelques semaines, la Caf affirmait qu’elle "maintiendra ses calendriers de matches sur l’ensemble du continent africain, à l’exception de trois pays (sus cité), ces derniers ayant enregistré un nombre de cas important". Que signifie "un nombre de cas important" ? A quel point le niveau de prévalence dans un pays justifie sa mise en quarantaine ? La mesure devant durer jusqu’en mi-septembre, après les deux premiers matches de qualification, on verra.
Dans cette ghettoïsation forcenée des victimes du virus Ébola, toutes les chaînes ne se sont pas brisées. Des passerelles demeurent en direction des prisons à ciel ouvert que sont devenus certains pays.
Les Chinois, qui organisent les Jeux olympiques de la jeunesse à Nankin (Chine), dont les épreuves démarrées le 9 août se terminent ce mercredi, ont exclu deux athlètes inscrits en sports de combat et un troisième en natation, venant de ces pays mis au ban du monde. Mais vingt-cinq autres en provenance de la Sierra Leone, du Liberia, de la Guinée et du Nigeria ont pu disputer les compétitions.
C’est le pari d’une Chine dont l’entreprise de séduction en direction de l’Afrique peut bien souffrir quelques degrés d’une fièvre suspecte.
Par contre, les Botswanais avaient déclaré forfait, eux aussi, pour les Championnats d’Afrique de karaté à Dakar. Ébola étant toujours en cause.
Il y a lieu, dès lors, de se demander s’ils vont recevoir les "Lions". Et comment…