ABDOU DIOUF, HABIB THIAM, MACKY SALL ET LE DESTIN
MÉMOIRES» DU 2E PRÉSIDENT DU SÉNÉGAL
Le livre «Mémoires» d’Abdou Diouf sera à coup sûr un best-seller au Sénégal. Paru aux éditions du Seuil le vendredi 14 novembre dernier, il fourmille d’anecdotes. Nous en avons choisi deux sur le destin. Elles sont relatives à l’ami de toujours de l’auteur, l’ancien Premier ministre Habib Thiam et à l’actuel Président Macky Sall. L’avion que devait prendre Abdou Diouf est celui-là même dans lequel allait périr le poète David Diop au large de Dakar, le 29 août 1960. Son affectation comme gouverneur de la région du Sine-Saloum est survenue le 11 décembre 1961, jour de… naissance du Président Macky Sall.
«Si j’en avais eu une première perception issue de ma culture traditionnelle et de mon éducation à Saint-Louis du Sénégal au temps de mon enfance, c’est bien depuis un jour cruel d’août 1960 que j’ai vraiment ressenti et mieux compris ce qu’est le fatum, je veux dire le destin. En effet, au terme de ma formation à l’Ecole nationale de la France d’outre-mer à Paris, n’eût été un ami qui me persuada de ne pas rallier Dakar en avion mais plutôt par bateau, je ne serais plus de ce monde depuis le 29 août 1960 ! Et comme nul ne meurt qu’à son jour, il est évident que ce jour n’était pas le mien. C’est cela aussi, le destin.
L’avion est rapide et, au regard de mon empressement à me retrouver parmi les miens au Sénégal, le bateau me semblait un trop long périple, car, après le train ralliant Paris à Marseille, il fallait encore cinq jours de voyage avec une escale à Casablanca. Jeune breveté d’une prestigieuse école, j’avais hâte de rejoindre ma famille et mes amis, et de me mettre au service de mon pays. Mon premier mouvement, tout naturellement, fut de prendre la voie des airs. C’est mon ami Habib Thiam qui, avec sa force de persuasion habituelle, me fit changer d’avis. Je me résolus donc à prendre le Lyautey avec lui, son épouse et ses deux enfants. Son frère Mohamed Thiam, connu sous le nom de «Baba», ne se laissa pas convaincre et opta pour l’avion. En pleine mer, quand nous parvint la nouvelle alarmante d’un avion qui s’était écrasé au large de Dakar, nous priâmes pour que ce ne fût pas celui que devait prendre Baba.
C’est du bateau, alors qu’il venait à peine d’accoster, qu’Habib Thiam interpella ses parents qui l’attendaient sur le quai, et nous eûmes la tristesse d’apprendre que son frère était bien dans l’avion et qu’il n’y avait aucun survivant. Peut-on échapper à son destin, à son fatum ? Assurément non ! »
AFFECTATION COMME GOUVERNEUR DU SINE-SALOUM
L’autre anecdote liée au fatum que nous apprenons à travers les «Mémoires» d’Abdou Diouf est relative à son affectation en qualité de gouverneur. Alors que son nom figurait comme gouverneur de Saint-Louis et celui de Abdou Ndéné Ndiaye comme gouverneur du Sine-Saloum, le ministre Abdoulaye Fofana allait aider à changer les choses. «Abdoulaye Fofana avait tout de suit dit : Attention ! Monsieur le Président, Abdou Ndéné est originaire du Sine-Saloum et Abdou Diouf de Saint-Louis. Vous devez donc renverser pour ne pas les nommer dans leurs terroirs respectifs. » Ainsi donc, j’ai été nommé gouverneur de la région du Sine-Saloum le 11 décembre 1961. Ce jour-là naissait dans le cercle de Fatick, placé sous mon autorité administrative, un jeune garçon répondant au nom de Macky Sall. Signe du destin, encore une fois, ce garçon allait devenir 51 ans plus tard le quatrième président de la République du Sénégal. Il sera le successeur de mon successeur à la tête du Sénégal. J’ai dit «signe du destin» ; en effet, comment, au sujet de Macky Sall, ne pas rappeler son ascendance «pulaar» par le sang et son ancrage sérère par le sol natal ? Mais au fond, n’en était-il pas de même pour Léopold Sédar Senghor, premier président de la République du Sénégal ?»