VIDEOAMIS D’ENFANCE, DUO DE TALENT
PAPE & CHEIKH
Ils ne sont plus à présenter. De "Yaatal guew" à "Lonkotina", Pape et Cheikh revendiquent 15 ans de présence scénique assidue et riche en tubes. Pourtant, leur parcours n’a pas toujours été un long fleuve tranquille.
Tout les différencie sur le plan physique. L’un est longiligne, plus extraverti et est celui qui pousse la chansonnette. L’autre est râblé, introverti et joue les notes de la guitare basse. Par contre, sur le plan musical, ils partagent tout ou presque.
D’ailleurs, c’est cette même passion pour la musique qui explique que depuis plus de 30 ans, ils ne se séparent plus comme deux frères siamois. Ils, c’est Papa Amadou Fall et Cheikhou Coulibaly, plus connus sous le nom de scène de Pape et Cheikh.
L’entrée de ce duo sur la scène musicale sénégalaise s’est faite, en 2001, au rythme de "Yatal guew", le titre phare de leur album "Yaakaar". Un hymne à l’union des cœurs dans un contexte où le Sénégal était en pleine mutation politique et sociale. La première alternance politique venait d’être réussie et les élections législatives s’annonçaient.
Depuis, le duo n’a plus quitté le devant de la scène musicale sénégalaise grâce à un savant mélange de mbalakh et de folk. Un mariage de raison dans un pays où le mbalakh dicte sa loi et laisse peu de place à la musique de leurs débuts: l’acoustique.
Pape et Cheikh, c’est l’histoire de deux gamins originaires de Kaolack et qui ont débarqué à Dakar au milieu des années 1990 pour réaliser leur rêve : se faire un nom dans la musique. Plus de vingt ans après, le bilan est plus que flatteur.
Mais le duo se refuse à toute flagornerie. Eux qui sont allés au devant des obstacles pour les franchir un à un, ils savent que, dans la vie, il faut toujours garder la tête sur les épaules."On sait d’où l’on vient et ce que nous avons enduré pour en arriver là.
On ne déviera pas du chemin qu’on s’était tracé au début : faire notre musique avec sérieux et conviction", confie Pape. Qui n’oublie pas que, des quolibets, ils en ont fait l’objet, des huées, ils en ont reçues et des portes leur ont été fermées. Mais à force de pousser le destin jusque dans ses derniers retranchements, ils sont parvenus à se faire une place sur la scène. Et ils ne comptent pas y redescendre de sitôt.
"Nous restons nous-mêmes, nous ne concurrençons personne, nous ne sommes le numéro deux de personne, nous sommes nous-mêmes. Nous n’avons aucune pression. Notre souci, c’est d’avoir une musique avec une grande durée de vie avec des messages intéressants pour ceux qui l’écoutent", insiste Pape de sa voix rocailleuse. Pape est né à Dakar, Cheikh à Kaolack.
Au gré des pérégrinations de son père qui était cheminot, Pape se retrouve à Kaolack. Au quartier Kaznak où ils habitaient tous les deux, les deux musiciens se lient d’amitié.
Une amitié d’une vie. Les deux compères baignent dans une atmosphère remplie de mélodies et de rythmes sérères, wolofs, mandingues dans laquelle ils se sont nourris pour donner une identité à leur musique.
Une enfance rythmée parla musique Ensemble ou séparément, ils s’essayèrent à tous les genres avant de, définitivement, opter pour le folk avec une forte dose de sonorités mbalakh. Dans cette ambiance folklorique, ils commencent à inoculer le virus de la musique.
Les années passant, leur passion pour la musique grandit. Pape saute sur toutes les occasions pour faire entendre sa voix à travers des reprises de chansons célèbres comme "Thioro baay samba" de Thione Seck.
D’ailleurs, c’est en fredonnant cet air, au cours d’un concours, qu’il a été retenu pour intégrer une chorale à Kaolack. C’est le déclic, lui qui, très tôt, a déserté les bancs de l’école en classe de Cm2 alors que Cheikh, lui, a poursuivi ses humanités jusqu’en 2ème année à la Faculté de Droit de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Seulement voilà, cet attachement pour la musique n’est pas vu d’un bon œil par les parents des deux artistes. Dans un contexte où musique rimait avec débauche, cuite, voire drogue, il y avait de quoi, en effet, refuser que son enfant entre dans ce cercle.
"Nous ne sommes pas de familles de griots et puis, c’est vrai, la musique n’avait pas bonne presse car certains artistes ne renvoyaient pas une bonne image. Mais, quand même, nous avons pu convaincre nos parents de nous laisser vivre notre passion. Je pense que l’avenir nous a donné raison", avance, d’une voix timide et posée, Cheikh.
Au début des années 1990, les deux gamins débarquent à Dakar. Pape pour apprendre le métier de tailleur et Cheikh pour continuer ses études secondaires. Avec d’autres amis, ils se cotisent pour acheter une guitare qu’ils se passaient à tour de rôle.
La bande d’amis décide, quelques mois plus tard, de s’inscrire en cours du soir à l’Ecole des beaux-arts afin de se perfectionner. Deux ans plus tard, ils en ressortent avec le bagage technique nécessaire et, dans la foulée, leur premier orchestre est mis sur pied. Ils l’appellent "Samtamouna", un nom tiré du vocabulaire sérère.
A cette époque, la plupart de leurs chansons étaient dans cette langue qui, pourtant, n’est pas celle de leur naissance. "On a commencé à sillonner les villages sérères pour des prestations. Il nous est arrivé de faire des tournées de 45 jours à l’intérieur du pays", se souvient Pape.
Les années difficiles
Mais l’aventure tourne court quand certains membres du groupe, pour des raisons diverses, décident d’abandonner la musique. Pape décide de s’installer dans les Îles du Saloum où il monnaie ses talents de chanteur alors que Cheikh prend le chemin de Saly où il joue des variétés.
De temps à autres, les deux amis se retrouvent pour faire des prestations ensemble notamment lors des vacances de fin d’année. Ce, jusqu’au jour où Michael Soumah les découvre et les invite à son émission radiophonique Sono mondial.
Les choses s’enchaînent pour le duo de Kaolack. Ils assurent la première partie des Frères Guissé au Centre culturel français, passent ensuite à l’émission de Fatou Sakho sur la Rts et décident de rebâtir leur groupe "Pape et Cheikh".
De petites prestations en petites prestations, le duo se bonifie mais cherche toujours sa voie. Et c’est difficilement qu’il parvient, parfois, à se faire accepter dans une boîte ou club pour une prestation. Et pour cause : "Nous n’avions pas encore sorti un album alors qu’à l’époque, c’était en quelque sorte le passeport, le laissez passer pour jouer dans certains endroits. Nous avons vu beaucoup de portesse refermer sur nous à cause de cela".
Mais ce n’est que partie remise. Les deux compères sont loin d’être gagnés par le découragement. L’adversité fouettant souvent l’esprit, Pape et Cheikh ont la lumineuse idée de faire enregistrer les morceaux qu’ils avaient chantés lors de la première partie des Frères Guissé. Le produit est proposé au studio Jololi géré par Bouba Ndour.
Après l’avoir écouté, ce dernier leur fait signer un contrat. Le duo entre en studio en 1999, mais le grand public n’entendra parler du groupe qu’en 2001, pour dire que l’album "Yaakaar" et surtout la chanson fétiche "Yaatal guew", qui a fait leur succès, ont dormi deux ans dans les tiroirs. En chœur, les deux artistes reconnaissent qu’ils ont été surpris par ce succès.
"Vous savez, cette même chanson que les gens applaudissent, il nous est arrivé de la jouer en boîte Samedi 31 janvier et dimanche 1er février 2015 Amis d’enfance, duo de talent Ils ne sont plus à présenter. De "Yaatal guew" à "Lonkotina", Pape et Cheikh revendiquent 15 ans de présence scénique assidue et riche en tubes.
Pourtant, leur parcours n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Par Elhadji Ibrahima THIAM et qu’on nous hue. C’est pourquoi nous gardons toujours la tête froide quelle que soit l’ampleur du succès que nous pouvons connaître", souligne Pape.
Après "Yaakaar", quatre autres albums sont venus grossir le répertoire de Pape et Cheikh. Il s’agit notamment de "Yaay", de "Mariama"sortie à l’international, de "Yeurmandé" qui est une autoproduction et enfin "Esprit live" dont le titre phare, "Lonkotina", est en train de faire un tabac.
La parenthèse politique de 2007
Dans la quête de leur propre identité musicale, la rencontre de Pape et Cheikh avec le musicien canadien, Mac Fallow, a été décisive. Sur les conseils de ce dernier, après la sortie du premier album, le duo a décidé de diversifier ses sonorités en apportant un peu plus de rythme.
"A un certain moment, les gens voulaient nous enfermer dans un carcan. Quand on dit Pape et Cheikh, automatiquement, ils pensaient à un certain genre musical. Alors nous voulions leur montrer que nous avions plus d’un tour dans notre besace", explique Pape.
Et cela était d’autant plus facile pour eux que Cheikh rappelle que dès leur tendre enfance, ils ont baigné dans une atmosphère de diversité culturelle : "Nous avons subi beaucoup d’influence musicale allant du folk au reggae en passant à l’acoustique, à la musique traditionnelle.
C’est la somme de toutes ces influences que nous essayons de faire ressortir dans notre musique. Ainsi, nous pouvons toucher un plus large public". A propos de public, il faut souligner qu’une partie a mal accueilli, en 2007, la chanson "Gorgui doliniou" dédiée à l’ancien président Abdoulaye Wade lors de la campagne présidentielle de cette année-là.
A l’époque, les spéculations sont allées bon train. D’aucuns, se fondant sur la prodigalité légendaire de l’ancien pensionnaire du palais de l’avenue de la République, n’ont pas hésité à accuser Pape et Cheikh d’avoir prêté leurs voix contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Pape balaie d’un revers de la main et évoque le respect de la parole donnée. "Nous n’avons fait que respecter notre promesse.
En effet, en 2001, sur les 21 partis ou listes engagés dans les élections législatives et qui utilisaient cette chanson, seul Wade nous a payés des droits d’auteurs. En retour, nous lui avions promis de l’accompagner en faisant une chanson pour lui.
C’est ce que nous avons fait, malheureusement beaucoup de gens n’ont pas compris", explique-t-il. Les critiques à leur endroit furent acerbes, mais les deux artistes ont su faire le dos rond et laisser passer la tempête