BLUES AU CŒUR DU SABAR
Nous ne pouvons quand même continuer à vivre sans te célébrer et t'honorer comme il se doit, cher Doudou. Mieux vaut tard que jamais. Une œuvre d'art est inestimable, elle se bonifie avec le temps
Tout le monde connait Doudou Ndiaye Coumba Rose au Sénégal, depuis les années 50 au moins. Peut-être que les seuls à l'ignorer, seraient les autorités de notre pays, qui n'auraient jamais posé d'actes de reconnaissance à la hauteur de ce qu'il incarnait dans notre société. Évaluer la dimension d'un tel monument humain équivaudrait à mesurer le ciel. Je n'exagère rien.
Je suis né à Reubeuss et dans ma toute petite enfance des années 50, quand aucune radio n'avait encore porté à mes oreilles le moindre son de musique étrangère, ce sont les battements de sabar de ce maestro qui ont donné du rythme à mon âme et à mon corps.
Le sabar est mystique, joué par un musicien il est juste envoûtant, mais dompté comme l'avait fait Doudou Ndiaye Coumba Rose, il se transformait sous ses doigts en instrument de communication entre êtres humains et Djinns. L'écho des sabars de tous les batteurs du Sénégal réunis en un, jamais n'aurait pu atteindre, ce monde qui de toutes les communautés de la planète a convergé vers Doudou, l'élu. Il avait le don de donner vie au sabar et ce dernier lui avait livré tous ses secrets mythiques, avec lesquels il attirait, exaltait, inspirait, dans une aisance, une simplicité et une élégance extraordinaires.
Aujourd'hui grâce à lui, le sabar appartient à toutes les générations, tout comme lui même, un homme sans âge, qui avait des mouvements et attitudes si mélodiques et élégants, qu'il était devenu une référence partout, et pour tout un chacun. Ascète à sa façon, il avait tout sacrifié à son art et après avoir atteint le summum, donné au sabar ses lettres de noblesse, il était resté effacé pour ne pas faire de l'ombre à son amour : la création artistique. Personne ne l'a vu profiter de cela et occuper l'espace médiatique, à ne promouvoir que sa personne.
Cependant les gens de culture du monde moderne sont toujours venus le dénicher de son quartier, pour l'honorer et le célébrer dans leurs palaces les plus chics. Il est notre fierté, Doudou Ndiaye Coumba Rose.
Rose, parce qu'il était la rose éclatante et vibrante de nos racines les plus profondes. Il suffisait de le voir drapé dans ces étoffes multicolores, au milieu de ces palaces où il était célébré, donner le ton avec ses mouvements gracieux et altiers, à un chœur de batteurs aux gestes instinctuels, pour saisir ce qu'il y avait d'angélique en lui. Hélas, les non-avisés, terrés inopportunément au sein de nos plus prestigieuses institutions, n'ont vu, ni su, ce qu'il y avait à voir et à savoir, au-delà du sabar, en ce modèle unique chez qui résidaient tellement de qualités et d'enseignements.
L'on a raté quelque chose là. Pouvait-il en être autrement quand on sait qu'un des attributs du sous développement est la cécité qui occulte l'essentiel et le modèle pour dévoiler en lieu et place le superflu et l'oiseux ? Doudou Ndiaye Coumba Rose, fort heureusement, inspirera encore plus de générations qu'il ne l'a fait de son vivant. Élu parmi les élus, Dieu lui a permis d'énoncer peu avant sa mort, des paroles prémonitoires d'une sagesse à permettre un recadrage judicieux de ceux qui gouvernent le pays, relativement aux actions utiles à diligenter envers les méritants.
Généreux et pédagogue jusqu'au crépuscule de sa vie, il nous a quittés en nous faisant part de tout ce dont il aurait besoin de nous, après sa mort, regrettant en passant que le monde l'ait célébré à l'exception de son pays natal- trois likhlass. Il a mis en garde les gouvernants d'un empressement à lui rendre des honneurs à titre posthume, cela n'ayant plus de mérite pour lui, une fois sous terre. Une vérité que l'on sait tous mais qui, venant de lui, à ce moment de sa vie, devenait étincelante et d'une sagesse inouïe à méditer.
Nous ne pouvons quand même continuer à vivre sans te célébrer et t'honorer comme il se doit, cher Doudou. Mieux vaut tard que jamais. Une œuvre d'art est inestimable, elle se bonifie avec le temps. De même un artiste de ton talent, doublé d'une vie pleine de sagesse, est une source inépuisable. Repose en paix Doudou Ndiaye Coumba Rose. Rejoins au Paradis ton sosie en art et talent, ton frère et proche ami d'enfance Vieux Sing Faye. Que Dieu vous accueille dans son paradis.