BUHARI II, LA FEUILLE DE ROUTE POUR UN COME-BACK

L’uniforme nous change de l’ambiance d’un jour de l’année 1983. A la tête d’une junte militaire, le général Muhammadu Buhari a pris le pouvoir. Cette opération réussie sonne le glas du président démocratiquement élu, Shehu Shagari.
A défaut d’être adoubé par vote populaire, ce militaire dirige le pays entre 1983 et 1985. Comme une leçon sue, des collègues militaires l’ont, à leur tour, renversé au bout de 20 mois d’exercice du pouvoir. Aujourd’hui âgé de 72 ans, il revient au pouvoir par la grâce du suffrage universel. Elle est donc fermée, la parenthèse des échecs électoraux de 2003, 2007 et 2011.
La démocratie en construction depuis l’entrée en vigueur de la Constitution de 1999 le snobait à chaque fois qu’il lui tendait la main. Le Nigéria lui a préféré, 15 années durant, son ex-collègue militaire reconverti civil, Olusegun Obasanjo ou encore Goodluck Jonathan.
Dans ce sacre électoral, le boubou de civil sauve les apparences dans un pays qui, depuis 1960, aura connu 6 coups d’Etat pour 28 ans de régime militaire, une guerre civile sanglante de 1967 à 1970 (certains spécialistes parlent d’un million de morts).
Les apparences sauvées, reste alors à vêtir la réalité du manteau honorable de démocrate et, surtout, de capitaine d’un navire appelé à vaincre les périls que sont l’insécurité, la misère sociale, le recul économique, le défi démographique, la corruption et l’indiscipline.
Au pouvoir dans les années 80, Buhari I (le militaire) n’hésitait pas à sévir contre les fonctionnaires indélicats, les trafiquants de drogue et une icône rebelle de la musique comme Fela Kuti. Revenu au pouvoir, Buhari II montre qu’il n’a pas trop souffert des souvenirs ressassés sur des affiches de campagne griffant l’image de Buhari I : « Tyran un jour, tyran toujours ».
Il ne rigole pas, non plus, avec l’indiscipline comme avec l’occupation d’une partie du territoire. Apôtre de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale, Buhari II porte un discours assez ferme sur Boko Haram. Il garde la réputation d’homme à poigne, en sachant, bien sûr, que le contexte démocratique ne célèbre plus les tyrans.
Musulman originaire du Nord, Buhari est le symbole de la diversité dans un pays confronté à la pieuvre Boko Haram. Il est le trait d’union entre le Nord, en majorité musulman, et le Sud, en majorité chrétien.
Le fait d’arborer l’étendard d’une république indivisible est un bon point. Son charisme renaissant a résisté à la propagande électorale qui l’a présenté comme un extrémiste musulman. Pourtant, ses partisans soutiennent qu’il a lui-même échappé à un attentat terroriste en 2014.
Il a capitalisé le large consensus autour de sa candidature, matérialisé par une coalition « All progressive congress (Apc) », pour être élu, en mars dernier, avec 54 % des voix contre 45 % pour le président sortant Goodluck Jonathan.
Outre l’insécurité, l’économie est un point essentiel sur sa feuille de route, dans un pays qui se retrouve face à une forte demande sociale et à une démographie importante. L’une des locomotives de l’Afrique (avec l’Afrique du Sud) doit gommer les inégalités grossissantes et combattre la corruption.
La démographie a une déclinaison sociale qu’il urge de prendre en charge, à travers le chômage des jeunes. Rétablir un Etat de droit, c’est également préserver les forces vives de la tentation terroriste et des trafics en tout genre.
La chute des cours mondiaux du pétrole (70 % des recettes de l’Etat) ne facilite pas la tâche au nouveau pouvoir appelé à trouver d’autres créneaux porteurs de croissance. L’agriculture est déjà un champ d’expérimentation de sa capacité à innover.
Le mieux-être pour tous les Nigérians est la nouvelle guerre de ce « démocrate converti, prêt à gouverner de façon démocratique ». Il entend marcher sur les périls, en dépit des réserves du très influent Prix Nobel de littérature nigérian (1986), Wole Soyinka.